La soirée de Médiapart ne s’appelle pas « présumé-e-s innocent-e-s », elle s’appelle « L’argent n’a pas d’odeur ». Je viens en pensant ne rien apprendre de nouveau. L’investigation dans les gros dossiers avance à petits pas, et là, la messe semble presque dite, enfin ! En cette période de printemps, j’ai envie de crier victoire avec d’autres, d’applaudir, de remercier la meilleure équipe d’investigation des environs. Certes, il y a la peau de l’ours à ne pas vendre et à quel moment crier victoire ? Le jugement Nicolas Sarkozy et de ses 11 coprévenus sera annoncé le 25 septembre 2025. Fabrice Arfi n’avait jamais réussi à parler à Nicolas Sarkozy jusqu’à récemment au tribunal, et l’ancien président lui a dit « Quand on perd, il faut savoir le reconnaître ». Le contexte ne porte pas à l’optimisme et à la joie. Le plus dur est peut-être devant nous. La « société du spectacle » virulente rappelle au journaliste, la citation de Guy Debord « Dans un monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux ». Encore un peu de patience ! mais quand même, bravo et merci Fabrice Arfi, Karl Larske, Marine Turchi et tou-te-s les autres ! Je suis aussi certain qu’il est dangereux de ne pas reconnaître des victoires dans des batailles, car ne pas marquer le coup désorganise.
Médiapart n’avait pas mis longtemps à me convaincre que le « présumé innocent » Nicolas Sarkozy tomberait – sans doute – sur cette affaire, question de quantité d’éléments et de gravité. C’était stratégique pour la démocratie française. François Mitterrand est arrivé au pouvoir vieux, il a présidé malade et fait ce qu’il a fait au Rwanda en fin de vie, sans avoir à rendre des comptes. Jacques Chirac était âgé et malade quand les affaires et les procès l’ont rattrapé, et, il n’a pas payé. Il y avait, de fait, une impunité présidentielle en France. Nicolas Sarkozy pouvait-il être lui aussi intouchable? La démocratie en souffrirait, et d’autant plus que son affaire principale concernait sa campagne d’arrivée au pouvoir. La démocratie, souvenez-vous, c’est cette chose qui depuis Montesquieu est basée sur la séparation de trois pouvoirs, l’exécutif, le législatif et le judiciaire : « La théorie de la séparation des pouvoirs vise à séparer les différentes fonctions de l’État, afin de limiter l’arbitraire et d’empêcher les abus liés à l’exercice de missions souveraines ». Marine Le Pen ne profitera pas de l’affaire puisqu’elle est maintenant sous le coup de l’inéligibilité, en attente d’un appel, semble-t-il mal partie. Le Rassemblement national pourrait être désorganisé un moment.
Sur les dictateurs comme Kadhafi et leur lien avec les dirigeants français, je travaille tous les jours et s’il est question d’élections, je suis concerné. L’Etat de la démocratie en France et en Afrique sont liés. Fabrice Arfi et Danièle Klein, membre d’une famille victime de l'attentat du DC10, reviennent sur Abdallah Senoussi, l’homme de l’attentat du DC-10 d'UTA le 19 septembre 1989 au-dessus du Niger. Il est également impliqué dans l’attentat de Lockerbie en Ecosse le 21 décembre 1988 et dans le massacre de prisonniers dans la prison d'Abou Salim en 1996. Il est actuellement détenu en Libye. 1988-1989, c’est l’époque de plusieurs attentats contre des avions. Les archives de Samir Shegwara, dont parlent Karl Laske et Vincent Nouzille, mettent en cause l’artificier des services secrets libyens Abou Agila Mohammad Mas’ud Kheir Al-Marini, dont le procès concernant Lockerbie doit s’ouvrir à Washington en mai 2025, et elles sont « susceptibles de provoquer à Paris une réouverture de l’enquête sur l’attentat contre le DC-10 d’UTA ». On oublie souvent un attentat, celui d’Aweil au Soudan du Sud contre Médecins sans frontières, le 21 décembre 1989. Mais qui a choisi comme date pour faire un nouvel attentat contre un avion la date de l’anniversaire de l’attentat de Lockerbie ?
Régis Marzin
10 avril 2025