Le mois d’avril 2014 a montré une
« bascule »du côté de la vérité
contre le négationnisme surtout grâce à l’expression et au travail des
journalistes qui se sont majoritairement placé-e-s du côté d’une
dénonciation des acteurs français. Le
Mémorial de la Shoah participe activement à la
20e commémoration du génocide des Tutsi du Rwanda.L’enjeu se porte plus que jamais sur la vérité et
la justice sur la participation française dans le génocide, aussi, la
collaboration avec l’association des rescapés
Ibuka France permet d’aborder très largement l’implication
française. Après un
colloque en mai 2013, le colloque du 25 mai 2014
"1994 :
Le génocide des Tutsi au Rwanda. Les grands témoins" rassemble une grande partie des meilleurs spécialistes
du dossier.
Panel 1: de gauche à droite: Richard Mugenzi, Jean-François Dupaquier, Florent Geel, et sur la photo, Bernard Kouchner et Patrick de
Saint-Exupéry.
Quand j’arrive à 11h10, Bernard Kouchner vient de prendre la parole : j’ai manqué les
interventions de Patrick de Saint-Exupéry et de Richard Mugenzy. René
Degni-Segui, ex rapporteur de l’ONU, indiqué ‘sous-réserves’ au programme n’est
pas à la tribune. A cette tribune, auprès de Patrick de Saint-Exupéry et Bernard
Kouchner, se trouvent aussi Jean-François Dupaquier et, l’animateur, Florent
Geel de la FIDH.
L’ancien président de Médecins Sans Frontières et
ministre raconte son expérience sur le terrain, sa volonté d’une intervention
humanitaire. Il explique ses discussions avec Roméo Dallaire, dont les 400
hommes au service de l’ONU auraient pu arrêter une grande partie des massacres.
Bernard Kouchner aurait voulu que les massacres soient empêchés aux barrages :
« il fallait tirer ». Il relate ses divergences avec Kagamé sur le
sauvetage de l’hôtel des 1000 collines, sur les priorités dans les groupes à
sauver. Il explique avoir voulu impliquer Mandela, fraichement libéré et arrivé
au pouvoir, d’où son voyage avec Mitterrand en Afrique du sud (juillet), un
échec. Avant Turquoise, il a vu à Juppé et l’a poussé à intervenir, il a vu
deux fois Mitterrand, lui demandant aussi d’intervenir. « On ne nous
croyait pas, il y avait une propagande avec une inversion des rôles »,
précise-t-il. Mitterrand lui a dit : « vous exagérez ».
Selon lui, « Balladur et Léotard ne voulaient pas d’une
intervention ». Il dit être allé parler sur la Radio 1000 collines, la
voix des génocidaires, « parler au milieu des assassins ». Il
explique qu’avec l’ambassadeur Gérard Larome, il a essayé de convaincre Kagamé
d’accepter Turquoise. Il n’avait pas prévu que Turquoise aiderait la fuite des
génocidaires : « J’en ai reparlé à François Mitterrand »
souligne-t-il, d’un air désabusé. Un moment, il dit aussi : « j’ai
marché dans la bouilli », évoquant les cadavres sur le sol.
Bernard Kouchner parle de la suite, des 20 ans,
depuis. Il y avait un « bloc incessible », avec la procédure du juge
Bruguière, une « cécité sinon complicité ». Ensuite, ministre, il a
« créé le pôle du TGI ». « Le quai d’Orsay était
prudent, avec Bruguière, il y avait déjà les mandats ». Par Rose
Kabuye, il y a eu l’accès au dossier, et on comprend pour le MAE aussi :
« nous n’avions pas accès au dossier ». Le MAE
« négociait », puis il y a eu la rencontre Sarkozy – Kagamé. Pour
lui, « la justice change plus ou moins, et le pôle génocide était la seule manière d’avancer ». Il évoque
la séparation judiciaire, exécutif, législatif qui empêche de parler :
« on se tait ». Alors, un journaliste dans la salle, Alain Frilet,
l’interrompt, et lui dit que certains parlaient mais qu’il n’y avait pas d’
« écoute ». Alors, l’homme politique se met en colère :
« J’ai pas parlé… c’est pas assez tôt ! », et il se calme
aussitôt, dit qu’il ne faut « pas confondre » (les périodes ?).
Puis, il revient sur les 20 ans, sur l’accusation de Kagamé de
« participation » pendant l’ « organisation ». Il
indique « on l’a démontré, la
participation dans l’organisation ». Il reste nerveux, parle vite, ma
prise de note peut comporter un décalage avec les mots exacts. Ensuite, il
indique « Taubira devait y aller ». Parlant des « erreurs
politiques de François Mitterrand », selon lui, « il ne se rendait
pas compte » de la situation réelle, telle que l’on l’a comprend
maintenant. « L’honneur de l’armée n’est pas attaqué » car il y avait
« des ordres ». Mitterrand était focalisé sur « Fachoda »,
« l’erreur est politique et pas militaire ». « Les belges ont
fait un débat au parlement » alors que rien n’a été fait en France. Il y a
des « documents ». Il insiste sur un point : « Il faut que
l’on révèle qui a donné les ordres à
Bisesero ». Il rappelle qu’il
« a proposé un Tribunal Russel », précise qu’il y a des « ordres
auxquels des militaires ont participé aussi ».
Quelques personnes du public, se sont permis de
l’interrompre, avec un ton ou des sous-entendus accusateurs. Par exemple,
quelqu’un lui parle des « protections » au niveau des ministères, et
il réplique « le MAE n’a pas fait grand-chose, mais il s’est protégé
aussi ». Il a répondu chaque fois, et il conclut par « je suis prêt à
me faire engueuler une autre fois ». Est-ce que le niveau de colère
instantané ne correspond pas au niveau de son « curseur » dans les
révélations ? Un peu de colère signifie qu’il ne dira que ce qu’il pense
être bon de dire. Par rapport au colloque il y a un an, il y a un chemin de
parcouru. Au colloque du 26 janvier 2014, déjà, il avait
commencé à être plus précis. Il reste dans la salle, cette fois.
Panel 2: de gauche à droite :Alain Verhaagen, Alain
Frilet, Wolfgang Blam, Boubacar Boris Diop.
Les « grands témoins » suivants
s’installent ensuite autour de l’animateur : Alain Frilet,
ancien grand reporter, de Libération : Wolfgang Blam, médecin
de coopération allemande, Alain Verhaagen, ancien de MSF
Belgique au Rwanda en 1994, et l’écrivain sénégalais Boubacar
Boris Diop.
Je viens quelques jours avant de voir un
documentaire dans lequel Wolfgang Blam témoignait sur un
génocidaire en France. L’homme n’a pas beaucoup témoigné, encore, il parle avec
un peu d’émotions des 6 semaines de génocide qu’il a vécu. Il présente d’abord
le contexte, évoque les années précédentes : « il y avait des
attentats et massacres tous les ans. Au niveau de la communauté internationale,
avec les accords d’Arusha, on nous faisait entrer dans un piège. »
Il raconte le début du génocide. Sur le coup d’état,
il explique que les membres de l’opposition était visé, par exemple, un de ses
collègues médecin, qu’il a été obligé de cacher. Ce n’est qu’après une semaine
qu’il a comprit que les Tutsis était visés et que ce n’était pas seulement un
coup d’Etat. A Kibuyé, les Tutsi ont été rassemblés dans un stade, il fallait
leur fournir de l’eau et des toilettes. Il a commencé à reconnaître une manière
de faire un bouc émissaire comme les nazis. Après une semaine, le vendredi, il
y a eu un premier massacre dans une école, il est allé avec une
ambulance : les morts étaient tués par machette, massue, grenade ou
fusils. Il a compris que d’être médecin pouvait être compris comme être
« complice », donc « dangereux ». Puis le samedi, il y a eu
un massacre à l’église, et le mardi après-midi et le mercredi matin, le grand
massacre du stade. L’aide humanitaire ne suffisait plus, il fallait
« analyser pourquoi la situation ». Wolfgang Blam résume ainsi
les 3 premières semaines : 1 semaine de regroupement, entassement, 1
semaine de grands massacres, puis 1 semaine de petits massacres. Pour les petits
massacres, il donne les exemples de la famille d’un de ses collègues et de la
famille de sa femme. Il est parti quand il n’y avait plus personne qu’il
connaissait à protéger. Il dit « J’ai vu des enfants qui tuent des
enfants, des femmes qui tuent des femmes ». Il s’interroge sur la mémoire,
et l’oubli, le lien aux émotions.
Alain Verhaagen était pour Médecin
sans frontière Belgique au Rwanda pendant le génocide. Lui a au contraire
énormément témoigné déjà, en particulier dans des procès en Belgique. Il a
voulu montré que le génocide était prémédité et pas né d’une colère spontanée. Il
raconte le négationnisme en Belgique, surtout des universitaires, mais aussi
d’un lobby religieux parce que les politiciens chrétiens belges étaient proche
d’Habyarimana. Heureusement, à partir de 1990 le gouvernement belge avait
changé de position et des journalistes ont travaillé sérieusement sur le
génocide.
Il raconte comment, au moment de Turquoise, des
hélicoptères ont tirés sur le campement de MSF Belgique, malgré les drapeaux.
Comme je suis assis derrière Bernard Kouchner, je le vois et l’entends réagir
négativement à cette histoire.
Alain Verhaagen souhaite montrer des photos des
massacres, des corps, il insiste sur les corps tétanisés, morts de peur. Il
montre les corps dans une église tués par des grenades à fragmentation lancé
par un trou dans le mur. Il dit qu’il a compris qu’ « édulcorer les
images », c’était aussi par « intérêt ». Bernard Kouchner quitte
vers ce moment son siège et sans doute la salle. Alain Verhaagen décrit
l’organisation des Interhamwés, de la garde présidentielle, et des gendarmes.
Il évoque un « caractère ‘pilleux’ », un
« conditionnement » lié à la religion, le principe d’obéissance à
l’autorité. Selon lui, une autre preuve du caractère « non spontané »,
s’observe dans un
choix laissé à des femmes par les Interhamwés,
celui d’être violée (un enfant ‘Hutu’ naitrait d’un père ‘Hutu’ et une mère ‘Tutsi’)
ou d’être mutilée (ne plus pouvoir avoir d’enfant (‘Tutsi’)).
Boubacar Boris Diop parle de la difficulté en Afrique de s’informer sur le génocide. Lui, a compris
pendant un voyage au Rwanda en 1998. Selon lui, « un poids néocolonial
pèse toujours sur la presse africaine ». L’arrivée au pouvoir de Mandela
attirait toutes les intentions. Réagissant à une question d’Alain Frilet, il
lâche « la Françafrique est plus complexe : la gestion des élites est
une des composantes, avec des ONG, des écrivains, des journalistes, il y a une
gestion de proximité ». .. Il y a aussi «l’auto-racisme, dans la
légitimation de ce qui a servi à vous soumettre».
Panel 3 : de gauche à droite :
Jean-Pierre Chrétien, Stéphane Audouin-Rouzeau, Marie-France Cros.
Après une courte pause pour le repas, le colloque
reprend sur le racisme. Aussitôt, je doute de la pertinence du terme
‘racisme’ : le mot n’est-il pas employé en ce moment exagérément ?
S’il n’est pas question de ‘races’, s’il est question d’ ‘ethnies’
artificiellement créés à partir de classes sociales, figées par des cartes
d’identité, pourquoi parler de ‘racisme’ ?
Jean-Pierre
Chrétien parle de la « cristallisation d’un racisme », d’un
« génocide résultat d’un projet raciste, projet résistible, pas
inévitable. » Il préfère, plutôt qu’un exposé, un récit personnel de sa
lutte sur le sujet. Entre 1990 et 1993, il a vu venir le génocide, il y a eu des
alertes : après le massacre de Bugesora, il y a eu une forte réaction au
Rwanda, et une mission d’enquête associative, le passage à la télévision de
Jean Carbonare. Il a contacté par courrier Kofi Yamgnane et
Jean Auroux, qui n’ont jamais répondu. La MIP de 1998 a parlé d’une
«
course contre la montre entre la
logique de démocratisation et la logique du racisme ». D’ailleurs, le
16 avril, Hubert Védrine a réutilisé l’expression « course contre la
montre ». Pendant le génocide, l’information était surtout « comme un
disque rayé », les « media reprenant des éléments de langages »,
comme « guerre interethnique ou reprise de la guerre civile ». On
parle de 100 jours, mais « la grande masse des morts, c’est avril ». Libération
a parlé de génocide de 26 avril et le Monde le 30 juin. Il a lui-même inventé
l’expression de «
nazisme tropical ».
Avec la MIP de 1998, il y a eu des
« auditions sans assez d’enquêtes », et un « rapport
négocié ». Ensuite, est venu l’occultation avec Péan et Bruguière,
avec une « volonté de disqualifier les chercheurs, qui continue
aujourd’hui ». En 2014, c’est « une nouvelle vague de déni », en
atteste le rapport du 6 avril 2014 sur le
site de la fondation Mitterrand (6 avril,
Le rôle de la France au Rwanda en 1990-1994: des accusations infondées) ou un
texte de la Fondation Jean Jaurès (13 mars,
Rwanda: Bisesero, étude de cas)
Marie-France
Cros a couvert le Rwanda avant le génocide pour la Libre Belgique. Après un
article critique, le régime rwandais l’a invité pour la pousser vers sa
propagande. La répression était forte, et les témoins devaient prendre des
précautions pour parler de la dictature. Des opposants mourraient parfois dans
des accidents de voiture. Les déplacements étaient contrôlés, ce qui est resté
encore un peu. Les avocats n’existaient pas, il y avait des personnes avec des
licences de l’Etat qui pouvaient perdre leur licence.Selon elle « le racisme le plus visible était
celui des missionnaires ». Il y avait un « paternalisme belge »,
pas d’impérialisme comme pour les français. La société était très hiérarchisée.
« Une mise en scène du régime se faisait dans le sens de la simplicité, ce
qui plaisait au milieu catholique. Habyarimana était soutenu en Belgique par
les partis chrétiens, surtout par les flamands. Elle a failli perdre le dossier
sous la pression de « chrétiens ».
Selon elle « le racisme le plus visible était
celui des missionnaires ». Il y avait un « paternalisme belge »,
pas d’impérialisme comme pour les français. La société était très hiérarchisée.
« Une mise en scène du régime se faisait dans le sens de la simplicité, ce
qui plaisait au milieu catholique. Habyarimana était soutenu en Belgique par
les partis chrétiens, surtout par les flamands. Elle a failli perdre le dossier
sous la pression de « chrétiens »
Panel 4 : de gauche à droite : Philibert
Gakwenzire, Marcel Kabanda, Hélène Dumas
Un deuxième panel intervient sur le ‘racisme’.
L’historienne Hélène
Dumas propose son analyse très bien ancrée dans la culture et la langue
rwandaise. Selon elle, il y avait une « puissance performative des discours », les paroles étaient en
eux-mêmes des actes forts. Le registre religieux a été utilisé. Les lieux ont
été pensés, des lieux de cultes ont été choisis. « 40% des victimes »
sont décédées dans des lieux de cultes, et le clergé a aussi participé.
« Les Tutsi étaient renvoyés vers un monde non-chrétien, vers une « bestialité
diabolique ». Dans les villages, existaient des lieux nommés CND (Conseil
National pour le Développement), où se regroupaient des Tutsi pour se protéger,
alors, ces regroupements étaient interprétés comme des signes d’alliance avec
le FPR. Des cadavres ont été jetés dans des latrines. Le vocabulaire de la
chasse et de l’élevage a été employé pour animaliser, cependant le terme
Inyenzi (cafards) avait pris un sens plus guerrier comme synonyme de soldat du
FPR. Une langue du génocide est apparue. Le corps a aussi été décrit pour
justifier la cruauté puis des violences. Sans doute, que l’hypothèse théorique
de violences d’autant plus fortes que la
différence physique est faible pour créer une différence et justifier des actes
est à considérer. « L’ennemi est créé par la souffrance, le corps de
l’ennemi est créé par la cruauté. » Elle prend des exemples : un cœur
de femme ou un cerveau d’étudiante en médecine montrés ! Il y avait
« une exhortation à retrouver une langue ‘Hutu’ », « une
séparation des ‘histoires’ », un mythe de « retour à la pureté
originelle ». Elle évoque aussi le pillage.
Philibert
Gakwenzire est un jeune historien rwandais. Il a étudié sur une région la
genèse du génocide depuis 1959, dans les massacres du début de l’indépendance.
Il parle d’ « exportation des massacres », des « viols vus comme
des faits mineurs ».
Panel 5 : de gauche à droite : Richard Mugenzi, Raphaëlle Maison,
Jean-François Dupaquier, Yves Ternon.
Pour commencer, Jean-François Dupaquier commence par rectifier ou compléter le
titre de cette partie du colloque : la France… on parle « une trentaine de personnes » en
réalité. Ce correctif n’est pas anodin, et je suis d’accord.
Yves Ternon
présente le rôle de la France, dans un résumé d’une efficacité et d’une
précision de métronome. Depuis des années, j’ai été à beaucoup de débats,
et je n’ai jamais entendu une synthèse aussi claire. Travaillant moi-même sur
des textes de synthèses, j’ai remarqué que la commémoration a provoqué ce besoin
de sortir des détails et des affaires pour récapituler l’ensemble de la
participation française à partir des points essentiels. Quand c’est
Yves Ternon
qui le fait, c’est un historien de renom, reconnu, qui le fait, et l’auteur de
‘
L’État criminel. Les génocides au XXe siècle’, le fait au Memorial de
la Shoah.
Yves Ternon fixe le cadre : les
indépendances, puis la Françafrique.
Dès 1981, François Mitterrand est sensible à ‘Fachoda’. Habyarimana devient un
bon élève de la Françafrique et en parallèle, la politique française commence à ignorer la politique du dictateur
rwandais concernant les 340 000 réfugiés Tutsi hors du Rwanda. Avec le
discours de la Baule, du 20 juin 1990, le discours officiel devient « le soutien des régimes qui développe
la démocratie », et c’est exactement l’inverse qui se fait au Rwanda, et
surtout à partir de l’attaque du FPR du 1er octobre 1990.
Avec Noroît, le 8 décembre 1990, la désinformation
est déjà là. 30 personnes représentent la France, surtout l’Elysée et le MAE
avec les ambassades. Les « techniques de la guerre révolutionnaire »
(de Trinquier, à Muchielli) sont reprises, et la collaboration avec les
services secrets rwandais démarre. Le FPR est vu comme terroriste.
FerdinandNahimana intoxique avec sa « théorie du complot ».
« Les dirigeants français sont convaincus des
théories racistes ». Malgré les alertes, comme celle de la publication des
‘10 commandements’, « l’armée française, l’Elysée, l’ambassadeur Martre,
sont incapables de prévoir l’extermination » (erreur sur
Martre et
Galinié). Il y a une « accélération de la
désinformation, et cette désinformation est acceptée par les dirigeants
français, puis développée. » « Le colonel Galinié commandant Noroît
est inquiet et il est remplacé par le Cussac, qui lui adhère » à la
désinformation. Avec la « propagande noire », les accusations en
miroir, la désinformation augmente encore, mais l’officier français adhère. Il
y a les « messages imaginaires » du FPR que raconte Richard Mugenzi.
« Hubert Vedrine est le principal manipulateur » avec comme autre
décideurs « l’amiral Lanxade, Bruno Delaye, et François Mitterrand
malade ». Il y a « une aide militaire en même temps que l’acceptation de
la menace du génocide ». Après le « Le rapport de Bagosora sur
l’Ennemi intérieur », « militaires et politiciens le considère comme
possible ».
En 1992, c’est la création des Interhamwés et de
la coalition extrémiste CDR, de l’Akazu, du rezo 0, puis arrive le massacre de
Bugesera. L’autre versant, avec la fatigue et le refus de la guerre, ce sont
les négociations à Arusha. Le CDR, essaye de détruire le processus. « A
des barrages, des soldats français livrent des Tutsi », « les
militaires apprécient l’expérimentation ». En Juin 92, le COS et la DRM
sont créés, puis les DAMI sont renforcés. « Fin 92, début 93, la mission
Fidh, Eric Gillet, HRW, Alison Desforges, Survie, Jean Carbonare dénonce
la désinformation et les massacres ». Jean Carbonare passe sur France 2.
En février 93, il y a 250 morts à Gisenyi et l’offensive du FPR. C’est l’époque
où « Stefen Smith est ‘retourné’, avec plein d’autres ». Le 29 mars
1993, le PS perd les élections législatives, Balladur, Juppé, Léotard arrivent
au pouvoir. En août 93, les accords d’Arusha sont signés. Les 21 octobre au
Burundi, l’assassinat du Président Melchior Ndadaye provoque des
massacres de Tutsi. L’armée française quitte en décembre 93.
Yves Ternon en arrive au génocide. Il
retrace les faits : Bruno Delaye accuse le FPR. L’ambassadeur Marlaud
réunit des génocidaires juste avant la formation du gouvernement (GIR), alors
que « des négociations auraient pu avoir lieu avec des opposants ».
« A l’ONU, la France demande le retrait de la MINUAR ». Le 27 avril,
des membres du GIR sont reçus à L’Elysée, venant pour « recevoir des
armes ». « L’achat des armes est maquillable facilement ». La
désinformation continue. Il y a une peur d’une intervention de l’Afrique du
Sud. Le colonel Rosier qui prépare Turquoise est aussi en contact avec un génocidaire, le lieutenant-Colonel Anatole Nsengiyumva (à
vérifier). Le 23 juin, arrive des forces pour une guerre. Puis à Bisesero,
« Marin-Gillier découvre les survivants », et « l’appel à l’aide est
ignoré par le colonel Rosier ».
« La responsabilité est écrasante » conclut l’historien.
Une remarque se glisse sur la
naïveté de Bernard Kouchner par rapport à Mandela …
Raphaëlle Maison, juriste, intervient sur les progrès de la recherche et l’état des connaissances. Elle souhaite
que les universitaires travaillent ensemble. Elle commence par dresser la liste
des universitaires écrivant sur le sujet, remarquant qu’il y a plus de travail
sur les suites du génocide et le négationnisme, et que les progrès sont venus
des journalistes, et des associations, dont elle dresse aussi une liste. Il est
d’abord question des universitaires et de la volonté, en tant que tel-le-s, de
faire face à la participation des acteurs français dans le génocide. Selon
Raphaëlle Maison, le risque actuel est que les universitaires ne remplissent
jamais leur rôle dans l’élucidation. Elle ajoute, que le manque de lien entre
les différents domaines est un frein : « étude de l’histoire politique,
étude coloniale, étude des doctrines militaires, de l’espionnage, de la Françafrique »,
devraient être entrepris, et, pour l’instant le manque de travail dans l’ensemble des disciplines fait
blocage. Selon elle, les universitaires ne produiront pas la même chose que la
justice. Le rapport au savoir est en jeu comme avec la guerre d’Algérie et
Vichy.
Elle aborde ensuite la
« complicité de génocide ». Elle rappelle un passage du livre de
David Servenay et Gabriel Périès, « Une guerre noire », le fait que
Quilès et la MIP ont permis d’éviter le TPIR. Il y a un risque de « disculpation pénale ».
Elle résume à son tour les
faits :
-
90-93 : le soutien
politico-militaire dans la guerre civile, sous les formes de la formation des
FAR et des forces de l’ordre, les livraisons d’armes (et un 4e
point). Dans les négociations d’Arusha, en parallèle, un engagement militaire, qui fait que la neutralité n’est
pas présente.
-
les questions de
l’attentat de l’avion et du meurtre de deux gendarmes
-
la formation du GIR
-
pendant Amaryllis, les
abandons, la non-intervention, les livraisons d’armes
-
pendant la suite du
génocide : le soutien diplomatique au GIR, la tendance à ‘rétablir un
équilibre’ selon le g.al Quesnot, le rôle de Paul Barril et le rôle d’éventuels
mercenaires
-
pendant Turquoise :
les 27-30 à Bisesero et la fuite des génocidaires aux Zaïre, les exactions
donnant lieu à enquêtes pénales
-
les positions par rapport
au TPIR
-
les suites de la relation
France-Rwanda
-
le négationnisme
Pour elle, « la
collaboration » est plus à relier à la « politique coloniale »,
aux « massacres coloniaux », à une « politique africaine
secrète, en petit cercle ». Elle propose pour l’ouverture des archives, un
« groupe de recherche pluridisciplinaire. », qui puisse
« identifier les sources, les travaux » et viser une « première
évaluation universitaire ».
Jean-François Dupaquier souligne
que beaucoup de documents sont déjà disponibles chez les journalistes, et que
c’est la classe politique qui est dans « un refus et une
incapacité », il demande s’il faut « une nouvelle initiative
citoyenne, ou un tribunal Russel pour dépasser le refus de la classe politique ».
Raphaëlle Maison,
« partagée », répond qu’en théorie, une « enquête
parlementaire » serait adaptée. Elle insiste sur la nécessité pour les
universitaires d’ « imposer la thématique ».
Jean-François Dupaquier préfère
ensuite revenir sur le témoignage de
Richard Mugenzi, qui a déjà parlé le matin. Il le questionne alors en
direct.
JFD : « Est-ce que vous
avez-vu Paul Barril et ses mercenaires ? » RM : « Paul barril était
à Gisenyi en 94 et un peu partout au Rwanda. Il avait pris la relève de
Noroît » (à partir du 15 décembre 93, 23 coopérant était aussi restés)
« J’ai vu Barril avec Nsengiyumva dans le camp de Gisenyi » (Nsengiyumva
commandant la région de Gisenyi, près de Goma) « Les mercenaires sont
restés ». « Je l’ai vu déjà en 91 avec un petit groupe de
mercenaires, c’était un ami de l’Alliance » « Je l’ai vu 2 fois, une
première fois avec des mercenaires en 91, pas des soldats français, une 2e
fois en 94, avec une trentaine de mercenaires. Au camp de Butotori (?), les
mercenaires faisaient de la formation commando, amphibie, du zodiac. C’était
des mercenaires, car ils ne portaient pas de bérets rouges, avaient des bérets
noirs et des uniformes sans insignes ».
JFD : « (Quelle était la
relation entre) Nsengiyumva, le chef du renseignement militaire et les gradés de
Turquoise ? » RM : « La relation était
très rapprochée ». « Il y avait un français avec le chef des
FAR » (phrase à vérifier) « Nsengiyumva est parti à Goma en Juin, et a été
nommé responsable de la coordination avec Turquoise, puis il est revenu à
Gisenyi. »
JFD : « … les fausses
interceptions (du FPR) ? » (de mémoire, à vérifier, JFDupaquier
demandait si les fausses interceptions avaient pour objectif d’intoxiquer
l’armée française) :
« … pour l’armée française, je ne sais pas. On a continué l’intoxication
jusqu’à la fin. Les militaires français n’étaient pas tellement manipulés,
plutôt complice. Ce sont les français qui nous ont appris, le quadrillage et le
contrôle, les accusations. Ils sont
complices et pas manipulés ».
Panel 6 : de gauche à droite :
Yann Jurovics et Marcel Kabanda.
Yann
Jurovics, universitaire, a été juriste au TPIR. Il intervient sur la
justice. Il parle d’un « TPIR prioritaire sur la juridiction nationale,
pas comme pour la CPI ». Il évoque l’inertie de la justice, les
organisations criminelles selon le tribunal de Nuremberg (article 9). Comme le
TPIR a prouvé l’existence d’un plan génocidaire, seul le lien avec le plan est
à démontrer. Ainsi, pour Simbikangwa, le juge s’est basé sur le TPIR avant de
fixer les responsabilités individuelles. Il existe un « enjeu de qualification »,
« le génocide en droit français étant différent du génocide selon la
convention de 1948. » Ce qui compte c’est « l’intention criminelle et
pas le nombre de morts». Le racisme en droit se définit par « une
négation de la singularité et de l’égalité ». Au racisme, s’ajoute
« la politique discriminatoire, et la politique de crime
génocidaire ». Il signale que les massacres des juifs avaient commencés en
Allemagne avant le génocide lui-même. Selon lui « le plan génocidaire,
lui-même », est « une organisation criminelle » . Pour la complicité,
on distingue « les planificateurs, les bourreaux, et l’ensemble de l’aide,
dans un même plan, par une participation à degrés divers », et « le
juge qualifie par la peine ». Pour une complicité, « le chef
d’accusation, c’est le génocide, et pas la complicité ». Il signale que
« Nuremberg n’était pas rétroactif, malgré une appellation nouvelle »
(se basant sur des lois allemandes), et il y a eu « cristallisation et pas
nouveauté ». Selon lui, a propos de la lenteur, « la justice est en
échec face à la réalité criminelle ». Pour les nazis, ont été jugés 22
personnes a Nuremberg et 6000 autres, à Arusha au TPIR, 80 personnes, avec 2
millions de procédure dans les Gacaca pour 1 millions de personnes. Il conclut
sur une « justice de symbole », ce qui provoque une réaction négative
dans le publique, que je partage.
Et le colloque se termine par une
question du public sur les réparations
aux rescapés, avant les remerciements.