dimanche 24 septembre 2023

23 septembre 2023, Aubervilliers, Causerie sur agriculture avec Le Chiffon et les Amis de la Conf

Ce samedi, les Ami-e-s de la Confédération paysanne d'Ile-de-France invite à une rencontre avec le journal Le Chiffon, à la Pépinière, un lieu associatif à Aubervilliers présenté ce soir comme un « tiers-lieu nourricier » et qui accueille, entre autres, la cantine des « Femmes battantes ». Le journal d’enquête papier Le Chiffon, technocritique et consacré à l’Ile-de-France, vient de sortir un dossier sur l’alimentation et l’agriculture. Les journalistes présentent les grands points de leur dossier devant une vingtaine de personnes. Les Soulèvements de la terre sont également là.

50% des terres d’Ile-de-France sont cultivées, essentiellement pour des céréales destinées à l’exportation dans le monde entier. L’autonomie alimentaire de la région n’est que de 1,27%. Pour l’alimentation en Ile-de-France, il existe deux grands circuits d’approvisionnement, celui des grandes surfaces (50%) et celui de Rungis pour les plus petits magasins (40%) depuis 1969. Les 10 derniers pourcents correspondent à des livraisons de paysans. En 1969, Rungis était très connecté au réseau ferroviaire mais 50 ans plus tard il est desservi essentiellement par le réseau routier tout en servant de hub international dans du transport par avion. Avec Rungis, la vente selon le goût a été remplacé par la vente selon l’apparence. Depuis son ouverture, la logistique détermine largement les modes de consommations et les modes de production.

Actuellement, le projet Agoralim de la société Semmaris gérant Rungis vise à créer 4 entrepôts géants autour du Paris pour du bio, entre autres à Gonesse. Derrière des apparences généreuses en faveur d’une meilleure alimentation, ce projet a été critiqué dès son annonce en 2021. Gaspard Manesse, porte-parole de la Confédération paysanne d’Île-de-France indiquait alors au media Reporterre : « La grande majorité de la production en circuits courts se fait directement à la ferme, ou alors dans les petits marchés, sans intermédiaire. Construire un grand entrepôt pour vendre cette production est antinomique. C’est comme dire qu’on veut développer les librairies de proximité en ouvrant un entrepôt Amazon ».

Dans les cinq prochaines années, les départs à la retraite devraient conduire au transfert de propriété de près d’un quart des terres agricoles de la région. De grandes sociétés tentent d’accaparer les terres pour en faire d’encore plus grandes fermes industrielles. L’état pense pallier la disparition des humains par des machines dans une numérisation et une robotisation toujours plus grande.

Le débat part sur des pratiques alternatives, par exemple, des maraîchers salariés de communes fournissant des cuisines collectives. Si une minorité est motivée par des alternatives, pour le journaliste du Chiffon, « la population adhère à une dépossession » qui se fait avec son « assentiment ». La discussion se termine sur l’idée du passage du « savoir » à l’action ou « faire », par exemple dans des projets qui vise à une « déconcentration urbaine ».

Régis Marzin

jeudi 21 septembre 2023

20 septembre 2023, Paris, rassemblement pour la liberté de la presse et en soutien à Ariane Lavrilleux


Le mardi 19 septembre au matin, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a perquisitionné pendant plus de 10 heures le domicile de la journaliste d’investigation de Disclose, Ariane Lavrilleux, et l’a mise en garde à vue 48 heures « pour compromission du secret de la Défense nationale et divulgations d'identité de militaires » en raison de ses articles sur l’armée française en Egypte et l’opération française “Sirli”.

Un rassemblement en soutien à Ariane Lavrilleux, organisé par Disclose et RSF, est organisé ce mercredi 20 septembre à 18h30, place de la République à Paris. La DGSI s’attaque « au principe du secret des sources » selon RSF. Le scandale monte rapidement. Plusieurs partis politiques sont présents au rassemblement, EELV, LFI et le PS.

Que signifie collaborer avec la dictature égyptienne de Sissi ? Est-ce une dictature comme une autre ? Dans un classement africain du niveau de dictature, deux dictatures sont au niveau le plus élevé de répression de toutes les libertés, l’Erythrée totalitaire et sans élection, et l’Egypte généralement observé dans le cadre du Moyen-Orient. Les révélations sur l’opération française “Sirli” ont rappelé à ceux et celles qui faisaient semblant de ne pas le savoir à quel point il est problématique de collaborer avec une dictature de très haut niveau. L’attaque actuelle de la liberté de la presse en France en est une nouvelle démonstration.

Quels sont les ministres concernés ? Les ministres de la justice et de l’intérieur, bien sûr. Le 15 septembre, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, était au Caire. Au micro de LCI, parlant de l’Egypte, la ministre a dit : « C'est surtout pour la France un partenaire de longue date, un pays ami et un partenaire stratégique, et qui l'est encore plus dans ce monde en pleine recomposition que vous évoquez, en effet. L'Egypte, pour nous, c'est un pays clé, c'est une puissance régionale, c'est un partenaire de confiance, et c'est un pays qui prône la modération, ce qui lui permet d'être à la fois en mission pour parler au Président Poutine et l'interroger - cela n'est pas sans vertus - sur la guerre qu'il fait à l'Ukraine, et un pays qui aide l'Ukraine à faire progresser son plan de paix en allant à la réunion de Djeddah, il y a quelques semaines, destinée à faire progresser des idées ukrainiennes de paix et de dialogue. L'Ukraine prônant d'ailleurs la paix, là où la Russie, hélas, ne le fait pas… L'Egypte est l'un de nos premiers partenaires et nous sommes l'un de ses premiers partenaires… Son rôle géostratégique n'est plus à démontrer. Et elle parle à la fois aux Américains, à la fois aux Européens, aux Français de longue date… Donc nous nous sommes dans un pays ami, je le redis, un pays qui est un partenaire de confiance et qui parle à tout le monde. Sans comparer avec la France, je crois que cela a ses vertus de pouvoir aider à traiter les grands défis du monde, aider à traiter les grandes crises en s'adressant à tout le monde et en essayant de convaincre tout le monde qu'il faut faire plus, qu'il faut faire mieux. » Autrement dit, en raison de la guerre en Ukraine et du climat actuel rappelant la guerre froide, l’Egypte est stratégique. Quatre jours plus tard, l’état français s’attaque à Ariane Lavrilleux et à la liberté de la presse.

Depuis les coups d’Etat au Niger et au Gabon, les critiques de la politique française en Afrique redoublent. La politique en Egypte est analysée dans le cadre du Moyen-Orient mais cela n’empêche pas les regards de toute l’Afrique de se porter sur ce pays. Ce qui est souvent reproché aux dirigeants français, c’est d’être incapable de réformer profondément une politique encore trop imprégnée du fonctionnement du néocolonialisme, de continuer à se compromettre dans des dictatures, de ne jamais être clair dans ses relations avec des régimes détestés par les populations et se maintenant par de fausses élections sans démocratie. L’Union européenne est capable de dire pourquoi les coups d’état du Niger et du Gabon sont pour elle très différents. Elle est en mesure de parler sans être gênée des inversions de résultats des présidentielles au Gabon en 2009, en 2016 et peut-être en 2023, mais les gouvernements français se sont trop compromis avec Ali Bongo depuis 2009 pour adopter une position transparente. Le message de soutien français à Sissi arrive juste au moment où une clarification des positions françaises sur les dictatures en Afrique serait utile, une clarification sur la légitimité issu des élections pour certains régimes serait utile. Une fois de plus il sera compris, que les dirigeants français sont prisonniers du passé et incapable de réformer une politique obsolète et dangereuse.

Quand le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, est incapable de répondre aux questions de Médiapart sur l’atteinte de la liberté de la presse, cela n’est une surprise pour personne. Il ne sera pas aisé pour le gouvernement de sortir de l’impasse dans son conflit avec l’ensemble des journalistes d’investigation, aujourd’hui très remonté-e-s contre lui et plus que jamais motivé à continuer les enquêtes.

Régis Marzin

Paris, 20 septembre 2023

NB : Aucune photo prise au rassemblement où je suis présent.

lundi 18 septembre 2023

Paris, 17 septembre 2023, Conférence gesticulée pour une Sécurité sociale de l’alimentation

Ce dimanche, au jardin d’Ecobox dans le 18e à Paris, Mathieu Dalmais présente sa Conférence gesticulée intitulée « De la fource à la fourchette, Non ! l’inverse ! ». La conférence explique le projet de Sécurité sociale de l’alimentation, porté par un collectif d’organisations, dont la Confédération paysanne et Ingénieur sans frontières. Depuis 2022, le ‘bio’ dans les circuits courts et les Amap sont en difficulté et l’agriculture industrielle regagne du terrain qu’elle avait perdu. Il est temps de repenser à de nouvelles solutions pratiques. La sécurité sociale de l’alimentation pourrait aider les paysans, favoriser une agriculture saine adaptée à une transition climatique, aider les personnes les plus pauvres à se nourrir correctement, grâce à un fonctionnement démocratique.

Régis Marzin

18 septembre 2023

vendredi 15 septembre 2023

14 septembre 2023, Paris, Limitons les mandats en Afrique avec Tournons la page

En septembre 2022, la coalition associative Tournons la Page lançait une campagne citoyenne pour la limitation des mandats en Afrique. Cette campagne a pour objectifs de « sensibiliser les opinions africaines autour de la problématique des transitions démocratiques, amener la CEDEAO à prendre des dispositions pour que le principe de limitation du mandat présidentiel à deux au cours d’une vie soit une contrainte au niveau de chaque État » et « obtenir l’engagement de chefs d’État africains effectuant leur deuxième mandat ou ayant fait plus de deux mandats à ne pas se représenter pour un mandat supplémentaire ».

La journée commence par deux ateliers organisés pour un public militant et pour l’essentiel jeune, ‘Limitation des mandats et alternance démocratique en Afrique : enjeux et défis’ et ‘Repenser la démocratie au Sahel’. Je donne quelques précisions historiques sur les limitations du nombre de mandats, par exemple que les anciennes colonies françaises ont fonctionné deux fois par vague rapide provoquant une diffusion continentale, à la fois en 1960 et en 1990, pour les indépendances et pour les changements de constitutions de retour au multipartisme. Une diffusion rapide et complète de la limitation des mandats dans les anciennes colonies françaises en 1991 et 1992 a moins bien tenu qu’une diffusion plus lente et plus discutée dans les anciennes colonies britanniques, comme pour les indépendances, quand le multipartisme installé plus lentement a mieux résisté aux coups d’état et au monopartisme côté britannique. 

Les ateliers sont suivis d’une conférence de presse avec Brigitte Ameganvi de Tournons la Page (à droite), et les chanteur-se-s Didier Awadi (à gauche), Nanda et Momo Kankua. Le chanteur camerounais Valséro vient apporter la contradiction ce qui anime fortement la conférence de presse. La conférence part un moment sur l’origine de la démocratie en Afrique. Brigitte Ameganvi rappelle les revendications de la campagne en particulier sur la révision du ‘Protocole additionnel de 2001 sur la Démocratie et la Bonne gouvernance’ de la CEDEAO, pour que la limitation à deux mandats soit inscrite dans les textes de la CEDEAO.

De nombreux-ses chanteur-se-s et musicien-ne-s ont décidé de soutenir cette campagne. Ils et elles devaient se rassembler en septembre 2022 à Dakar mais leur concert a été interdit. Par la suite, Macky Sall a abandonné l’idée d’un troisième mandat mais a fait éliminer son adversaire principal de la présidentielle à venir, Ousmane Sonko. Le concert se tient finalement à Paris, à l'Espace Niemeyer, plus connu sous le nom de Colonel Fabien, comme le siège du PCF, ce 14 septembre 2023, à Paris, la ville où a été créé Tournons la Page en 2014.

Trois artistes, sans doute Papy Kerro (RDC), Lyne des mots (Côte d'Ivoire) et Nourrath la Debboslam (Niger), n’ont pas pu venir faute de visa, ce qui n’est pas sans rappeler l’actualité franco-africaine du jour, sur la coopération culturelle avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger. 7 artistes présentent deux ou trois morceaux, dans l’ordre, Don Stash (Togo), Elom 20ce (Togo), Nanda (Gabon, sur la photo), Momo Kankua (Togo), Léman (Bénin), Didier Awadi (Sénégal) et Meiway (Côte d'Ivoire). 

Ecoutant certaines paroles, je me demande comment la poésie et l’art vont réussir à dépasser un discours politique exprimé de manière trop didactique et bienpensant et je suis heureux de voir que cela passe, à chaque fois. Un moment Didier Awadi questionne le public. Assis au fond de la salle, l’artiste camerounais Valsero lui répond « Coup d’état » et Didier Awadi lui demande de le rejoindre sur scène pour chanter « Coup d’état démocratique », un titre plein de subtilité. C’est le meilleur moment de la soirée dans le mélange du fond et de la forme. Il y a aussi un peu de musique ‘trans’ béninoise et de liesse populaire congolaise. Le concert se termine évidemment par la chanson « Limitons les Mandats ! » chanté par les artistes tous ensemble.

Régis Marzin

Paris, 15 septembre 2023