vendredi 27 septembre 2024

Asnières, 26 septembre 2024, à propos de la bande dessinée ‘Rwanda, à la poursuite des génocidaires’

Depuis bientôt 20 ans, je me suis intéressé au génocide des Tutsis du Rwanda, y travaillant encore en 2021 sur la partie électorale de l’histoire rwandaise entre 1990 et 1994. Je m’intéresse aussi en ce moment à l’Afrique dans les bandes dessinées, à l’évolution progressive des points de vue, entre divertissement et vulgarisation de sujets sérieux.

Listant les titres sur l’Afrique, j’ai repéré sept bandes dessinées qui traitent du génocide des Tutsis du Rwanda :

-          - Petit pays, scénario Marzena Sowa d’après le roman de Gaël Faye, dessins Sylvain Savoia, 12.4.2024, Dupuis, une fiction d’après vécu sur le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 vu du Burundi

-     - Rwanda, à la poursuite des génocidaires, de Thomas Zribi, Damien Roudeau, aidés par Michel Welterlin (Témoins du Monde), d’après Dafroza et Alain Gauthier (CPCR), 9.23, Les escales, Steinkis

-          - La Fantaisie des Dieux, Scénario Hippolyte et Patrick de Saint-Exupéry, dessins Hippolyte, 2014, Les Arènes

-         - Turquoise, scénario Frédéric Debomy, dessins Olivier Bramanti, 2011, les Cahiers dessinés, 93p, sur la responsabilité de l’Etat français et l’attentisme de la communauté internationale

-         - Rwanda 1994, descentes aux enfers + Rwanda 1994, le camp de la vie,  2 tomes, scénario de Cécile Grenier et Austini, dessins de Pat Masioni, 2005 et 2008, Vent des savanes

-      - Pawa, Jean-Philippe Stassen, 2002, Delcourt, Belgique, documentaire, génocide, courtes histoires, paroles des habitants

-    - Déogratias, Jean-Philippe Stassen, 2000, Dupuis, Belgique, trois jeunes ami-e-s au moment du génocide, un garçon Hutu et 2 filles Tutsi, l’horreur vue dans les relations entre quelques personnes.

Le sujet difficile est emblématique de la capacité de la bande dessinée à exprimer de plus en plus l’inexprimable, ou tout au moins la violence dans les crimes de masse.

J’ai lu en avril 2024 ‘Rwanda, à la poursuite des génocidaires’, du journaliste et documentariste Thomas Zribi et du dessinateur Damien Roudeau, qui raconte l’histoire de Dafroza et Alain Gauthier au sein du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). Ce 26 septembre, la bande dessinée est présentée au public au Studio | ESCA à Asnières-sur-Seine. Les intervenants sont, de gauche à droite, Thomas Zribi, Michel Welterlin, Alain Gauthier et Bruce Clarke, artiste auteur des peintures.

Sur la forme, Thomas Zribi évoque la recherche d’équilibre entre les manières de montrer et cacher la violence. Il est allé au Rwanda avec le couple Gauthier et en a ramené des documents, des vidéos et photos qui ont été utilisées par Damien Roudeau.

Depuis plus de vingt ans, le CPCR poursuit en France des génocidaires présumés, montent des dossiers de témoignages de victimes rescapées et portent plainte en France, avec des témoins comme parties civiles. La France n’extrade pas vers le Rwanda. Depuis quelques années, des procès se déroulent mais à un rythme trop lent. Par exemple, le 1er octobre 2024, s’ouvrira le procès du Docteur Eugène Rwamucyo.

Une partie du public assez jeune n’était pas né en 1994 et demande qu’on lui rappelle les principaux événements du génocide. Il adresse surtout des questions à Alain Gauthier pour obtenir des précisions, par exemple sur les causes du génocide. Celui-ci évoque 40 plaintes. La personnalité la plus stratégique est Agathe Habyarimana, qui est visé par une plainte depuis 2007 mais n’est pas encore mise en examen. Elle est aussi importante, parce qu’elle est témoin du rôle d’acteurs français. Il indique que les témoignages sur les viols, difficiles à faire émerger, commence à être plus nombreux.

Régis Marzin

lundi 16 septembre 2024

Montreuil, 14 et 15 septembre 2024, Estivales de la permaculture

Pendant l’été 2024, l’actualité du climat en Afrique a encore accéléré : les sécheresses ravages l’Afrique australe et au moins deux états ont récemment annoncé le sacrifice d’animaux sauvages tels que les éléphants pour nourrir la population, dans le Sahel les inondations ont provoqué des refugié-e-s et autour de 1000 morts. En Afrique les signaux sont clairs : le réchauffement et le dérèglement climatique s’intensifie. C’est sans doute une des raisons qui m’amène aux Estivales de la permaculture à Montreuil, un festival au programme alléchant, entre conférences et concerts.

J’assiste à quatre des six conférences, surtout consacrées au climat et à l’effondrement. Samedi, le sociologue Thierry Brugvin présente des scénarios d’effondrement et quelques scénarios sans effondrement, qu’il a analysé dans son livre ‘Effondrement : 20 scénarios possibles’. Il s’agit de prévoir le futur sur les deux siècles à venir, certains prévoyant un épuisement du charbon en 2085. Les critères de l’épuisement des métaux, de l’énergie et du climat sont les principaux critères à prendre en compte. Les scénarios vont du plus pessimiste, tel que celui des Etats ou cités forteresses que l’on trouve dans la science-fiction post-apocalyptique, au plus optimiste basé sur une politique mondiale décroissante et écosocialiste. Au milieu, se trouvent quelques scénarios plus technologiques, dont certains basés sur le nucléaire au thorium et au Mox. Le chercheur propose de renforcer les analyses des défenseur-se-s du climat pour rendre plus crédibles et efficaces les luttes.
 
Le scientifique du CEA et communiquant du laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) à Saclay, François Dulac, présente, lui, la vision du GIEC. Le discours est déjà bien médiatisé et plus connu. Il rappelle que les rapports du GIEC sont élaborés collectivement par la communauté scientifique mondiale et qu’ils sont validés à l’unanimité à l’ONU. Le dernier rapport date de 2021. Tout ne peut pas être prévu dans les scénarios, par exemple, un éventuel affaiblissement ou arrêt du Gulf Stream vers l’Europe. Il évoque les vagues de chaleur et le seuil létal, parlant surtout de l’Afrique entre 2070 et 2100. Le chercheur présente par exemple parmi les sujets moins connus, le problème de l’augmentation de l’acidité (baisse de PH) des océans liés au CO2 qui provoque le développement de phytoplancton et de micro-algues, qui peuvent mettre en péril des chaines alimentaires. Il vend aussi le jeu ‘Climat Tic-tac’.

Le dimanche, Agnès Ducharne, du CNRS, se concentre sur la problématique de l’eau dans le climat. Le sud de l’Europe devrait s’assécher progressivement. L’assèchement va remonter vers le Nord. L’agriculture sera fortement impactée. Elle distingue l’eau bleue, liquide et l’eau verte, dans les sols, impossible à pomper. Elle présente des solutions technologiques, rapidement, et des solutions écologiques, plus longuement, la désimperméabilisation des sols en ville, les cultures plus sobres, la permaculture, les infrastructures vertes, la restauration des lits des rivières, avec l’utilisation des castors, le renforcement des normes ou l’hydrologie régénérative, science qui vise à « ralentir, répartir, infiltrer et stocker toutes les eaux de pluie et de ruissellement, et – densifier sa végétation multifonctionnelle, cultivée ou non, pour améliorer leur résilience face à nombre de problématiques liées à l’eau (sécheresses, érosion, canicules, désertification, inondations, fertilité, biodiversité, évolutions climatiques,…) »

Raphaël Stevens s’est fait connaître en 2015 en écrivant avec Pablo Servigne le livre ‘Comment tout peut s’effondrer’, qui a vulgarisé le concept d’effondrement et la « collapsologie ». Il présente des évolutions récentes de la recherche sur le sujet. Certains parlent de ‘Endgame’ et demandent au GIEC de mieux étudier les scénarios les plus défavorables au-dessus de 1,5 degré de réchauffement d’ici 2100. Certains parlent de « défaillances en cascade » plutôt que d’effondrement, d’autres de « basculement » ou de « points de basculement » (tippings points). Le débat avec le public revient sur les actions et les aspects mentaux, en particulier l’éco-anxiété (cf aussi la conférence que je n’ai pas entendue de Laure Noualhat). Les inquiétudes sur le climat provoquent selon lui des phases, par exemple de colère et de paralysie. Un jeune de 11 ans se fait applaudir avec une question sur la possibilité pour les gouvernements de faire du « collapse washing » pour gagner des élections. Le chercheur espère qu’agiront ensemble, les scientifiques sur les modèles et la simulation, les journalistes et les vulgarisateurs, et plus de monde dans des actions de terrain. Il s’inquiète de la question de la démocratie.

Au milieu des arbres des Murs à pêches, entre les stands associatifs, le bar et les stands de nourriture, en parlant aux vieux ami-e-s, sous le soleil frileux d’un piètre été indien puis près du feu, les concerts sont sans doute là pour nous éviter l’éco-anxiété. Le samedi soir est assez punk, avec Sagittarius A, Les Marteaux Piquettes et Abdullah Sheraton. La soirée du dimanche soir commence calmement avec Hillary & the Pinto Pack concert puis Lise cabaret trio. Puis King Kong Meuf vient clore le week-end en beauté et en furie.


Régis Marzin

16 septembre 2024

dimanche 8 septembre 2024

7 septembre 2024, Paris, Festival Silhouette 2024

Après 4 ans d’absence à cause de la Covid et du festival placé trop tôt en août, le festival Silhouette étant revenu cette année début septembre, me voilà de retour dans le public, pour les derniers jours du festival. C’est d’autant plus important pour moi que le cinéma en plein air de la Villette a été annulé à cause des Jeux Olympiques. Je ne suis pas encore assez chaud pour me remettre à prendre des photos et je vois qu’il y a plusieurs photographes très motivé-e-s qui font cela beaucoup mieux.

L’ambiance a changé. Un jeune homme avec un tatouage ‘femme fatale’ sur le bras symbolise peut-être l’évolution du public. Surtout, je découvre Vega TrashX, la drag queen maîtresse de cérémonie qui est là depuis 2021. Avec ou sans perruque, elle s’adresse au public en le voyant au féminin. Les réalisatrices sont très présentes.

Je suis très content des films que je vois pendant la semaine. J’ai l’impression qu’en mon absence le niveau a monté. Beaucoup de films sont joués par des adolescents et des enfants et très bien joués. Par exemple, j’apprécie beaucoup ‘1996 ou les malheurs de Solveig’ de Lucie Borleteau, une fiction de 31 minutes tournée en 2024 avec des lycéen-ne-s. Parmi les films primés que je découvre samedi soir, puisqu’il avait tous été projetés en début de semaine, je remarque la finesse de ‘Queen size’ d’Avril Besson, qui raconte la rencontre amoureuse entre deux femmes, l’une étant transsexuelle. C’est l’ovation pour ‘A mort le bikini !’ de Justine Gauthier (visible en entier ici), l’histoire d’une fille de 10 ans au Québec, qui ne veut pas de maillot une pièce et à qui sa mère achète un haut de maillot très cher pour qu’elle aille au parc aquatique avec ses copains, une comédie énergique qui commence par une référence à l’album Nevermind de Nirvana, comme un contrepoint et un antidote à ‘Smells like teen spirit’. Ou peut-être qu’est en route un vaste changement, entre raison et révolte, dans l’humour et la bonne humeur, arrivant par la jeunesse et un changement de génération ?

Régis Marzin

8 septembre 2024