Ce vendredi 31 juillet, à Paris, dans un hôtel proche
de Montparnasse, une conférence du Président du front Uni de l’opposition,
également Président de l’Union du Peuple Gabonais, Jean de Dieu Moukagni
Iwangou, est brillamment organisée par Réagir, association de la diaspora
Gabonaise à Paris, entre autres autour de Bruno Ondo, Gloria Mika, ou les
journalistes actuellement exilés à Paris, Jonas Moulenda et Désiré Ename.
Jean de Dieu Moukagni Iwangou revient d’une
semaine aux Etats-Unis, où une délégation de 8 personnes de l’opposition
gabonaise a été invitée par le Département d’Etat. Le Front Uni rencontre
maintenant régulièrement les diplomates américains et européens. L’ambassadeur
des USA ne souhaitant « soutenir seulement un changement par les urnes »,
le président du Front uni, par ailleurs juriste, a imposé à l’ordre du jour des
discussions à Washington l’« empeachment »,
la destitution bien connue outre-atlantique dont il avait été question pour le
président Nixon. En l’occurrence, il s’agirait d’aller jusqu’au bout de l’affaire
de l’Etat civil et de la situation
administrative du président gabonais, accusé de faux et usage de faux lors
de sa candidature à la présidentielle
en 2009, dans la fourniture d’un acte
de naissance. Jean de Dieu Moukagni Iwangou a lui-même saisi la Haute
Cour de justice gabonaise en novembre 2014.
A Washington, l’organisation non gouvernementale, National Democratic Institute (NDI, Institut
National Démocratique pour les Affaires Internationales), a été proposé
pour une « supervision » de la présidentielle de 2016, six mois avant
les élections, pour suivre la révision de la liste électorale avec biométrie, la
campagne, et le processus électoral jusqu’à la publication des résultats. Le NDI
intervient rarement en Afrique
francophone, et dans les 20 ex-colonies françaises, n’est sans doute intervenu
qu’à Madagascar en
2006 et à la présidentielle
de fin 2013 aux côté de l’Union européenne et de l’Organisation internationale
de la Francophonie. Cela pose donc d’autres questions sur la probabilité d’un accompagnement
international mixte technique et politique de bout en bout du processus
électoral.
Après 42 ans de pouvoir de la famille Bongo, évoquant
l’avis de diplomates français insistant eux-aussi sur « un changement qui
ne pourrait venir que des élections », Jean de Dieu Moukagni Iwangou indique que « le
bulletin de vote ne permet pas d’aboutir », parce que de « bout en
bout, le processus est sous contrôle », en particulier la révision des
listes électorales qui seront mal faites par le ministre de l’intérieur, et le
résultat qui sera validé par une Cour constitutionnelle dirigée par la mère d’Ali
Bongo. Le plaidoyer d’une « nouvelle élite formée à la bonne
gouvernance » continue pour tenter d’obtenir un processus électoral dans
des « standards internationaux ». Quelques allusions à la possibilité
d’une voie insurrectionnelle rappellent les accents du Congrès
de l’opposition pour l’alternance à Paris du vendredi 5 décembre 2014,
juste après la chute de Blaise Compaoré.
Jean de Dieu Moukagni Iwangou pose des conditions
pour un « dialogue inclusif » voulu par l’Onu, la prise en
compte de 2 questions préjudicielles. Le Front Uni demande, primo, que le
dialogue soit arbitré par une « autorité de médiation » composée de l’ONU,
l’Ue et l’Ua, secundo, que soit discuté la situation administrative du chef de
l’Etat actuel, soit, selon le document ‘Agenda cadre’ distribué avec le dossier
de presse, à l’aide d’une « clause attributive de compétence au bénéfice d’une
juridiction internationale », soit à l’aide de « modes alternatifs de
règlement des conflits, notamment la médiation, la conciliation, et l’arbitrage ».
Selon le président du Front, la destitution est un
devoir et la résistance constitutionnelle un droit. Pendant le débat avec la
salle, Jean de Dieu Moukagni Iwangou répond à une question sur l’éventualité d’un
boycott, que le Front uni participera à toutes les élections, mais prévoit que « le
régime sera destitué » et que la « destitution s’ouvrira sur une
transition puis une réforme de la constitution, avec retour à une élection à
deux tours, à une limitation du nombre de mandats, et une biométrie
électoral » correcte. En réponse à la question du candidat unique du
Front, il affirme que les 27 membres du Front peuvent proposer des candidats et
que le Front souhaite une élection à 2 tours.
Sur la relation avec le gouvernement français, il
revient sur l’épisode de l’acte de naissance des archives de Nantes, qui fait
qu’Ali Bongo doit toujours montrer la preuve de sa nationalité.
Devant une diaspora gabonaise parisienne militante
contre la dictature, si tout n’a sans doute pas pu être dit sur la stratégie de
l’opposition, la conférence de presse organisée par Réagir a permis de bien
éclaircir certains points. L’effet de la chute de Blaise Compaoré a maintenant
presque disparu. La perspective d’une nouvelle élection organisée par un régime
dictatorial très peu soutenu par la population se rapproche. Ali Bongo ne
semble pas capable de faire autre chose que de préparer une nouvelle mascarade
électorale. Cet enjeu de la fin de la dictature gabonaise, emblématique de la
Françafrique, révèle aussi les hésitations
de la communauté internationale à soutenir la qualité des processus électoraux
en Afrique et à s’engager concrètement pour la démocratisation du continent.
Compte rendu rédigé le 4.8.15