jeudi 21 septembre 2023

20 septembre 2023, Paris, rassemblement pour la liberté de la presse et en soutien à Ariane Lavrilleux


Le mardi 19 septembre au matin, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a perquisitionné pendant plus de 10 heures le domicile de la journaliste d’investigation de Disclose, Ariane Lavrilleux, et l’a mise en garde à vue 48 heures « pour compromission du secret de la Défense nationale et divulgations d'identité de militaires » en raison de ses articles sur l’armée française en Egypte et l’opération française “Sirli”.

Un rassemblement en soutien à Ariane Lavrilleux, organisé par Disclose et RSF, est organisé ce mercredi 20 septembre à 18h30, place de la République à Paris. La DGSI s’attaque « au principe du secret des sources » selon RSF. Le scandale monte rapidement. Plusieurs partis politiques sont présents au rassemblement, EELV, LFI et le PS.

Que signifie collaborer avec la dictature égyptienne de Sissi ? Est-ce une dictature comme une autre ? Dans un classement africain du niveau de dictature, deux dictatures sont au niveau le plus élevé de répression de toutes les libertés, l’Erythrée totalitaire et sans élection, et l’Egypte généralement observé dans le cadre du Moyen-Orient. Les révélations sur l’opération française “Sirli” ont rappelé à ceux et celles qui faisaient semblant de ne pas le savoir à quel point il est problématique de collaborer avec une dictature de très haut niveau. L’attaque actuelle de la liberté de la presse en France en est une nouvelle démonstration.

Quels sont les ministres concernés ? Les ministres de la justice et de l’intérieur, bien sûr. Le 15 septembre, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, était au Caire. Au micro de LCI, parlant de l’Egypte, la ministre a dit : « C'est surtout pour la France un partenaire de longue date, un pays ami et un partenaire stratégique, et qui l'est encore plus dans ce monde en pleine recomposition que vous évoquez, en effet. L'Egypte, pour nous, c'est un pays clé, c'est une puissance régionale, c'est un partenaire de confiance, et c'est un pays qui prône la modération, ce qui lui permet d'être à la fois en mission pour parler au Président Poutine et l'interroger - cela n'est pas sans vertus - sur la guerre qu'il fait à l'Ukraine, et un pays qui aide l'Ukraine à faire progresser son plan de paix en allant à la réunion de Djeddah, il y a quelques semaines, destinée à faire progresser des idées ukrainiennes de paix et de dialogue. L'Ukraine prônant d'ailleurs la paix, là où la Russie, hélas, ne le fait pas… L'Egypte est l'un de nos premiers partenaires et nous sommes l'un de ses premiers partenaires… Son rôle géostratégique n'est plus à démontrer. Et elle parle à la fois aux Américains, à la fois aux Européens, aux Français de longue date… Donc nous nous sommes dans un pays ami, je le redis, un pays qui est un partenaire de confiance et qui parle à tout le monde. Sans comparer avec la France, je crois que cela a ses vertus de pouvoir aider à traiter les grands défis du monde, aider à traiter les grandes crises en s'adressant à tout le monde et en essayant de convaincre tout le monde qu'il faut faire plus, qu'il faut faire mieux. » Autrement dit, en raison de la guerre en Ukraine et du climat actuel rappelant la guerre froide, l’Egypte est stratégique. Quatre jours plus tard, l’état français s’attaque à Ariane Lavrilleux et à la liberté de la presse.

Depuis les coups d’Etat au Niger et au Gabon, les critiques de la politique française en Afrique redoublent. La politique en Egypte est analysée dans le cadre du Moyen-Orient mais cela n’empêche pas les regards de toute l’Afrique de se porter sur ce pays. Ce qui est souvent reproché aux dirigeants français, c’est d’être incapable de réformer profondément une politique encore trop imprégnée du fonctionnement du néocolonialisme, de continuer à se compromettre dans des dictatures, de ne jamais être clair dans ses relations avec des régimes détestés par les populations et se maintenant par de fausses élections sans démocratie. L’Union européenne est capable de dire pourquoi les coups d’état du Niger et du Gabon sont pour elle très différents. Elle est en mesure de parler sans être gênée des inversions de résultats des présidentielles au Gabon en 2009, en 2016 et peut-être en 2023, mais les gouvernements français se sont trop compromis avec Ali Bongo depuis 2009 pour adopter une position transparente. Le message de soutien français à Sissi arrive juste au moment où une clarification des positions françaises sur les dictatures en Afrique serait utile, une clarification sur la légitimité issu des élections pour certains régimes serait utile. Une fois de plus il sera compris, que les dirigeants français sont prisonniers du passé et incapable de réformer une politique obsolète et dangereuse.

Quand le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, est incapable de répondre aux questions de Médiapart sur l’atteinte de la liberté de la presse, cela n’est une surprise pour personne. Il ne sera pas aisé pour le gouvernement de sortir de l’impasse dans son conflit avec l’ensemble des journalistes d’investigation, aujourd’hui très remonté-e-s contre lui et plus que jamais motivé à continuer les enquêtes.

Régis Marzin

Paris, 20 septembre 2023

NB : Aucune photo prise au rassemblement où je suis présent.

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