dimanche 21 décembre 2014

21 décembre 2014, Paris, Tchad : conférence du chef de file de l'opposition

Ce dimanche, à l’Agéca à Paris, le Chef de file de l’opposition démocratique au Tchad, le président de l’Union Nationale pour la Démocratie et le Renouveau (UNDR), le député Saleh Kebzabo, vient présenter la situation au Tchad à la diaspora tchadienne. En avril 2011, déjà, j’avais déjà eu l’occasion d’écouter le leader tchadien et compris ce jour-là que le régime tchadien était le pire parmi ceux des ex-colonies françaises. La conférence est également animée par Balaam Facho et Mahamat Zhang.
Saleh Kebzabo présente d’abord le pouvoir tchadien. Sur 150 partis, une centaine sont des alliés du MPS au pouvoir. Le MPS lui-même compte peu de militants. En les faisant dépendre de l’Etat, Déby a transformés les chefs traditionnels en ‘obligés’. Deux familles tiennent le pouvoir, celle de Déby et celle de sa femme.
Il revient sur le conflit au Mali. Des soldats tchadiens se sacrifient, Déby traite ses troupes comme des esclaves et ne représente pas la population tchadienne et, pourtant, les remerciements vont pourtant vers Déby. Il propose aux occidentaux, de faire la différence entre Déby et l’armée tchadienne, pour pouvoir soutenir la démocratie. Saleh Kebzabo évoque aussi les déstabilisations de Déby dans les pays voisins, au Soudan et au Darfour, en RCA en 2012-2013, ou au sud de la Libye. Pour le Nigéria, il évoque l’amitié avec le sénateur Ali Shérif (SAS) qui investit actuellement dans l'immobilier au Tchad et a été accusé d’avoir lancé Boko Haram, jusqu’à ce que les Services secrets Nigérians démentent le 17 décembre 2014.
« Dans quel pays l’opposition est-elle unie ? L’opposition est plurielle et divisée, mais est capable de se réunir pour prendre le pouvoir, par les urnes » , ce qu’il souligne de son intonation, sans doute avec une sorte de sous-entendu sur les rébellions et politico-militaires. 50 partis environ la composent. 32 députés sur 188 sont très actifs, comme par exemple en ce moment contre le nouveau Code pastoral. L’opposition tchadienne est l’une des plus pauvres d’Afrique, alors que la vie politique a un coût. Il pense cependant qu’il est possible de « faire de la faiblesse une force ». La division Nord-Sud qui correspond à Musulmans-chrétiens est dépassée. Il voit 3 tendances : une opposition qui exige un parlement de transition en 2015 à la place de la prolongation du parlement de 2015 à 2016, une autre qui refuse la candidature de Déby en 2016, et une troisième qui veut respecter la constitutions, en laissant Déby se présenter pour le battre. Un forum mi-janvier permettra de discuter des stratégies.
Selon lui, Déby est moins arrogant depuis la révolution burkinabé et ne veut plus de vagues. Il constate une grande différence entre Burkina Faso et Tchad, avec d’un côté une population politisée, et de l’autre une population qui il y a 20 ans avait tendance à régler les contentieux à coup de fusil. Pour lui, « il n’y a pas de besoin de passer par la rue », et, cependant, « on va apprendre rapidement à être dans la rue ». Le scandale de l’automne, l’affaire de la pénurie de pétrole s’éloigne déjà, et le prix du pétrole étant bas, les salaires ont été payés grâce à une forte amende de la société pétrolière chinoise. Les mouvements spontanés ne sont pas programmables, et l’opposition elle-même est faible.
En 2016, le processus électoral devrait s’améliorer avec la biométrie, avec la disparition du vote multiple qui constituait les 2 tiers des fraudes. Seule la biométrie pour le recensement serait appliquée, car l’opposition ne veut pas de la gestion électorale. Cependant, 15 000 bureaux de votes impliquent 30 000 délégués pour surveiller, et un budget en conséquence. Il appelle la diaspora à soutenir. La métaphore des « lièvres » de la présidentielle de 2011, comme dans une course d’athlétisme, fait sourire la salle. Il espère que l’Union européenne va s’impliquer beaucoup plus sur le processus électoral, ce qui n’est pas assuré.
Sur l’affaire Ibni Oumar Saleh, dont il vient de nouveau de discuter de manière tendue au Ministère des affaires étrangères français, il regrette que l’affaire n’avance pas en France depuis l’arrivée du PS au pouvoir, qu’il y ait un argument de secret-défense qui bloque maintenant la réalisation d’une commission d’enquête au Sénat. Il confirme que la hiérarchie des militaires français interdit de répondre.
Article écrit et publié le 25.12.14

samedi 20 décembre 2014

20 décembre 2014, Paris, Congo B : Sassou Nguesso acceptera-t-il de quitter le pouvoir en 2016 ?

Je me rends à l’Hôtel Holiday Inn à Porte de Clichy ce samedi 20 décembre pour la fin du ‘meeting des Forces du Changement et du Progrès Social Contre le Référendum, le changement de la  constitution et le dialogue de sourds’ où interviennent Wilfrid Ognany, le modérateur, Jean Didier Milebe, du Forum pour l’alternative et la république, Bob Ebaka, de l’association Demain le Congo, John Binit-Dzaba, du Service d’action civile et de résistance (Sacer), Lydie Kolelas, du cercle de réflexion Bernard Kolélas, Joseph Loemba, du Conseil pour la libération et le changement (CLC), Jean-Richard Samba Dia Nkumbi, de l’association Nsimou en mémoire contre l’oubli, Norbert Samouna, du Mouvement pour l’unité et le développement du Congo, Robert Poaty Pangou, de l’ ‘Etat du sud Congo’, Jean-Claude Béri, de Développer autrement le Congo (Dac), et Laurent Dzaba, des Forces du Changement et du Progrès Social, organisateur principal, sur la photo. Je ne connais encore personne. La grande salle est pleine.
Comme François Hollande le lui a rappelé à Dakar, Sassou Nguesso fait face à un verrou constitutionnel qu’il a peu de chance de réussir à supprimer. Il a de quoi être jaloux des autres vieux tyrans de la Françafrique comme Idriss Déby ou Paul Biya qui ont déjà supprimé les limitations du nombre de mandats présidentiels. Dans la constitution du Congo de 2002, l’article 57 l’empêche de faire plus de 2 mandats de 7 ans et la limite de 70 ans de l’article 58, comme il aura 73 en 2016, le bloque aussi. Pauvre dictateur : l'article 185 précise l’interdiction de modifier l'article 57 : « La forme républicaine, le caractère laïc de l'État, le nombre de mandats du président de la République ainsi que les droits énoncés aux titres I et II ne peuvent faire l'objet de révision. » Pour continuer après 30 ans de pouvoir jalonnés de crimes, de massacres, de pillage des richesses, il lui faudrait changer de constitution. Et là, il n’a pas fini de compter les obstacles. Alors qu’avant la révolution burkinabé, cela aurait pu passer comme une lettre à la poste, en apparence, et peut-être en apparence seulement, maintenant, la probabilité de réussir à changer la constitution devient beaucoup plus basse.
Certains systèmes dictatoriaux moins criminel et basé plus sur un parti subsiste après le passage de bâton à un homme de paille, mais sa dictature repose sur son auguste personne et le système est a priori non durable après le départ du chef.
La faiblesse soudainement apparue grâce à la révolution burkinabé est de mieux en mieux comprise, et, toutes les "oppositions" commencent à se réorganiser pour une alternance en 2016. Dans le parti au pouvoir, le Parti congolais du travail (PCT), les divergences sont plus visibles, des anciens ministres du PCT ou des partis alliés cherchent à se rassembler avec des personnalités nouvelles ou moins illustres, des ‘jeunes’ apparaissent. Ce n'est que le début d'un processus qui devrait s'accélérer.
A Paris, se sont fait déjà connaître, les Assises Nationales du Congo pour l'Alternance Démocratique, avec Jean Luc Malékat, Alexis Miayoukou, Benjamin Toungamani et Noël Magloire Ndoba, ou La Ligue Panafricaine du Congo – UMOJA apparue dans les manifestations pour le Burkina Faso, ou encore, autour de Mathias Dzon, un ancien ministre, le groupe de contact des oppositions africaines et un Comité de suivi des  conclusions des rencontres des d'opposants aux réformes constitutionnelles du 14 novembre 2014. La veille, un parti l'Union des Forces de Reconstruction (UFR) de Gérard Milandou lançait un appel pour une nouvelle Conférence Nationale Souveraine. La conférence des Forces du Changement et du Progrès Social organisée surtout par Laurent Dzaba du site Zenga-Mambu, rassemble des personnalités pour un initier un dialogue et des convergences.
Dans la dernière heure de l’événement, Laurent Dzaba revient sur quelques messages consensuels : le refus d’un gouvernement d’union national et d’un dialogue de concertation mené par le régime dans son propre intérêt, la menace de la Cour Pénale Internationale en cas de violences dans les 2 ans à venir, et pour les élections « la reprise du recensement administratif avec la participation de tous et la mise en place d’une commission électorale véritablement indépendante ».
Il y a bien sûr des divergences et un intervenant précise que ne peuvent se rassembler que des personnes auparavant « éparses », et que le dialogue permettra de sortir des « frustrations » qui génèrent les conflits. Il s’agit en particulier d’éviter que le départ de Sassou Nguesso ne réveille une opposition Nord-Sud. Pour celui que certains appellent « le doyen », le problème de Sassou Nguesso est déjà réglé « moralement et politiquement », et il faut surtout voir au-delà de 2016. Pour une autre personne, il faudrait entreprendre une « relecture historique » qui revienne sur le « sang versé ».  
Dans la salle, Pascal Malanda propose sa brochure intitulée ‘Le piège constitutionnel, apaisement ou déchirement, esquisse d’un sursaut national’. Comme au Congo Kinshasa voisin, la question de la limitation du nombre de mandats reste la question principale actuellement au Congo-Brazzaville, et deux jours plus tard, la Conférence épiscopale congolaise, dans un ‘message de Noël’, défend la constitution actuelle et propose que « l’alternance au pouvoir devienne une règle intangible et immuable pour la démocratie » ce qui a provoqué une crise d’urticaire au palais. Sassou Nguesso très soutenu par les dirigeants français à l’époque a fait la guerre entre 1997 et 1999, il n’a pas encore digéré la claque de Dakar et accepté l’idée d’un départ sans résistance en 2016. Les années 2015 et 2016 s'annoncent complexes et sans doute agitées au Congo Brazzaville.
Article écrit et publié le 25.12.14