dimanche 15 septembre 2019

13, 14, 15 septembre 2019 – soutien aux révolutions algérienne et soudanaise à la Fête de l’Humanité

La Fête de l’Huma commence cette année au Village du monde par une soirée de solidarité avec le peuple algérien, en lutte très active pour la démocratie depuis 7 mois. La soirée du vendredi à l’Espace débat du village est organisée avec l’aide du collectif Agir pour le changement démocratique en Algérie (ACDA) et le festival Racont’Arts. Les intervenant-e-s du débat « Vers une Algérie libre et démocratique » sont de gauche à droite Sanhadja Akrouf San Akhrouf, militante féministe et représentante de l’ACDA, Kheireddine Lardjam, metteur en scène, Malek Bensmail, réalisateur, Sarah Haidar, romancière, Yanis Adjlia, du Mouvement des Brassards rouges de Bejaïa, Latifa Madani, animatrice, Denis Martinez, peintre et Rosa Moussaoui, journaliste à l’Humanité.
Rosa Moussaoui dénonce un processus électoral qui pourrait être imposé par l’armée aux manifestants (le dimanche soir une date est fixée au 12 décembre). Sanhadja Akrouf, également organisatrice avec l’ACDA des rassemblements du dimanche à République à Paris, rappelle que la « liberté a été confisquée par le parti unique depuis 1988 » et que Abdelaziz Bouteflika a voulu « humilier » le peuple par un cinquième mandat. Elle indique que l’élection est impossible tant que des prisonniers politiques restent enfermés. Elle insiste sur la défaite certaine du peuple si une élection est organisée pour départager « ceux qui reçoivent de l’argent du pouvoir ou de l’Arabie saoudite ». Elle demande au contraire du temps pour « construire un projet », pour régler des questions comme celle du soutien à l’armée par peur de l’islam, maintenant que « les partis d’opposition se parlent ».
L’idée d’une constituante est évoquée et il est annoncé qu’un débat aura lieu le 20 septembre à la LDH sur le sujet. La distinction entre « intérieur et extérieur » de l’Algérie est faite quand est signalé le rejet de l’ingérence extérieure. Pour Sanhadja Akrouf, la diaspora en France est « à l’intérieur ». Elle souhaite que « Macron lâche » le pouvoir algérien. Quelqu’un pense que « la religion a remplacé la culture » et que « mettre les gens à la mosquée était le plus facile ». Malek Bensmail reconnaît que l’« on a torpillé la culture ». Rosa Moussaoui revient, elle aussi, sur le dialogue des partis d’opposition si essentiel. Yanis Adjlia conclut sur l’espoir « qui est permis » alors que « la révolution était inimaginable avant ».

Le samedi, plusieurs débats ont lieu au stand de la Plateforme panafricaine. L’un d’entre eux a pour thème la géopolitique de la Corne de l’Afrique. L’opposant djiboutien Maki Houmed-Gaba, de l’Alliance Républicaine pour le Développement (ARD), présente rapidement la situation en Somalie, en Ethiopie, à Djibouti et en Erythrée. Il insiste sur l’espoir qui est apparu depuis les changements importants au niveau Etat de droit en Ethiopie.
Le dimanche, l’Afrique revient au programme de l’Espace-débat du Village du Monde grâce à une conférence sur la révolution au Soudan. Rosa Moussaoui y intervient de nouveau au milieu de trois responsables du Parti communiste soudanais, Ramsa Khama Mahjoub, Nadda Abbas et Chadia Abdelmoniem, qui s’expriment surtout en arabe avec un traducteur à leurs côtés.
A propos de l’Association des professionnels soudanais, Nadda Abbas explique que la lutte est partie de ce syndicat en marge des syndicats officiels. Cela s’est fait dans un pays où les syndicats sont actifs depuis 1964. A partir de 2016, la désobéissance civile a été utilisée. Un besoin de créer une coalition plus large est apparu et en janvier 2019 a été signée une chartre « Changement et liberté ». Elle souligne la place des femmes dans la révolution et la chute d’El-beshir. Rosa Moussaoui questionne sur le général Hemetti et ses qui ont été acceptés comme partenaire de l’Union européenne dans le Processus de Khartoum pour empêcher les migrations. Hemetti et les janjawids « travaillent maintenant à la contre-révolution ».
Le débat se focalise ensuite sur l’accord de transition du 17 août 2019. Le PC soudanais rejette cet accord car il réclame, lui, le « retrait des éléments du régime » et « une place minime pour les militaires ». Selon Nadda Abbas, la médiation éthiopienne a conduit à une « limitation du rôle des forces politiques ». La présidence du Conseil souverain qui doit piloter la transition de trois ans et trois mois, attribuée pendant 21 mois au général Abdel Fattah al-Burhan est également contestée. Le PC soudanais s’oppose par ailleurs aux partis politiques de droite. Chadia Abdelmoniem signale que « les réserves et le refus de l’accord » viennent du sentiment qu’il correspond « aux prémices pour un dictateur bis ». Concernant les femmes, elle remarque que « les Frères musulmans sont toujours là » et que « les luttes vont prendre des décennies ».
Juste après, au stand du PC de Bagnolet, a lieu un autre débat, en soutien à Mohamed Kadamy, président du Front pour la restauration de l'unité et la démocratie à Djibouti (FRUD), réfugié politique menacé d’expulsion malgré son statut protégé. Sur le plateau, sont réuni-e-s autour du militant historique de la lutte armée djiboutienne, Pierre Laurent, sénateur PCF, Catherine Choquet, Présidente de la LDH Seine-Saint-Denis, Jean-Paul Lecoq, député PCF et Bérenger Tourné, l’avocat de Mohamed Kadamy.
Mohamed Kadamy appelle à la résistance contre un cinquième mandat du dictateur djiboutien Ismaïl Omar Guelleh. Pierre Laurent souligne que les « relations coupables du gouvernement français continue » au même titre que « les ventes d’armes dans la région ». Il s’engage à soutenir Mohamed Kadamy dans tous ses combats juridiques jusqu’à la Cour européenne des droits humains (CEDH). Pour Catherine Choquet, « rien ne justifie que l’on fasse un deal » avec Djibouti et « perdre le statut de réfugié correspond à des crimes précis », ce qui fait que l’extradition du leader du FRUD est impossible. Elle rappelle que la France est régulièrement accusée par CEDH. Pour Jean-Paul Lecoq, « le droit est mis en cause » de deux manières et nécessitent deux combats sur les droits humains en France et contre la dictature à Djibouti. Il raconte que la ministre de la justice a répondu à son interpellation en disant qu’elle ne connaissait pas le cas (voir aussi la réaction de Le Drian). Il rejette tout deal avec Djibouti concernant l’affaire Sarkozy-Khadafi. Le banquier franco-djiboutien Wahib Nacer, a été mis en examen en février.
Enfin l’avocat Bérenger Tourné tient une ‘plaidoirie’ très engagée dans un style qui passe bien à la Fête de l’Huma, dénonçant un « Macron qui a choisi le camp de l’impérialisme », « une justice aux ordres, au garde-à vous », une « France coloniale » dont Guelleh est « un préfet », un « état fasciste dont a peur la France », en concurrence avec la Chine, mais qui veut « un retour sur investissement », ou encore l’assassinat de Jahba en prison. Selon lui, parce qu’il voulait interroger le « banquier de Djouhri » et qu’il y est allé le 17 mars, le juge Tournaire a procédé de « manière illicite » et s’est ensuite justifié en parlant de « terrorisme » pour une « altercation ». Il craint que le « vrai danger soit au niveau de l’Etat de droit », dans l’idée que la révolution et « les mouvements d’indépendances soient qualifiés de terrorisme ». Il conclut sur une affaire qui est une « vraie honte pour la France » et « reflète l’Etat de la démocratie ».
Depuis le public, le célèbre blogueur tchadien Makaila Nguebla, actuellement accusé en diffamation par le neveu de Déby, constate que l’ « on est en train de délégitimer le statut de réfugié politique » et demande que l’on « préserve le droit international ». Le débat revient sur le rôle de l’armée française accusée de décider de la politique française au Tchad et à Djibouti.
Dans d’autres stands divers et variés, les débats sur l’international continuent, au milieu du bruits des sonos, par exemple au stand de Survie qui depuis des années informe le public en vendant ses livres. Après son excellent livre sur la Côte d’Ivoire, l’association prépare un nouveau Dossier Noir sur le génocide du Rwanda.
La fête se terminant dans la douce chaleur de l’été indien, les discussions continuent aussi de manière plus décontractée entre concerts et verres de rhums. Des militant-e-s breton-ne-s plus ou moins communistes, fatigué-e-s d’avoir fait des crêpes pendant trois jours, viennent s’informer sur la Françafrique. Un homme me dit qu’il travaille sur un bateau basé à Brest à poser des câbles océaniques pour internet, jusqu’à Abidjan.
Régis Marzin
Compte-rendu Afrique de la fête de l’Huma publié le 17.9.19

mercredi 4 septembre 2019

3 septembre 2019, Paris : Cameroun : soirée de soutien d’Amnesty à Valséro

Voilà maintenant 7 mois que le rappeur camerounais est emprisonné au Cameroun en raison de son engagement contre la dictature de Paul Biya. Le 26 janvier 2019, les partisans de Maurice Kamto et Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) organisaient des marches pour protester contre les manipulations dans le processus électoral de la présidentielle du 7 octobre 2018, et, le même jour que de nombreux partisans de Kamto, Valséro a été arrêté et accusé de 8 infractions délirantes.   
Un procès est prévu le 6 septembre 2019 dans un tribunal militaire. Amnesty France et la Campagne #FreeValsero organise une soirée de soutien. Le documentaire de 52 minutes « Un piment sur les lèvres » de Laurène Lepeytre (2015) présente l’artiste. Il s’engage par les paroles de ses chansons, par exemple en disant « Quitte le pouvoir avant qu’il ne te quitte » ou en parlant de la « zombification » de la population, dans l’organisation des concerts, ou dans des contacts avec d’autres camerounais engagés. D’autres événements de la campagne de libération sont organisés, entre autres, à Berlin, à Madagascar, au Congo Brazzaville, au Sénégal, et surtout au Burkina Faso, où est prévu un concert.
Après le film, le rappeur burkinabé Smockey, du Balai citoyen, la réalisatrice du documentaire Laurène Lepeytre et Delphine Lecoutre, responsable Afrique centrale d’Amnesty France, prennent la parole. Smockey exprime la solidarité des mouvements citoyens africains rassemblés dans Afrikki. Il rappelle la lutte victorieuse du Balai citoyen autour de la musique, du rap et du reggae, au Burkina Faso. Selon lui, « deux mondes parallèles » sont séparés par « un fossé », quand des présidents « ne se rendent pas compte à quel point leur manière de gouverner est dépassée ». Delphine Lecoutre explique l’arrestation de Valséro, son interrogation pendant deux semaines, les huit infractions passible de « peine de mort ». D’autres prisonniers libérés en Juin ont été torturés. Elle demande de faire le maximum pour diffuser la pétition d’Amnesty.
Le débat revient sur la situation désastreuse du Cameroun. Il est question du tribalisme, de la Françafrique, du silence des media, de la peur de la population, de la répression, des régions anglophones dans lesquelles la population fuit cette répression et est en danger. Smockey rappelle qu’il ne sert à rien de renvoyer toujours vers la responsabilité de la France, cette « nation en déclin ». Dans la salle, la militante de l’UPC, Augusta Epanya, rappelle l’historique du Cameroun, la « chape de plomb » qui touche tout le monde, le niveau de dictature très élevé, comme le prouve le choix d’un tribunal militaire.
Delphine Lecoutre évoque le plaidoyer d’Amnesty vers les élu-e-s, qui n’est pas public. Laurène Lepeytre signale des actions, elles aussi discrètes, des diplomates français, européens, onusiens surtout par rapport à Maurice Kamto et aux prisonniers. Smockey insiste sur la nécessité d’une mobilisation populaire au Cameroun (et dans la diaspora). Le débat se conclut sur la mobilisation sur les réseaux sociaux à laquelle il faut donner plus d’ampleur. De nouvelles actions sont entreprises en ce sens pour terminer la soirée.
Régis Marzin, paris, 4.9.19