vendredi 31 octobre 2014

31 octobre 2014, Paris, inauguration d'une stèle en souvenir du génocide des Tutsis du Rwanda

Paris est la 6ème ville de France qui installe un monument en mémoire du génocide des Tutsi du Rwanda. Elle est située au Père Lachaise, à 50m à gauche de l'entrée nord, l'entrée 71, rue des Rondeaux (88e Division, allée des Fédérés), près du Métro Gambetta.
La cérémonie commence par un poème de Gaël Faye. Après un premier discours de la maire du 20e, Frédérique Calandra, très émue, l'intervention de Marcel Kabanda, président d'Ibuka France, précise que le conseil de Paris a voté pour à l'unanimité et que la discussion continue pour un lieu public.
Dans son témoignage de rescapé, Alain Ngirinshuti, vice-président d'Ibuka France, raconte qu'il a été sauvé avec 300 enfants par un français qui a pu le faire parce qu'il était français. Il insiste sur le fait "qu'arrêter le génocide, c'était possible" pour les politiciens et militaires français. Puis, c'est au tout de l'ambassadeur du Rwanda en France, Jacques Kabale de prendre la parole pour fixer diplomatiquement l'enjeu, après les difficultés d'Avril 2014. Rien n'est encore ici exprimé clairement mais tout le monde a en tête le silence et le déni de l'Elysée ou, entre autres, la polémique autour des propos d'Hubert Védrine.
«Des obstacles, qui n'en sont pas, et la raison d'Etat, qui n'en est pas une», voilà l'indication que donne la maire de Paris sur les raisons qui ont provoqué le retard dans l'arrivée du monument. Aujourd'hui le langage est diplomatique, codé, et, il n'y a là personne qui ne comprenne pas les sous-entendus. Anne Hidalgo est maintenant "engagée pour un lieu de mémoire". Elle souhaite "regarder la vérité en face", et, "transmettre les questionnements et les éléments de réponses que nous avons". Elle parle de mémoire, transmission et éducation, ce qui évoque la campagne des jeunes et du mouvement EGAM pour la "vérité maintenant".
La stèle est découverte après les discours. Il est écrit : "En 1994, au Rwanda, plusieurs centaines de milliers de Tutsi ont été victimes d'un génocide. Cette stèle est dédiée à leur mémoire".
Dans quelle mesure Anne Hidalgo adresse-t-elle un message à l'exécutif français qui est allé en 2014 très loin dans le mépris de la réalité historique? La mairie de Paris est sensible pour des raisons historiques, pour des questions de sensibilité de personnalités aux idées des nombreuses associations, dont certaines ont de bonnes relations avec les élu-e-s. Les références au génocide juif sont nombreuses. Le détournement de la raison d'Etat pour protéger des complices de génocide, la politique de l'autruche, et la soumission à l'impunité et aux impératifs de l'armée française, n'est pas acceptable pour tout le monde. Il est finalement très simple d'être franc et honnête face au mensonge.
De nombreuses associations déposent également des gerbes. Une chorale de femmes rescapées chante. L'inauguration de la stèle est d'abord un moment de recueillement pour tout le monde et un moment de soulagement et de satisfaction historique pour les rescapés, même si ce n'est qu'une étape.

jeudi 30 octobre 2014

30 octobre 2014, Paris, Les Ogres de Barback ont 20 ans

Les 20 ans des Ogres de Barback à l'Olympia, je m'en souviendrais! Un concert exceptionnel, unique en son genre, inclassable, pour tous les goûts, pour toutes les générations, dans des ambiances tout le temps changeantes, captivant du début à la fin. Je ne sais pas quelle impression retenir précisément, entre les chansons pour enfants et par des enfants, des chansons françaises de grands parents, des chansons tristes, tendres, calmes, puis la chorale de cuivre Eyonlé du Bénin, la rue Kétanou, et surtout la troupe de danse rrom de Slovaquie, Kesaj Chavé au final ! C'était juste époustouflant, drôle, agréable aux oreilles et aux yeux, plein de passion, de révolte, d'énergie, de jeunesse et de tendresse.
Avant, je revenais à pied de la manifestation des burkinabé-e-s fêtant la chute de leur dictateur détesté, très concentré sur cette victoire, et je suis arrivé à l'Olympia, où j'ai été pris dans une chaleur tropicale tout à fait parisienne.
Les ados de Kesaj Chavé étaient surexcité-e-s, ils et elles ont finis par exploser la chose de leur folie spectaculaire! Il y a eu le n'importe quoi le plus génial que j'ai jamais vu et entendu! sans aucun rapport avec les belles danses des rroms qu'ils et elles auraient pu nous montrer, juste un concentré de couleurs, de gesticulations impudentes et de bonheur ! à réveiller Guy Debord de sa tombe !
Après, à peine guéri d'un rhume, à la fin de plus d'un mois sans repos, j'étais épuisé... je me disais que je n'arriverais pas  à me lever pour aller au Père Lachaise le lendemain, à l'inauguration de la stèle de la mairie de Paris en souvenir des victimes du génocide des Tutsi du Rwanda. Je savais que les Ogres s'intéressaient au Rwanda, à la vérité et à la justice après le génocide, mais je n'y pensais pas, je me disais juste que si j'avais retrouvé de l'énergie grâce au concert, alors je devais l'utiliser pour me lever lendemain. Tant et si bien que ma fatigue disparut.
(Article écrit et publié le 2 novembre.)

30 octobre 2014, 18h, Paris, pendant l'insurrection au Burkina Faso

Et un de moins sur la liste des dictateurs du pré-carré des ex-colonies françaises qui en compte encore 7: Idriss, Sassou, Paul, Ismaïl Omar, Faure, Ali, Mohamed. Depuis les suites de l'affaire Norbert Zongo, c'était le moins méchant de tous, mais quand la liesse populaire s'empare du nom d'un tyran, le voilà traîné dans la boue. 
Quand j'arrive de la conférence de presse du Collectif Contre la Confiscation de la Démocratie au Burkina Faso au rendez-vous devant l'ambassade, il y a des doutes sur la chute de Blaise. L'armée est en train de prendre le dessus et il y a encore plein d'incertitudes.
Pour le futur, je fais rapidement des hypothèses: une chute qui se confirmera vite, 3 jours de décantation sur le pouvoir, un ou deux ans de transition démocratique, un 'scénario entre Niger et Tunisie'. Pour le passé, on parle de la lettre de Hollande, de ses effets possibles: Hollande a dit en sous-entendu que si Blaise Compaoré s'entêtait à vouloir rester au pouvoir après 2015, il ne serait plus soutenu. En terrain françafricain, une telle proposition s'interprète, et devrait déboucher sur plusieurs scenarii que les acteurs burkinabé pouvait anticiper. Ensuite, ça se suppute en comptant les armes des voisins.
La manifestation appelée en urgence pour ne pas dire en désordre par 2 appels, l'un des organisations burkinabées à Paris, l'autre des soutiens français et africains, hésitent entre discours politiques encore inquiets et fête relâchée. Beaucoup de diaspora d'autres pays sont là aussi, par exemple des congolais de Brazzaville pour qui une chute liée à la limitation du nombre de mandats donne soudain de l'espoir. Plusieurs dictateurs sont concernés, au Togo, au Congo B, en RDC.
Quant à moi je commence à être un peu épuisé! De retour chez moi, je commence à voir défiler les communiqués: par exemple, Survie dénonce des socialistes mal informés comme François Loncle, ou Fabius encore une fois à côté de la plaque. Europe Ecologie les Verts demande à la France d'aider le Burkina à "s'engager dans une transition démocratique et pacifique" alors que le pays est un pays test face aux chefs d'Etat qui tentent de "lever la limite constitutionnelle du nombre de mandats qui leur est imposée". Le PCF demande la vérité sur "responsabilités de Blaise Compaoré dans les manœuvres de déstabilisation sur le continent menées en complicité avec des puissances occidentales, France en tête, qui ont produit des effets meurtriers notamment en Sierra Leone, au Libéria et en Côte d’Ivoire". Le réseau « Justice pour Thomas Sankara, Justice pour l’Afrique » demande enfin une enquête parlementaire en France sur l’assassinat de Thomas Sankara.
Et sinon, j'oubliais! Puisque cette journée était historique, je voudrais remercier la préfecture de police pour sa participation. Moins informée que la DGSE farceuse, elle s'est déplacée sans savoir s'il fallait protéger l'ambassade de dangereux et sauvages ennemis d'un allié de la France. Et je remercie surtout l'aimable et valeureux fonctionnaire qui a passé 2 heures à faire passer les voitures au milieu de la foule. Son chef avait oublié de couper la circulation, le pauvre! Même dans une démocratie qui forme les polices au maintien de l'ordre partout en Afrique, on fait parfois des erreurs! Et l'Afrique est si compliquée, un jour on serre les mains d'un président reconnu pour ses médiations et le jour d'après on le traite en tyran et en assassin. C'est pas facile !
Article écrit et publié le 2 novembre.

30 octobre 2014, Paris, conférence de presse sur Burkina Faso

La conférence de presse du Collectif Contre la Confiscation de la Démocratie au Burkina Faso crée le dimanche 26 octobre 2014 à Paris ressemble plus à un débat militant: les journalistes sont sans doute soit parti-e-s au Burkina, soit dans leur bureau au téléphone et sur le net à essayer de suivre une situation qui bouge d'heure en heure. 
Le collectif est composé de partis politiques et d'associations : MPP France (Mouvement du Peuple pour le Progrès), UNIR PS - France (Union pour la Renaissance-Parti Sankariste), UPC France (Union pour le Progrès et le Changement), AEBF (Association des Etudiants Burkinabè en France), AEBG (Association des Etudiants Burkinabè de Grenoble), Balai Citoyen Paris, CIJK France (Comité International Joseph Ki-Zerbo), Plateforme Panafricaine, Ligue Panafricaine UMOJA (plus axée sur le Congo Brazzaville), MBDHP Section de France (Section de France du Mouvement Burkinabè des Droits de l'Homme et des Peuples), Pour l'Émergence Africaine /Mouvement Pour la Réflexion, la Démocratie et la Développement Durable en Afrique, UGBOF (Union des Burkinabè du Grand Ouest de la France). 
Ce jeudi, les dernières nouvelles sont surprenantes. Blaise Compaoré est en chute libre pris en sandwich entre une insurrection populaire et la réaction des militaires, selon une configuration assez classique. Mais c'est la surprise! Je m'attendais moi-même à quelques mois de rapport de force avec l'opposition démocrate mais pas à un dénouement rapide.
Un journaliste qui ne connait même pas le nom du Chef de file de l'opposition burkinabé, Zéphirin Diabré, veut savoir s'il pourrait y avoir un 'automne subsaharien' comme il y a eu un 'printemps arabe'. Un moment il faut être capable de faire la liste des pays concernés par la limitation du nombre de mandats, comme l'a fait le Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique dans un communiqué le 27 octobre, et de connaître un minimum chaque pays pour savoir que la situation est complexe et verrouillée partout. Le peuple burkinabé se libère après plus de 20 ans de lutte.
Le Collectif Contre la Confiscation de la Démocratie au Burkina Faso coordonné par Didier Ouedraogo est très panafricain. Il souhaite soutenir les luttes sur les limitations du nombre de mandats au Togo, au Congo Brazzaville et en RDC, entre autres.
La conférence est interrompue quand vient l'heure de rejoindre la manifestation devant l'ambassade, pour laquelle ont circulé deux appels, l'un du collectif, l'autre de soutiens français et africains à Paris. La diaspora à Paris, assez peu active les dernières années, a sans doute manqué de temps pour s'organiser et tout s'est accéléré à partir de la mi-octobre, pour les organisations burkinabées comme pour pour les soutiens à la lutte. Il est probable que cette diaspora va continuer de se réorganiser en fonction des nouvelles données. Peu importe, tout s'est joué et continuera de se jouer à Ouagadougou !
Article rédigé et publié le 2 novembre.

samedi 25 octobre 2014

25 octobre 2014, Paris, Apkass: nouvel album !

Apkass et ses musicien-ne-s présentent ce samedi leur second album, qui sortira bientôt dans un livre-disque intitulé "Mais il arrive que la nuit tombe à l'improviste", qui rassemble poésie, musique, peinture et phonographie. Pendant 1 heure, dans le noir, le public venu au cinéma du Panthéon a pu écouter le nouvel album, superbe, dont les titres "Une Vie En Marche" et "Un naufragé ". Pour ceux et celles qui veulent l'aider à s'auto-produire, c'est possible !

vendredi 24 octobre 2014

15 octobre 2014, Paris, au Burkina Faso, y'en a marre aussi !

Au Sénégal, y'en avait marre de Wade ! Au Burkin Faso, y'en a plus que marre de Blaise Compaoré au pouvoir depuis 27 ans et qui voudrait y rester jusqu'à 33 ans. L'assassin de Sankara qui craint la justice ne partira pas facilement. Le dictateur utilisera tous les moyens à sa disposition pour rester 5 ans de plus après la présidentielle prévue en novembre 2015. Il tente actuellement de supprimer la limitation du nombre de mandats de la constitution, en organisant un référendum 'mascarade'. La mobilisation est maximale contre ce 'coup d'Etat constitutionnel' en préparation.
La soirée dans le 20e à Paris est organisée par le Balai citoyen Paris avec le soutien du mouvement Y'en a marre du Sénégal. On y évoque aussi Sankara assassiné le 15 octobre 1987. Les intervenants sont, de gauche à droite, Oumar Kane de Y en a marre Paris, Germaine Pitroipa Haut Commissaire sous Sankara, Humanist artiste porte parole de Cibal (Balai Citoyen), Bruno Jaffré biographe de Sankara, et initiateur de l'appel Justice pour Thomas Sankara justice pour l’Afrique Jean Merckaert de la campagne Tournons La Page, campagne pour l'alternance démocratique en Afrique.
Ainsi, les burkinabé-e-s sont en ce moment les plus impliqué-e-s dans un combat en réalité panafricain de lutte contre la démocratie factice des dictateurs, pour le respect des limitations de mandats dans les constitutions, si possible, 2 fois 5 ans, parce que 2 fois 5 ans dans un continent qui peine à se démocratiser çà suffit ! Ailleurs, au Togo, Faure Gnassingbé a remplacé son père dans un bain de sang mais il refuse de quitter au bout de 10 ans comme le prévoyait l'Accord politique global avec l'opposition en 2006. Dans les 2 Congos aussi, les présidents essayent aussi de supprimer les limitations du nombre de mandats avant les scrutins de 2016. Les années 2015 et 2016 seront décisives pour la démocratie en Afrique, et le combat des burkinabés pour se débarrasser de Blaise Compaoré influera beaucoup sur le reste des luttes.

mardi 14 octobre 2014

10 octobre 2014, Paris 20e, Lavach' de retour du Mexique

Lavach' a commencé ce vendredi à l'Hermitage à Ménilmontant à nous présenter un reportage sur leur voyage au Mexique. Elle et ils semblent être revenu-e-s de ce périple plus énergiques, chaleureux-ses, uni-e-s que jamais, heureux-ses de jouer. Le public a suivi et dansé. Il y avait aussi un côté internationale avec les langues française, espagnole, arménienne, ... de la musique celte même à un moment. Le concert était vraiment bon. 
Je me suis dit que je me souvenais pas avoir vu un groupe autant dans le partage et l'équilibre entre musicien-ne-s (sauf peut-être avec un très grand groupe comme SonicYouth, même si c'est encore autre chose), comme 'démocratique', chaque musicien-ne-s s'exprimant plus librement sur certains morceaux. Il faut que çà joue vraiment bien tout le temps.
En plus, la salle de l'Hermitage est très facile pour la photo, alors, c'était une belle soirée ! Si je restais dans l'esprit du concert, je montrerais une photo du groupe entier, mais c'est bien plus dur de réussir une photo du groupe qu'une photo d'une seule personne, alors, voici Sévane à l'accordéon.

samedi 4 octobre 2014

4 octobre 2014, Aubervilliers, le Grand Bouillon

Une association y travaillait depuis plusieurs années, ouvrir un café associatif et culturel à Aubervilliers: pari gagné ! Le bar est central, juste à côté de la place de la mairie et de l'église. Après quelques mois de travaux effectués pas des bénévoles, finis dans le rush, le Grand Bouillon ouvre ses portes. Il a repris le nom du bar qui existait autrefois. Plutôt que d'en parler maintenant, je préfère laisser couler, attendre de voir comment ce lieu s'installera, vivra, animera, provoquera des débats. 
Le 9 octobre à 20h, aura lieu un premier débat justement, sur 'la place des femmes dans les espaces publics'. Malheureusement, je ne pourrais y venir. Ce qui avait été souligné par l'association Avec, qui gère le café, dans sa réflexion sur le projet initial, c'est que les femmes avaient des difficultés à sortir le soir dans des cafés ou bars d'Aubervilliers. Est-ce que la question ne rejoint pas une autre, de savoir s'il n'y a pas dans la ville beaucoup de bars qui se sont communautarisés ? Est-ce qu'il n'est pas plus facile de s'exprimer sur la place des femmes, les questions ne s'excluant pas ? Ce sont peut-être des sujets à aborder précautionneusement au regard d'expériences plutôt qu'au travers d'impressions intellectuelles très subjectives ? 

vendredi 3 octobre 2014

2 octobre 2014, Aubervilliers, théâtre : Hypérion

Au théâtre de la Commune, se joue Hypérion mis en scène par la directrice du théâtre Marie-José Malis, d'après le roman de Friedrich Hölderlin. J'arrive très fatigué, ayant très peu dormi la nuit précédente, m'étant démené toute la journée pour aider un ami en galère. Le spectacle est annoncé d'une durée de 3h45. Tout de suite je sens, que cela aurait été plus simple si je n'étais pas épuisé: je baille, je cligne des yeux, j'ai du mal à suivre un texte complexe, très poétique et résistant à une simple rationalité. 
A force d'observer, je m'aperçois que le décor est dans sa conception presque parfait, dans sa composition, ses couleurs, l'intégration dans le bâtiment. Quand les acteur-trice-s bougent sur cette scène la composition est quasiment tout le temps parfaite graphiquement. Les lumières dressent des tableaux équilibrée en couleur. Si je photographiait, alors, il y aurait tout le temps une image intéressante au niveau composition, lumière, et couleur. Je réfléchis à la somme de calcul nécessaire pour que cela dure 3h45 ! 
Au bout de 3h, je commence à être vraiment dans le spectacle, à aimer cette pièce. Je me passionne pour ce que je vois et j'entends de manière instantanée, sans garder le fil. C'est un peu comme le tour de France, l'étape des Pyrénées ou des alpes, les heures de plat vous mettent en bouche. Quand je sors, j'ai à la fois des doutes sur mon incompréhension sur le sens et le sentiment d'avoir vu une grande oeuvre. Impression étrange et heureuse, pleine de sympathie!

mercredi 1 octobre 2014

1er octobre 2014, Paris 20e, expo photo tchadienne

J'arrive à la galerie photographique, le bar Floréal, au vernissage de l'exposition 'N’Djamena, Tchad, Photographies d'Abdoulaye Barry et Photocamp', dubitatif. Car je suis à la fois photographe et journaliste, donc intéressé par toute démarche artistique, mais aussi par le contexte politique que je connais bien. Est-ce que je ne risque pas de croiser la délégation de l'ambassade de la pire dictature ex-colonies française d'Afrique ? Cela risquerait de gâter ma promenade de soirée d'été indien.
Les artistes ont eu à Ndjaména le soutien de la coopération française, par l'Institut Français du Tchad, et Abdoulaye Barry m'explique que l'ambassade de France a commencé à soutenir les artistes en 2013. J'en déduis optimistement que des échanges culturels peuvent profiter aux artistes, créer du débat, et, faire venir des français-es autres que militaires qui pourront témoigner des réalités. Que du positif! Justement çà semble se dégeler un peu avec une conférence de presse qui n'a pas été interdite dernièrement, tout débat est bon à prendre et la liberté d'expression artistique reste une liberté d'expression. Ainsi au Burkina Faso, la politique culturelle française très riche s'adapte bien à la dictature de basse intensité de Blaise Compaoré, et le Balai citoyen a bien été créé par Smockey et Sam's K le Jah. Selon que l'on s'intéresse à la logique de la politique française où au besoin des populations et artistes tchadiens, les points de vue peuvent diverger.
J'explique à un ami que les photographies se comprennent aussi par la connaissance de la vie politique au Tchad, et que très peu de gens sont conscients qu'au delà de la dictature il faut connaître le niveau de dictature. Sans tomber dans le décalage par rapport à la réalité du film 'Grigris'de Mahamat Saleh Haroun, un artiste navigue obligatoirement entre censure et auto-censure. En démocratique France aussi, le photographe évite de photographier les militaires et leurs famas dans le métro, mais, au Tchad, à Ndjaména, les photographes ont besoin d'une autorisation pour pouvoir faire leurs photos dans la rue.
Je commence à comprendre la stratégie du caméléon, qui n'est pas la stratégie de l'araignée. Par petit pas, ça ira mieux demain, c'est la philosophie du "ça va aller!", me dit-on.
Après un débat, le vernissage continue avec de la danse au milieu de la cité de la rue Couronnes. Un instant, en voyant ce spectacle ici, on pourrait sentir une disparition de la distance entre les continents et une certaine communion d'esprit. Mais un artiste à la fin qui remercie l'ambassade d'être venue provoque le retour du réel pour les oreilles averties. Je ne sais pas si je m'autocensure, mais je sais qu'il reste encore beaucoup d'obstacles pour nous retrouver tous heureux-ses ensemble comme citoyen-ne-s du monde.