samedi 22 février 2014

22 février 2014, Paris, Djibouti - conférence USN

L'Union de salut national est la coalition de l'opposition à la dictature djiboutienne. Son représentant en France Maki Houmed-Gaba (USN/ARD) organise une conférence de presse. Il a à sa droite Ahmed Hachin-Loïta (USN/UDJ), et à sa gauche, Saïda Barreh-Falcou (USN/PND). Maki Houmed-Gaba précise le contexte historique depuis les années 70, puis en arrive aux sujets principaux, l'inversion du résultat des législatives de 22 février 2013 et l'évolution de la situation jusqu'à ce premier anniversaire. 
L'USN affirme son "esprit de responsabilité" dans la situation bloquée, très tendue, parce que, comme le signalait le Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique à l'Union européenne, "Aucune dictature n’a jamais reconnu volontairement avoir inversé le résultat d’un scrutin parce que cette reconnaissance mettrait les responsables face à la vérité et la justice". Les négociations depuis février 2013 portent donc sur la publication des résultats par bureau de vote, et l'acceptation par Guelleh de la véritable assemblée, avec les vrai-e-s député-e-s élu-e-s, comme sur les réformes politiques nécessaires pour garantir des processus électoraux sans fraude. La répression étant très forte depuis 1 an, et surtout ces dernières semaines, la fin de cette répression, la libération des prisonniers politiques revient continuellement: je comprends que les prisonniers ne doivent pas être des otages dont la libération déterminerait l'issue ou le déroulement de négociations, ce qui sur le terrain est très délicat !
Dès mars 2013, l'USN a proposé des négociations à Guelleh, tout en demandant une médiation internationale. 4 réunions ont eu lieu entre mi août 2013 et mi-septembre 2013, sans que Guelleh ne lâche rien. Le 1er Février 2014, le dictateur, a accepté une réunion puis de premières concessions sur des réformes futures, non écrites. Il est soupçonné de "jouer" en acceptant des concessions sur des points secondaires, pour satisfaire 'communauté internationale' concernée et soigner son image. Début avril, Guelleh est attendu à Bruxelles au sommet Afrique-Europe alors que son bilan est lourd à porter. Le 6 février, l'USN a reprécisé par écrit ses revendications.
Mais Djibouti est aussi un lieu militairement stratégique pour les armées occidentales, qui ont considéré jusqu'à présent Djibouti comme une zone militaire, et récemment de plus en plus avec l'opération Atalante contre la piraterie, et Guelleh profite de la dépendance des occidentaux à ce niveau. L'USN souhaite qu'avec la démocratie et l'alternance, Djibouti reste une place importante pour la préservation de la paix, au travers de la présence des troupes militaires dans les bases française, américaine, allemande, italienne et japonaise. La démocratie et les droits humains ne doivent pas être sacrifiés pour la paix, comme l'a indiqué le Parlement européen le 4 juillet 2013.
Ahmed Hachin-Loïta constate l'amélioration progressive de ses relations avec l'Union européenne et avance aussi maintenant dans ses contacts avec l'Union africaine. La question des sanctions contre le régime djiboutien est évoquée rapidement.
Maki Houmed-Gaba et Ahmed Hachin-Loïta rappellent que la lutte de l'USN, suite à une question sur le FRUD, mouvement armée très actif dans les années 90 aujourd'hui quasiment disparu, qui a eu un rôle historique important y compris dans des avancées de démocratisation, mais dont les méthodes aujourd'hui ne correspondent en rien au souhait de la population djiboutienne et à la situation géopolitique. Les manipulations des dictateurs pour rester au pouvoir au travers des divisions ethniques sont évoquées concernant les Afars et des Somalis. Le modérateur du débat, Makaila Nguebla explique l'importance de l'analyse des 'instrumentalisations des leviers identitaires' qu'il soient ethniques ou religieux.
La manifestation du 21 février à Djibouti a été interdite, et elle s'est dispersée en petites manifestations. La tension est actuellement très forte, les risques de violence sont élevés. La population souffre de cette crise comme de la gestion du pays par le clan de Guelleh, et s'impatiente malgré la peur. La tension pourrait donc encore grandir. 

jeudi 20 février 2014

19 février 2014, Aubervilliers, a propos de la pacification de l'Algérie

Ce jeudi, à la Librairie Les Mots passants, à Aubervilliers, est organisée une soirée de la Semaine Anticoloniale. Nils Andersson présente le livre "La Pacification" recueil de témoignages sur six années de violence de l'armée française pendant la guerre en Algérie, signé Hafid Kermane. Nils Andersson a été le premier éditeur de l'édition suisse fin 1960. Les témoignages avaient été rassemblés minutieusement par le FLN. Parmi eux se trouvaient les premiers faits de torture de Jean-Marie Le Pen.
Nils Andersson raconte la guerre contre-révolutionnaire, la transmission des pouvoirs de police à l'armée. La torture était un système et non de simples bavures. Dix ans après la Gestapo en France, des officiers torturés ont eux-aussi torturé. Après les massacres de Sétif le 8 mai 1945, qui a ont beaucoup marqué les algérien-ne-s, le pouvoir français s'est retrouvé encore plus accusé au niveau international de trahison des valeurs de la lutte anti-nazi, et cela a joué pour l'indépendance. Par contre, peu de français-es ont compris.
D'après lui, la guerre a fait entre 300 000 et 400 000 morts algériens (et non pas 1 million comme cela a parfois été dit), et 30 000 morts parmi les appelés. L'éditeur évoque les camps de regroupements très méconnus, dans lesquels se sont entassés 1 million de personnes: des milliers d'enfants y sont morts des mauvaises conditions et surtout de faim. Michel Rocard a évoqué jusqu'à 500 enfants par jour ! au total "200 000 personnes et en majorité des enfants".
Aujourd'hui encore, en plus des choix politiques, les questions de fonctionnement de l'Etat français, armée, police, magistrature, politiciens, pendant la guerre d'Algérie ne sont pas réglées. Pourtant, le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 prouve que les dysfonctionnements ont perduré.
Le débat va un moment sur les ambiguïtés du PCF qui en 1954-56 protestait avant de trouver un compromis en faveur d'une 'paix' plutôt que de l'indépendance, la direction se mettant en contradiction avec l'engagement de nombreux militant-e-s jusqu'au massacre de Charonne. Les étudiants en raison du service militaire se sont retrouvés les mieux informés et ont informé à leur tour: l'UNEF et le GMA sont les 2 seules organisations des 2 pays a avoir communiqué ensemble solidairement.
Puis le débat se porte aussi sur la situation de l'Algérie actuellement et le néocolonialisme en Afrique. Si l'histoire de la guerre française au Cameroun entre 1955 et 1970 commence à s'éclaircir, Nils Anderson remarque qu'au Niger les français ont interdit le parti indépendantiste Sawaba et mis fin au multipartisme en 1959. Il précise aussi que les 8 années de guerre ont fait que le néocolonialisme n'a pas touché l'Algérie.

dimanche 9 février 2014

Du 2 au 9 février 2014, Paris, Festival Bobines Sociales

Le festival Bobines Sociales a lieu le week-end à l'Hermitage, à Ménilmontant. La soirée du samedi présente au travers de 3 documentaires, une suite de luttes politiques violentes. Le documentaire 'Ni travail, ni famille, ni patrie' de Mosco Boucault raconte les combats des résistants des Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI) à Toulouse pendant la seconde guerre mondiale. Ces résistants étrangers, par exemple juifs polonais, furent très actifs, secrètement en ville, d'une manière très différente de la résistance dans le maquis. Le film se termine en expliquant comment cette résistance des étrangers a ensuite été occultée.
Le 2e documentaire 'GARI!' de Nicolas Réglat (sur la photo entre 2 organisateurs-trices), raconte la lutte armée anti-franquiste en 1974, des GARI (Groupes d'action révolutionnaire internationalistes), basés à Toulouse aussi, et raconte précisément l'enlèvement du banquier Angel Baltasar Suarez. L'étrangeté du film vient du fait qu'en 1981, les membres du commando arrêtés pour cet enlèvement ont été acquittés par la justice. 33 ans plus tard, le décalage historique au niveau enquête de police et justice est bien visible. Le point de vue est loin d'être neutre, sur une organisation également liée à Jean-Marc Rouillan, il montre la piètre organisation et positive globalement le point de vue des acteurs-trices. Si le documentaire est bien réalisé, il sort la lutte d'un contexte plus large: quelques temps avant la démocratisation de l'Espagne, la méthode utilisée en France par les GARI avait-elle un sens dans le contexte espagnol? J'en doute. En plus de mon refus de principe de toute violence, cela m'évoque en contrepoint surtout la désorganisation que provoque la violence dans les mouvements non-violents qui sont plus efficaces. Cela pose aussi la question de la forme des documentaires si des propos ont une cohérence interne et seulement interne qui les rend lisibles, alors qu'ils sont éloignés de la légalité et de tout ce qui y affère, comme s'il s'agissait d'une fiction. Ou alors se pose la question de la relation entre histoire et justice ?
Le 3e documentaire 'Les insurgés de la terre' de Philippe Borrel explique la répression aux USA des soi-disant 'eco-terrorristes'. On y entend un activiste condamné à 23 ans de prisons pour un incendie, en raison du Patriot act ! Comme le FBI ne trouvait pas de terroristes musulmans aux USA après le 11 septembre, la logique politicienne a tenté de se justifier en inventant des dangers, en les exagérant. Le film lui-même ne s'éloigne pas assez pas des simplifications des témoins propres à une culture de la communication américaine.
Globalement, les 3 films proposent un aperçu de variations de perception de la violence au travers de quelques histoires particulières, sans pouvoir à être cohérent, le sujet étant trop vaste. Sans considérer des qualités de réalisation, le documentaire 'Ni travail, ni famille, ni patrie' de Mosco Boucault me paraît sur le fond être le seul à posséder une maturité tenant compte d'un contexte politique et historique, le recul aidant sans doute.
Le lendemain, deux documentaires parlent d'agriculture, 'La panification des moeurs' de Gwladys Déprez, et 'Planète à vendre' d'Alexis Marant. J'ai une discussion avec une amie sur le film d'Alexis Marant: je défends ce film qui dénonce des investissements des financiers dans l'agriculture au niveau planétaire, malgré ses défauts d'analyse (il oublie par exemple de parle de la responsabilité de l'OMC comme le précise l'intervenante d'AGTER) et de commentaire, parce qu'il apporte des éléments d'enquête intéressants, et parce que les film qui défendent les intérêts des sans-voix sont si rares.
Le débat avec Gwladys Déprez (à droite) à et l'intervenante d'AGTER  (à gauche) s'embourbe dans la question de la démocratie et de la dictature faute de compétences dans la salle. 'Planète à vendre' a choisi des exemples en Ethiopie et en Uruguay. Le débat n'arrive pas à expliquer en quoi la démocratisation est nécessaire pour garantir les intérêts de la population et en quoi elle n'est pas suffisante, parce qu'est également nécessaire un Etat de droit basé sur des institutions difficile à construire.

jeudi 6 février 2014

6 février 2014, Aubervilliers, La violence des riches

Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, les sociologues de la bourgeoisie, présentent à la librairie 'Les mots passants' leur livre « La violence des riches, Chronique d'une immense casse sociale ». Je retiens quelques idées. Les très riches "constituent la dernière classe au sens de Marx en soi et pour soi". Les très riches transmettent l'idée de l'individualisme alors qu'ils et elles sont très solidaires et s'entraident très collectivement. L'argent des riches les unit alors que l'argent des classes moyennes désunit dans la concurrence. La conclusion sur quoi faire est moins convaincante. La connaissance et la colère ne suffisent pas.