samedi 4 février 2017

4 février 2017, Paris-Pantin, Tchad : 9e Commémoration de l’assassinat Ibni Oumar Mahamat Saleh

Les intervenant-e-s à la 9e Commémoration de la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh le 2 février 2008, à la Fondation Gabriel Péri, sont, de gauche à droite, Makaila Nguebla, célèbre journaliste en exil, Delphine Lecoutre, experte sur l’Union africaine et responsable bénévole sur le Tchad à Amnesty International, Thomas Dietrich, écrivain et aventurier, qui a organisé l’événement, Seidik Abba, journaliste au Monde Afrique, Roland Marchal, chercheur au CERI à Sciences Po, auteur d’un rapport édité en 2015, ‘Petites et grandes controverses de la politique française au Tchad’, et, absent de l'image, Brahim Ibni Oumar, fils benjamin du leader de l’opposition tchadienne assassiné par le président tchadien. Le député Gali Gata Ngothé a annulé sa venue. 
Delphine Lecoutre fait le point sur le dossier qui a été très défendu depuis le début par Amnesty. Arrivant en retard, je manque cette intervention, celle de Brahim Ibni Oumar et le début de celle de Roland Marchal.
Roland Marchal parle de la relation entre les états tchadiens et français les dernières années. Il souligne la violence de l’armée tchadienne au Tchad, citant un militaire français, pour qui il ne s’agit pas de soldats mais de guerriers. D’après lui, la lutte contre le terrorisme nécessite des armées qui sachent rassurer la population, ce qu’est incapable de faire l’armée tchadienne.
Il regrette en France : « la survalorisation de l’outil militaire qui signifie une fin de réflexion politique » (lire aussi ‘La politique africaine française sous influence militaire ?’, 7.7.13), posant problème dans la « structure », quand il y a « une incapacité des diplomates à jouer leurs rôles ». La relation entre le ministre de l’Afrique de Hollande, Jean-Yves le Drian, et chef d’Etat tchadien est restée au beau fixe pendant 4 ans 1/2, tandis que l’enquête en France, sur son assassinat n’avançait pas.
Seidik Abba prend un autre exemple qui illustre la proximité du ministre commercial en armement avec le président criminel. Sur l’affaire des votants militaires disparus pendant la présidentielle, alors que le lorientais passait à Ndjaména, le journaliste a pu entendre la conseillère du président français, Hélène le Gall signifier qu’« on avait pris acte » sans donner de suite. Il rappelle que Jean-Yves le Drian a interrompu ses vacances pour venir à l’investiture après le coup d’Etat électoral.
Thomas Dietrich intervient sur les droits humains. Makaila Nguebla continue sur ce sujet en remarquant que les media sont actuellement au plus bas au Tchad. Il constate que les chercheur-se-s français-e-s comme Roland Marchal ou Marielle Debos ne sont pas écouté-e-s comme il se devrait et que le député socialiste Philippe Baumel, qui contestait la relation avec le Tchad a été à cause de cela « ostracisé à l’Assemblée nationale », comme si le gouvernement ne supportait aucune critique à propos de son alliance avec le dictateur qui lui était utile dans sa lutte contre le terrorisme au Mali.
L’activiste Abdelkerim Yacoub ne compte pas sur la France et pense, lui, que l’affaire d’Ibni Oumar Mahamat Saleh est l’affaire du peuple tchadien.
Thomas Dietrich lit un texte en hommage. Une vidéo est aussi projetée qui indique qu’Ibni Oumar Mahamat Saleh était un opposant qui critiquait le pouvoir et les rébellions, s’étant éloigné des deux.
Thomas Dietrich lance le débat en présentant dans le public « son général », Mahamat Nouri, ancien chef des  rebelles de l'Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD), qui réside depuis cinq ans en France et dont des comptes viennent d’être gelés pour 6 mois par le gouvernement français. Paradoxalement, Mahamat Nouri reconnaît qu’Ibni Oumar Mahamat Saleh a été tué alors qu’il était pacifiste et opposé aux violences. Un peu plus tard, une personne du public affirme qu’Idriss Déby pensait que les rebelles « politico-militaires travaillaient pour Ibni Oumar Mahamat Saleh ».
Les questions du public renvoient sur la politique du gouvernement français sous Hollande. Roland Marchal voit « une continuité historique » sur plusieurs dizaines d’années avec des « changements de raisons » : d’abord, une alliance avec Déby « contre l’islamisation face à Khartoum », avec les rebelles au Soudan considérés comme des mercenaires d’El Beshir, puis un « containment de Khadafi », puis la lutte contre le terrorisme au Mali, le gouvernement français utilisant son « imagination pour justifier un soutien ».
A cela, il serait possible de répliquer que le fait que les raisons se succèdent ne fait pas qu’elles ne soient pas d’une certaine pertinence. L’argument ne sous-estime-t-il pas les qualités ‘logiques’, sans être éthiques, des raisonnements des 'stratèges' militaires et politiques français ? Ne faudrait-il pas insister sur le fait que l’armée française ne tient a priori pas du tout compte du fléau des dictatures en Afrique et de la nécessité d’une démocratisation ? Le leader actuel de l’opposition, Saleh Kebzabo, souhaiterait, lui, que le gouvernement français fasse la différence entre Déby et l’armée tchadienne>, sachant que l’opposition démocratique est, elle-aussi, très sensible aux arguments de Paix et sécurité en Afrique. Pendant le quinquennat d’Hollande, l’armée française et le gouvernement français n’ont pas montré qu’elle et il faisaient autre chose que de favoriser le maintien d’une dictature au Tchad. Le niveau de répression des libertés a pendant ce temps un peu baissé, alors qu’il remontait violemment à Djibouti, au Gabon et au Congo Brazzaville en 2015 et 2016.
Le chercheur se souvient que mi-2012, « Hollande a commencé par ne pas vouloir rencontrer le président tchadien, puis que les militaires ont influencé, et qu’il y a eu un enchainement rapide avec Serval au Mali et une logistique installée en 2 semaines, et que Déby s’est retrouvé au centre du jeu ». Seidik Abba indique que fin 2012, « alors que Déby n’était pas allé à Kinshasa, la DGSE et les miliaires l’ont persuadé d’envoyer un contingent au Mali », pour finir par avoir « open bar » à Paris.
Enfin, une rebelle exilée fait l’éloge du parti d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, le Parti pour les Libertés et le Développement (PLD). Puis un homme en colère se disant appartenir à la rébellion le Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT), bombardée en décembre par le Général libyen Haftar, attaque verbalement violemment la France. Le général Nouri en profite dans signaler à l’auditoire qui se lève alors ,qu’il n’a pas de comptes en banque en France. La commémoration s’achève ensuite rapidement…
Régis Marzin
Compte-rendu écrit et publié le 12 février 2017

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