La fête de l’Humanité était annoncée sans pluie
cette année : l’été finissant, comment ne pas y arriver d’humeur optimiste ?
J’ai aussi remarqué que le programme sur l’Afrique est assez léger :
Ukraine, Syrie, Irak mais surtout Palestine occupent bien plus les esprits et
les stands.
Je fais le tour du village du Monde, et je
remarque à quel point la foire est confuse et de nature à tromper les novices. Il
y a des associations uniquement commerciales, des associations bidon, des
organisations politiques non-représentatives ou obsolètes, et même des
organisations qui ne sont pas non-violentes en Afrique. Il n’y a pas de filtre
et de cohérence. La foire de l’Huma est comme Jeune Afrique ou la Lettre du
continent, la culture générale doit être suffisante pour réussir à décoder les messages. Au milieu des merguezs, des bars et des reliques du Che, des excité-e-s et extrémistes côtoient les intellectuels les plus pertinents dans
une certaine cacophonie. Ainsi, je croise un défenseur de la dictature
érythréenne, la pire dictature du continent, sans que cela ne m’étonne. Des
causes justes et fortes ne trouvent pas toujours de place faute de moyen, les places
n’étant pas gratuites.
Quelques stands organisent des débats, comme ceux
de l’Amicale panafricaine sur les limitations de mandat, de la Plateforme panafricaine, ou des
associations du Sahara occidental. Je note l’arrivée de l’association Ibuka-France
des rescapés du génocide des Tutsis du Rwanda que j’ai croisée régulièrement en
2014.
Je passe un peu plus de temps au stand de Survie, de la Semaine anticoloniale
et de la Fasti où je retrouve des ami-e-s. Le samedi, y a lieu un premier débat sur les luttes
anticoloniales, puis le dimanche sur Frontex,
et enfin sur la Françafrique, avec Fabrice Tarrit, président de
Survie et Issa Ndiaye, président du Forum civique Mali. Pendant ce débat, Issa Ndiaye et moi sommes en
désaccord sur la politique africaine française actuelle : quand je signale
que l’évolution en 2013 de la situation en Centrafrique a placé la politique
française définie autour de la guerre au Mali et de l’alliance avec Idriss Déby
dans une impasse, je suis surpris d’entendre le professeur malien répondre en
disant que les dirigeants français ne tiennent pas compte des massacres en
Afrique.
L’Huma est l’occasion pour l’association Survie de
présenter la sortie de son nouveau livre "Françafrique, la famille recomposée" (sept. 2014).
Ayant beaucoup travaillé dès 2012 sur le thème de l’évolution
de la Françafrique depuis l’œuvre de François-Xavier Verschave, j’attendais
ce livre avec impatience. Ce livre de Survie est un travail collectif qui
permettra de refixer un cadre de réflexion pour toutes les personnes qui
recherchaient des références tenant compte des mutations du système néocolonial.
Etant un peu trop exigeant, en lisant dans le bus les premières pages, je remarque
déjà quelques désaccords par exemple sur la relation entre « politique
africaine de la France » et « Françafrique », sur la relation et
l’influence réciproques entre acteurs africains et français. Cependant, je
commence aussitôt à dire à des gens d’acheter ce livre parce son sujet
est essentiel. Il traite de la politique africaine de Hollande, Fabius et le
Drian, de l’armée français et des entreprises pour lesquelles une typologie est
proposée.
Comme tous les ans, le moment fort sur l’Afrique
est la conférence de l’Espace débat du
village du monde, le dimanche matin ou midi. J'y arrive légèrement en retard à cause de problèmes de transports. La journaliste de l’Humanité Rosa Moussaoui anime
ce débat dont le thème est ‘Afrique : la France ne lâche pas
l’affaire‘. Les intervenants sont Dominique Josse, responsable du
collectif Afrique du PCF, Fabrice Tarrit, François Graner, lui aussi de Survie et auteur
de "Le sabre et la machette » : les officiers français et le génocide des Tutsi au Rwanda"(2014), Issa Ndiaye,
et Ibrahima Sène membre du Parti de l’indépendance et du travail (PIT) au
Sénégal. L’évocation de la complicité des
militaires français dans le génocide des Tutsi du Rwanda étaient en 2014
indispensable, la synthèse est présentée de manière brillante. Le président de Survie, Fabrice
Tarrit, est par ailleurs le plus intéressant et le plus clair dans ses analyses.
A la fin du débat, Mohamed Saleh Ibni-Oumar, du Mouvement du 3 Février (M3F) intervient
depuis le public sur le Tchad et la question essentielle de l’alliance entre Hollande-Fabius-Le
Drian, l’Etat major de l’armée française et le dictateur Idriss Déby. Le blocage
de la situation au Tchad, la gravité des atteintes aux droits humains, l’instabilité
de la région en partie provoquée par le chef d’Etat tchadien, impose une grande
rigueur dans les analyses, et des nuances dans la considération entre France et
Afrique.
Quand, le dimanche soir, les stands sont déjà presque tous
fermés, ma foire des luttes se termine par une rencontre inattendue avec des
responsables de l’Union de salut national djiboutien. Depuis l’inversion du
résultat des législatives de février 2013, la tension est maximale à Djibouti.
Le 8 septembre, le président djiboutien a failli signer un accord avec les
vrais vainqueurs mais au dernier moment s’est abstenu. La démocratisation de ce
pays stratégique pour les occidentaux sur le plan militaire est toujours dans l’impasse.
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