lundi 16 mai 2016

15 mai 2016, St-Denis, Fête de l'insurrection gitane

J'avoue, je n'étais pas venu à la Fête de l'insurrection gitane pour réfléchir, m'informer, un peu fatigué depuis ma dernière publication sur l'Afrique. Je suivais un peu les débats des dernières années, en 2015 et en 2016. Cette année, je suis simplement inquiet des simplifications qui vont se développer d'ici les élections françaises de 2017, ou encore du fait que le mot 'racisme' soit employé à toutes les sauces. Mais cela n'a pas vraiment de rapport. J'avais envie de croiser des ami-e-s. Puis, au final, la nuit tombée, bien que je sois déjà allé au bout de mon reportage sur les Rroms de St-Denis, je me suis laissé encore facilement emporté par l'action de photographier musique et danse gitane. Puisque la culture rrom enrichit le paysage... le groupe Marcela los murchales a lâché prise ce soir.
(seconde version en Nef compressé au lieu de Jpeg compressé)

lundi 9 mai 2016

9 mai 2016, Aubervilliers dans la MGP (Métropole du Grand Paris)

La qualité des politiques se mesure à la capacité à rester positif-ve-s et optimistes quelles que soient les situations quand cela concerne leurs responsabilités. En l’occurrence, la Métropole du Grand Paris (MGP) et la transformation de l’agglomération de communes Plaine Commune en Etablissement public territorial (EPT) le 1er janvier 2016, ont été imposés. Mais aussitôt l’opération effectuée, il s’agit de retomber sur ses pieds et de revenir aux réalités locales.
Dans AuberMensuel que je viens de recevoir, un élu du Modem, Damien Bidal, dans sa tribune (p29), se plaint que les impôts d’Aubervilliers vont augmenter de 6,14%, alors que « les habitants paient trop de taxes pour une médiocre qualité de vie » et que «  la capacité de la ville à se désendetter retombe dans les catacombes ». Voilà de nouveau le débat d’avant les municipales. Quel rapport avec le Grand Paris ? C’est que l’organisation de l’imposition sera changée. Comment et avec quels résultats?
Ce 9 mai, Le président de Plaine Commune, Patrick Braouezec, est là pour tout nous expliquer aux côtés de la nouvelle maire, Mériem Derkaoui, et des autres élus réunis en conseil municipal, dans la magnifique salle de l’Embarcadère. Patrick Braouezec parle d’Aubervilliers dans Plaine Commune. Il commence par la partie finance, c’est assez obscur pour les novices, parce que trop rapidement expliqué. Entre autres, la grille de répartition de la Cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) va changer, Paris va gagner sur la partie « dynamisme ». Plaine commune va devoir réduire ses dépenses.  Il a l’air inquiet : la MGP n’apporte rien automatiquement, il faudra se battre, se battre « pour un développement inclusif et pas exclusif des (revenus) modestes ».
Le président de Plaine Commune aborde aussi de nombreux sujets : l’urbanisme, les médiathèques, l’emploi, …Dans les obsessions du moment, il y a la propreté et la piscine olympique pour 2024. Hé ! On est pas obligé d’être pour les jeux olympiques, la télévision et la société du spectacle ! Concernant l’emploi, Patrick Braouzec invite à s’intéresser à la « mutation anthropologique » qui arrive avec le travail numérique et la fin de la robotisation, par exemple des caisses de supermarchés. Puis, le débat revient sur l’essentiel, …
Ce qui est déjà décidé, c’est le fonctionnement des ETPs et de la MGP. Il y aura 209 conseillés de la MGP dont 3 de Saint-Denis, 2 d’Aubervilliers, 1 pour les autres villes de Plaine Commune. Les oppositions des communes ne seront presque plus représentées. Plaine Commune garde la même composition, mais certaines autres nouvelles ETP ne correspondent pas aux anciennes agglomérations et c’est très difficile pour eux. Il est prévu de nouveaux transferts, de compétences des communes vers les ETP en 2017, décidés collectivement. Ce sera, obligatoirement la fin des Zacs communales.
Les impôts locaux iront à la MGP qui restituera aux communes qui restitueront à l’ETP. Actuellement, il y a souvent « 4 générations sous un même toit » et on construit du logement, mais, Patrick Braouzec a des craintes pour les finances des villes qui créent des logements et qui ne sont pas plus aidées par la région que les villes qui ne créent pas de logement. Il espère obtenir un « Contrat de développement territorial » dans le cadre d’un «  Contrat d’intérêt national », qui servirait à la construction des équipements publics, les crèches, écoles, parcs, qui sont nécessaires quand la population augmente.
L’ancien maire, Pascal Beaudet, intervient pour préciser que « le Grand Paris n’aura de sens que s’il y a solidarité », en particulier pour « les écoles et équipements à construire ». Mais, alors, rien n’est encore décidé au niveau de cette solidarité, d’une redistribution entre villes riches et pauvres ! En rentrant, je croise une connaissance qui travaille justement à Plaine Co, et qui me confirme que rien n’est clair et qu’on en a pour « deux ans d’incertitude ». En effet, j’avais cru comprendre ! Et s’il faut compter sur la solidarité des villes riches, rien n’est moins sûr.

Régis Marzin, 12.5.16

jeudi 5 mai 2016

5 mai 2016, Paris, République, en passant...

... avec un ami, entre le monument populaire en mémoire du 13 novembre 2015...
... et un petit bout de Nuit debout, une présentation-débat sur la 'sobriété'.
C'est mon jour de repos après une période de crise électorale multi-fronts en Afrique, et je ne fais que passer sans grande envie de me mêler de sensibilisation politique.

mardi 3 mai 2016

2 mai 2016, Paris, Tchad : conférence de presse sur la présidentielle du 10 avril

A la nouvelle conférence de presse sur la présidentielle du 10 avril et du 9 mai au Tchad, à la Fondation Gabriel Péri à Pantin, les journalistes sont venus moins nombreux qu’à celle du 3 mars 2016, bien que le leader de l’opposition tchadienne, Saleh Kebzabo, intervienne de nouveau. Les media français semblent être déjà passés à la suite sans s’être méfiés que la crise électorale s’enracinait à un autre rythme qu’à Djibouti ou au Congo Brazzaville.
Dire que tout est terminé parce que le dictateur s’impose par la voie officielle, en sous-entendant que les mascarades électorales sont inévitables en Afrique, ne correspond pas la réalité tchadienne. En enquêtant, en se renseignant auprès des opposants, on peut comprendre que l’enjeu n’est pas situé là où la version officielle a essayé de le placer.
La technique des processus électoraux en Afrique ne passionne pas les lecteurs et auditeurs français, sans doute parce que cela demande une attention à une complexité. Mais cette complexité n’est pas si grande, ce sont surtout des habitudes qui sont prises, au travers de préjugés, qui renvoient à un certain mépris pour la démocratie en Afrique, et sont maintenant intégrées dans des mécanismes inconscients, un suivisme des positions officielles et de l’autocensure.
Pourtant, ce n’est pas si dur de voir que Denis Sassou Nguesso, Ismaël Omar Guelleh puis Idriss Déby ont inversé le résultat du premier tour avec des méthodes très proches. La constatation des techniques de fraudes le jour du scrutin et de compilation des résultats permet de constater la similitude de la méthode. Les dictateurs n’organisent pas les scrutins pour les perdre et ne veulent pas se confronter aux seconds tours. Malheureusement beaucoup de media préfèrent privilégier la version officielle, puis remplacer l’enquête sur le scrutin, par une dialectique qui met en scène les efforts des opposants face à un ennemi invincible, sans remettre en cause la version officielle. En effet pourquoi commencer par dire qu’un chef d’Etat est élu quand il n’est pas élu et quand il n’a jamais été élu depuis 20 ou 30 ans, et qu’il se maintient au pouvoir par la force et la fraude électorale.
La réalité tchadienne est tout autre. Les diplomates et militaires peuvent être inquiets de l’après Déby, si la démocratie ne s’est pas installée avant sa mort. Derrière la puissance militaire se cache un état encore mal structuré, parce que le clan au pouvoir a monopolisé l’essentiel de l’appareil de l’Etat. Idriss Déby est contesté dans la rue depuis peu. La société civile et les partis arrivent à mieux s’organiser et à capter le mécontentement de la population. Une nouvelle inversion du résultat au premier tour s’inscrit dans un historique électoral depuis 1990 et le bilan d’Idriss Déby qui s’aggrave lui sera reproché ardemment. Le rapport de force va continuer de se durcir. Il y avait déjà des « villes mortes » et cela va continuer autant que faire se peut.
M. Saleh Kebzabo, le candidat de l’Union nationale pour le renouveau et le développement (UNDR) qui intervient par téléphone depuis Ndjaména, et M. Abdel-aziz Koullamallah, directeur adjoint de campagne de M. Laokein Medard Kourayo, le Maire de Moundou, leader de la Convention Tchadienne pour la Paix et le Développement (CTDP) sont en mesure de bien décrire le processus électoral à l’étape actuelle. Makaila Nguebla et Mahamat Zang animent la conférence.
Les fraudes se sont déroulées surtout dans les régions du Nord: bourrage de centaines d’urnes et trucage de milliers de procès-verbaux. Dans les régions du Nord, les délégués de l’opposition ont été chassés et, dans les procès verbaux, le score de Déby a été arbitrairement fixé à plus de 90%, malgré l’évidence de la défaite d’Idriss Déby dans certaines villes et régions. Au Sud, la population et les partis ont, en partie, réussi à empêcher les fraudes. Même si Idriss Déby avait 100% dans les 13 régions du Nord, alors en fonction des Procès verbaux au Sud, son score serait au maximum de 42%, soit 35,62% + 10,1%(1-0,3562) = 42,12%, où 35,62% est le pourcentage d’électorat du Nord et 10,1% le pourcentage de votes de Déby au Sud. Il ne pourrait en aucun cas être élu au premier tour. Si les résultats réels apparaissaient, il pourrait même arriver en 4e position et ne pas être retenu au second.
Dans ces conditions, que vont dire les acteurs de la communauté internationale concernés par les processus électoraux en Afrique et par la présidentielle tchadienne ? Une vision à plus long terme du Tchad exigerait de renforcer la démocratie et l’Etat de droit dès maintenant pour prévenir un conflit dans les années qui viennent. Alors que le Conseil constitutionnel tchadien s’apprête sans doute à mentir sur la valeur du processus électoral en validant un résultat inversé, un discours honnête sur la technique des processus électoraux serait la manière la plus simple de soutenir les démocrates tchadiens.
Entre autres, la réaction internationale immédiate déterminera l’Etat du Tchad dans les années à venir dans une région, l’Afrique centrale, qui sera soumise à la pression de la volonté populaire pour arriver aux départs des dictateurs. Les puissances étrangères ne sont pas si bien perçues en Afrique, qu’elles puissent faire l’impasse sur l’opinion publique qui émerge, par les nouvelles technologies et le caractère inexorable de la démocratisation de l’Afrique centrale. Le passif est déjà tellement important que toutes nouvelles erreurs de posture viendront aggraver un bilan déjà très lourd. Une vision à court terme est dangereuse.
Régis Marzin, article écrit et publié le 3.5.16

vendredi 8 avril 2016

7 avril 2016, Saint-Denis, en souvenir des Penn Sardin

Je n’ai pas pris mon appareil photo ce soir. Ce n’est pas grave, ce qui compte c’est le film de Marc Rivière ‘Penn Sardin’. Celui-ci est projeté en version française, et donc pas en version bretonne, ce qui signifie que les paroles des pêcheurs et ouvrières sont traduites. C’est une fiction basée sur des faits réels, la grève des ouvrières à Douarnenez entre le 21 ou 27 novembre 1924 et le 7 janvier 1995, une grève de 7 semaines qui a eu un grand retentissement à l’époque. Je suis bien heureux de découvrir ces faits historiques. A la fin du film, Théo Bernard, qui a fait une thèse sur cette grève, nous explique la vraie histoire. Elle est assez différente du film.
La grève a démarré dans une usine de métallurgie et pas de conserves. Le syndicaliste Charles Tillon n’était même pas là, il sera connu plus tard pour d’autres choses à Douarnenez. Il y a eu d’autres grèves entre 1905 et 1924 au contraire de ce qui est dit dans le film. Les patrons, qui n’étaient pas si paternalistes et étaient parmi les plus exploiteurs de France, étaient prêts à céder sur les revendications au bout de 2 semaines. La grève elle-même était pendant une période d’arrêt de la pèche et d’arrêt de travail des poissonneries. Les pêcheurs ont continué à travailler 2 semaines avant de rejoindre les ouvrières et sont repartis travailler en accord avec le comité de grève et le syndicat CGTU. Les villes de banlieue parisienne n’était pas encore gagnée par le Parti communiste et n’ont pas pu acheter les poissons, la banlieue parisienne est devenue rouge 4 mois plus tard, ce qui n’a pas empêché le soutien à l’époque dans ces mêmes villes. La revendication du droit de vote des femmes n’y était pas, celle du salaire égal avec les hommes non plus, ce qui était normal puisque les hommes et les femmes ne faisaient pas les mêmes métiers.
C’est étrange de faire un film sur des faits historiques et de modifier tant de choses. J’ai aimé ce film mais cela me dérange que l’on corrige le récit d’une réalité. Comme journaliste, je suis constamment en train de me battre contre les mensonges qui peuvent empêcher de savoir ce qui s’est passé réellement.
La tentative d’assassinat du maire communiste est conforme, elle. L’historien nous précise qu’ensuite la préfecture a effacé les preuves du lien avec les patrons. Il y avait 23 usines à Douarnenez dont 18 de conserves.
Le patronat était francisé, un peu venue d’ailleurs, par exemple de Nantes. Les femmes parlaient plus le français que les hommes. 2000 personnes s’étaient mises en grève, dont 75% de femmes. Les réunions étaient des meetings ou la CGTU dirigeait, et pas des assemblées générales. La mairie fournissait les salles.
Encore des choses, qu’il y a 30 ans, nos professeurs d’histoire, gentils et un peu coincés, n’ont pas pris la peine de nous apprendre. Cette soirée m’intéressait pour des questions historiques. Le film correspondait bien au lieu, la Belle étoile. J’entends parler des ‘nuits debout’ à République, mais ce n’est pas la vraiment lutte ouvrière dans le Finistère, en ce qu’elle pourrait nous apprendre quelque chose sur le présent, qui m’intéresse. Nous aurions eu besoin que l’on ne nous cache pas cette histoire en Bretagne, et que l’on évite de nous faire croire que la Bretagne n’avait pas d’histoire, à toutes les époques, pour nous permettre ne nous confronter à la complexité de la réalité. Dommage ! Heureusement, il n'est jamais trop tard. 

jeudi 7 avril 2016

7 avril 2016, Paris, Guinée Équatoriale : conférence de presse de la CORED

Ce jeudi 7 avril, à Paris, à l’institut Iremmo, le nouveau lieu partagé avec la Maison de l’Afrique, le parti 'Coalition restauratrice de l'Etat Démocratie' (CORED), organise une conférence de presse. Elle est animée par Makaila Nguebla, l’éminent blogueur tchadien.
Le secrétaire général de la CORED, Raimundo Elang présente le contexte et les enjeux de l’élection présidentielle du 24 avril 2016 en Guinée Equatoriale, devant une dizaine de journalistes et sympathisants.
Selon lui, c’est parce que sa « dictature » est en en grande difficulté que le président Obiang vient d’avancer la date de la présidentielle, pour qu’elle coïncide avec celles du Congo Brazzaville, du Tchad et de Djibouti. Il a peur de la nouvelle vague démocratique et de se retrouver dans la position de Sassou Nguesso. Son plan de transmission monarchique à son fils est aussi périlleux.
L’élection elle-même traduit un retour 30 ans en arrière, à l’époque du parti unique, plus exactement du candidat unique. La répression est maximale : impossibilité pour la société civile de se réunir, aucune liberté de la presse et de manifester. L’opposition boycotte et il ne reste que six candidats faire-valoir attiré par le financement distribué pour la campagne. Le pouvoir va jusqu’à cibler une répression dosée sur certains partis pour les désigner comme partis d’opposition, pour choisir ses opposants. Il duplique aussi les partis.
La CORED demande à la communauté internationale de ne pas accepter l’élection. La participation très faible risque d’être gonflée.
La population est mécontente. La tension augmentera avec le nouveau mandat de Téodoro Obiang. La Cored se donne comme objectif de « transformer le mécontentement en expression politique ». Pour cela, la Cored, comme nouveau parti politique, s’implante actuellement très rapidement en Guinée Equatoriale, après s’être fait connaître dans ses actions en exil. Elle continue les relations avec les décideurs et diplomates souvent inquiets de l’avenir du pays.
Bien que la CORED ne participera pas à l’élection, elle possède un programme qui lui permettrait de le faire si les conditions le permettaient :
-        un pacte de « vivre ensemble » contre les divisions ethniques renforcées par la dictature,
-        la réforme des institutions : diminution du nombre de ministres, réformes de l’armée, de la police, de la justice,
-        des réformes économiques, la lutte contre la corruption, la restauration du climat des affaires,
-        la réforme de la politique d’éducation, de culture, de santé,
-        une nouvelle politique étrangère pour redorer l’image du pays après le retour à la démocratie
Le secrétaire général de la CORED pense que le peuple guinéen se libérera seul et souhaite une « lutte non-violente ». Selon lui, « l’Afrique centrale bouillonne » entre désespoir et pauvreté. La population sait que la Guinée équatoriale est liée à l’occident par le pétrole.
Régis Marzin
Article écrit et publié le 9 avril

samedi 5 mars 2016

5 mars 2016, Paris : Congo B : le grand meeting

15 jours avant la présidentielle au Congo Brazzaville. De très nombreux orateurs se succèdent à la tribune du meeting  « Congolais debout, Sassou doit partir », j’en verrai une vingtaine, plus ou moins optimistes ou pessimistes, dont Joseph Ouabari Mariotti, le représentant du FROCAD et de l’IDC en Europe, sur la photo, très optimiste. Les partisans du général Mokoko sont assez présents. Certains insistent sur la demande de report. D’autres espèrent que les messages de l’Union européenne et des USA pour une élection transparente seront entendus. Une personne signale la veille 3 tués par les forces de l’ordre et 11 blessés. Une personne demande la refont du fichier électoral. Benoît Boukebene, ancien ministre des Hydrocarbures du Congo de juin 1993 à octobre 1997 et actuel vice-président de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) rappelle les enjeux pétroliers (il avait lui-même mis en place les contrats de partage de production du pétrole à 33% pour l’Etat congolais remis en cause par Sassou Nguesso après sa guerre de reconquête du pouvoir). Beaucoup de propositions sont faites, et rendez-vous est donné pour 19 mars pour une manifestation de la diaspora.

Régis Marzin, article écrit et publié le 10.4.16 

jeudi 3 mars 2016

3 mars 2016, Paris, Tchad : conférence de presse de Saleh Kebzabo

Est-ce à cause des souffrances accumulées que les leaders politiques tchadiens sont devenus si sages ? Saleh Kebzabo est ce 3 mars 2016 en conférence de presse, accompagné pour la présentation de l’éminent blogueur tchadien Makaila Nguebla. Les journalistes sont très nombreux, tous les grands media sont là. Le discours est clair, net et précis. Il n’y aucune exagération, aucun décalage avec la réalité. Cela permettra d’alimenter la réflexion et fera sans doute une certaine différence avec d’autres pays dans le traitement de l’information ensuite. Le cas du Tchad sous la mainmise du dictateur Déby a des aspects désespérés mais au moins les choses sont claires. Par exemple, Saleh Kebzabo est persuasif quand il explique la stratégie des candidats régionaux au premier tour. Il nous assure qu’Idriss Déby ne pourra pas passer au premier tour. Cependant, nous savons aussi que les dictateurs n’organisent pas des élections pour les perdre.

Régis Marzin, article écrit et publié le 10.4 .16 

samedi 27 février 2016

27 février 2016, Paris, Tchad : conférence de Saleh Kebzabo

Le principal opposant tchadien, le chef de file, Saleh Kebzabo, est à Paris devant la diaspora pour présenter la situation avant la présidentielle des 10 avril et 9 mai. L’éminent blogueur Makaila Nguebla l’accompagne pour l’animation. Le candidat présente l’historique électoral du pays et le processus électoral. Il n’est pas, par exemple, satisfait de l’entreprise française Morpho qui a mis en œuvre la biométrie électoral sans transparence et qui contesté sur la distribution des cartes électorales. Cependant, il signale que la France ne s’ingère plus dans les élections, tout en étant satisfait d’Idriss Déby comme bon soldat fournissant des mercenaires. L’opposant propose aux puissances étrangères de travailler avec des autorités légitimes issues d’élections crédibles, ce qui n’est pas le cas du président actuel. Il dénonce des fraudes au niveau des actes de naissances et l’enrôlement des étrangers.
Pendant le débat, les questions de la salle sont parfois maladroites, avec une certaine confusion qui revient sur ce qu’est la dictature et ce que pourrait être la démocratie, comme si un chef ne pouvait être qu’un chef militaire. La diaspora à Paris marquée par l’exil de rebelles ne semble pas représentative de la population tchadienne. Saleh Kebzabo décrit une transformation actuellement rapide, une peur de s’exprimer qui diminue. Selon le président de l'Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), face au régime actuel, le programme compte peu, car les politiciens comme la population sont d’abord dans une opposition au pouvoir.

Régis Marzin, article écrit et publié le 10.4.16

jeudi 18 février 2016

18 février 2016, Paris, la Corne de l'Afrique à la Mairie du 2ème

Ce 18 février à la Mairie du 2ème arrondissement, le groupe Afrique et la commission Transnationale d’Europe Ecologie les Verts organise une soirée sur la Corne de l’Afrique. Les intervenant-e-s sont, de gauche à droite, Soliman Chaouche, de l’Observatoire des Enjeux Politiques et Sécuritaires dans la Corne de l'Afrique (Sciences Po Bordeaux), Géraldine Pinauldt, de l’Institut Français de Géopolitique et Alain Gascon, Professeur émérite à l’Université Paris VIII. Sonia Le Gouriellec de Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (IRSEM) n’est pas là. La conférence est animée par Abdessalam Kleiche.
Géraldine Pinauldt fait une présentation générale en terminant sur migrants et demandeurs d’asiles. Soliman Chaouche intervient sur le Soudan. Avant l’arrivée de Beshir, entre 1956 et 1959, deux partis confrériques soufis, mélangeant déjà religion et politique, dominaient. Ils existent toujours et souhaitent un retour à un régime parlementaire, mais les élections sont utilisées par Béshir pour se renforcer. Alain Gascon intervient surtout sur l’Ethiopie,  dont on a entendu parler dernièrement en raison de la révolte des Oromos contre l’accaparement des terres.
Le débat permet d’évoquer Djibouti et l’Erythrée. Les démocrates sont menacés et abandonnés à quelques semaines d’une mascarade présidentielle à Djibouti. L’Union européenne souhaite apporter une aide à l’Erythrée, en cherchant à externaliser la gestion des migrations, comme au Soudan. Avec Khadafi, déjà, cela avait été fait. Mais les migrations de la Corne de l’Afrique sont justement une conséquence des dictatures, alors pourquoi négocier et aider des Etats contrôlés par des dictateurs !
Régis Marzin, article écrit et publié le 11.4.16

samedi 6 février 2016

6 février 2016, Saint-Denis, à la lisière du festival 'Censures'

16e journées cinématographiques dionysiennes: festival 'Censures'. 10 affiches non sélectionnées par l'artiste Henri Bokilo sont exposées au Café du marché. BALàFOND est en concert au vernissage. Et moi je passe par là... (publié le 11.4.16)

vendredi 5 février 2016

5 février 2016, Paris, Djibouti : massacre du 21 décembre 2016

Le vendredi 5 février, au siège d’Amnesty international France à Paris, a lieu une conférence de presse sur la situation des droits humains Djibouti. Elle est organisée par Maki Houmed-Gaba, à gauche, le représentant en France de l’Union pour le Salut National et Makaila Nguebla, animateur, à droite. Un 3e intervenant est Ahmed Loïta. Les journalistes et sympathisants sont une vingtaine. Il y a aussi deux taupes, bienvenues.
Maki Houmed-Gaba replace le processus électoral de la présidentielle dans le cadre historique. L’intervenant principal est Said Houssein Robleh, victime des forces de l’ordre, le 21 décembre 2015. Le député raconte exactement la double attaque du pouvoir qui a détruit le processus électoral. Il explique qu’il a reçu une balle tirée par la police lors d’une réunion de l’USN et subi une opération chirurgicale à l’hôpital militaire français de Djibouti. Il demande une commission d’enquête internationale.
Maki Houmed-Gaba reprend la parole pendant le débat pour compléter les réponses aux questions des journalistes par exemple sur la communauté internationale. L’USN aura-t-elle le temps de sortir du choc de l’agression pour revenir aux questions électorales ? Les grandes puissances qui utilisent Djibouti pour des raisons militaires sortiront-elles de leur silence ? Le dictateur djiboutien a montré qu’il ne souhaitait faire aucune concession.

Régis Marzin, article écrit et publié le 11.4.16. 

jeudi 4 février 2016

4 février 2016, Paris, Congo K : l’homme qui répare les femmes

Thierry Michel est, comme réalisateur de documentaire, indépassable sur le Congo Kinshasa. Je suis content de le voir enfin dans un débat. Il présente à Paris « L'Homme qui répare les femmes - La colère d'Hippocrate » réalisé avec la journaliste Colette Braeckman sur « l'action du docteur Denis Mukwege auprès des femmes violentées du Sud Kivu ». Le film sortira dans les salles le 17 février. Philippe Hagué interroge l’auteur.
Avant nous avions eu l’honneur d’entendre Julie Gayet, la copine de François Hollande, Geneviève Garrigos, la directrice d’Amnesty France, et Pascale Doitard, la secrétaire d’Etat aux droits des femmes (encore pendant une semaine).
Le film est une belle production, il est couvert de prix. Il a connu des déboires, puisque Joseph Kabila l’a fait interdire. Thierry Michel nous raconte comment il obtenu la levée de l’interdiction le 15 octobre 2015. Il y a maintenant eu 3 projections en RDC après des projections dans 9 pays africains, une autre devant le congrès américain et une autre devant l’ONU. Des copies circulent aussi dans le Kivu générant des débats.
Quelle justice après ces viols ? Un tribunal pénal international ? Un tribunal mixte ? Le parlement congolais a rejeté cette dernière idée.
Je note dans le film une remarque du docteur Mukwege : où sont les hommes ? (quand cela va si mal pour les femmes). Cela m’évoque les présidents africains élus démocratiquement qui ne condamnent jamais les mascarades électorales dans les dictatures ? Pourquoi ce silence ? Thierry Michel pense que « l’Afrique a besoin de modèles, intègres et (porteurs) de convictions ».
La discussion se termine pour certains invités, dont les journalistes, dans un pot dans un bar à côté, et nous approfondissons le débat avec un blogueur très connu sur le Congo Kinshasa et une psychologue qui a travaillé dans l’humanitaire dans le Kivu. 
L’année 2016 verra-t-elle le départ du dictateur congolais ? La médiatisation internationale du film participe à montrer qu’un changement de cap est indispensable et que tout le monde le sait. Reste à convaincre le principal intéressé.
Régis Marzin, article écrit et publié le 11.4.16

jeudi 28 janvier 2016

28 janvier 2016, Aubervilliers : débat sur l’Etat d’urgence

Africain à Paris, je suis un piètre citoyen français, mais je me déplace néanmoins à l’école primaire pour écouter la LDH sur l’Etat d’urgence. L’avocate Dominique Noguères intervient. Elle alerte sur la surveillance électronique et les perquisitions depuis le 13 novembre, qui ont surtout servi à lutter contre la petite délinquance, les assignations à résidence préventives basées sur des soupçons, l’augmentation du contrôle de la société, qui peut toucher les militant-e-s associatif-ve-s et syndicaux-ales, la déchéance de nationalité, la stigmatisation d’une partie de la société, la modification de la constitution dangereuse.
Elle décrit la « fin de l’Etat de droit classique » quand le juge judiciaire, non maîtrisable, est remplacé par un juge administratif.
Selon elle, le chômage est occulté, le débat sur la politique étrangère oublié. OK, çà c’est mon domaine, j’approuve. Et je profite que personne ne m’écoute pour signaler que Laurent Fabius comme ministre des affaires étrangères a un très mauvais bilan en dehors de la question du climat. Il semblait assez peu compétent, assez peu motivé, et des informations circulaient comme quoi il était malade physiquement, point gênant sur lequel les media n’ont pas trop insisté, mais qui semble avoir eu un impact sur sa capacité à prendre en charge des dossiers. C’est aussi tout cela qui a fait que Jean-Yves Le Drian est devenu le « ministre de l’Afrique ».
Le débat revient beaucoup sur Aubervilliers. On se demande que faire. Il faut de la pédagogie, comme le montre la réaction d’une personne qui quitte la salle après avoir contesté par des arguments simplistes. Cela parle de la guerre d’Algérie, mais je trouve alors la généralisation hâtive. Nous ne sommes plus dans les années 1990, l’inconscient colonial persiste certes, mais il y autre chose dans l’air, un mélange de problématique complexe qui demande une réflexion complexe pour être désamorcé. Par exemple le racisme est maintenant très mélangé avec de la xénophobie à plus forte dose mais aussi avec du rejet culturel, et l’action de l’Etat quand elle s’imprègne de cet inconscient collectif est traversé de tensions contradictoires et plus complexes.
Je quitte la salle discrètement, attiré par d’autres questions et réflexions.
Régis Marzin, article écrit et publié le 11.4.16

samedi 23 janvier 2016

23 janvier 2016, Paris, Gabon : manifestation pour les alternances démocratique en Afrique

La Manifestation pour les alternances démocratiques en Afrique organisée par la diaspora gabonaise à Paris, et en particulier par Gloria Mika, a lieu ce samedi devant la Maison de la Radio :
Gabon : la famille Bongo au pouvoir depuis 1967 !
Guinée Equatoriale : Tedoro Obiang Nguema au pouvoir depuis 1979 !
Congo Brazzaville : Denis Sassou Nguesso au pouvoir depuis 1979 !
Angola ! José Eduardo Dos Santos au pouvoir depuis 1979 !
Ouganda : Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986 !
Tchad : Idriss Déby au pouvoir depuis 1990 !
Congo Kinshasa : la famille Kabila au pouvoir depuis 1997 !
Djibouti : Ismaïl Omar Guelleh au pouvoir depuis 1999 !
Y’en a marre ! Ça suffit comme ça ! Du balai !
Tout est dit, et le calendrier des élections est ici.
'Science sans conscience, n'est que ruine de l'âme.'
Agitation sans connaissance, n'est que bruit de casserole dans la nuit.
Régis Marzin, article écrit et publié le 11.4.16

jeudi 21 janvier 2016

21 janvier 2016, Paris, Congo K : conférence de presse de Freddy Kita

Ce jeudi 21 janvier 2016 à Paris, Place République, a lieu une conférence de presse de Freddy Kita, Secrétaire Général de la Démocratie Chrétienne, Coordonnateur du coordonnateur du comité de suivi de l’Initiative Panafricaine pour la Défense de la Démocratie (IPDD), sur la situation électorale en République démocratique du Congo, devant une vingtaine de journalistes et sympathisant-e-s.
Le processus électoral de la présidentielle et des législatives, prévus le 27 novembre 2016, sans report possible selon la constitution est mal engagé. La CENI n’a pas fourni de calendrier, et le précédent est caduc. Du fichier électoral sont exclus 8 millions de jeunes. Le financement de l’Etat n’arrive pas à la CENI et la communauté internationale ne peut financer sans calendrier. Il n’y a pas de dialogue entre gouvernement et opposition. La situation des droits humains est catastrophique. Les détentions arbitraires politiques sont nombreuses, dont des « otages en prison ». Il n’y toujours pas d’enquête sur le massacre de début 2015. Les media sont censurés.
Selon Freddy Kita, le respect de la constitution est une condition indispensable pour démarrer un dialogue. Il propose, dans l’ordre, la libération des prisonniers, la désignation par l’ONU d’un facilitateur, chargé ensuite de  l’organisation d’un dialogue, puis le dialogue et l’organisation par la CENI des élections avec discussion du calendrier et de la loi électorale, sur la liberté d’expression et de manifester.
Il rejette le facilitateur de l’Union africaine togolais Edem Kodjo, qui a déjà échoué au Burundi. Il considère que le représentant de l’ONU pour l’Afrique centrale pas assez déterminé, et que la position de l’ONU doit changer sur les conditions du dialogue. Pendant le débat avec la salle, le représentant en Europe du FROCAD et de l’IDC au Congo Brazzaville, Joseph Ouabari Mariotti qu’il faut éviter que l’Onu et l’Ua soient des complices ou des « médecins après la mort » par leur « attentisme ».
Sur la possibilité de candidature unique de l’opposition, il remarque qu’il faut des critères pour distinguer de vrais opposants de simples dissidents. Il pourrait y avoir un candidat unique sans primaires. Le but serait aussi de déraciner le système Kabila, au niveau des intérêts miniers et de l’armée. Il insiste alors sur les liens entre l’armée congolais et le Rwanda. Une partie des journalistes sont déjà partis et il s’agit maintenant plus d’un débat ouvert avec la diaspora.

Régis Marzin, article écrit et publié le 12.4.16 

jeudi 14 janvier 2016

14 janvier 2016, Paris, Année européenne pour le développement ?

2015 aurait été déclarée "Année européenne pour le développement" ? Je n'en avais pas entendu parler, étrange! A la Maison de l'Europe de Paris, dans le Marais, l'association Sauvons l'Europe organise une conférence sur ce sujet peu connu, peu médiatisé, de la coopération européenne. La conférence est intitulée 'Année européenne pour le développement : regards sur six décennies de coopération et leçons pour l'avenir'. Y participent, de gauche à droite, Gérard Vernier, ancien fonctionnaire européen à la direction générale du Développement et de la Coopération - EuropeAid à la Commission européenne, Solen Menguy de Sauvons l'Europe, animatrice, Clément Cheissoux, chargé de mission Climat et Développement sur le départ à la Fondation de France, et Brigitte Améganvi, présidente de Synergie Togo.
Gérard Vernier trace un historique de l'aide au développement européenne depuis 60 ans, précis, utile, mais ne questionne pas vraiment la politique européenne. Brigitte Améganvi évoque une certaine compromission de l'Ue au Togo entre politique de développement peu efficace et services rendus au pouvoir. Elle ne rentre pas dans le détail du scandale de la politique européenne au Togo. Clément Cheissoux défend l'agriculture paysanne. Le débat permet de souligner des incohérences de la politique européenne, souligne légèrement les ambiguïtés européennes concernant la démocratie et les droits humains, d'autant plus que l'exemple choisi, le Togo pousse dans cette direction. Mais cela reste superficiel et j'apprends peu de choses qui puissent m'être utile. Sur le Togo, le rôle désastreux de Louis Michel n'est pas expliqué au public, alors qu'il a été question des arrêts et reprises de la coopération et de l'Accord de Cotonou. En rentrant, j'informe les organisateurs en leur proposant  par mails quelques documents supplémentaires sur le sujet, en particulier sur la politique européenne sur la démocratie et au Togo :
- Mon dossier début 2015: " Union européenne et élections en Afrique en 2015 et 2016 : relancer la relation Europe – Afrique par un soutien accru à la démocratisation", et la lettre du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique associée qui en résume assez bien les idées : "9 propositions à l’UE pour soutenir la démocratisation en Afrique" qui recommandait de " Redéfinir la politique européenne en accord avec les Etats membres, en rééquilibrant les trois grands pôles, politique de défense et sécurité, politique de développement économique et politique de soutien à la démocratie et à l’Etat de droit, dans le sens d’un soutien accru à la démocratie.
- Sur la piètre performance de l'Ue lors de la présidentielle togolaise de 2015, l’échange du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique avec le Directeur Afrique au SEAE : "UE – Togo et politique européenne – Lettre ouverte à Nicholas Westcott". Nicholas Westcott a quitté mi-décembre son poste de directeur Afrique du Seae de l'Ue. 
- Le "New Action Plan on Human Rights and Democracy (2015-2019)" de juillet 2015 et le "Projet de rapport annuel de 2014 sur les droits de l'h,omme et la démocratie dans le ,monde et sur la politique de l'Union européenne en ,la matière" de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen de septembre 2015, deux documents qui montrent que la politique européenne en Afrique est toujours en cours de définition.
L’absence de maturité de la politique européenne n’est pas uniquement due aux divergences entre Etats membres, évoqués ce soir. Il y a déjà de nombreuses décisions qui ont été prises qui correspondent à des directions. Ces choix sont déjà discutables, par exemple la priorité  donné à une politique très budgétaire permettant un ‘soft power’, une influence douce et large. C’est dans ce cadre que l’Ue vient de décider, en décembre 2015, pour lutter contre les migrations, de fournir de l’aide au développement à l’Erythrée, la pire dictature d’Afrique : le scandale et l’incohérence sont immédiats puisque qu’il était évident que les conditions définies dans l’Accord de Cotonou au niveau des droits humains n’étaient pas respectées. Pourtant, la décision est passée assez inaperçue. L’enjeu de la relation entre Europe et Afrique, bien qu’essentiel reste méconnu, sans doute parce que les regards, sur les deux continents, restent d’abord nationaux.
Régis Marzin, écrit et publié le 16.1.16

dimanche 6 décembre 2015

6 décembre 2015, Montreuil, grande conférence sur le climat

Ce week-end à Montreuil, s'est installé le village mondial des alternatives pour agir face au changement climatique, avec quelques concerts, mais surtout de très nombreux débats, ateliers sur un grand nombre de thèmes. 
Dans le sommet et le contre-sommet, l'Afrique paraît assez mal défendue. Je devine une difficulté dans l'approche d'un problème pourtant mondial : les principales victimes du réchauffement climatique sont dans les pays pauvres et en partie non-démocratiques; si les population ne sont pas là pour se défendre de manière visible, les défenseurs qui les soutiennent n'arrivent pas à les défendre à la hauteur qui serait nécessaire. C'est une vision générale politique qui l'emporte et qui occulte un peu la gravité des risques et dégâts là où ils ne peuvent être exprimés. La vision mondiale à long terme n'est pas toujours accessible dans les régions du monde où la survie se défend à court terme, où les enjeux de démocratie et de paix focalisent les attentions.
Ainsi, je n'ai pas trouvé grand chose d'intéressant dans le programme du week-end sur l'Afrique juste quelques conférences sur des sujets précis. Je viens donc pour le débat principal le plus général, la table ronde de clôture du Sommet Citoyen pour le Climat où sont annoncé-e-s Naomi Klein, Via Campesina, Kumi Naidoo, le directeur exécutif de Greenpeace International, et Juliette Rousseau, la porte-parole de la Coalition Climat 21.
La salle, la Parole errante, est anormalement sombre, 2 ampoules manquent au-dessus des intervenant-e-s. Certes, cela économise de l'énergie, mais cela n'aide pas à filmer et à photographier et cela ajoute à l'ambiance un peu triste. Car l'euphorie n'y est pas, ou plutôt est loin d'être celle qui aurait pu être sans le massacre du 13 novembre. Un hystérique des alpages vient un peu déranger sur scène, mais je m'étonne plutôt qu'il n'y en ait qu'un.
J'ai manqué Naomi Klein, dommage. Kumi Naidoo, le sud africain de Green Peace est un pro de la com' à l'américaine. C'est impressionnant cette méthode américaine de synthétiser, simplifier, concentrer l'argumentaire sur l'essentiel pour interpeller le public. Cela donne un discours militant qui ressemble au style des écoles de commerce. En réalité, je suis très content de l'entendre car il insiste sur la démocratie nécessaire au négociation sur le climat, qui est la question qui m'intéresse sur l'Afrique. Il dénonce les multinationales alors que je dénonce les dictatures.
Un point important, c'est que la Conférence de Paris marque un début de mobilisation. Copenhague avait déçu et démobilisé, mais cette fois-ci, le message c'est que la société civile n'a pas d'attente forte du sommet des chefs d'Etat et a plutôt une volonté de travailler selon son calendrier. 
Le représentant haïtien de Via Campessina insiste sur l'agroécologie, la lutte contre OGM, les engrais et pesticides. Deux représentants de Polynésie interviennent également sur la montée des eaux.
Juliette Rousseau pense que le gouvernement français met des bâtons dans les roues parce que les idées de la coalition climat sont "en passe d'être victorieuses". S'il y a dans cette coalition, des légalistes et des adeptes de la désobéissance, la journée d'action du 12 décembre se fera avec de la désobéissance. 
La conférence n'aborde pas les négociations du Sommet officiel. C'est à la Zone d'action pour le climat, au 104 à Paris, que toute la semaine, chaque jour à 18h (lundi, mardi, mercredi) ou 17h (jeudi et vendredi), auront lieu des Assemblées générales qui feront le point sur les négociations.

samedi 5 décembre 2015

5 décembre 2015, Bourget, Cop21 : Afrique et climat

Pendant les négociations sur le climat, les pays africains ont été très peu entendus, même si beaucoup de choses ont bougés pour l'Afrique. Les dirigeants ne sont pas tous légitimes et compétents, puisque l'Afrique compte un nombre équivalent de dictatures et de démocraties. Les soutiens dans les ONG ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux et leur plaidoyer ne s'appuie pas sur suffisamment de forces africaines organisées.
Le groupe Afrique d'Europe Ecologie les Verts, ouvert à d'autres personnalité au travers du collectif 'Wangari Maathai', a sans doute été le seul à réaliser un travail de synthèse et à communiquer sur l'Afrique pendant la Cop21, en publiant une note écrite en collaboration avec des écologistes africains : "COP21 : réparer l’injustice climatique en Afrique". Cette note a été rédigée dans le cadre de la Fondation de l'Ecologie Politique (FEP).
Ce samedi 5 décembre, la FEP et le collectif 'Wangari Maathai' organisaient au Bourget, dans la partie réservée à la société civile, la conférence "L'accord de Paris : quelles perspectives de développement pour l’Afrique subsaharienne ?" avec, de gauche à droite, Gaël Giraud, chef économiste de l'Agence française de développement (AFD), membre du conseil scientifique de la FEP, Raimundo Ela Nsang, secrétaire exécutif de la Coalition restauratrice de l’Etat démocratique en Guinée équatoriale (CORED), Benjamin Bibas, modérateur, membre du groupe Afrique d'Europe Ecologie les Verts et du collectif 'Wangari Maathai', Mildred Barasa, journaliste au Kenya Times et Africa Woman, secrétaire générale du African Network for Environmental Journalists (ANEJ), Marc Ona Essangui, célèbre coordinateur de l’ONG gabonaise Brainforest. Aïssatou Diouf, la responsable plaidoyer climat à l'ONG ENDA, était excusée.
Marc Ona insiste sur le problème de la gouvernance politique dans une Afrique "prise en otage par des oligarches". Un président comme Ali Bongo fait de la communication autour de la COP21 et sa société "Delta Synergie" serait en position de profiter des fonds de l'adaptation au changement climatique. Marc Ona évoque la gestion désastreuse des forêts, en raison de laquelle, "Pour protéger le climat de la planète, la France doit se désengager du secteur d’exploitation forestière industrielle dans le bassin du Congo". L'activiste très engagé contre la dictature de la famille Bongo précise que la gouvernance électorale passe pas des processus électoraux crédibles.
En anglais, la journaliste kenyane Mildred Barasa décrit les effets du réchauffement dans la vie quotidienne des femmes, dont la durée de travail augmente à cause de la recherche du bois et de l'eau. Elle insiste sur la pollution de l'eau, l'érosion des sols à cause de l'agriculture intensive et de la déforestation, les sécheresses plus fréquentes, l'accaparement des terres par des sociétés étrangères.
L'opposant équato-guinéen, Raimundo Ela Nsang, parle de la production pétrolière dans le golfe de Guinée. Les pays producteurs n'ont pas construit des infrastructures sanitaires adaptées. La tuberculose accompagne l'augmentation du rythme de la production. Des terres deviennent invivables, les écosystèmes marins sont dégradés, la pêche est impactée. Le pétrole moins accessible est extrait avec de plus en plus d'eau polluée. Les dictatures sont maintenant considérés comme instables, et les multinationales accélèrent la production en craignant la perte des contrats qui pourrait advenir suite à la chute des dictateurs. Les grandes compagnies pétrolières profitent de l'absence de contrôles environnementaux dans les Etats non démocratiques. Pour prévenir la pollution, la CORED propose de diminuer la production et de la rendre plus durable, et la construction de l'Etat de droit et la démocratisation sont une condition nécessaire.
Benjamin Bibas présente la note et en résume les revendications principales : de nouvelles taxes innovantes pour financer le Fonds vert pour le climat, l'intégration de l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) dans les négociations sur le climat en la rendant contraignante, un inventaire des Biens communs mondiaux, entre autres.
Gaël Giraud, de l'AFD et de la FEP, précise les possibilités en termes de taxation et revient sur plusieurs questions. Il y a dans les gaz, le CH4 et pas seulement le CO2. Les banques s'opposent à la taxation et les Paradis fiscaux compliquent les exigences de transparence. Des projets sérieux en termes d'écologie sont en concurrence avec des investissements à 10% de profit annuel.
Trois jours plus tard, les mêmes personnes sauf Gaël Giraud, présentent la note au siège d'Europe Ecologie les Verts. Remarque : Je complète ainsi mes notes prises au Bourget, en particulier pour Marc Ona que j'avais manqué à la première présentation.
Au siège d'EELV, il est aussi question de la participation des communautés locales et de l'utilisation du Fond Vert pour le climat: comment éviter que les milliards aillent vers les multinationales et oublient les communautés locales et les entreprises africaines, en particulier les PME ? La question de la démocratie rejoint cet enjeu de la gouvernance dans l'adaptation au changement climatique et face aux dégâts environnementaux. Le débat revient sur la justice climatique et les crimes environnementaux. La valorisation des chefs d'Etat dictateurs dans les négociations sur le climat est particulièrement soulignée, ainsi que la nécessité de continuer à soutenir la démocratie et l'Etat de droit.
Certains chefs d'Etat africains, comme Téodoro Obiang, n'ont fait que reprendre le travail de consultants occidentaux. Au Togo, Faure Gnassingbé a massacré des villageois, causant 8 morts à Mango, pour en essayant de créer en urgence un parc naturel un mois avant la Cop21. Denis Sassou Nguesso a fortement profité de la Cop21 qui, entre autres, lui a permis d'échapper à une réaction internationale après le massacre du Coup d'Etat constitutionnel de fin octobre.
Régis Marzin, 20 décembre 2015.

5 décembre 2015, Aubervilliers, climat, Tuvalu !

Le Grand Bouillon accueille une présentation de Tuvalu par les associations Haute Qualité Artistique et Culturelle (HQAC) et Alofa Tuvalu: Tuvalu le nouveau lieu d'Aubervilliers, le petit jardin et la scène qui seront bientôt accessibles pendant les marchés qui auront lieu sur la nouvelle place pendant les travaux du métro, et, Tuvalu, l'archipel de Polynésie menacé de disparition en raison de la montée des eaux.
Juste avant avait lieu une promenade dans Aubervilliers sur le lien entre la ville et le monde, entre Data centers et entrepôts de marchandises allant vers Paris arrivant surtout de Chine, entre palettes et ailantes, l'arbre cultivé en Chine caractéristique des friches et chantiers, qui traverse la scène du Tuvalu.
L'association franco-tivaluenne Alofa Tuvalu créée en 2005 travaille à la sauvegarde de Tuvalu, surtout par un travail de communication, et participe donc à la lutte contre le réchauffement climatique. Les images de l'archipel me font une bonne introduction au week-end sur le climat, puisque je dois ensuite me rendre au Bourget.
Je ne pars pas sans m'être inquiété de l'avenir de Tuvalu d'Aubervilliers. En plus de l'accès prochain lors de l'ouverture de la zone pour la marché - il y aussi des panneaux d'affichage -, le lieu devrait prendre vie autour des événements de musique, théâtre, que les motivé-e-s du coin organiseront. Cela sera sans doute un peu lent, parce qu'il y a déjà beaucoup d'activités dans des lieux existants et que la ville n'est pas encore si vivante que cela. La créativité dépend de la liberté et la liberté s’accommode mal avec les grilles, qui sont pourtant nécessaires. Que deviendra le Tuvalu d'Aubervilliers... mystère ? 

jeudi 19 novembre 2015

18 novembre 2015, Paris, paix durable en Centrafrique ?

Depuis le lancement de la campagne Tournons la Page mi-2014, le Secours Catholique continue de s’affirmer par des prises de positions courageuses sur l’Afrique. Quelques jours avant la probable visite du pape à Bangui, il organise dans la soirée du 18 novembre à Paris, à la Maison des Évêques de France, une conférence ‘Centrafrique : Quels leviers pour une paix durable ?’. Les intervenants sont Thierry Vircoulon, d’International Crisis Group, Jean-François Akandji Kombe, centrafricain et professeur de droit à la Sorbonne, et Rachid Lahlou, président du Secours Islamique France. Le débat est animé par Antoine Sondag. (Photo de gauche à droite : Rachid Lahlou, Thierry Vircoulon, Antoine Sondag, Jean-François Akandji Kombe et Aude Hadley du Secours Catholique)
Les derniers jours, j’ai perdu beaucoup de temps et d’énergie à cause du massacre du 13 novembre et j’arrive en retard, quand se terminent les interventions, pour le débat avec la salle. Le programme prévoyait aussi des vidéos de l’archevêque de Bangui, Monseigneur Nzapalainga et du président de la communauté islamique centraficaine, l’imam Kobine Lamaya, que j’ai donc manquées.
La soirée aborde le thème de l’action des ONG en Centrafrique, parfois contestées, par exemple dans l’utilisation de l’argent européen, mais aussi fortement remerciées, surtout pour ses interventions humanitaires.
Rachid Lahlou insiste sur le processus de Désarmement, Démobilisation et réinsertion (DDR). La Séléka a pris Bamabari comme « capitale », et pour lui, le risque de partition existe à plus long terme. Jean-François Akandji Kombe revient sur la fausse lecture religieuse du conflit et dénonce l’ambassadeur de France qui avec Sangaris rencontre la Séléka, dont les chefs sont sur « liste noire ».
Le débat lancé avec la salle, les discussions portent essentiellement sur la tenue des élections. Elles sont considérées comme imposées par la communauté internationale alors que les conditions ne sont pas réunies. Ce point de vue assez consensuel varie peu depuis l’erreur de Laurent Fabius début 2014, qui a comme ‘confondu’ les problématiques de la RCA et du Mali. La pression française sur le gouvernement de transition actuel a provoqué un affaiblissement de la relation entre la France et la Centrafrique. Selon Thierry Vircoulon, une partie des politiques centrafricains veulent se débarrasser du gouvernement de transition. Il affirme que « l’élection est un piège qui se refermera sur ceux qui seront élus ». Il est aussi question du risque d’oubli du pays, qui a déjà commencé mais pourrait être bien pire suite au scrutin.
Un centrafricain du public évoque une guerre idéologique autour des forces soudanaises et tchadiennes qui ont participés à la crise en Centrafrique pour y voir finalement la main cachée des USA, de la France dans un « chaos programmé » et cite quelques livres d’auteurs panafricanistes pour se justifier.
Plus sérieusement, un autre centrafricain, François Passéma critique l’action de la MINUSCA et de Sangaris. Il indique qu’une priorité aurait dû être de remettre avant en place l’administration, ce que reconnaît Thierry Vircoulon.
L’ancienne ministre de la Communication et de la Réconciliation nationale dans le gouvernement centrafricain de transition entre janvier et août 2014, qui a travaillé sur le processus de réconciliation, Antoinette Montaigne, revient très diplomatiquement sur les liens forts avec les tchadiens, sur la « peur du musulman » « vu comme un danger ». Pour elle, les « migrants (tchadiens qui étaient ou sont toujours en RCA) ne sont pas tous centrafricains ». Elle préconise des « consultations populaires pour un dialogue inclusif », la lutte contre l’impunité, un travail social de « distribution des postes et privilèges ».
Comme souvent depuis début 2013, malgré la gravité de la responsabilité d’Idriss Déby en RCA, le point de vue sur le Tchad et son président est exprimé de manière très tempéré sans doute par nécessité, pour laisser une chance au dialogue.
En discutant pendant le pot qui suit le débat, j’arrive à la conclusion que le débat n’a pas été jusqu’au bout sur le point des élections qui sont prévues les 27 décembre 2015 et 31 janvier 2016. Selon moi, après plusieurs reports des scrutins depuis 2014, les dernières dates correspondent à un compromis entre 2 scénarii, celui promu par Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian d’un scrutin rapide et totalement bâclé, favorable à tous les dictateurs d’Afrique centrale, Sassou Nguesso et Idriss Déby en particulier, et celui plus lent d’une démocratisation réelle au travers d’une organisation progressive des démocrates centrafricains, qui pourrait faire tâche d’huile.
D’une certaine manière les conclusions du Conseil européen sur la République Centrafricaine du 17 novembre 2015 expriment les contradictions entre les objectifs et priorités qui sous-tendent ces 2 scénarii : « L'UE continue d'étudier les conditions nécessaires à l'envoi d'experts électoraux lors des prochains scrutins en RCA dans la continuité des efforts déjà engagés, dans un environnement sécuritaire adéquat grâce à l'appui des forces internationales. » Si les conditions étaient réunies, comme elle le laisse croire, il n’y aurait pas besoin d’étudier ces conditions et l’observation ne serait pas dangereuse.
Dans l’expression du piège pour le futur pouvoir élu s’exprime la lenteur de la restructuration de l’Etat, qu’il y ait ou non élection. Une compréhension dialectique permettra suite au scrutin d’estimer les qualités du changement. Il y aura sans doute une certaine légitimité issue des urnes, même si le processus est mauvais parce qu’il n’y pas de président dictateur sortant et d’ancien parti unique dominant, mais cette légitimité ne règlera pas suffisamment ou très peu la question des moyens de redresser la situation au niveau militaire, social, administratif, ce qui fera que le débat sur le poids des responsabilités centrafricaines ou de la communauté internationale devrait continuer.

mardi 17 novembre 2015

17 novembre 2015, Paris, Algérie, à propos du journal El Watan

Ce mardi 17 novembre 2015, le festival Maghreb des filmsest au cinéma Le Louxor, près du métro Barbès. Je tente une seconde timide sortie dans Paris, après le massacre de 13 novembre qui a accaparé mon esprit depuis 3 jours. Le documentaire ‘Contre-pouvoirs’ de Malek Bensmaïl, en avant première, a attiré mon attention parce qu’il parle de la campagne de l’élection présidentielle de 2014 en Algérie. Les films sur les élections en Afrique sont rarissimes et comme journaliste spécialisé dans les processus électoraux, je ne peux manquer ce documentaire. L’invitation par mail  évoque une « une élection gagnée d’avance » par Abdellaziz Bouteflika pour son 4ème mandat.
Le film que je vois n’est finalement pas un film sur l’élection, mais plutôt un film sur le journal algérien El Watan. La presse en Afrique étant un autre sujet qui me passionne également, je suis tout aussi content de voir le documentaire et de participer au débat. Les films sur la presse dans les dictatures ou « régimes autoritaires », sont encore plus rares que les films sur les élections. Le spectateur peut entrer dans le quotidien d’une rédaction, comprendre comment se prennent les décisions. El Watan s’oppose régulièrement au président Bouteflika. Des passages évoquent quelques scandales ou mauvaises habitudes du système, par exemple avec les entreprises qui, pendant la campagne, donnent des cadeaux qui vont dans la poche d’individus. Il montre aussi un mouvement citoyen, Barakat, très actif autour du scrutin et auquel participe un journaliste.
Au débat, sont présents le réalisateur Malek Bensmaïl, le directeur d’El Watan, Omar Belhouchet, la correspondante parisienne, et un journaliste très présent dans le film, Hassen Malek (photo : de gauche à droite : Hassen Malek, l’animateur, Malek Bensmaïl, Omar Belhouchet). Les questions permettent de compléter la compréhension de ce qu’est le journal, ses 25 ans d’histoire. Les actionnaires sont 18 journalistes. Le media s’est renforcé progressivement a axant sa stratégie sur son indépendance financière, grâce à la publicité et à la maîtrise de sa distribution et de l’impression, en évitant d’aller trop vite sur internet. Le journal en langue française sort maintenant à 140 000 exemplaire avec seulement 18% d’invendus. Son directeur pense qu’il est maintenant un exemple pour les journaux dans les régimes autoritaires. Omar Belhouchet précise bien qu’il ne parle pas de dictature mais de « système autoritaire ». C’est un point qui m’intéresse, puisque je classe les régimes en Afrique régulièrement, et que je pense moi que l’on peut classer l’Algérie dans les dictatures en Afrique, s’il faut choisir entre ‘démocratie’, ‘dictature’ et ‘régime intermédiaire, en transition ou indéterminé’. El Watan s’est toujours engagé sur des sujets délicats : « corruption, armée, police politique, santé de Bouteflika » a été suspendu 7 fois à partir de 1993, a connu des arrestations, de la prison. Maintenant, comme partout en Afrique, les attaques sont plus discrètes et perfides, pour éviter d’attirer l’attention des défenseurs internationaux. Après la présidentielle de 2014, le journal a perdu 60% de son budget publicitaire et a été obligé d’augmenter son prix, sans que les ventes ne baissent. Depuis 1999 au pouvoir, Bouteflika n’aime pas la presse algérienne, à laquelle il n’a jamais accordé aucune interview.
Je suis étonné que le documentaire montre des débats sur de l’analyse politique mais ne mette pas en avant des journalistes et techniques d’investigation, avec des scoops basés sur des documents, des enregistrements secrets. Hassen Malek répond à ma question en indiquant qu’il y a un verrouillage très fort du pouvoir qui empêche l’investigation et y voit une faiblesse de la presse algérienne. J’avais toujours pensé que la faiblesse structurelle de la presse en Afrique pouvait être la cause du manque d’investigation, mais je comprends alors que le type de régime peut être une raison plus profonde. Dans des dictatures moins organisées, une presse légère, comme Tribune d’Afrique au Togo entre 2009 et 2013, peut arriver à faire ce qu’un journal solide est empêché de faire ailleurs.
Je sais que je pourrais retrouver les informations à mon bureau, mais je profite du débat pour interroger Omar Belhouchet sur le processus électoral et les techniques de fraudes. Le score soviétique de Bouteflika a été de 81,53% au premier tour. Un processus électoral, ce n’est pas si compliqué, il est bon que le public du Louxor sorte de la salle bien informé. Selon le directeur d’El Watan, le fichier électoral est de très mauvaise qualité, avec 4 à 5 millions d’électeur-trice-s en trop, qui font autant de voix supplémentaires pour le président sortant. Ensuite, les procès verbaux ont disparu et l’administration a inventé des chiffres, sans aucun contrôle de type Commission électorale indépendante. L’Ue sous la pression du pouvoir a mis 6 mois à sortir, trop tard, un rapport accablant. Le journal a subi des attaques financières suite à ses enquêtes sur le processus électoral.
C’était mon premier passage au festival Maghreb des films, et j’ai passé une excellente soirée, apprenant beaucoup de choses sur l’Algérie, sur le fonctionnement de la presse indépendante au milieu d’un « système autoritaire ». Régis Marzin, Paris, 21 novembre 2015

dimanche 1 novembre 2015

1er novembre 2015, Paris, manifestation pour le Congo Brazzaville

Les manifestations contre le coup d'Etat constitutionnel de Sassou Nguesso continuent à Paris. 250 congolais-e-s étaient au Trocadéro et ont marché vers l'ambassade. Comme il y a 11 jours, la colère dominait. Le coup de poignard de Hollande dans le dos du 21 octobre est loin d'être digéré, malgré la non reconnaissance du résultat du référendum par l'Elysée, le 26. Il faut dire que le Ministre de la Communication et des Médias, Thierry Moungala, a fait tourner en boucle sur les télévisions congolaises, un court extrait de Hollande disant  "le président Sassou peut consulter son peuple, ça fait partie de son droit".
Prochain rendez-vous pour la diaspora congolaise le samedi 7 novembre pour une manifestation plus large de Château rouge à République.