mardi 27 octobre 2015

27 octobre 2015, Plaine St-Denis, ma journée coréenne

Je suis un peu las des combats africains, là. Le hasard a bien fait les choses aujourd’hui : hier, je regardai un film coréen, ‘Le chant de la fidèle Chunhyang’ d’Im Kwon Taek (2000), et aujourd’hui, je vais écouter à la Maison des Sciences de l'Homme – pourquoi pas humaines ? - Paris Nord un concert intitulé ‘Improvisation France-Corée’. Le film de la veille, une histoire d’amour empêchée célébrissime, est entrecoupé de scène d’un concert de ‘pansori’, un récit chanté accompagné au tambour. J’ai encore l’atmosphère et les images en tête. La mise en scène est traversée par une réflexion sur la représentation, la transmission de valeurs morales et d’une identité culturelle dans la représentation sur scène comme sur l’écran.
C’est d’abord un plaisir de découvrir un nouveau lieu, la MSH récemment ouvert à la Plaine Saint-Denis, juste à côté du Métro Front populaire, dans la zone où va s’installer le pôle universitaire de sciences humaines.
Les musicien-ne-s sont Didier Petit au violoncelle, Philippe Foch aux percussions diverses, Song Ji-yun à la flûte classique coréenne daegeum, et la star de la soirée, Kim Dong-Won, percussionniste connu de passage à Paris.
Il y a une part de musique traditionnelle coréenne et une part de ‘musique contemporaine’, et d’autres choses encore, mais le concert est surtout totalement improvisé. Ils et elle n’ont jamais joué ensemble. Seuls Didier Petit et Philippe Foch ont l’habitude d’être partenaires, sinon, les 4 musicien-ne-s ne se connaissent que depuis la veille ou depuis quelques heures.
Ce qui est extraordinaire dans ce concert, c’est qu’il est acoustique, et, j’ai envie de dire, hyper-acoustique. L’amphithéâtre moderne est dédié à l’étude de la musique acoustique, on peut y faire des conférences sans micro grâce à des murs striés de vagues ondulées. Je n’ai jamais aussi bien entendu des instruments et surtout les sons très bas, ce qui révèle des nuances et des subtilités. Gratter la flute devient un son musical, frotter ou cogner deux instruments donnent des sons, poser une percussion sur une autres donnent des sons bien audibles, le ventre est un tambour parfait. Même rire devient un son. Un moment merveilleux, c’est quand Philippe Foch s’amuse à lever en l’air une cymbale vibrante, et fait varier son son. Il y a de quoi se questionner sur les avantages des technologies modernes. Que perd-t-on à écouter constamment de la musique par amplification ? C’est aussi le corps qui revient, les pieds nus, les doigts qui prennent, tiennent, les oreilles qui entendent, les muscles et les os qui agissent.
Ce qui attire le plus mon attention c’est le jeu ensemble des deux percussionnistes, leurs échanges, leur dialogues et parfois les discordances. Il n’y pas de tension, mais sans doutes des difficultés qui font rire et sourire. Kim Dong-Won avec son janggo fait des choses pas normales, un peu difficile à suivre. La clarté du son global permet des jeux de rythmes subtils. Cela me rappelle un peu, parce que je le veux bien, les meilleurs batteurs que j’ai eu la chance d’entendre dans le rock, comme Steve Shelley de Sonic Youth, un champion des changements de rythme.
A la fin du concert, Kim Dong-Won explique qu’il essaye d’écouter les autres et de ne pas reproduire ce qu’il a déjà fait. L’échange avec les autres musicien-ne-s, crée un croisement de styles. Les passages mélodiques sont cassés pour jouer avec des références en les évitant. En discutant avec une organisatrice coréenne à la fin, je me demande qu’est-ce qui reste des réflexes à reproduire des sons d’une mémoire culturelle. Les passages mélodiques sont peut-être plus facilement associable à un patrimoine ou à une culture, mais les sons des percussions, les bruits et les rythmes, pourrait être plus universels, sans références. Pourtant, il y a aussi des passages rapides quelques secondes qui évoquent des styles de musiques, jazz, rock ou je ne sais quoi, en ce qui concerne le percussionniste d’ici. Quant à la culture coréenne, j’avoue mon ignorance. Qu’est-ce qui reste de la culture et qu’est-ce qui est libre de toute reste de culture dans un échange improvisé ?
Métaphoriquement, si l’on se comprend à partir de deux langages, qu’est ce qui ne se comprend pas ?
Les musicien-en-es lâchent prise… On voit leur bonheur d’être là ensemble et avec nous, 30 ou 40 personnes. Quand cela se termine, le public est heureux aussi, le débat s’installe naturellement autour des impressions et de réflexions plus intellectuelles.
Ce soir, il s’est tout de même passé quelque chose de magique, un truc expérimental qui a bien marché.

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