La dernière fête de l'insurrection gitane à Saint-Denis avait été organisée en 2010, triste année pour les Rroms en France. La date du 16 mai correspond au 70e anniversaire d'une véritable insurrection gitane, en 1944, dans un camp de concentration nazi. Cette année, l'événement arrive aussi quelques semaines après une période d'instrumentalisation politique honteuse, cette fois locale, au moment de la campagne des municipales. Le samedi soir, des concerts ont duré tard dans la nuit. D'autres spectacles et débats ont repris sur la place entre la basilique et la mairie ce dimanche.
Je retiens surtout de cette journée le débat qui présente deux ouvrages, Avava Ovava et "Roms et riverains. Une politique municipale de la race" d'Eric Fassin. Le sociologue présente son livre, je suis d'accord avec l'essentiel de son discours sauf sur l'expression 'politique de la race', il n'arrive pas à me convaincre sur cette expression que je trouve même dangereuse pour la lutte de soutien aux Rroms. N'est-elle pas aussi performative? Si les races humaines n'existent pas au sens biologique qui constitue la référence en France, pourquoi insister sur ce vocabulaire à la manière des anglophones qui utilise un concept différent pour le signifiant 'race' (en anglais). Je crois plutôt qu'il est important de signifier et différencier les agressions et discriminations en fonction des causes, la xénophobie, le rejet des modes de vie différents et alternatifs, les stratégies électorales s'appuyant sur des boucs émissaires, pour les Rroms, ou, justement, un racisme issu du colonialisme et du néocolonialisme pour les sans-papiers d'origine africaine.
En travaillant sur le génocide des Tutsi du Rwanda et sur les massacres en Centrafrique, je me suis rendu compte de l'importance de la maîtrise du vocabulaire pour limiter ou arrêter la haine et les violences. Ainsi, en Centrafrique, les massacres depuis décembre 2013 ont des causes dans un conflit au niveau des religions, des nations et chefs militaires, et dans les réseaux économiques correspondants. Un ennemi minoritaire a été dans un excès "inventé" comme "ennemi" par une majorité à l'intersection des imaginaires religieux, et nationaux, et d'un partage de richesses, qui correspondait à une réalité. Des commerçants en grande partie 'musulmans' et pour beaucoup venus du Tchad s'enrichissaient depuis plusieurs années dans le diamant et d'autres commerces, puis suite à la prise du pouvoir de rebelles se disant musulmans, les amalgames et la violences ont démarré un processus d'engrenages de la haine et des vengeances. Cette exemple est juste un exemple de construction identitaire d' "ennemi" (au sens employé par l'armée rwandaise ou les services secrets rwandais préparant le génocide avant 1194), sans imaginaire ni raciste ni ethnique.
Cette remarque étant faite, le débat est très intéressant. Selon Eric Fassin, la politique actuelle identique de Sarkozy et Valls pousse vers un rejet, qui devient identitaire. Se ressentent de plus en plus français-es ceux et celles qui rejettent des catégories stigmatisées. Une identité en France se modifie. Il s'agirait alors d'une construction ou d'un ressenti en négatif, rien de nouveau, mais l'accentuation d'un phénomène ancien.
Une intervenante répond aussi à une question sur l'homosexualité et les luttes féministes dans les groupes rroms. Les difficultés sociales, la violence psychologique extérieure se répercutent et accentuent des violences internes. Si je comprends bien ce qui a été dit très brièvement, certains hommes se sentant dévalorisés à l'extérieur peuvent chercher à retrouver une posture hiérarchique qui leur est plus favorable à l'intérieur.
Une intervenante répond aussi à une question sur l'homosexualité et les luttes féministes dans les groupes rroms. Les difficultés sociales, la violence psychologique extérieure se répercutent et accentuent des violences internes. Si je comprends bien ce qui a été dit très brièvement, certains hommes se sentant dévalorisés à l'extérieur peuvent chercher à retrouver une posture hiérarchique qui leur est plus favorable à l'intérieur.
Et la fête reprend après le débat avec un concert et la danse. Dans la musique, les gestes, les costumes, me semblent se mélanger des 'origines' culturelles, secondaires. Je pense à l'Espagne, la Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie. Mais faut-il penser une ou des identités, sous-identités, au risque de les mettre dans des cases mal définies et trop étroites, alors que la vie est tourbillonnante comme la grande robe blanche de la danseuse ?
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