Jean Ping rencontre la diaspora gabonaise à Paris,
près du siège de l’Unesco. Il y a entre 400 et 500 personnes dans une salle
très réactive. A la tribune, il est accompagné de gauche à droite, de l’animatrice
du débat, d’un député, d’un membre de la diaspora, de l’ancien premier ministre
entre 2006 et 2009, Jean Eyeghe Ndong, du Pasteur Georges Ngoussi et
d’une autre personne.
Après une introduction assez courte, le président « normalement »
élu, pour parler comme François Hollande, pour aider Manuel Valls à distinguer les
« 2 présidents » et à savoir lequel a vraiment gagné sans
attendre 7 ans, laisse la parole à la salle.
Les questions sont nombreuses. La première est celle
de la participation aux législatives. Une partie de la salle est choquée, crie,
et demande que Jean Ping n’y réponde pas. Pourtant, au contraire, la question
occupera ensuite la moitié des deux heures de débat.
Jean Ping rappelle d’abord que sa priorité comme
président est de « réformer les institutions en mettant en place une
justice indépendante, une cour constitutionnelle qui dit le droit, pour une
démocratie moderne basée sur la séparation des pouvoirs ».
Il prévoit une réconciliation même si, en
reconnaissant sa défaite, « Ali Bongo aurait pu être un héros, mais a
préféré être un zéro ».
Il rappelle qu’il était bien établi, qu’ «il ne
faut pas toucher aux investisseurs étrangers », qu’il y a eu une instruction
« de ne pas brûler des installations pétrolières », puis, que si
Bolloré s’en va soutenir Ali, il ne sait pas « ce qui va lui arriver ».
L’ancien président de la Commission de l’Union
africaine pense que la diaspora ne voit pas toujours ce qu’il se passe au
Gabon. Dans la salle, il y a des partisans d’une « opposition armée »
qui applaudissent après une question. Selon Jean Ping, si « tous les
gabonais se posent la question », « nous n’avons pas d’armes ».
Il semble ensuite préférer montrer par deux anecdotes le décalage entre cette
idée et la situation, sachant aussi que « tout peut arriver ».
Jean Ping indique
que le combat continue dans deux directions principales. Premièrement, il y a
la bataille judiciaire, avec la CPI, et l’attente du rapport de la mission d’observation
européenne. Deuxièmenent, il y aura la mise en place d’un « Comité pour
la nouvelle République », un « comité permanent qui ne sera pas un
‘shadow cabinet’ puisque nous avons gagné. Il précise que « le pays sera
ingouvernable et est déjà ingouvernable », que « ceux qui disent qu’Ali
Bongo domine le pays par la terreur mais est en place, se trompent ». Il
demande à la diaspora « d’avoir confiance dans le peuple gabonais »
qui, s’il ne fait pas le nécessaire, « brûlera sa maison ».
Concernant les législatives, sa réponse est d’abord
la
même que celle à RFI le 31 octobre : « Je n’irai pas prendre des positions seul », mais je le ferai « en
concertation avec la coalition », après « un débat sur la question »,
alors que « certains veulent y aller et d’autres non ». Il demande à
la diaspora de « se préparer à y aller au cas où la décision serait d’y aller »,
puisque « c’est à Libreville que cela va être décidé ». Il utilise
alors une image « Il faut faire du bruit à droite et frapper à gauche.
Vous vous voulez que je fasse du bruit à droite et que je frappe à droite ».
Ce message sur les législatives est visiblement le principal message de la
journée.
Jean Ping
donne peut-être une indication sur son avis personnel quand il dit que « la
chaise vide ne marche pas », que le parlement en 2011 était « monocolore »,
ou qu’il est normal qu’il y ait des « découragés ou des épuisés »,
donnant l’exemple d’un militant associatif emprisonné dix jours et torturé. A
ses côté, un député de l’Union national qui n‘avait pas boycotté les
législatives de 2011 au contraire de son parti, intervient aussi sur la
question en pesant le pour et le contre : « le risque de perdre »
et le « fait que le boycott de 2011 ait pu être une erreur ». Enfin, Jean
Eyeghe Ndong veut obtenir la majorité et reconnaît qu’il risque d’y avoir de la
fraude.
Dans trois
pays d’Afrique centrale qui ont connu un coup d’Etat électoral en 2016, des
législatives sont attendues, au Tchad, au Congo Brazzaville et au Gabon. Dans ces
trois pays, le dictateur au pouvoir dispose d’un découpage électoral déséquilibré
géographiquement, qui peut lui permettre, avec des fraudes par ailleurs, d’obtenir
une majorité avec une minorité de voix. Au Gabon cela avait été signalé en 2011,
par exemple par le
Réseau des Organisations Libres de la Société Civile pour la Bonne Gouvernance
au Gabon (ROLBG), mais peu médiatisé car le scrutin était boycotté. Il s’agit
d’une méthode de fraude en dictature qui est difficile à contester, car le
découpage est légal. Au niveau arbitrage diplomatique et observation, si les
acteurs de la communauté internationale ont reconnu l’inversion du résultat par
la Cour constitutionnelle malgré l’évidence de l’inversion de résultat, il y a
des chances qu’ils ne vont pas considérer en amont que le découpage électoral déséquilibré
est à réformer en priorité pour rendre crédible le scrutin, même si cela risque
de conduire à une sorte de validation par des législatives du coup d’Etat
électoral de la présidentielle.
Régis Marzin, Paris, Compte-rendu du 6 novembre
2016
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