dimanche 6 novembre 2016

6 novembre 2016, Paris, Gabon : le président normalement élu à Paris

Jean Ping rencontre la diaspora gabonaise à Paris, près du siège de l’Unesco. Il y a entre 400 et 500 personnes dans une salle très réactive. A la tribune, il est accompagné de gauche à droite, de l’animatrice du débat, d’un député, d’un membre de la diaspora, de l’ancien premier ministre entre 2006 et 2009, Jean Eyeghe Ndong, du Pasteur Georges Ngoussi et d’une autre personne.
Après une introduction assez courte, le président « normalement » élu, pour parler comme François Hollande, pour aider Manuel Valls à distinguer les « 2 présidents » et à savoir lequel a vraiment gagné sans attendre 7 ans, laisse la parole à la salle.
Les questions sont nombreuses. La première est celle de la participation aux législatives. Une partie de la salle est choquée, crie, et demande que Jean Ping n’y réponde pas. Pourtant, au contraire, la question occupera ensuite la moitié des deux heures de débat.
Jean Ping rappelle d’abord que sa priorité comme président est de « réformer les institutions en mettant en place une justice indépendante, une cour constitutionnelle qui dit le droit, pour une démocratie moderne basée sur la séparation des pouvoirs ».
Il prévoit une réconciliation même si, en reconnaissant sa défaite, « Ali Bongo aurait pu être un héros, mais a préféré être un zéro ».
Il rappelle qu’il était bien établi, qu’ «il ne faut pas toucher aux investisseurs étrangers », qu’il y a eu une instruction «  de ne pas brûler des installations pétrolières », puis, que si Bolloré s’en va soutenir Ali, il ne sait pas « ce qui va lui arriver ».
L’ancien président de la Commission de l’Union africaine pense que la diaspora ne voit pas toujours ce qu’il se passe au Gabon. Dans la salle, il y a des partisans d’une « opposition armée » qui applaudissent après une question. Selon Jean Ping, si « tous les gabonais se posent la question », « nous n’avons pas d’armes ». Il semble ensuite préférer montrer par deux anecdotes le décalage entre cette idée et la situation, sachant aussi que « tout peut arriver ».
Jean Ping indique que le combat continue dans deux directions principales. Premièrement, il y a la bataille judiciaire, avec la CPI, et l’attente du rapport de la mission d’observation européenne. Deuxièmenent, il y aura la mise en place d’un « Comité pour la nouvelle République », un « comité permanent qui ne sera pas un ‘shadow cabinet’ puisque nous avons gagné. Il précise que « le pays sera ingouvernable et est déjà ingouvernable », que « ceux qui disent qu’Ali Bongo domine le pays par la terreur mais est en place, se trompent ». Il demande à la diaspora « d’avoir confiance dans le peuple gabonais » qui, s’il ne fait pas le nécessaire, « brûlera sa maison ».
Concernant les législatives, sa réponse est d’abord la même que celle à RFI le 31 octobre : « Je n’irai pas prendre des positions seul », mais je le ferai « en concertation avec la coalition », après « un débat sur la question », alors que « certains veulent y aller et d’autres non ». Il demande à la diaspora de « se préparer à y aller au cas où la décision serait d’y aller », puisque « c’est à Libreville que cela va être décidé ». Il utilise alors une image « Il faut faire du bruit à droite et frapper à gauche. Vous vous voulez que je fasse du bruit à droite et que je frappe à droite ». Ce message sur les législatives est visiblement le principal message de la journée.
Jean Ping donne peut-être une indication sur son avis personnel quand il dit que « la chaise vide ne marche pas », que le parlement en 2011 était « monocolore », ou qu’il est normal qu’il y ait des « découragés ou des épuisés », donnant l’exemple d’un militant associatif emprisonné dix jours et torturé. A ses côté, un député de l’Union national qui n‘avait pas boycotté les législatives de 2011 au contraire de son parti, intervient aussi sur la question en pesant le pour et le contre : « le risque de perdre » et le « fait que le boycott de 2011 ait pu être une erreur ». Enfin, Jean Eyeghe Ndong veut obtenir la majorité et reconnaît qu’il risque d’y avoir de la fraude.
Dans trois pays d’Afrique centrale qui ont connu un coup d’Etat électoral en 2016, des législatives sont attendues, au Tchad, au Congo Brazzaville et au Gabon. Dans ces trois pays, le dictateur au pouvoir dispose d’un découpage électoral déséquilibré géographiquement, qui peut lui permettre, avec des fraudes par ailleurs, d’obtenir une majorité avec une minorité de voix. Au Gabon cela avait été signalé en 2011, par exemple par le Réseau des Organisations Libres de la Société Civile pour la Bonne Gouvernance au Gabon (ROLBG), mais peu médiatisé car le scrutin était boycotté. Il s’agit d’une méthode de fraude en dictature qui est difficile à contester, car le découpage est légal. Au niveau arbitrage diplomatique et observation, si les acteurs de la communauté internationale ont reconnu l’inversion du résultat par la Cour constitutionnelle malgré l’évidence de l’inversion de résultat, il y a des chances qu’ils ne vont pas considérer en amont que le découpage électoral déséquilibré est à réformer en priorité pour rendre crédible le scrutin, même si cela risque de conduire à une sorte de validation par des législatives du coup d’Etat électoral de la présidentielle.
Régis Marzin, Paris, Compte-rendu du 6 novembre 2016

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