mercredi 1 octobre 2014

1er octobre 2014, Paris 20e, expo photo tchadienne

J'arrive à la galerie photographique, le bar Floréal, au vernissage de l'exposition 'N’Djamena, Tchad, Photographies d'Abdoulaye Barry et Photocamp', dubitatif. Car je suis à la fois photographe et journaliste, donc intéressé par toute démarche artistique, mais aussi par le contexte politique que je connais bien. Est-ce que je ne risque pas de croiser la délégation de l'ambassade de la pire dictature ex-colonies française d'Afrique ? Cela risquerait de gâter ma promenade de soirée d'été indien.
Les artistes ont eu à Ndjaména le soutien de la coopération française, par l'Institut Français du Tchad, et Abdoulaye Barry m'explique que l'ambassade de France a commencé à soutenir les artistes en 2013. J'en déduis optimistement que des échanges culturels peuvent profiter aux artistes, créer du débat, et, faire venir des français-es autres que militaires qui pourront témoigner des réalités. Que du positif! Justement çà semble se dégeler un peu avec une conférence de presse qui n'a pas été interdite dernièrement, tout débat est bon à prendre et la liberté d'expression artistique reste une liberté d'expression. Ainsi au Burkina Faso, la politique culturelle française très riche s'adapte bien à la dictature de basse intensité de Blaise Compaoré, et le Balai citoyen a bien été créé par Smockey et Sam's K le Jah. Selon que l'on s'intéresse à la logique de la politique française où au besoin des populations et artistes tchadiens, les points de vue peuvent diverger.
J'explique à un ami que les photographies se comprennent aussi par la connaissance de la vie politique au Tchad, et que très peu de gens sont conscients qu'au delà de la dictature il faut connaître le niveau de dictature. Sans tomber dans le décalage par rapport à la réalité du film 'Grigris'de Mahamat Saleh Haroun, un artiste navigue obligatoirement entre censure et auto-censure. En démocratique France aussi, le photographe évite de photographier les militaires et leurs famas dans le métro, mais, au Tchad, à Ndjaména, les photographes ont besoin d'une autorisation pour pouvoir faire leurs photos dans la rue.
Je commence à comprendre la stratégie du caméléon, qui n'est pas la stratégie de l'araignée. Par petit pas, ça ira mieux demain, c'est la philosophie du "ça va aller!", me dit-on.
Après un débat, le vernissage continue avec de la danse au milieu de la cité de la rue Couronnes. Un instant, en voyant ce spectacle ici, on pourrait sentir une disparition de la distance entre les continents et une certaine communion d'esprit. Mais un artiste à la fin qui remercie l'ambassade d'être venue provoque le retour du réel pour les oreilles averties. Je ne sais pas si je m'autocensure, mais je sais qu'il reste encore beaucoup d'obstacles pour nous retrouver tous heureux-ses ensemble comme citoyen-ne-s du monde.

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