dimanche 28 septembre 2014

27 septembre 2014, Paris 18e, Ecobox concert Jean-Baptiste

Cette année, le jardin d'Ecobox, près du métro Max Dormoy, est de nouveau très animé. Aujourd'hui, pour la fête des jardins, on peut y voir une exposition photo des adhérent-e-s, uniquement des paysages, plantes et animaux, insectes, oiseaux, poules, hérissons.
Le soir, l'association accueille le groupe de flamenco de Jean-Baptiste Marino. Ça pourrait presque danser, ça frétille, mais le public préfère écouter, sauf pour les dernières chansons. La guitare impressionne. C'est un concert magnifique, au milieu de ce décor étrange, entre fresques, arbres, plantes et poulailler. Cette étrangeté de la rencontre de la musique, de son style et du décor,  fait aussi la poésie du moment. Imitant l'expo photo, j'évite exceptionnellement de parler des êtres humains qui traînent par là !

dimanche 21 septembre 2014

20 septembre 2014, Aubervilliers, journée du patrimoine

J'hésite à me rendre aux Journées européennes du patrimoine à Aubervilliers. Il y a des jardins à visiter, mais c'est assez classique. Le mécréant que je suis, est pourtant curieux de mieux connaître l'histoire de l'église Notre Dame des Vertus, parce qu'elle est belle. L'an passé, déjà, j'avais apprécié de connaître l'histoire de l'ouvrier libertaire accusé de l'incendie du 15-16 avril 1900, celle de Léon Jouhaux, le syndicaliste CGT créateur de FO, qui finit ensuite Prix Nobel de la Paix. La visite est aujourd'hui plus basée sur l'architecture et l'histoire ancienne.
Alain Desplanques, ci-dessous, ancien professeur d'histoire dans les lycées de la ville, présente le bâtiment, avec l'aide d'un texte de l'historien Jacques Dessain, ci-dessus, présent également pour ajouter quelques commentaires érudits, sur les alentours de l'église, une passerelle disparue entre des bâtiments, un prêtre qui habitait là où se trouve la librairie, etc...
Alain Desplanques insiste sur la construction par étapes de l'église depuis le XVe siècle, à l'époque du roi Charles VII. Il y a du style gothique (XVe), du style Renaissance (ajout du clocher au XvIe) puis du style jésuite, lié à l'église de Gesù à Rome (ajout de la façade côté mairie avec les 2 portes et l'orgue). L'édifice doit régulièrement être rénové parce qu'il n'est pas en pierre de taille, ce qui fait qu'il a coûté régulièrement de l'argent à la ville, malgré le passage en monument historique après l'incendie.
Dans les vitraux, on trouve une évocation de la contre-réforme de la 2e moitié du XVIIe siècle, quand les catholiques construisirent et améliorèrent les églises pour récupérer des fidèles après la percée protestante. Un autre vitrail présente les 70 000 messes qui auraient été dites par 2 000 prêtres pendant la guerre 14-18. Un détail amusant, c'est dans le vitrail principal au dessus de l'hôtel, un symbole franc-maçon qui a été effacé.
La visite de l'église terminée, je suis grégairement le groupe jusqu'à l'hôtel de ville en face, où une personne travaillant aux archives de la mairie nous présente l'histoire de la guerre 14-18 à Aubervilliers. L'exposition présente des spécificités locales: le départ à la guerre, le patriotisme, le travail des femmes dans la couture, la reconversion des usines, les bombardements surtout en 1918 mais qui commencèrent dès 1914, les hôpitaux et les blessés, les correspondances avec les poilus, l'alimentation, ... L'affiche sur l'armée de l'Afrique n'a pas grand chose à voir avec le reste de l'exposition.
L'essentiel arrive à la fin et se discute devant le monument du sculpteur Cipriani, le bilan des morts de la guerre. Le monument aux morts situé dans la mairie indique 1761 noms. Je suis étonné: Aubervilliers n'est pas la Bretagne avec ses paysans non francophones qui furent utilisés comme de la chair à canon. La présentatrice confirme que le taux à Aubervilliers est 2 fois supérieur à la moyenne nationale et qu'un cinquième des soldats ne sont pas rentrés vivants. Par quel mystère?
Un second archiviste donne quelques explications: la ville était très ouvrière et paysanne et ces catégories professionnelles furent défavorisées dans l'infanterie. Certaines personnes étaient des provinciaux, migrants de l'époque, venus travailler à Aubervilliers et quelques'unes furent comptabilisés dans leur lieu de naissance et ici. Il y a par ailleurs une répartition aléatoire qui n'a pas été favorable à la ville. Cela reste à éclaircir.
Le débat s'élargit un peu quand un ancien combattant de la guerre d'Algérie signale qu'il est toujours impossible d'aller parler de cette autre guerre en Seine-Saint-Denis, parce que le rectorat bloque en arguant de la présence trop nombreuse des personnes d'origine algérienne. Je remarque alors que les problèmes des archives de la préfecture de police de Paris pour 17 octobre 1961 n'est pas réglé, on me dit que ça se serait amélioré en 2013, mais j'en doute fortement sachant que la question est politiquement très sensible (et après vérification, cela reste très loin du compte). Cette légère polémique nous fait sortir un peu d'une pensée présentée comme consensuelle dans les événements financés par le ministère de la Défense, même si ce n'était pas le but. 
Dans le Léon dans le Finistère cet été, les discours étaient plus critiques lors de la représentation de la pièce 'Le Léon 1914, Mobilisation générale, par la Cie de théâtre Ar vro Bagan.
Finalement, je me suis fait une sortie "Eglise-Armée" comme au pays parfois... ça va, j'ai survécu.

dimanche 14 septembre 2014

12, 13, 14 septembre 2014, l'Afrique à la fête de l'Humanité

La fête de l’Humanité était annoncée sans pluie cette année : l’été finissant, comment ne pas y arriver d’humeur optimiste ? J’ai aussi remarqué que le programme sur l’Afrique est assez léger : Ukraine, Syrie, Irak mais surtout Palestine occupent bien plus les esprits et les stands.
Je fais le tour du village du Monde, et je remarque à quel point la foire est confuse et de nature à tromper les novices. Il y a des associations uniquement commerciales, des associations bidon, des organisations politiques non-représentatives ou obsolètes, et même des organisations qui ne sont pas non-violentes en Afrique. Il n’y a pas de filtre et de cohérence. La foire de l’Huma est comme Jeune Afrique ou la Lettre du continent, la culture générale doit être suffisante pour réussir à décoder les messages. Au milieu des merguezs, des bars et des reliques du Che, des excité-e-s et extrémistes côtoient les intellectuels les plus pertinents dans une certaine cacophonie. Ainsi, je croise un défenseur de la dictature érythréenne, la pire dictature du continent, sans que cela ne m’étonne. Des causes justes et fortes ne trouvent pas toujours de place faute de moyen, les places n’étant pas gratuites.
Quelques stands organisent des débats, comme ceux de l’Amicale panafricaine sur les limitations de mandat,  de la Plateforme panafricaine, ou des associations du Sahara occidental. Je note l’arrivée de l’association Ibuka-France des rescapés du génocide des Tutsis du Rwanda que j’ai croisée régulièrement en 2014.
Je passe un peu plus de temps au stand de Survie, de la Semaine anticoloniale et de la Fasti où je retrouve des ami-e-s. Le samedi, y a lieu un premier débat sur les luttes anticoloniales, puis le dimanche sur Frontex, et enfin sur la Françafrique, avec Fabrice Tarrit, président de Survie et Issa Ndiaye, président du Forum civique Mali. Pendant ce débat, Issa Ndiaye et moi sommes en désaccord sur la politique africaine française actuelle : quand je signale que l’évolution en 2013 de la situation en Centrafrique a placé la politique française définie autour de la guerre au Mali et de l’alliance avec Idriss Déby dans une impasse, je suis surpris d’entendre le professeur malien répondre en disant que les dirigeants français ne tiennent pas compte des massacres en Afrique.
L’Huma est l’occasion pour l’association Survie de présenter la sortie de son nouveau livre "Françafrique, la famille recomposée" (sept. 2014). Ayant beaucoup travaillé dès 2012 sur le thème de l’évolution de la Françafrique depuis l’œuvre de François-Xavier Verschave, j’attendais ce livre avec impatience. Ce livre de Survie est un travail collectif qui permettra de refixer un cadre de réflexion pour toutes les personnes qui recherchaient des références tenant compte des mutations du système néocolonial. Etant un peu trop exigeant, en lisant dans le bus les premières pages, je remarque déjà quelques désaccords par exemple sur la relation entre « politique africaine de la France » et « Françafrique », sur la relation et l’influence réciproques entre acteurs africains et français. Cependant, je commence aussitôt à dire à des gens d’acheter ce livre parce son sujet est essentiel. Il traite de la politique africaine de Hollande, Fabius et le Drian, de l’armée français et des entreprises pour lesquelles une typologie est proposée.
Comme tous les ans, le moment fort sur l’Afrique est la conférence de l’Espace débat du village du monde, le dimanche matin ou midi. J'y arrive légèrement en retard à cause de problèmes de transports. La journaliste de l’Humanité Rosa Moussaoui anime ce débat dont le thème est ‘Afrique : la France ne lâche pas l’affaire‘. Les intervenants sont Dominique Josse, responsable du collectif Afrique du PCF, Fabrice Tarrit,  François Graner, lui aussi de Survie et auteur de "Le sabre et la machette » : les officiers français et le génocide des Tutsi au Rwanda"(2014), Issa Ndiaye, et Ibrahima Sène membre du Parti de l’indépendance et du travail (PIT) au Sénégal. L’évocation de la complicité des militaires français dans le génocide des Tutsi du Rwanda étaient en 2014 indispensable, la synthèse est présentée de manière brillante. Le président de Survie, Fabrice Tarrit, est par ailleurs le plus intéressant et le plus clair dans ses analyses. 
A la fin du débat, Mohamed Saleh Ibni-Oumar, du Mouvement du 3 Février (M3F) intervient depuis le public sur le Tchad et la question essentielle de l’alliance entre Hollande-Fabius-Le Drian, l’Etat major de l’armée française et le dictateur Idriss Déby. Le blocage de la situation au Tchad, la gravité des atteintes aux droits humains, l’instabilité de la région en partie provoquée par le chef d’Etat tchadien, impose une grande rigueur dans les analyses, et des nuances dans la considération entre France et Afrique.
Quand, le dimanche soir, les stands sont déjà presque tous fermés, ma foire des luttes se termine par une rencontre inattendue avec des responsables de l’Union de salut national djiboutien. Depuis l’inversion du résultat des législatives de février 2013, la tension est maximale à Djibouti. Le 8 septembre, le président djiboutien a failli signer un accord avec les vrais vainqueurs mais au dernier moment s’est abstenu. La démocratisation de ce pays stratégique pour les occidentaux sur le plan militaire est toujours dans l’impasse.

samedi 9 août 2014

9 août 2014, Paris, la Villette, le fest'noz (deiz)

Bien qu'il manque à ce fest'noz, la nuit et les étoiles, le clapotis des vagues dans le port ou l'odeur des prés, je me précipite à la Grande Halle de la Villette, quand je vois la liste des artistes invités ce soir au week-end Bretagne / Irlande : Erik Marchand (chant), Annie Ebrel (chant), Krismenn (chant), Patrick Molard (biniou), Jacky Molard (violon), Janick Martin (accordéon), Hélène Labarrière (contrebasse), Yves Berthou (bombarde). Dans cette liste, il manque un guitariste et un chanteur. 
A peu près 300 personnes regardent et beaucoup dansent.
Je connais mieux Patrick Molard pour le pibroc'h, la cornemuse classique d'Ecosse, et, je suis heureux de l'entendre au biniou avec Yves Berthou à la bombarde. Bombarde et biniou, c'est la base du fest'noz et c'est ce qui me rappelle le plus les airs de mon enfance.
Je suis aussi très heureux d'entendre Erik Marchand et Annie Ebrel ensemble.
Jacky Molard, au violon, est très présent, tout au long du concert, dans plusieurs formation, ici avec Janick Martin et un guitariste hors-cadre.
Avec un ami nous discutons un peu de la Bretagne, de politique et de culture, du fait que la région semble l'une des seules reconnue par une identité forte. La-bas, sans doute que les points de vues sont actuellement très nombreux, et pas du tout uniformes. Par exemple, en musique, tous les goûts coexistent. La danse évoque la solidarité dans un mouvement collectif, métaphorique d'un point de vue social, qui n'est plus aussi présent.

mardi 15 juillet 2014

15 juillet 2014, Aubervillers, manifestation pour Gaza et la Palestine

Hier, il y avait 15 000 personnes à Paris, en solidarité avec Gaza et la Palestine. Il doit y avoir environ 250 personnes devant la mairie d'Aubervilliers pour une manifestation très courte en soirée ce mardi. La présence de nombreux élu-e-s, la plupart Front de Gauche, se remarque, et et les tracts de la campagne Boycott, Désinvestissements, Sanctions. Je ne reste pas

vendredi 11 juillet 2014

9 juillet 2014, Paris 10e, la jeunesse pour la vérité maintenant !

Le Mouvement Antiraciste Européen EGAM a invité les jeunes à la mairie du 10e pour le lancement de la campagne  « Génocide contre les Tutsi : la vérité, maintenant ! ». Après une tribune publiée dans des journaux, une délégation s'est rendue fin juin au Rwanda pour les commémorations des 20 ans des massacres de Bisesero et a décidé d'agir dans la durée.
Participeront à la campagne les Jeunes Socialistes France, les Jeunes Démocrates, les Jeunes Ecologistes, le Mouvement des Jeunes Communistes de France, les Jeunes Radicaux de Gauche, la Fédération Indépendante et Démocratique, Lycéenne – FIDL, SOS Racisme, l’Union des Etudiants Juifs de France – UEJF, l’Union Générale Arménienne de Bienfaisance Jeunes – UGAB Jeunes, l’Union Nationale des Etudiants de France – UNEF, l’Union Nationale Lycéenne – UNL, les Jeunes Socialistes Belgique, Durde !, Romani Criss, Youth Initiative for Human Rights Serbia – YIHR et Ibuka France. 
La grande salle est pleine, au moment où débute la vidéo sur le voyage de la délégation. Arrivant un peu en retard, je manque, au début de la conférence, la prise de parole de l'ancien militaire de l'opération Turquoise Guillaume Ancel.
Les intervenant-e-s représentant toutes les organisations se succèdent au micro, présentant chacun un sujet. 
Benjamin Abtan, le président d'EGAM, commence par présenter les objectifs principaux de la campagne: lutter contre le négationnisme, dans une "dynamique qui ira jusqu'à la fin", exiger des "discours clairs", l'ouverture totale des archives, une commission d'enquêtes parlementaire comme en Belgique, des lieux de mémoire. Pour lui, l'enjeu est aussi dans le rapport à l'Afrique, au niveau de la constitution française et de l'action face aux choix des dirigeants.
Un responsable de l'Association des Etudiants Rescapés du Génocide (AERG) intervient en visioconférence depuis Kigali.
Pour les Jeunes Socialistes, Laura Slimani raconte la commémoration des massacres à Bisesero. Les objectifs de Turquoise sont aujourd'hui en question à cause de l'inaction de l'armée française fin juin 1994. Elle évoque les "personnalités socialistes encore vivantes" qui jouent encore un rôle.
Pour SOS Racisme, Blaise Cueco explique le passage de la délégation à Murambi, où Turquoise avait installé son QG. Selon lui, la légion d'honneur de Péan ou l'annulation de la visite de la ministre de la justice française à la commémoration du 7 avril 2014 sont choquantes aussi en raison d'un silence et un isolement qui persistent là-bas.
Un représentant de Youth Initiative for Human Rights Serbia intervient à distance et fait le lien avec le négationnisme sur Srebenica en Serbie.
Pour les Jeunes écologistes, Nina Lejeune insiste sur la nécessité d'ouvrir les archives, militaires et autres, et d'avoir une autre politique qui mette fin au pillage des ressources naturelles.
Noam Meghira de l'Union des Etudiants Juifs de France (UEJF) demande un Mémorial à Paris pour le dialogue des mémoires. 
Le responsable international de l'Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), Habib Gniengue insiste sur l'importance du dialogue entre jeunesse rwandaise et française.
Patrick de Saint-Exupéry intervient comme journaliste et expert de ce dossier. Il souligne que la vérité et le retour à la simplicité des propos doivent servir de base à une nouvelle relation entre les deux pays. 
Marian Mandache de Romani Criss intervient en visioconférence pour parler du génocide des Rroms. 
Sélim Alexandre Arrad-Baudean, président des Jeunes Radicaux de gauche, propose pour la campagne d'interpeller les élu-e-s et d'informer les militant-e-s. 
Eliott Pavia de l'Union Nationale Lycéenne (UNL) fait part du scepticisme des jeunes rwandais exprimés à l'Université de Kigali. Quels poids auront les jeunes français-ses alors que des génocidaires sont encore en liberté en France ? 
Le représentant de la Fédération Indépendante et Démocratique, Lycéenne (FIDL), dont j'ai manqué le nom (Steven Nassiri peut-être) souhaite que la FIDL aille maintenant demander que les programmes scolaires soient modifiés pour apprendre aux lycéen-en-s la véritable histoire du génocide, alors que pour l'instant celui-ci est à peine cité. 
Alain Ngirinshuti vice-président d'Ibuka France regrette la régression de 2014 au niveau du gouvernement français.  
Toujours par internet, Yannick Piquet, pour les Jeunes Socialistes Belgique, raconte les effets très positifs de la commission d'enquête et des excuses officielles en Belgique pour enlever la "chape de plomb". 
Thomas (Moïc?) responsable international des Jeunes communistes exprime sa conviction que le futur ne peut s'envisager que par la connaissance du passé: "il faut une prise de conscience pour analyser". Il dénonce le "colonialisme et la Françafrique" qui continuent, ce qui fait toussoter l'animateur. Ainsi, peut-il aussi souligner d'autres horreurs de l'histoire toujours très peu reconnues, comme la guerre française au Cameroun entre 1955 et 1971. 
L’intervenante de l'Union Générale Arménienne de Bienfaisance Jeunes parle de la division artificielle entre Hutus et Tutsi, de la nécessité de vivre ensemble entre victime et bourreaux, des séquelles psychologiques, et de la transmission des traumatismes d'une génération à une autre, un point qu'elle précisera pendant le débat. Une seconde personne venue pour le génocide arménien remarque que la vérité permettait de faire progresser la démocratie en Turquie et que le combat pour la vérité sur le Rwanda fait partie d'un "combat universaliste européen". 
Pendant le débat, quelques associations disent un mot, le MRAP, la LDH, Survie. Pierre Tartakowski pour la LDH parle de "rapport corrompu au pouvoir et à la démocratie". Un président d'honneur de la Communauté rwandaise de France remarque que la vérité est déjà connue sur la collaboration française avec les génocidaires, que "la complicité est politique", et qu'il faut maintenant l' "aveu de la complicité". Un des fils du politicien Ibni Oumar Mahamat Saleh assassiné par Idriss Déby en 2008 évoque le besoin de justice partout en Afrique. Un représentant de la ville de Dieulefit, qui a inauguré une stèle, et est l'unique ville ayant un jumelage avec une ville au Rwanda se pose des questions sur le peuple français qui pourrait ne pas accepter la vérité. Julien Moisan, responsable des campagnes à Survie, souligne que la demande ouverture des archives ne doit pas laisser croire que la complicité de génocide n'est pas déjà avérée. Selon lui, la question est maintenant de "déterminer le degré de complicité et le rôle des acteurs". Il évoque en particulier les livraisons d'armes.Laura Slimani remarque que des accusations sont énoncées sans que l'on puisse facilement savoir si elles sont vraies ou fausses. Dans le doute, beaucoup d'accusations circulent, et la vérité complète est indispensable. 
Benjamin Abtan conclut sur les événements de la campagne à venir et en donnant rendez-vous début avril 2015 au Rwanda pour un second voyage plus étoffé où seront aussi conviés des politiques. 

dimanche 6 juillet 2014

6 juillet 2014, Paris, Ezza au festival Rhizomes

Cette année la pluie perturbe les concerts du festival Rhizomes qui doit abandonner les parcs et se déplacer dans des salles. Le concert d'Ezza, groupe de musique touareg a lieu au Grand parquet au lieu d'être à côté au jardin d'Eole ou au square Rachmaninov. Sur la photo, c'est Goumour Oumar Adam, guitariste et chanteur. Je ne sais pas si le style est issu d'une tradition musicale ou juste inspiré de précédents groupes, mais le musicien venu du Niger, arrive très bien à transmettre par la musique et le chant quelque chose de son vécu ou d'une réalité sociale et culturelle. 
La veille, alors que je discutais d'un autre groupe, j'entends que la "musique traditionnelle n'existe pas" ou qu'au contraire "il n'y a que des musiques traditionnelles" et qu'un classement de la musique couramment utilisé est marquée par une "vision ethnocentriste". Cela m'a fait réfléchir sur le terme "ethnocentrisme". Existe-t-il une région du monde qui ne soit pas issue d'une histoire de ses ethnies et qui puisse être considérée comme source homogène d'un regard vers le reste du monde ? Le terme n'est-il pas lui-même formé à partir d'une surestimation d'une dimension ethnique dans des pays ayant subi une domination et d'une sous-estimation d'une autre dimension ethnique historique dans des pays puissants, et paradoxalement négativement performatif, portant inconsciemment un déni de d'une histoire plus complexe, géographiquement, culturellement, philosophiquement, politiquement, économiquement. Il me semble que la "vision ethnocentriste du monde" existe encore moins que les musiques traditionnelles, même si le poids de la tradition dans les musiques n'est pas aussi important qu'il n'y paraît. 

mercredi 25 juin 2014

25 juin 2014, Paris 18e, Rwanda : Dieu en voyage

J'avais vu le film « Le jour où Dieu est parti en voyage » à sa sortie au cinéma, et je me précipite pour le revoir au centre Barbara, à la Goutte-d'or, accompagné d'une musique jouée en direct par les élèves de l'école Atla. Les jeunes musicien-ne-s jouent 2 fois et un débat est organisé entre les 2 projections-concerts, avec l'actrice du film, Shanel (Ruth Nirere), un historien de l'art, Nathan Rera, et le réalisateur, Philippe Van Leeuw. Je croise Jeanne, une rescapée, dont l'histoire personnelle rappelle celle du film. Shanel termine le film sur un chant a capela magnifique. En plus d'être l'actrice du film, elle fait partie des musicien-ne-s. Après la fin tragique du film et ce chant, l'émotion est très forte. A ce moment, la lumière est belle, aussi, mais ce n'est sans doute pas le moment de risquer de déranger avec l'appareil photo.
Elle est sortie de derrière l'écran, comme si elle sortait de l'écran. Ce soir, la fiction et le réel se sont rejoint. Elle a chanté ce qui pouvait être dans son esprit quand la caméra fixait son regard, ou plutôt, non, peut-être un contraire, une inversion du désespoir, ou la suite disant la distance et le travail du temps. C'est peut-être parce qu'il y a eu le cheminement d'image en image qu'est arrivée la chanson chantée de cette manière-là, maintenant, dans cette salle de la goutte-d'or.
Le vécu des rescapé-e-s du génocide est sans doute hors de portée de ma compréhension, je perçois juste une capacité à dépasser un deuil dans une expression artistique, qui reste encore mystérieux. Ma raison me renvoie en vain aux responsabilités politiques, parce que penser les violences extrêmes des foules ou le dépassement des traumatismes personnels est difficile.

mardi 24 juin 2014

24 juin 2014, Paris, conférence sur la Centrafrique

Le Parti Communiste Français (PCF) et le Comité d'Action pour la Conquête de la Démocratie en Centrafrique (CACDCA) organisent une conférence intitulée "Ingérence, partition ou souveraineté et solution de progrès ? Quel avenir pour la République Centrafricaine ?" avec de gauche à droite, Dominique Watrin, sénateur, François Passema, Président du CACDCA, Dominique Josse, responsable Afrique du PCF, Lydia Samarbakhsh, responsable des relations internationales du PCF, Michèle Demessine, Sénatrice , membre de la commission des affaires étrangères et de la défense, Lydia Samarbakhsh, responsable des relations internationales du PCF (le reporter Pierre Barbancey est excusé).
Dominique Josse anime de débat et revient sur l'opération Sangaris pour 'éviter le pire', en restant dans une logique 'coloniale', sans politique, sous-entendue, sérieuse et assumable.
Michèle Demessine commence par préciser qu'elle est à l'écoute des propositions, et, cela me semble une position normale d'élu-e-s: faute de temps, les élu-e-s ne peuvent suivre l'actualité africaine au rythme des journalistes ou des associations. La sénatrice est rentrée pessimiste d'une délégation en avril en RCA à la vue de l'absence totale d'Etat.
François Passema précise que les centrafricains ont demandé une intervention pour sauver "un peuple en danger". Il pense que la France doit réparer après 50 ans de responsabilité historique. Il réclame un déploiement des forces militaires françaises, africaines, et de l'armée centrafricaine, une fois reconstituée, dans les 16 préfectures. Selon lui, le conflit religieux n'existait pas et est arrivé du Soudan et du Tchad. Il passe également du temps à critiquer les politiciens centrafricains issus du système dictatorial et se montrant dans les media pour essayer de conquérir le pouvoir. Il insiste sur la reconstruction des services publics et propose une "compagnie centrafricaine de gestion des mines et des forêts".
Lydia Samarbakhsh s'exprime sur le poids des dictatures en Afrique centrale soutenues depuis Paris, la position atlantiste de la politique française, dans le choix d'assurer la sécurité de l'Europe, et la conception 'militarisée' de la politique française.
Dominique Watrin est peu convainquant. Il commence par faire une erreur sur l'affaiblissement des Etats en Afrique centrale susceptibles de subir des coups d'Etat. Seul l'Etat centrafricain est faible, car, au contraire, la majorité des Etats dictatoriaux sont forts, militairement, bien qu'incapable de répondre aux besoins des populations.
Pendant le débat avec la salle, le rôle prépondérant de Déby dans la crise et les compromissions du gouvernement français par rapport au dictateur tchadien sont rappelés. Un intervenant centrafricain dans la salle souligne les responsabilités centrafricaine et le fait que les "musulmans étaient martyrisés". Le mot semble fort, parce que, plutôt, avant la Séléka, ils et elles étaient considéré-e-s comme étranger-ère-s et qu'il y avait un conflit sur le contrôle de l'économie.
Des propositions sont abordées : une conférence internationale, réunissant au-delà des pays d'Afrique centrale (CEEAC), une assemblée nationale constituante, la construction d'une démocratie locale autant qu'une élection présidentielle, d'une redéfinition de la transition. Le rapport d'International Crisis Group et ses recommandations pour une transition vers la démocratie sont évoqués. Il est aussi question du "vivre ensemble" entre musulman-e-s et autres centrafricain-e-s.
Le débat se termine sur des points de vues contradictoires sur la demande d'intervention française: dans le public, certain-e-s souhaitent que rien ne soit demandé aux dirigeants français en raison de la Françafrique, ou il est au contraire question de l'exigence d'un suivi international plus sérieux pour éviter la poursuite des massacres et de la guerre, en concertation entre gouvernement français, Union européenne, ONU, sachant que le gouvernement français, sans pression, en restera à un minimum de soutien d'une transition démocratique réelle. Evidemment, il y a consensus sur l'impossibilité d'organiser une élection présidentielle en février 2015: est-ce que le calendrier venu de Laurent Fabius n'est pas un gage donné aux voisins dictateurs pour les rassurer sur le fait que la crise centrafricaine ne servira pas de levier pour promouvoir et débloquer la démocratie en Afrique centrale?

dimanche 22 juin 2014

22 juin 2014, Aubervilliers, Fête des assos

Je vais tranquille à la fête des associations d'Aubervilliers, cet année, préférant discuter que faire des photos. Il y a de la danse et de la musique, et je vois plein d'enfants et d'ados heureux-ses. Tant mieux! Je retrouve aussi toutes les associations liées aux migrants et aux 4 coins du monde, les associations sur l'environnement, les jardins comme l'an passé. Je me demande comment pourrait s'améliorer le mélange et le dialogue des cultures. A la fin, je n'ai aucune photo jolie, si ce n'est celles d'ami-e-s. Du coup, voici une photo sans intérêt juste pour illustrer ma discussion avec l'association la plus originale du jour, l'Association pour un Collège Coopératif et Polytechnique à Aubervilliers. L'idée m'intrigue, et, je discute assez longtemps avec une professeur enthousiaste. 
Est-ce que l'idée est d'ouvrir un collège ou aussi d'améliorer des collèges existants ? Quel est la différence entre 'coopératif' et 'autogéré' ? Est-ce que les enfants et parents d'élèves consulté-e-s iront dans les directions espérées par les initiateur-trice-s ? Est-ce que ce n'est pas vouloir aller trop vite en réfléchissant sur une école 'idéale' ? Quelle spécificité 'géographique' dans une ville 'pauvre'? En acceptant l'idée d'une impasse socio-politique comme compris dans les "villes en transitions", quelle école pour quelle société et métier ? Est-ce que l'école apprend une obéissance utile ? Est-ce qu'une catégorie intellectuelle en pensant ainsi ne s'isole pas ? Est-ce que le rêve le plus répandu n'est pas d'oublier une perception de pauvreté perçue comme stigmatisante pour  essayer de ressembler à un imaginaire 'inverse' riche et conventionnel ? Face à tant de questions, est-ce que les débats et le processus qu'ils engagent ne sont pas essentiels ? Est-ce que dans cette ville, il n'y a pas encore plus qu'ailleurs de questions sans réponse ?

dimanche 15 juin 2014

14 et 15 juin 2014, Montreuil, Festival Ta Parole

Le festival Ta Parole symbolise-t-il le début d'un été ? J'ai loupé les jours précédents, et, quand j'arrive ce samedi, à la Parole Errante, à Montreuil, je retrouve des ami-e-s bénévoles. Le premier concert vient de commencer: Radio Elvis.
Je ne le sais pas encore: j'aimerai tous les concerts. L'avantage en écrivant cet article, c'est que je ne vais pas prendre la peine de dire pourquoi. Faites-moi confiance s'il-vous-plait ! A ta Parole, la prog' est excellente.
Eskelina est arrivé de Suède il y a 8 ans, et vient enrichir la chanson francophone.
Dans la cour, pendant 2 jours, ce sont les Cotons-Tiges qui officient, qui occupent le terrain à caque pause. Au début , une chanson paillarde m'évoque "les femmes du bus 678", selon le contexte, l'humour est plus ou moins drôle. Petit à petit, un dialogue s'établit entre le public et les 3 musiciens, et moi, je dois reconnaître leur talent.
Musicalement, j'aime beaucoup "3 minutes sur mer".
Un intermittent explique la lutte autour de l'accord de l'Unedic qui justifie l'annulation de nombreux événements.
Nevché vient de Marseille avec ses textes engagés...
... avant l'ironie grinçante et la philosophie sociale tranquille de Zoufris Maracas, qui soulèvent le public. Hein ! Comment? Mais oui! Exemple, il blague: "est-ce qu'il y a des bretons dans la salle ? parce qu'avec eux, à 50, on dirait qu'ils sont 5000", et ça marche ! Les textes sont très bons, c'est pour cela.
Le dimanche, la chanson française redémarre avec Richard Desjardins, qui déclame aussi des poésies. Il a le contact facile et l'humour décapant qui n'épargne ni le vatican ni la mecque.
Titi Zaro ce sont deux musiciennes de la réunion, multi-instrumentistes, qui composent des morceaux sur la base d'une musique traditionnelle.
La percussionniste de Titi Zaro chante ensuite avec René Lacaille, chanteur de maloya détendu qui évoque ses 60 ans de carrière ! La philosophie est plus dans la musique.
Dès qu'HK entre sur scène avec ses saltimbanks, c'est l'euphorie. L'ambiance se réchauffe en moins de 10 seconde. C'est aussi un plaisir de photographe d'essayer de saisir les mouvements des musiciens et chanteurs déchaînés. Saïd de Map est là aussi. C'est mon meilleur concert d'HK et les saltimbanks, groupe que j'ai déjà entendu plusieurs fois. L'an passé, ta Parole finissait en douceur, et cette année, ça finit en furie, avec le public sur la scène.

vendredi 30 mai 2014

30 mai 2014, Paris, Djibouti dans l'impasse

Un avocat et militant des droits humains djiboutien important est de passage à Paris. Me Zacharia, président de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH) est accueilli dans une conférence de presse en son honneur par l'Union du Salut National. Maki Houmed-Gaba, le représentant de l’USN en France répond également aux questions de la salle. La situation est bloquée depuis l'inversion du résultat des législatives de février 2013, des manifestations sont régulières. DAF, Daher Ahmed Farah, en est à sa 17e arrestation arbitraire, et d'autres opposants à la dictature purgent des peines de prisons longues. La répression ne fait qu'augmenter depuis janvier 2014, alors que le régime accumule de signes de soutien des occidentaux en accueillant toujours plus de bases militaires. La Chine aussi y vient. D'autres intervenants participent également aux débats, comme indiqué dans le compte-rendu de la conférence
Je pose une question sur les médiateurs extérieurs qui interviennent au niveau des discussions avec ou pressions sur le dictateur IO Guelleh, pour aller vers des réformes constitutionnelles qui permettraient une alternance politique. La réponse concerne plus précisément l'inversion du résultat de 2013. Selon le représentant de l'USN, l'Union européenne a demandé au gouvernement de Djibouti de justifier du résultat officiel en publiant les procès verbaux, mais Djibouti ne répond pas à l'Union européenne, évidemment ! L'Union européenne soutient plus ou moins maintenant l'USN dans sa réclamation sur les législatives. Une manifestation devrait avoir lieu à Bruxelles en Juin pour réclamer plus de soutien. Il est aussi plusieurs fois question de la présence militaire dans le pays. Elle justifierait de s'impliquer face à la survivance d'un régime qui ne tient que par le soutien occidental et par le loyer des bases militaires, française et américaine en premier lieu.

jeudi 29 mai 2014

25 mai 2014, Paris, colloque sur le génocide des Tutsi du Rwanda

Le mois d’avril 2014 a montré une « bascule »du côté de la vérité contre le négationnisme surtout grâce à l’expression et au travail des journalistes qui se sont majoritairement placé-e-s du côté d’une dénonciation des acteurs français. Le Mémorial de la Shoah participe activement à la 20e commémoration du génocide des Tutsi du Rwanda.L’enjeu se porte plus que jamais sur la vérité et la justice sur la participation française dans le génocide, aussi, la collaboration avec l’association des rescapés Ibuka France permet d’aborder très largement l’implication française. Après un colloque en mai 2013, le colloque du 25 mai 2014 "1994 : Le génocide des Tutsi au Rwanda. Les grands témoinsrassemble une grande partie des meilleurs spécialistes du dossier.
Panel 1: de gauche à droite: Richard Mugenzi, Jean-François Dupaquier, Florent Geel, et sur la photo, Bernard Kouchner et Patrick de Saint-Exupéry.
Quand j’arrive à 11h10, Bernard Kouchner vient de prendre la parole : j’ai manqué les interventions de Patrick de Saint-Exupéry et de Richard Mugenzy. René Degni-Segui, ex rapporteur de l’ONU, indiqué ‘sous-réserves’ au programme n’est pas à la tribune. A cette tribune, auprès de Patrick de Saint-Exupéry et Bernard Kouchner, se trouvent aussi Jean-François Dupaquier et, l’animateur, Florent Geel de la FIDH.
L’ancien président de Médecins Sans Frontières et ministre raconte son expérience sur le terrain, sa volonté d’une intervention humanitaire. Il explique ses discussions avec Roméo Dallaire, dont les 400 hommes au service de l’ONU auraient pu arrêter une grande partie des massacres. Bernard Kouchner aurait voulu que les massacres soient empêchés aux barrages : « il fallait tirer ». Il relate ses divergences avec Kagamé sur le sauvetage de l’hôtel des 1000 collines, sur les priorités dans les groupes à sauver. Il explique avoir voulu impliquer Mandela, fraichement libéré et arrivé au pouvoir, d’où son voyage avec Mitterrand en Afrique du sud (juillet), un échec. Avant Turquoise, il a vu à Juppé et l’a poussé à intervenir, il a vu deux fois Mitterrand, lui demandant aussi d’intervenir. « On ne nous croyait pas, il y avait une propagande avec une inversion des rôles », précise-t-il. Mitterrand lui a dit : « vous exagérez ». Selon lui, « Balladur et Léotard ne voulaient pas d’une intervention ». Il dit être allé parler sur la Radio 1000 collines, la voix des génocidaires, « parler au milieu des assassins ». Il explique qu’avec l’ambassadeur Gérard Larome, il a essayé de convaincre Kagamé d’accepter Turquoise. Il n’avait pas prévu que Turquoise aiderait la fuite des génocidaires : « J’en ai reparlé à François Mitterrand » souligne-t-il, d’un air désabusé. Un moment, il dit aussi : « j’ai marché dans la bouilli », évoquant les cadavres sur le sol.
Bernard Kouchner parle de la suite, des 20 ans, depuis. Il y avait un « bloc incessible », avec la procédure du juge Bruguière, une « cécité sinon complicité ». Ensuite, ministre, il a « créé le pôle du TGI ». « Le quai d’Orsay était prudent, avec Bruguière, il y avait déjà les mandats ». Par Rose Kabuye, il y a eu l’accès au dossier, et on comprend pour le MAE aussi : « nous n’avions pas accès au dossier ». Le MAE « négociait », puis il y a eu la rencontre Sarkozy – Kagamé. Pour lui, « la justice change plus ou moins, et le pôle génocide était la seule manière d’avancer ». Il évoque la séparation judiciaire, exécutif, législatif qui empêche de parler : « on se tait ». Alors, un journaliste dans la salle, Alain Frilet, l’interrompt, et lui dit que certains parlaient mais qu’il n’y avait pas d’ « écoute ». Alors, l’homme politique se met en colère : « J’ai pas parlé… c’est pas assez tôt ! », et il se calme aussitôt, dit qu’il ne faut « pas confondre » (les périodes ?). Puis, il revient sur les 20 ans, sur l’accusation de Kagamé de « participation » pendant l’ « organisation ». Il indique « on l’a démontré, la participation dans l’organisation ». Il reste nerveux, parle vite, ma prise de note peut comporter un décalage avec les mots exacts. Ensuite, il indique «  Taubira devait y aller ». Parlant des « erreurs politiques de François Mitterrand », selon lui, « il ne se rendait pas compte » de la situation réelle, telle que l’on l’a comprend maintenant. « L’honneur de l’armée n’est pas attaqué » car il y avait « des ordres ». Mitterrand était focalisé sur « Fachoda », « l’erreur est politique et pas militaire ». « Les belges ont fait un débat au parlement » alors que rien n’a été fait en France. Il y a des « documents ». Il insiste sur un point : « Il faut que l’on révèle qui a donné les ordres à Bisesero ». Il rappelle qu’il « a proposé un Tribunal Russel », précise qu’il y a des « ordres auxquels des militaires ont participé aussi ».
Quelques personnes du public, se sont permis de l’interrompre, avec un ton ou des sous-entendus accusateurs. Par exemple, quelqu’un lui parle des « protections » au niveau des ministères, et il réplique « le MAE n’a pas fait grand-chose, mais il s’est protégé aussi ». Il a répondu chaque fois, et il conclut par « je suis prêt à me faire engueuler une autre fois ». Est-ce que le niveau de colère instantané ne correspond pas au niveau de son « curseur » dans les révélations ? Un peu de colère signifie qu’il ne dira que ce qu’il pense être bon de dire. Par rapport au colloque il y a un an, il y a un chemin de parcouru. Au colloque du 26 janvier 2014, déjà, il avait commencé à être plus précis. Il reste dans la salle, cette fois.
Panel 2: de gauche à droite :Alain Verhaagen, Alain Frilet, Wolfgang Blam, Boubacar Boris Diop.
Les « grands témoins » suivants s’installent ensuite autour de l’animateur : Alain Frilet, ancien grand reporter, de Libération : Wolfgang Blam, médecin de coopération allemande, Alain Verhaagen, ancien de MSF Belgique au Rwanda en 1994, et l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop.
Je viens quelques jours avant de voir un documentaire dans lequel Wolfgang Blam témoignait sur un génocidaire en France. L’homme n’a pas beaucoup témoigné, encore, il parle avec un peu d’émotions des 6 semaines de génocide qu’il a vécu. Il présente d’abord le contexte, évoque les années précédentes : « il y avait des attentats et massacres tous les ans. Au niveau de la communauté internationale, avec les accords d’Arusha, on nous faisait entrer dans un piège. »
Il raconte le début du génocide. Sur le coup d’état, il explique que les membres de l’opposition était visé, par exemple, un de ses collègues médecin, qu’il a été obligé de cacher. Ce n’est qu’après une semaine qu’il a comprit que les Tutsis était visés et que ce n’était pas seulement un coup d’Etat. A Kibuyé, les Tutsi ont été rassemblés dans un stade, il fallait leur fournir de l’eau et des toilettes. Il a commencé à reconnaître une manière de faire un bouc émissaire comme les nazis. Après une semaine, le vendredi, il y a eu un premier massacre dans une école, il est allé avec une ambulance : les morts étaient tués par machette, massue, grenade ou fusils. Il a compris que d’être médecin pouvait être compris comme être « complice », donc « dangereux ». Puis le samedi, il y a eu un massacre à l’église, et le mardi après-midi et le mercredi matin, le grand massacre du stade. L’aide humanitaire ne suffisait plus, il fallait « analyser pourquoi la situation ». Wolfgang Blam résume ainsi les 3 premières semaines : 1 semaine de regroupement, entassement, 1 semaine de grands massacres, puis 1 semaine de petits massacres. Pour les petits massacres, il donne les exemples de la famille d’un de ses collègues et de la famille de sa femme. Il est parti quand il n’y avait plus personne qu’il connaissait à protéger. Il dit « J’ai vu des enfants qui tuent des enfants, des femmes qui tuent des femmes ». Il s’interroge sur la mémoire, et l’oubli, le lien aux émotions.
Alain Verhaagen était pour Médecin sans frontière Belgique au Rwanda pendant le génocide. Lui a au contraire énormément témoigné déjà, en particulier dans des procès en Belgique. Il a voulu montré que le génocide était prémédité et pas né d’une colère spontanée. Il raconte le négationnisme en Belgique, surtout des universitaires, mais aussi d’un lobby religieux parce que les politiciens chrétiens belges étaient proche d’Habyarimana. Heureusement, à partir de 1990 le gouvernement belge avait changé de position et des journalistes ont travaillé sérieusement sur le génocide.
Il raconte comment, au moment de Turquoise, des hélicoptères ont tirés sur le campement de MSF Belgique, malgré les drapeaux. Comme je suis assis derrière Bernard Kouchner, je le vois et l’entends réagir négativement à cette histoire.
Alain Verhaagen souhaite montrer des photos des massacres, des corps, il insiste sur les corps tétanisés, morts de peur. Il montre les corps dans une église tués par des grenades à fragmentation lancé par un trou dans le mur. Il dit qu’il a compris qu’ « édulcorer les images », c’était aussi par « intérêt ». Bernard Kouchner quitte vers ce moment son siège et sans doute la salle. Alain Verhaagen décrit l’organisation des Interhamwés, de la garde présidentielle, et des gendarmes. Il évoque un « caractère ‘pilleux’ », un « conditionnement » lié à la religion, le principe d’obéissance à l’autorité. Selon lui, une autre preuve du caractère « non spontané », s’observe dans un choix laissé à des femmes par les Interhamwés, celui d’être violée (un enfant ‘Hutu’ naitrait d’un père ‘Hutu’ et une mère ‘Tutsi’) ou d’être mutilée (ne plus pouvoir avoir d’enfant (‘Tutsi’)).
Boubacar Boris Diop parle de la difficulté en Afrique de s’informer sur le génocide. Lui, a compris pendant un voyage au Rwanda en 1998. Selon lui, « un poids néocolonial pèse toujours sur la presse africaine ». L’arrivée au pouvoir de Mandela attirait toutes les intentions. Réagissant à une question d’Alain Frilet, il lâche « la Françafrique est plus complexe : la gestion des élites est une des composantes, avec des ONG, des écrivains, des journalistes, il y a une gestion de proximité ». .. Il y a aussi «l’auto-racisme, dans la légitimation de ce qui a servi à vous soumettre».
 Panel 3 : de gauche à droite : Jean-Pierre Chrétien, Stéphane Audouin-Rouzeau, Marie-France Cros.
Après une courte pause pour le repas, le colloque reprend sur le racisme. Aussitôt, je doute de la pertinence du terme ‘racisme’ : le mot n’est-il pas employé en ce moment exagérément ? S’il n’est pas question de ‘races’, s’il est question d’ ‘ethnies’ artificiellement créés à partir de classes sociales, figées par des cartes d’identité, pourquoi parler de ‘racisme’ ?
Jean-Pierre Chrétien parle de la « cristallisation d’un racisme », d’un « génocide résultat d’un projet raciste, projet résistible, pas inévitable. » Il préfère, plutôt qu’un exposé, un récit personnel de sa lutte sur le sujet. Entre 1990 et 1993, il a vu venir le génocide, il y a eu des alertes : après le massacre de Bugesora, il y a eu une forte réaction au Rwanda, et une mission d’enquête associative, le passage à la télévision de Jean Carbonare. Il a contacté par courrier Kofi Yamgnane et Jean Auroux, qui n’ont jamais répondu. La MIP de 1998 a parlé d’une « course contre la montre entre la logique de démocratisation et la logique du racisme ». D’ailleurs, le 16 avril, Hubert Védrine a réutilisé l’expression « course contre la montre ». Pendant le génocide, l’information était surtout « comme un disque rayé », les « media reprenant des éléments de langages », comme « guerre interethnique ou reprise de la guerre civile ». On parle de 100 jours, mais « la grande masse des morts, c’est avril ». Libération a parlé de génocide de 26 avril et le Monde le 30 juin. Il a lui-même inventé l’expression de « nazisme tropical ».
Avec la MIP de 1998, il y a eu des « auditions sans assez d’enquêtes », et un « rapport négocié ». Ensuite, est venu l’occultation avec Péan et Bruguière, avec une « volonté de disqualifier les chercheurs, qui continue aujourd’hui ». En 2014, c’est « une nouvelle vague de déni », en atteste le rapport du 6 avril 2014 sur le site de la fondation Mitterrand (6 avril, Le rôle de la France au Rwanda en 1990-1994: des accusations infondées) ou un texte de la Fondation Jean Jaurès (13 mars, Rwanda: Bisesero, étude de cas)
Marie-France Cros a couvert le Rwanda avant le génocide pour la Libre Belgique. Après un article critique, le régime rwandais l’a invité pour la pousser vers sa propagande. La répression était forte, et les témoins devaient prendre des précautions pour parler de la dictature. Des opposants mourraient parfois dans des accidents de voiture. Les déplacements étaient contrôlés, ce qui est resté encore un peu. Les avocats n’existaient pas, il y avait des personnes avec des licences de l’Etat qui pouvaient perdre leur licence.Selon elle « le racisme le plus visible était celui des missionnaires ». Il y avait un « paternalisme belge », pas d’impérialisme comme pour les français. La société était très hiérarchisée. « Une mise en scène du régime se faisait dans le sens de la simplicité, ce qui plaisait au milieu catholique. Habyarimana était soutenu en Belgique par les partis chrétiens, surtout par les flamands. Elle a failli perdre le dossier sous la pression de « chrétiens ».
Selon elle « le racisme le plus visible était celui des missionnaires ». Il y avait un « paternalisme belge », pas d’impérialisme comme pour les français. La société était très hiérarchisée. « Une mise en scène du régime se faisait dans le sens de la simplicité, ce qui plaisait au milieu catholique. Habyarimana était soutenu en Belgique par les partis chrétiens, surtout par les flamands. Elle a failli perdre le dossier sous la pression de « chrétiens »
 Panel 4 : de gauche à droite : Philibert Gakwenzire, Marcel Kabanda, Hélène Dumas
Un deuxième panel intervient sur le ‘racisme’.
L’historienne Hélène Dumas propose son analyse très bien ancrée dans la culture et la langue rwandaise. Selon elle, il y avait une « puissance performative des discours », les paroles étaient en eux-mêmes des actes forts. Le registre religieux a été utilisé. Les lieux ont été pensés, des lieux de cultes ont été choisis. « 40% des victimes » sont décédées dans des lieux de cultes, et le clergé a aussi participé. « Les Tutsi étaient renvoyés vers un monde non-chrétien, vers une « bestialité diabolique ». Dans les villages, existaient des lieux nommés CND (Conseil National pour le Développement), où se regroupaient des Tutsi pour se protéger, alors, ces regroupements étaient interprétés comme des signes d’alliance avec le FPR. Des cadavres ont été jetés dans des latrines. Le vocabulaire de la chasse et de l’élevage a été employé pour animaliser, cependant le terme Inyenzi (cafards) avait pris un sens plus guerrier comme synonyme de soldat du FPR. Une langue du génocide est apparue. Le corps a aussi été décrit pour justifier la cruauté puis des violences. Sans doute, que l’hypothèse théorique de violences d’autant plus fortes que la différence physique est faible pour créer une différence et justifier des actes est à considérer. « L’ennemi est créé par la souffrance, le corps de l’ennemi est créé par la cruauté. » Elle prend des exemples : un cœur de femme ou un cerveau d’étudiante en médecine montrés ! Il y avait « une exhortation à retrouver une langue ‘Hutu’ », « une séparation des ‘histoires’ », un mythe de « retour à la pureté originelle ». Elle évoque aussi le pillage.
Philibert Gakwenzire est un jeune historien rwandais. Il a étudié sur une région la genèse du génocide depuis 1959, dans les massacres du début de l’indépendance. Il parle d’ « exportation des massacres », des « viols vus comme des faits mineurs ».
Panel 5 : de gauche à droite : Richard Mugenzi, Raphaëlle Maison, Jean-François Dupaquier, Yves Ternon.
Pour commencer, Jean-François Dupaquier commence par rectifier ou compléter le titre de cette partie du colloque : la France… on parle « une trentaine de personnes » en réalité. Ce correctif n’est pas anodin, et je suis d’accord.
Yves Ternon présente le rôle de la France, dans un résumé d’une efficacité et d’une précision de métronome. Depuis des années, j’ai été à beaucoup de débats, et je n’ai jamais entendu une synthèse aussi claire. Travaillant moi-même sur des textes de synthèses, j’ai remarqué que la commémoration a provoqué ce besoin de sortir des détails et des affaires pour récapituler l’ensemble de la participation française à partir des points essentiels. Quand c’est Yves Ternon qui le fait, c’est un historien de renom, reconnu, qui le fait, et l’auteur de ‘L’État criminel. Les génocides au XXe siècle’, le fait au Memorial de la Shoah.
Yves Ternon fixe le cadre : les indépendances, puis la Françafrique. Dès 1981, François Mitterrand est sensible à ‘Fachoda’. Habyarimana devient un bon élève de la Françafrique et en parallèle, la politique française commence à ignorer la politique du dictateur rwandais concernant les 340 000 réfugiés Tutsi hors du Rwanda. Avec le discours de la Baule, du 20 juin 1990, le discours officiel devient  « le soutien des régimes qui développe la démocratie », et c’est exactement l’inverse qui se fait au Rwanda, et surtout à partir de l’attaque du FPR du 1er octobre 1990.
Avec Noroît, le 8 décembre 1990, la désinformation est déjà là. 30 personnes représentent la France, surtout l’Elysée et le MAE avec les ambassades. Les « techniques de la guerre révolutionnaire » (de Trinquier, à Muchielli) sont reprises, et la collaboration avec les services secrets rwandais démarre. Le FPR est vu comme terroriste. FerdinandNahimana intoxique avec sa « théorie du complot ».
« Les dirigeants français sont convaincus des théories racistes ». Malgré les alertes, comme celle de la publication des ‘10 commandements’, « l’armée française, l’Elysée, l’ambassadeur Martre, sont incapables de prévoir l’extermination » (erreur sur Martre et Galinié). Il y a une « accélération de la désinformation, et cette désinformation est acceptée par les dirigeants français, puis développée. » « Le colonel Galinié commandant Noroît est inquiet et il est remplacé par le Cussac, qui lui adhère » à la désinformation. Avec la « propagande noire », les accusations en miroir, la désinformation augmente encore, mais l’officier français adhère. Il y a les « messages imaginaires » du FPR que raconte Richard Mugenzi. « Hubert Vedrine est le principal manipulateur » avec comme autre décideurs « l’amiral Lanxade, Bruno Delaye, et François Mitterrand malade ». Il y a « une aide militaire en même temps que l’acceptation de la menace du génocide ». Après le « Le rapport de Bagosora sur l’Ennemi intérieur », « militaires et politiciens le considère comme possible ».
En 1992, c’est la création des Interhamwés et de la coalition extrémiste CDR, de l’Akazu, du rezo 0, puis arrive le massacre de Bugesera. L’autre versant, avec la fatigue et le refus de la guerre, ce sont les négociations à Arusha. Le CDR, essaye de détruire le processus. « A des barrages, des soldats français livrent des Tutsi », « les militaires apprécient l’expérimentation ». En Juin 92, le COS et la DRM sont créés, puis les DAMI sont renforcés. « Fin 92, début 93, la mission Fidh, Eric Gillet, HRW, Alison Desforges, Survie, Jean Carbonare dénonce la désinformation et les massacres ». Jean Carbonare passe sur France 2. En février 93, il y a 250 morts à Gisenyi et l’offensive du FPR. C’est l’époque où « Stefen Smith est ‘retourné’, avec plein d’autres ». Le 29 mars 1993, le PS perd les élections législatives, Balladur, Juppé, Léotard arrivent au pouvoir. En août 93, les accords d’Arusha sont signés. Les 21 octobre au Burundi, l’assassinat du Président Melchior Ndadaye provoque des massacres de Tutsi. L’armée française quitte en décembre 93.
Yves Ternon en arrive au génocide. Il retrace les faits : Bruno Delaye accuse le FPR. L’ambassadeur Marlaud réunit des génocidaires juste avant la formation du gouvernement (GIR), alors que « des négociations auraient pu avoir lieu avec des opposants ». « A l’ONU, la France demande le retrait de la MINUAR ». Le 27 avril, des membres du GIR sont reçus à L’Elysée, venant pour « recevoir des armes ». « L’achat des armes est maquillable facilement ». La désinformation continue. Il y a une peur d’une intervention de l’Afrique du Sud. Le colonel Rosier qui prépare Turquoise est aussi en contact avec un génocidaire, le lieutenant-Colonel Anatole Nsengiyumva (à vérifier). Le 23 juin, arrive des forces pour une guerre. Puis à Bisesero, « Marin-Gillier découvre les survivants », et « l’appel à l’aide est ignoré par le colonel Rosier ».
« La responsabilité est écrasante » conclut l’historien.
Une remarque se glisse sur la naïveté de Bernard Kouchner par rapport à Mandela …
Raphaëlle Maison, juriste, intervient sur les progrès de la recherche et l’état des connaissances. Elle souhaite que les universitaires travaillent ensemble. Elle commence par dresser la liste des universitaires écrivant sur le sujet, remarquant qu’il y a plus de travail sur les suites du génocide et le négationnisme, et que les progrès sont venus des journalistes, et des associations, dont elle dresse aussi une liste. Il est d’abord question des universitaires et de la volonté, en tant que tel-le-s, de faire face à la participation des acteurs français dans le génocide. Selon Raphaëlle Maison, le risque actuel est que les universitaires ne remplissent jamais leur rôle dans l’élucidation. Elle ajoute, que le manque de lien entre les différents domaines est un frein : « étude de l’histoire politique, étude coloniale, étude des doctrines militaires, de l’espionnage, de la Françafrique », devraient être entrepris, et, pour l’instant le manque de  travail dans l’ensemble des disciplines fait blocage. Selon elle, les universitaires ne produiront pas la même chose que la justice. Le rapport au savoir est en jeu comme avec la guerre d’Algérie et Vichy.
Elle aborde ensuite la « complicité de génocide ». Elle rappelle un passage du livre de David Servenay et Gabriel Périès, « Une guerre noire », le fait que Quilès et la MIP ont permis d’éviter le TPIR. Il y a un risque de « disculpation pénale ».
Elle résume à son tour les faits :
-        90-93 : le soutien politico-militaire dans la guerre civile, sous les formes de la formation des FAR et des forces de l’ordre, les livraisons d’armes (et un 4e point). Dans les négociations d’Arusha, en parallèle, un engagement  militaire, qui fait que la neutralité n’est pas présente.
-        les questions de l’attentat de l’avion et du meurtre de deux gendarmes
-        la formation du GIR
-        pendant Amaryllis, les abandons, la non-intervention, les livraisons d’armes
-        pendant la suite du génocide : le soutien diplomatique au GIR, la tendance à ‘rétablir un équilibre’ selon le g.al Quesnot, le rôle de Paul Barril et le rôle d’éventuels mercenaires
-        pendant Turquoise : les 27-30 à Bisesero et la fuite des génocidaires aux Zaïre, les exactions donnant lieu à enquêtes pénales
-        les positions par rapport au TPIR
-        les suites de la relation France-Rwanda
-        le négationnisme
Pour elle, « la collaboration » est plus à relier à la « politique coloniale », aux « massacres coloniaux », à une « politique africaine secrète, en petit cercle ». Elle propose pour l’ouverture des archives, un « groupe de recherche pluridisciplinaire. », qui puisse « identifier les sources, les travaux » et viser une « première évaluation universitaire ».
Jean-François Dupaquier souligne que beaucoup de documents sont déjà disponibles chez les journalistes, et que c’est la classe politique qui est dans « un refus et une incapacité », il demande s’il faut « une nouvelle initiative citoyenne, ou un tribunal Russel  pour dépasser le refus de la classe politique ».
Raphaëlle Maison, « partagée », répond qu’en théorie, une « enquête parlementaire » serait adaptée.  Elle insiste sur la nécessité pour les universitaires d’ « imposer la thématique ».
Jean-François Dupaquier préfère ensuite revenir sur le témoignage de Richard Mugenzi, qui a déjà parlé le matin. Il le questionne alors en direct.
JFD : « Est-ce que vous avez-vu Paul Barril et ses mercenaires ? » RM : « Paul barril était à Gisenyi en 94 et un peu partout au Rwanda. Il avait pris la relève de Noroît » (à partir du 15 décembre 93, 23 coopérant était aussi restés) « J’ai vu Barril avec Nsengiyumva dans le camp de Gisenyi » (Nsengiyumva commandant la région de Gisenyi, près de Goma) « Les mercenaires sont restés ». « Je l’ai vu déjà en 91 avec un petit groupe de mercenaires, c’était un ami de l’Alliance » «  Je l’ai vu 2 fois, une première fois avec des mercenaires en 91, pas des soldats français, une 2e fois en 94, avec une trentaine de mercenaires. Au camp de Butotori (?), les mercenaires faisaient de la formation commando, amphibie, du zodiac. C’était des mercenaires, car ils ne portaient pas de bérets rouges, avaient des bérets noirs et des uniformes sans insignes ».
JFD : « (Quelle était la relation entre) Nsengiyumva, le chef du renseignement militaire et les gradés de Turquoise ? » RM : « La relation était très rapprochée ». « Il y avait un français avec le chef des FAR » (phrase à vérifier) « Nsengiyumva est parti à Goma en Juin, et a été nommé responsable de la coordination avec Turquoise, puis il est revenu à Gisenyi. »
JFD : « … les fausses interceptions (du FPR) ? » (de mémoire, à vérifier,  JFDupaquier demandait si les fausses interceptions avaient pour objectif d’intoxiquer l’armée française) : « … pour l’armée française, je ne sais pas. On a continué l’intoxication jusqu’à la fin. Les militaires français n’étaient pas tellement manipulés, plutôt complice. Ce sont les français qui nous ont appris, le quadrillage et le contrôle, les accusations. Ils sont complices et pas manipulés ».
Panel 6 : de gauche à droite : Yann Jurovics et Marcel Kabanda.
Yann Jurovics, universitaire, a été juriste au TPIR. Il intervient sur la justice. Il parle d’un « TPIR prioritaire sur la juridiction nationale, pas comme pour la CPI ». Il évoque l’inertie de la justice, les organisations criminelles selon le tribunal de Nuremberg (article 9). Comme le TPIR a prouvé l’existence d’un plan génocidaire, seul le lien avec le plan est à démontrer. Ainsi, pour Simbikangwa, le juge s’est basé sur le TPIR avant de fixer les responsabilités individuelles. Il existe un « enjeu de qualification », « le génocide en droit français étant différent du génocide selon la convention de 1948. » Ce qui compte c’est « l’intention criminelle et pas le nombre de morts». Le racisme en droit se définit par « une négation de la singularité et de l’égalité ». Au racisme, s’ajoute « la politique discriminatoire, et la politique de crime génocidaire ». Il signale que les massacres des juifs avaient commencés en Allemagne avant le génocide lui-même. Selon lui «  le plan génocidaire, lui-même », est « une organisation criminelle » . Pour la complicité, on distingue « les planificateurs, les bourreaux, et l’ensemble de l’aide, dans un même plan, par une participation à degrés divers », et « le juge qualifie par la peine ». Pour une complicité, « le chef d’accusation, c’est le génocide, et pas la complicité ». Il signale que « Nuremberg n’était pas rétroactif, malgré une appellation nouvelle » (se basant sur des lois allemandes), et il y a eu « cristallisation et pas nouveauté ». Selon lui, a propos de la lenteur, « la justice est en échec face à la réalité criminelle ». Pour les nazis, ont été jugés 22 personnes a Nuremberg et 6000 autres, à Arusha au TPIR, 80 personnes, avec 2 millions de procédure dans les Gacaca pour 1 millions de personnes. Il conclut sur une « justice de symbole », ce qui provoque une réaction négative dans le publique, que je partage.
Et le colloque se termine par une question du public sur les réparations aux rescapés, avant les remerciements.