mardi 29 août 2017

29 août 2017, Paris : en passant par le Ministère des affaires étrangères

L’après-midi "Je rencontre un ambassadeur" m’a permis pour la première fois de mettre un pied dans le MAE et de voir des personnes dans le IN alors que travaille dans le OFF, de voir la surface des choses à défaut de mieux, de ressentir un peu l’ambiance. C’était une promenade de fin d’été, parce que le rendez-vous était plutôt axé sur les étudiant-e-s parisien-ne-s et pas sur les journalistes.
Il y avait des débats dans des salons intitulés « confidences d’ambassadeurs ». J’ai manqué Christophe Guilhou sur Djibouti. Romain Nadal ne parlait plus d’Afrique mais du Vénézuela. Hélène le Gall ne parlait plus non plus d’Afrique et se dépatouillait face aux questions du public comme : « Accepteriez-vous d’être ambassadrice à Daesh ? Puisque vous avez accepté d’être ambassadrice en Israël qui a chassé les palestiniens ? ».
Sur l’Afrique, j’ai pu écouter quelques minutes Evelyne Decorps, ambassadrice au Mali, ex-ambassadrice au Tchad entre 2013 et 2016. La consigne était de parler du métier plus que des sujets de fond. Alors elle ne disait pas grand-chose à part qu’elle invite les ONG dans les cocktails et n’a pas besoin de les voir en réunion trop souvent.
La contrainte de ne pas parler des sujets importants rappelait celle du métier de diplomate, d’accepter tout sans broncher, ou presque. Je me suis dit que je la voyais tout à fait dans le rôle qu’elle a eu plusieurs années au Tchad, pendant les années de réhabilitation d’un des pires dictateurs d’Afrique. Oui, à l’écouter, je la voyais bien parlant décomplexée avec Idriss Déby du Mali et de la Centrafrique, ou de la présidentielle en avril 2016. Une inversion de résultat, ce n’est pas très important pour une diplomate chevronnée, capable de tout encaisser sur les processus électoraux en Afrique. Naïvement, je me suis demandé si elle avait encore conscience des choses, du décalage entre les faits et une éthique politique normale.
Passons sur les fausses confidences à la française et les marivaudages de salons parisiens ! Je n’étais pas initié, et je n’avais pas droit aux primeurs des réactions après le discours présidentiel du matin axé sur la Libye et le Mali, où l’on pouvait peut-être, selon mes hypothèses et déductions rapides, comprendre que les miliciens libyens qui empêcheront les européens de bloquer humainement les flux migratoires auront peut-être un jour des problèmes, une fois que la pression remontera du Niger et du Tchad.
Le vrai programme, c’était 3 conférences : ‘Le multilatéralisme peut-il encore préserver la paix ?’, ‘Avec le Brexit, quel avenir pour l’Union Européenne ?’, et ‘La cyberguerre aura-t-elle lieu ?’. La conférence qui me concernait était celle sur l’Onu et le maintien de la paix, avec Alexis Lamek le représentant permanent de la France auprès de l'ONU, Véronique Roger-Lacan, ambassadrice, représentante permanente auprès de l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Christian Bader, ambassadeur en République centrafricaine. Le cinéaste Eric Rochant était aussi sur le plateau.
Christian Bader a parlé d’ « échec » du maintien de la paix de l’Onu en Centrafrique, et d’un besoin d’« adapter les moyens », de « faire évoluer les missions de l’Onu ». Il a indiqué que « l’appréciation de la crise en Centrafrique n’avait pas été correctement faite avant d’intervenir, au niveau répartition des richesses, pouvoir, religions…». Faut-il le croire puisque la Centrafrique était sacrifiée pour agir au Mali pendant l’alliance entre Hollande et Déby en 2013 ? Ensuite, Sangaris a bien sûr « évité le bain de sang et (permis) un processus démocratique ».
Il admet une « dimension sous-régionale » et que « les voisins étant partie prenante de la crise et une partie de la solution ». Cependant, le diplomate m’a semblé un peu indécis sur la suite, sur les moyens à mettre en œuvre pour empêcher le pays de sombrer de nouveau. Il a parlé du besoin d’une armée nationale, mais n’a pas parlé de désarmement, alors que le programme de DDR (Démobilisation, désarmement, réinsertion) allait être lancé le lendemain. Etait-il en attente d’instruction plus précise de Jean-Yves Le Drian ou de l’Elysée ? ou n’était-ce pas l’endroit pour parler de l’essentiel ?
Véronique Roger-Lacan a rappelé que l’OSCE intervient plus sur l’Ukraine et dans les relations avec la Russie, elle s’est plainte que « les russes utilisent notre argent (le budget de l’OCDE) pour décortiquer les actions de sécurités internationales ».  Eric Rochant a proposé de parler de « désidéoligisation et de complexification des conflits ».
Alexis Lamek a précisé que tous les pays n’était pas au même niveau d’ambition et que la Russie était opposée à de bonnes opérations de la paix. Par ailleurs, il a parlé d’Antonio Guterres comme du meilleur Secrétaire général de l’Onu, se préparant « à faire ressembler l’Onu à un gouvernement », alors que « le temps est venu pour des réformes » favorable aux émergents, Brésil, Inde et pays d’Afrique.


La troisième table-ronde sur la cyberguerre était également intéressante. Entouré des ambassadrices en Estonie, Claudia Delmas-Scherer, et en Ukraine, Isabelle Dumont, l’ambassadeur chargé de la cyber-diplomatie et l’économie numérique, David Martinon, a redit ses inquiétudes devant la « cyberguerre froide actuelle, pour l’instant sans victime, multipolaire, en affrontement direct au travers de mercenaires ». Même si le « naming et le shaming est embarrassant », il a été discrètement question de la Russie et un peu de la Chine, et, le diplomate a, en conclusion, évoqué « les options de sanctions en réflexion actuellement ».
J’étais venu pour essayer d’entendre parler de l’Afrique et j’ai compris que les diplomates étaient en ce moment surtout inquiets en raison des relations tendues avec la Russie, même si cela n’est discuté qu’à mots couverts, et des difficultés de fonctionnement du Conseil de sécurité des Nations-Unies, aggravées par l’arrivé de Donal Trump. La Centrafrique était finalement le seul pays africain mis en exergue sérieusement et sur lequel quelques messages ont été communiqué publiquement mais sans approfondir.
Régis Marzin,
Écrit et publié le 3 septembre 2017