samedi 28 avril 2018

27 avril 2018, Paris : direct internet sur processus électoraux en Afrique et Togo

Le journaliste et blogueur tchadien, Makaila Nguebla, aidé par Talia Olvera Martinez, m'a invité ce vendredi 27 avril à Paris pour un direct sur internet, avec le journaliste béninois basé au Togo, Max Savi Carmel. J'ai parlé des processus électoraux en Afrique et des politiques françaises et européennes suite à ma dernière étude "Les processus électoraux dans la démocratisation de l’Afrique, Synthèse technique et politique". Max Savi Carmel a fait le point sur la situation au Togo. La vidéo est plutôt prévue pour être regardée sur un téléphone : VIDEO.
Régis Marzin, 28 avril 2018 (twitter)

lundi 9 avril 2018

9 avril 2018, Aubervilliers : anthropocène

 
« Anthropocène : quand l’histoire humaine rencontre celle de la terre », c’est le titre de la conférence de l’historien Jean-Baptiste Fressoz, du CNRS, ce soir au Théâtre de la Commune, dans le cadre du cycle des conférences du Campus Condorcet ‘ Environnement, croissance et croyances, un monde fini ?’.
« Par rapport aux travaux existants sur l’anthropocène, je propose de déplacer la focale de l’étude des milieux atteints vers les acteurs, les institutions et les décisions qui ont produit ces atteintes. Il s’agira d’identifier et de comprendre les pouvoirs, les institutions, les dispositifs et les imaginaires qui ont effectivement produit la crise environnementale. » C’est une citation de Jean-Baptiste Fressoz sur la page de présentation de ses travaux. Elle est claire.
« La seule solution est de refuser des technologies dont on a hérité » : c’est la conclusion du chercheur à la fin du débat. Elle est claire. Il défend la SNCF au passage, pour les « 30% d’émissions dans le transport ». Il doute que « les innovations vont résoudre les problèmes » s’il faut surtout « trier les technologies du passé ».
« Il est plus important d’avoir des humains que des voitures » : c’est une phrase en réponse à une question sur la démographie qui aboutit à la remise en cause du mode de vie américain, qui se rependrait sur terre.
« C’est un avis personnel de citoyen et pas un avis de chercheur » : c’est une remarque du chercheur sur la question du nucléaire. « C’est un avis de sociologue » : c’est une remarque sur le chercheur allemand Ulrich Beck qui dans les années 90 voyait le bilan environnemental comme une découverte au passage dans une « modernité réflexive ».
« Anglocène » et « tanathocène » : ce sont des mots qu’il a inventés pour nous faire réfléchir.
« Consumérisme disciplinaire » : c’est une expression citée mais pas expliquée, qui renvoie, je suppose à quelque chose comme : « La société de l’opulence est bel et bien une forme de société disciplinaire. La soumission du travailleur constitue la vérité de la liberté du consommateur », selon Jean De Munck.
« Le mur climatique arrive plus tôt que le mur des ressources » : c’est ce qu’affirme le chercheur en évoquant des 2 degrés à ne pas dépasser d’ici 2100. Je me permets d’avoir encore des doutes car la question des ressources ne me paraît pas simple si l’on tient compte de tous les métaux qui servent aux technologies de l’information et car de nouvelles surprises sont possibles, comme avec le Cobalt depuis quelques mois. Selon le chercheur, la position de l’écologie politique des années 70 sur la fin des ressources n’était pas assez « anxieuse ».
« Il n’y a pas encore de transition énergétique » : c’est ce qu’observe le chercheur devant le graphique des consommations des énergies fossiles.
1. Critique du mot ‘anthropocène , « 2. L’anthropocène n’était pas inéluctable », « 3. On est entré dans l’anthropocène sciemment » : c’est le plan de l’exposé. Je suis moyennement convaincu par ce plan.
Ce soir, j’ai appris pas mal de choses, des détails, des faits historiques. Je retiens par exemple que, l’anthropocène serait d’abord une dénomination de géologie, alors ce n’est « pas une crise mais une révolution géologique » que l’on observe dans une colonne stratigraphique, et pour lequel on discute d’un marqueur qui indiquerait une date de départ, peut-être l’arrivée du nucléaire. Il y a un problème, là : la question est d’abord politique face à des choix techniques, économiques, qui auront des conséquences historiques. Ne peut-on laisser les humbles géologues à la géologie et qu’ils-elles nous laissent tranquilles.
Selon Jean-Baptiste Fressoz, le mot ‘anthropocène’ qui renverrait à une responsabilité de l’humanité entière, et la conception d’« un choc, d’une coupure » récente dépolitisent.
J’entends qu’il y a eu depuis 200 ans des décideurs ont participé à des choix qui s’avèrent avoir des conséquences très mauvaises, pour ne pas dire désastreuses, en terme environnemental, que cela s’inscrit dans l’histoire du capitalisme et en particulier dans l’histoire du capitalisme anglo-saxon. Des anglais et américains ont « projeté le capitalisme fossile », dit-il. Par exemple, ils ont choisi comme énergie d’industrialisation, le charbon plutôt que l’hydraulique, puis, plus tard, le pétrole. Les gauchistes du Cadtm, eux, dénoncent l’« extractivisme ».
Comment parler d’un sujet à la fois scientifique et politique dans un cadre scientifique et a priori peu politique, sachant que, par ailleurs, les conceptions morales, les priorités des populations évoluent dans le temps, et continueront encore d’évoluer ? Les connaissances se diffusent plus ou moins, se comprennent plus ou moins, la perception de la gravité des risques fonction de ses connaissances est relatives à des paramètres mouvants. Un historien peut-il passer du passé au futur et revenir du futur au passé en passant par le présent ? Une heure trente de conférence-débat n’était qu’une entrée en matière. C’est ma conclusion.
Régis Marzin
Ceci est un article de blogueur à chaud

vendredi 6 avril 2018

6 avril 2018, Paris : Romain Humeau à la Gaîté Lyrique

6 avril 2018, la Gaîté Lyrique, je retrouve enfin Romain Humeau que je n’ai pas vu depuis un concert à Chelles aux Cuizines en 2010. Je ne connais pas d’endroit où le vieillissement se voit autant que dans un concert de rock. Je ne prenais jamais de photos de concert dans ma jeunesse, et là j’ai prévu d’en prendre. Le rock m’a donné l’énergie pour pogoter en politique, avec un esprit punk sous contrôle, et là, je suis coincé avec un sac et un appareil, trop couvert pour un premier jour de printemps, statique et sage.
Avec ses musicien-ne-s, Romain Humeau présente des chansons de son dernier album Mousquetaire#2 sur son label Seed Bomb Music un label de « décroissance dans l'artisanat » à petit capital, parce qu’il a envie de « continuer à faire son métier ». J’entends des phrases-titres comme « Paris, je t’aime quand même » et « Je suis trop vieux pour mourir », sans doute passé l’âge de dire « J’ai poussé trop vite ». Il y un long morceau sur lequel il n’a pas l’air content. Bientôt, entre deux chansons, un homme lance, vache, « tu le commences quand ton concert ? ». Le guitariste s’excite un peu, deux chansons plus tard, il se jette dans le public et le slam merde, le concert s’arrête. Petit malaise et pause.
Le chanteur revient seul. Il parle de Jacques Higelin mort aujourd’hui, raconte un concert où Jacques Higelin était venu et s’était montré pendant la chanson ‘Hype’ d’Eiffel, cette chanson pour « arnaquer » le public de « ce groupe de tarlouzes » et chante le début de ‘Champagne’. Et soudain, ça va mieux le son. Tout va mieux. Que s’est-il passé ? Fallait peut-être qu’un truc sorte, se partage avec le public, un truc qui n’était pas de la musique, après un déclic extérieur. Je me souviens d’un concert sauvage et suicidaire à l’Empreinte à Savigny-le-Temple. Je me souviens de Jacques Higelin à la fête de l’Humanité : une canette arrive sur la scène devant lui, il enrage, pique une crise et après le concert n’a rien à voir, le concert démarre avec la canette et il est fantastique, dégoulinant de tripes.
Un rappel plus tard, le concert se termine sur un morceau excellent. Je prends quelques notes sur un banc du bar. Je me rends alors compte que nous sommes le 6 avril, le jour de l’anniversaire du déclenchement du génocide des Tutsis du Rwanda. Cela n’a rien à voir, certes, sauf que, peut-être, j’avais envie qu’un déclic extérieur me perturbe, moi aussi. La soirée de la veille avec un ancien militaire spécialiste des missiles traine-t-elle dans ma tête ? Ai-je encore envie de débloquer un truc, de retrouver de la fluidité et de la sérénité dans le bruit ? Ce sera le lendemain sur la coopération militaire dans les dictatures. Pas de lâcher-prise pour moi ce soir. J’avais envie d’une surprise, d’un concentré d’énergie, pas « pour les tarlouzes », ou d’autre chose encore, un décolaj au rhum ou rien de tout cela, … un éclair entre l’ordre et le désordre des choses.
Régis Marzin
Article écrit et publié le 8 avril 2018

jeudi 5 avril 2018

5 avril 2018, Paris, génocide du Rwanda : Guillaume Ancel et la guerre de l’information

Ce jeudi soir, veille de l’anniversaire du déclenchement du génocide des Tutsis du Rwanda, la librairie la Friche dans le 11e à Paris a organisé une présentation et dédicace du livre de Guillaume Ancel, "Rwanda, la fin du silence" aux éditions des Belles Lettres. La libraire est pleine d’une cinquantaine de personnes. Dans le monde qui gravite autour du sujet du génocide des Tutsis, depuis 2014, Guillaume Ancel est maintenant connu. Ancien officier de la de la Force d’action rapide pendant l’opération Turquoise, ayant quitté l’armée en 2005, il est l’un des rares témoins de terrain qui intervient dans des conférences en France. Il est surtout l’un des plus rares encore soldats qui ont choisi d’affronter l’interdiction implicite de parler de la complicité française dans le génocide. 
Après de nombreuses interventions orales, après un premier récit de sa mission à Sarajevo en 1995 édité en mai 2017, il a décidé de mettre son témoignage sur le Rwanda par écrit, pour lui donner plus de poids et éviter qu’il ne « puisse être effacé ».
L’ancien spécialiste des missiles présente son livre. Il raconte comment le 1er juillet 1994, une attaque contre le FPR a été brusquement arrêtée, en début d’opération. 150 soldats français, avec hélicoptères et avions Jaguar devaient stopper 1500 soldats du FPR. L’opération a été annulée juste après son déclenchement, sans doute, selon lui, parce que la procédure des opérations aériennes contenait une étape d’échange de vérification avec le PC Jupiter à l’Elysée, étape que ne connaissait peut-être pas l’Amiral Lanxade, un marin. C’est ensuite qu’advint la mission à partir du 2 juillet de Jean-Christophe Rufin, alors conseiller du ministre de la défense François Léotard, et de l’universitaire Gérard Prunier, pour négocier avec Paul Kagamé sur la zone humanitaire. Selon Guillaume Ancel, à l’Elysée, les « faucons » ou « ultras » « perdaient pied » et Hubert Védrine a été un témoin clé des échanges entre « 2 factions » autour de François Mitterrand.
Guillaume Ancel témoigne également du détournement de l’attention des journalistes lors du passage d’armes livrées par l’armée française aux hutus génocidaires réfugiés au Zaïre. Au débriefing, l’officier responsable lui a expliqué qu’ils avaient reçu « l’ordre de livrer des armes pour donner un gage de confiance aux forces gouvernementales et éviter qu’elles se retournent contre nous », tout cela pendant l’embargo décidé à l’Onu.
Sur le point de l’attentat du 6 avril, il pense que la « DGSE aurait dû savoir » que « 5 personnes entraînées » au minimum, type « mercenaires des pays de l’Est » étaient présentes. Il explique qu’on ne peut cacher un tir de nuit, avec une flamme sur 100m et de la fumée qui reste 10 minutes. Il rappelle la subtilisation de la boîte noire et la mort suspecte de François de Grossouvre à l’Elysée. Selon lui, la responsabilité des « extrémistes hutus » ne fait aucun doute.
L’ancien Lieutenant-colonel affirme que la mission de Turquoise n’était pas humanitaire – une « fable », dénonce-t-il –, mais qu’elle était d’abord de « remettre en place le gouvernement génocidaire ». Il résume le soutien des génocidaires, avant, pendant et après le génocide, par « remettre au pouvoir, soutenir, réarmer ».
Il décrit la parole libre à l’intérieur de l’armée sans l’être vers l’extérieur. Il a voulu être interrogé par la Mission d’information parlementaire (MIP) de 1998 ce qui lui a été refusé par sa hiérarchie. Pour lui, la MIP a servi à organiser un « sarcophage ». Paul Quilès, lors d’un colloque à la fondation Jean Jaurès le 27 février 2014, l’a interrompu,  «  s’est levé, l’a pointé du doigt et lui a dit : « Jeune homme, … je vous demande de ne pas témoigner ». Guillaume Ancel désigne Paul Quilès comme le « chef des gardiens du sarcophage ».
Il évoque les années précédentes, les alertes non entendues contenues dans le rapport du Général Varret, Chef de la Mission militaire de coopération entre octobre 1990 et avril 1993. Pour expliquer cette politique, il mentionne la pression d’un lobby autour de l’Elysée. Il liste François Mitterrand, Hubert Védrine, Alain Juppé et l’Amiral Jacques Lanxade, comme principaux acteurs des « décisions qui faisaient que les soldats se retrouvaient dans une situation de complicité ». Il est scandalisé qu’« on continue de cacher (la vérité) aux français », pour empêcher qu’ils « pensent et jugent par eux-mêmes » et évoque plusieurs fois les victimes. Il insiste surtout sur la nécessité de l’ouverture des archives et signale à ce sujet la promesse non tenue de François Hollande en 2015.
Le débat avec la salle revient sur l’épisode du 1er juillet. Deux personnes dans le public cherchent à mettre en difficulté l’intervenant, en traitant l’armée française, l’un, de « barbare », l’autre, de soumise aux multinationales. Guillaume Ancel répond sur la violence de la guerre, évoquant un prisonnier jeté d’un hélicoptère et un passage du livre, une « opération difficile à justifier » d’« exécution de 12 miliciens ». Le reste du débat concerne surtout l’implication et la complicité française dans le génocide.
Après les dédicaces, je questionne Guillaume Ancel sur la guerre de l’information dans le milieu de l’armée qui est une partie d’une guerre de l’information plus générale qui depuis 2014 a tourné à l’avantage des partisans de la dénonciation de la complicité des dirigeants français dans le génocide : « Y-a-t-il une nouvelle génération de militaires qui s’oppose à une ancienne sur la version officielle ? ». Il regrette que non.
(Fin du compte-rendu, suite et commentaire sur le blog dejournaliste-chercheur.)
Régis Marzin
Compte-rendu (et commentaire), écrit et publié le 8 avril 2018