samedi 15 avril 2017

15 avril 2017, Bonneuil-sur-Marne : Tchad : 25e anniversaire de l’UNDR

Anniversaire du parti politique tchadien Union Nationale pour la Démocratie et le Renouveau, parti de Saleh Kebzabo. Je suis présent uniquement à la fin de l’événement. J’interviens rapidement sur le bilan africain de 2016, l’année des coups d’état électoraux.
En 2017, Tchad et Gabon se retrouve dans des positions différentes pour aborder la question des législatives : après les coups d’Etat électoraux, l’opposition tchadienne menée par Saleh Kebzabo exige dialogue et législatives rapides, quand, l’opposition gabonaise menée par Jean Ping rejette le faux dialogue et s’interroge sur la perspective des législatives, la population considérant que les législatives risquent de ‘valider’ le coup d’Etat électoral de 2016. La différence entre les deux pays vient aussi des différents niveaux de violence atteint pendant les coups d’Etat électoraux, en raison du massacre au Gabon.
Régis Marzin
Article écrit et publié le 20 avril 2017

jeudi 13 avril 2017

13 avril 2017, Paris, Afrique : 1ere approche du bilan du quinquennat

Ce jeudi 13 avril, je suis invité par la commission Transnationale d’Europe Ecologie Les Verts à parler de « la politique africaine de la France durant le quinquennat de François Hollande ». J’interviens comme journaliste dans le premier panel, avec Félix Blanc, qui est enseignant-chercheur à l’EHESS et a contribué au « Livre Vert de la Défense » (Sénat / EELV, 2014) et Julie Owono d’Internet sans frontières. La modératrice est Elise Lowy, déléguée aux relations internationales du bureau exécutif d’EELV.
Le second panel est ensuite dédié aux cas de Djibouti, du Gabon, du Tchad et du Congo Brazzaville, avec pour intervenants Maki Houmed-Gaba, représentant en France de l'Union pour le Salut National (de Djibouti), Makaila Nguebla, le célèbre blogueur tchadien et Benjamin Moutsila, de la Fédération des Congolais de la Diaspora (Congo B), et le modérateur Régis Essono, responsable du groupe Afrique EELV également mobilisé sur le Gabon.
J’interviens en premier sur le bilan de François Hollande. Je commence par préciser les phases. On ne peut comprendre la politique française en Afrique sans voir le lien avec la seconde phase du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Sous Sarkozy, il y a eu d’abord la période Kouchner au Ministère des affaires étrangères de 2007 à 2010, puis le passage d’Alain Juppé du ministère de la défense au MAE, avec, alors, les interventions militaires en Libye et en Côte d’Ivoire, qui ont replacé l’armée française au centre du jeu politique après une période de retrait. Donc en 2012, Hollande et le gouvernement ont récupéré un processus de revalorisation de l’armée française déjà fortement engagé, qu’ils n’avaient ensuite qu’à poursuivre, d’une autre manière.
La première phase a été courte : mi-2012 à fin 2012, une période d’indécision avec des signaux positifs sur la démocratie. Puis à partir du voyage de Déby à Paris en décembre 2012, jusqu’à mi-2014, s’est déroulé la phase liée à la guerre au Mali, où l’influence de l’armée française a déséquilibré la politique française, où la démocratie a été oubliée, ce qui a permis aux dictateurs des ex-colonies d’en profiter. A partir de mi-2014, quelques mois après le remplacement de l’Amiral Guillaud par le général de Villers comme chef d’Etat-major de l’armée, les excès ont été gommés, et la politique s’est partiellement rééquilibrée, sans arriver pour autant à un discours correct sur la démocratie. Le pire venait d’être évité en Centrafrique en obligeant Déby à laisser la place aux forces de l’Onu et c’est aussi très important de souligner ce qui a failli arriver. Puis, le gouvernement a fait preuve d’un certain suivisme sur la crise des constitutions dans les Grands lacs, en participant correctement sur la RDC et le Burundi, mais le soutien à Sassou en octobre 2015 sur le référendum est resté comme la pire erreur. La forte mobilisation sur le climat a suivi et concerne fortement l’Afrique. En 2016, année de 4 coups d’Etat constitutionnel, l’exécutif français a finalement choisi de ne pas s’engager pour la démocratie, comme le reste de la communauté internationale.
Un autre point de vue consiste à constater qui ont été les décideurs de la politique française pendant 5 ans. L’étude détaillée de la participation française au génocide du Rwanda a permis de comprendre un peu mieux ce que peut-être un fonctionnement en « cercle restreint », sans vouloir en comparer les effets. Les principaux décideurs ont été autour de François Hollande, le Ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, et son chef de cabinet, Cédric Lewandowski, le Ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, puis Jean-Marc Ayrault, et leurs directeurs Afrique, Jean-Christophe Béliard, puis Rémi Maréchaux en 2016, les conseillers à l’Elysée, Hélène Le Gal et Thomas Mélonio, les chefs d’Etat-major, l’Amiral Guillaud, puis en 2014 le Général de Villiers, et le chef d’Etat-major particulier du président, le Général Puga, remplacé mi-2016 par le Général Rogel. Le parlement français s’est contenté de suivre le mouvement en proposant quelques bons rapports.
En fin de mandat, Hollande assume son non-engagement pour la démocratie, en parlant de sécurité et de développement en oubliant la démocratie. D’un point de vue théorique, l’ « approche globale » en 3 pôles, ‘Paix et sécurité’, ‘Economie et développement, ‘Démocratie et droits humains’ est pourtant acceptée et a été appliquée en Centrafrique et en RDC. La question qui se pose en France est la capacité d’équilibrer les 3 pôles si l’influence de l’armée est forte. Sous Hollande, cela n’a pas été équilibré du tout. Cela a fragilisé l’approche européenne à ce niveau. Au pire, le danger serait que l’Union européenne s’habitue à ce déséquilibre en France et s’en accommode au point de vouloir utiliser les forces françaises comme son bras armé sans exiger d’effort du gouvernement français sur la démocratie en Afrique. Ce déséquilibre a par ailleurs participé à scinder en deux la gauche et la droite du PS et à affaiblir l’alliance de gouvernement avec les Verts.
Pourtant, les socialistes avaient une solution évidente à appliquer en Afrique, celle de participer à exiger fermement une augmentation de la qualité technique des processus électoraux, sans concession pour les fraudeurs. L’influence des militaires français et l’alliance avec Idriss Déby ont empêché le débat à ce niveau. Le gouvernement français s’est coupé des sociétés civiles et des démocrates africains.
L’année 2016, année des coups d’Etat constitutionnel aboutit sur la crise des législatives d’Afrique centrale. La position européenne critique sur le Gabon montre en négatif la mauvaise position française. Le PS n’avait sans doute pas de recul sur l’histoire des élections en Afrique depuis 1990. Le génocide des Tutsis du Rwanda en 1994 a fortement terni de bilan de François Mitterrand mais a aussi caché l’arrêt brusque vers 1994-1995 du lancement d’un processus de démocratisation continental rapide entre 1990 et 1994. Le PS aurait sans doute eu à faire un travail de deuil sur sa participation historique ambivalente dans les années 90 avant de revenir au pouvoir en 2012.
Ayant assez développé ma partie, je résume la suite de la conférence plus rapidement. Félix Blanc souligne le rejet de la jeunesse africaine, et revient sur la coopération militaire, le redéploiement, avec 10 000 soldats actuellement, le poids du ministre augmenté par exemple par la cosignature rétablie par Hollande des ordres par Ministre de la défense.
Julie Owono explique que la politique française a été décevante concernant la défense des libertés sur internet. Le gouvernement a mis l’accent sur les aspects économiques en réaction au recul de la présence française, sans constater que la liberté économique est impossible sans liberté politique. Lors des élections, les coupures d’internet se sont multipliées, parfois, alors que des gens se faisait massacrer. Elle souligne aussi le risque au niveau de la perception des jeunes. Elle insiste sur la coupure actuelle au Cameroun anglophone, puis précise que la coupure d’internet est une spécialité des pays francophones.
Un court débat permet de parler de l’élection française de 2017. Je suppose que la question des élections en dictature ne tardera pas à revenir sur le devant de la scène, en particulier en Afrique centrale, et qu’un nouveau gouvernement français va devoir se positionner plus clairement. En particulier, il faudra observer comment évoluera la position française en vue des législatives au Tchad. L’alliance avec le dictateur-fraudeur peut-elle perdurer ? Les effets négatifs de cette alliance ont déjà été bien analysés. Une question qui se pose dans le contexte actuel est aussi de savoir si le point de vue des partis politiques compte face à l’appareil d’Etat, puisque les partis politiques seront plus nombreux à l’Assemblée et que le débat pourrait s’approfondir.
Pendant le seconde panel, sur le Gabon, Régis Essono souligne qu’après 8 mois, Hollande n’a rien dit, ce qui place les français « à la croisée des chemins », « à devoir décider si la France est du côté de la démocratie ou du côté de ses intérêts ».
Sur le Congo Brazzaville, Benjamin Moutsila, rappelle ce qui s’est passé en octobre 2015, quand le gouvernement congolais a fait des affiches avec la phrase de Hollande sur la constitution. Hollande n’a ensuite rien dit sur la cinquantaine de morts qui ont suivi, ce qui a évoqué les « massacres à huis-clos des années 1997-2000 ». Il explique qu’il y a actuellement des morts en forêts dans le Pool.
Sur Djibouti, Maki Houmed-Gaba de l’USN revient sur les 6 bases militaires dont dépend son pays. Il y a « un mauvais mariage avec la France, qui s’est aggravé ». Les bases militaires servent aussi à enregistrer les communications au Soudan, en Erythrée, au Yémen, en Arabie saoudite. Les loyers des bases ne sont pas redistribués. 60% de la population est au chômage, 40% dans une « pauvreté absolue ». En 2013, le résultat des législatives a été totalement inversé, au bout d’un moment l’ambassadeur de France a demandé la publication des procès-verbaux, mais quand Guelleh a refusé, il n’a pas insisté, puis cet ambassadeur trop exigent a été retiré avant le coup d’Etat électoral d’avril 2016. Maintenant, « la France est dépassée par son propre jeu, avec la base militaire chinoise et une économie qui tourne sans la France ».
Sur le Tchad, Makaila Nguebla est lui aussi très critique, car « Hollande est arrivé après le printemps arabe, puis s’est embourbé dans un certain strabisme, en ne soutenant pas la société civile, les journalistes, les démocrates neutralisés ». Les élections fraudées ont eu lieu au nez et à la barbe de Hollande. Paris ne s’est pas indigné des exactions de son allié. Le Drian est devenu l’ami de Déby. Les tchadiens ont été « humiliés ». Selon lui, au lieu de croire que Déby est indispensable à la lutte contre le terrorisme, les français et européens devraient s’appuyer sur la société civile et les media libres. Voir aujourd’hui Le Drian avec Macron l’inquiète alors que cela devrait poser problème aux électeurs.
Régis Essono conclut sur le mauvais calcul à court terme du soutien aux dictatures par le biais sécuritaire, alors que les dictatures alimentent les flux migratoires et sont un facteur de violence. Puis Lucie Schmidt de la Fondation pour l’Ecologie politique souligne l’importance des « lanceurs d’alertes » et le besoin d’« une démocratie réelle ».
Régis Marzin, 
article écrit et publié le 20 avril 2017