dimanche 26 mars 2017

26 mars 2017, Paris, Togo : Jean-Pierre Fabre à Paris

Un des leaders d’une opposition démocratique d’une dictature africaine est à Paris ce dimanche 26 mars, le ‘chef de file de l’opposition’ togolaise, Jean-Pierre Fabre. Il a failli en croiser un autre, Jean Ping. Le débat est organisé par la fédération Internationale Europe-Asie de son parti, l’ANC. J’arrive pour le débat après la première intervention qui sera ensuite publiée sur le site de l’ANC.
Dans ce discours, Jean-Pierre Fabre insiste sur une des priorités actuelles, « le processus de décentralisation et le calendrier des élections locales » promises il y a déjà 12 ans. Il revient également sur la mascarade présidentielle de 2015, le rôle de la CENI et sa « proclamation de résultats non délibérés en plénière et donc « sans aucune base légale » selon la mission d’expertise électorale de l’UE ».
Concernant les réformes institutionnelles bloquées depuis l’Accord politique global de 2006 (APG), l’ANC vient aussi de recevoir la réponse à sa « requête demandant à la Cour Constitutionnelle, d’enjoindre l’Assemblée nationale de mener à son terme la procédure d’examen et d’adoption des propositions de loi de révision constitutionnelle, abusivement interrompue et gelée ». Il dénonce la Commission nationale de réflexion sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles crée par Faure Gnassingbé, « dans le but évident d’enterrer l’APG et de s’offrir d’autres moyens de s’accrocher au pouvoir. »
Puis, Jean-Pierre Fabre dénonce les atteintes aux droits humains et la répression des dernières manifestations, comme les atteintes à la liberté de la presse.
Lors du débat, la diaspora revient sur la présidentielle de 2015, et la stratégie de l’ANC. Jean-Pierre Fabre reprend avec quelques détails l’historique impliquant le Collectif Sauvons le Togo (CST) et la coalition Arc-en-ciel, aux législatives de 2013, quand ils y « sont allés sans préparation ». Il admet déçu : « on a travaillé avec des gens avec qui on n’aurait jamais dû travailler », sans donner de nom.
En 2015, « la candidature unique était prévu s’il n’y avait pas de réformes », et « l’Arc-en-ciel a choisi un candidat ». Selon lui, « la candidature unique permet au pouvoir de diviser l’opposition », comme un « Plus Grand Commun Diviseur (PGCD) de l’opposition ».
Il revient sur la réunion avec Alassane Ouattara et John Dramani Mahama qui sont venus sortir Faure Gnassingbé vainqueur par magie des compilations de la CENI. Faure Gnassingbé avait placé comme interprète Anglais-français du président ghanéen une chargée de mission de la présidence pour espionner.
Concernant le général Sangaré et l’OIF, il explique que « maintenant, l’OIF ne veut plus faire d’observation, et veut aider à établir des fichiers électoraux en travaillant sur l’état civil ».
Sur les élections locales, Jean-Pierre Fabre explique : « tout est flou », « si on se soulève pas, il n’y aura rien, … il faut que le togolais se soulève », « je ne peux parler que du vote », « l’article 150 (de la constitution) donne le droit de soulever ». Il précise : « mobilisation et élections, c’est les deux à la fois », il n’y a « pas d’impasse sur les élections », « la lutte n’est pas une question de réforme ou pas ». Il préfère ne pas parler de tout concernant la stratégie, en évoquant un point de départ en 1998.
Le débat est aussi abondant en critiques, ce qui l’oblige aussi le politicien à être souvent dans une position défensive. Les multiples échecs des démocrates au Togo depuis 1990 marquent sans doute les esprits. Jean-Pierre Fabre évite-t-il d’essayer de résoudre la quadrature du cercle togolais en « combattant incompris » ?
Pendant le pot, je signale au leader de l’opposition que j’ai récemment découvert (cela sera expliqué dans une étude pas encore publiée) que le Togo était, grâce à la famille Gnassingbé, recordman d’Afrique des coups d’état électoraux, c’est-à-dire des processus électoraux avec inversion du résultat au moment de la compilation des procès-verbaux et de la publication du résultat national. En effet, le Togo a déjà connu 4 inversions de résultats en 1998, 2003, 2005 et 2010, soit un tiers des 12 coups d’état électoraux lors de présidentielles, répertoriés dans toute l’Afrique depuis début 1990. Un coup d’état électoral n’est pas en soi pire qu’un processus électoral détourné en amont, mais ce record d’Afrique togolais devrait tout de même attirer l’attention.
Mohamed Ibn Chambas, représentant du secrétaire général de l’ONU en Afrique de l’Ouest, connu comme soutien de Faure Gnassingbé, voit aujourd’hui dans la chute de Jammeh en Gambie, « le début d’une nouvelle ère » grâce à la « diplomatie préventive régionale ». Il est peut-être temps pour lui de se souvenir du besoin d’une  limitation à deux mandats dans la constitution au Togo, puisque la Gambie et le Togo restent les deux seuls pays d’Afrique de l’Ouest sans limitation. Aujourd’hui Faure Gnassingbé se retrouve seul chef d’Etat concerné et le rôle de la « diplomatie préventive régionale » serait de faire pression sur Faure Gnassingbé pour qu’il respecte enfin les réformes de l’Accord politique global de 2006, pour sortir enfin de « l’injonction paradoxale togolaise ».
Régis Marzin, écrit et publié le 4 avril 2017

samedi 25 mars 2017

25 mars 2017, Paris : Gabon, 200ème jour de lutte

Ce 25 mars à Paris, pour son 200eme jour de lutte depuis le coup d’Etat électoral, la diaspora gabonaise organise une manifestation « 200 jours de la résistance » entre Trocadéro et l’ambassade du Gabon.
En tête de manifestation, se reconnaît le leader de la société civile, Georges Mpaga, de passage à Paris, qui sera quelques jours après, le 29 mars, à Bruxelles pour rencontrer l’Union européenne. Le 2 février, le Parlement européen avait adopté une résolution contre les auteurs du coup d’état électoral. Le 28 mars, le porte-parole de l’Ue a rappelé sa position ferme : dialogue inclusif, suivi des « recommandations faites par sa Mission d'observation électorale, enquête indépendante sur les allégations de violations des droits humains, dialogue politique intensifié avec l'UE, dans le respect de l'accord de Cotonou ».
Le 24 mars, Jean-Marc Ayrault a accepté de rencontrer Emmanuel Issoze Ngondet, Premier ministre post-coup d’Etat électoral, venu promouvoir le dialogue factice démarrant le 27 mars à Libreville. Le compte-rendu du ministère indique « M. Jean-Marc Ayrault a exprimé l'espoir que le dialogue se tienne entre les principales forces politiques du pays et qu'il débouche sur des réformes structurelles et des échéances bien identifiées. La préparation des prochaines élections législatives est une opportunité pour que les différentes sensibilités politiques prennent des engagements en faveur de la démocratie et l'État de droit au Gabon. Une facilitation internationale pourrait utilement être mobilisée. MM. Ayrault et Issoze Ngondet ont également évoqué les relations entre le Gabon et l'Union européenne et la situation économique et sociale au Gabon. »
Depuis qu’il est ministre des affaires étrangères, jamais Jean-Marc Ayrault n’avait affiché une position si proche d’un soutien d’une dictature, dans le sillage de son prédécesseur Laurent Fabius ou de Manuel Valls, l’admirateur de Faure Gnassingbé. Emmanuel Issoze Ngondet venait par ailleurs démarcher les entreprises. Cette position du ministre français peut être a priori interprétée comme un sabotage de la position européenne. A partir du moment où les démocrates gabonais ont rejeté le faux dialogue, arguer de la possibilité de faire avancer un processus de démocratisation arrêté par un coup d’Etat électoral travers des législatives, signifie apparemment soutenir le dictateur. Le Gabon n’est pas le Tchad, et c’est au Tchad que l’opposition victime d’un autre coup d’Etat électoral veut aller aux législatives après un dialogue inclusif. Si on lui accorde le bénéfice du doute, Jean-Marc Ayrault pourrait avoir confondu Ndjamena et Libreville, Saleh Kebzabo et Jean Ping. S’opposer à ou soutenir la stratégie des démocrates dans un pays signifie quelque chose.
Le premier ministre « putschiste », comme disent les gabonais, a réussi également à se faire voir à En marche ! en rencontrant l’ex-ministre de droite Jean-Paul Delevoye, qui préside la commission d’investiture des législatives du mouvement En marche !, un poste stratégique. Est-ce de nouveau la maudite Françafrique qui se prépare à redémarrer contre vents et marées, discrètement camouflée derrière le vote utile anti-FN et anti-républicains ?
A un certain niveau de nullité des dirigeants français, ils se décrédibilisent totalement et Bruxelles continue d’aspirer les responsabilités. Pour se faire entendre à Bruxelles, il faut mieux éviter de parler la langue de bois françafricaine. Jean Ping reste confiant et affirme le 31 mars que « la communauté internationale demande que la situation revienne à la normale ».
La diaspora gabonaise a su restée mobilisée depuis maintenant 7 mois, sur internet comme dans la rue, elle fait feu de tout bois, manifestant pour réclamer son rapport sur l’élection à l’OIF ou empêcher le Médef de reprendre les affaires. Pendant la manifestation, des orateurs de passage du Gabon soulignent l’importance de ce soutien extérieur.
Régis Marzin, article écrit et publié le 4 avril 2017