jeudi 28 novembre 2024

27 novembre 2024, Aubervilliers : Enquêter-créer-militer-partager dans l’écologie ?

 

Ce jeudi, je suis enfin en train de terminer une longue recherche bien difficile de plusieurs semaines, quand je trouve un mail qui annonce une soirée quelques heures après, une publicité tardive, approximative sans organisateur affiché. Ecologie, bandes-dessinées, Bretagne, migrants d’Afrique, agriculture, à la Pépinière, à 21h, tout pour me plaire ! Le débat est intitulé « Enquêter-créer-militer-partager ». Moi aussi, j’enquête toute la journée…

En arrivant, je vois qu’il n’y a quasiment que des jeunes vers 20-25 ans. L’animateur indique qu’il est d’un groupe appelé Amarantes, du nom d’un plante qui résiste au Round Up. J’arrive à savoir que les étudiant-e-s d’EHESS présent-e-s en nombre sont surtout d’un ‘parcours’ ou master intitulé Etudes environnementales.

Giorgio de l’association Terre de Luttes, présente une recherche sur les « victoires » dans les luttes écologiques. Terre de lutte a réalisé 42 entretiens et étudie la « synchronisation des tactiques », l’« intelligence collective » dispersée, les enrichissements mutuelles des approches – il ne parle pas des interactions négatives, si une tactique détruit le travail d’une autre, ce qui arrive pourtant avec les approches violentes – ­la structuration des réseaux… De quoi discuter mais le débat avec la salle ne décolle pas. On n’est pas au FRAP, ici !

Elsa Lecarpentier, autrice de la BD « Toujours puce. Les macrodégâts de la microélectronique », faite avec sa sœur Maud, sortie en 2024 au Monde à l’envers. La BD retrace une enquête sur l’usine de la multinationale MicroST à Grenoble, qui pompe l’eau de la ville, autant que la ville elle-même. Un collectif STopMicro lutte pour la fermeture de cette usine qui a des activités stratégiques militaires et est soutenue par le maire écologiste comme par l’Etat. Il s’agit aussi de parler de « l’impact environnemental de l’industrie et du numérique ». La BD mélange fiction et reportage.

Tarik Belkadi et Habib Ali Mohammed Musa présente les activités et les enquêtes de l’association A4, réalisées par les demandeurs d’asile eux-mêmes. L’enquête présentée ce soir a été faite près de Lannion, dans les Côtes d’Armor. A4 s’inquiète de l’utilisation de produit dangereux et lutte contre l’exploitation des ouvriers agricoles dans des fermes en agriculture industrielle.

La journaliste et autrice de BD connue pour les algues vertes, Inès Léraud, et l’historien Léandre Mandard, thésard sur le remembrement en Bretagne, présente la BD « Champs de bataille, L’histoire enfouie du remembrement » qui vient de sortir, chez Delcourt. Inès Léraud a apprécié de travailler en associant les méthodes de journalistes et d’universitaire. Dans le Finistère ou Penn ar Bed, dans les années 70, des militant-e-s ont mis des journalistes dans un bus, ce qui a un peu stoppé le remembrement. Cela me rappelle les bus dans lesquels j’étais, sur les Biens mal acquis des dictateurs africains à Paris en 2007 (p38) et le bus sur les élections en Afrique en 2012.

Le débat est un peu flou, sans véritable enjeu. Le mot ‘climat’ est tellement dans toutes les têtes qu’il n’a plus besoin d’être prononcé. Quelques points sont précisés, comme sur le lien avec des luttes en Afrique : Tarik Belkadi évoque rapidement une « écologie décoloniale ». Certains veulent des actions plus dures sans doute, mais raisonnablement. Inès Léraud souligne que sa nouvelle enquête, au contraire de celle sur les algues vertes et la FNSEA, n’« emmerde personne », même si 20 000 kms de haies (on dirait talus en Bretagne) disparaissent chaque année en France, qu’il s’agit de « rendre justice », de montrer que « la logique capitaliste nous a séparé de notre capacité d’autosubsistance » et de « susciter des vocations paysannes » alors qu’il ne reste plus que 400 000 agriculteurs en France.

Le bal folk commence ensuite : Léandre Mandard à l’accordéon, un violon, une guitare, tout en acoustique, et une dizaine de jeunes, dont Inès Léraud qui chante aussi dans une chorale. Ce sont de vieilles chansons engagées, certaines, dans la BD sur le remembrement (il y’en a même une en breton). Les chansons des grands-parents en lutte à Plogoff ou dans le Larzac ? La bulle militante du Larzac d’Attac en 2003 est définitivement oubliée. Quelle ambiance ! Manque juste le feu de bois et une ou deux personnes bien bourrées pour mettre du piment !

Avant, pendant le débat, c’est plus fort que moi, j’essaye de faire une photo style année 70, le cadrage large et l’esprit collectif et informatif intellectuel mouvementé. Un prof est là, à vendre les BDs et il n’intervient pas dans le débat… Et moi aussi, je me tais, ne sachant pas trop quoi dire. Quand nous organisions le Festival des Résistances et des Alternatives à Paris (FRAP), dans les années 2000, il n’y avait jamais d’événement avec que des jeunes. Au milieu de ces jeunes, Inès Leraud fait 20 ans de moins que son âge. Et moi, je me sens vieux comme jamais ! Pire qu’à 35 ans dans un festival de rock ! Mais bon ! Quelques minutes avant j’avais encore la tête au Gabon en 2016 !

Régis Marzin

28 novembre 2024

mercredi 16 octobre 2024

15 octobre 2024, Paris, les 10 ans de Tournons la Page

Ce mardi 15 octobre en soirée, l’ambiance est à la fête à la galerie Echomusée à la Goutte d’or, pour les 10 ans de la coalition Tournons la page. Il y a dix ans, quelques mois avant la chute de Blaise Compaoré au Burkina Faso sur la question du nombre de mandats, quelques activistes et salariés d’associations commençaient à se réunir à Paris et à travailler sur la durée des pouvoirs et le nombre de mandats présidentiels.

Des souvenirs de lutte aux côtés du Secours catholique pour moi aussi entre mi-août 2014 et janvier 2017, par exemple sur le Congo-Brazzaville avec le communiqué du 22 octobre 2015, ‘Le Président François Hollande plante un couteau dans le dos du peuple congolais’.

Dans la soirée est présenté le livre de Rémi Carayol ‘Les sentinelles de la démocratie en Afrique : Tournons la page : histoire d’un mouvement militant politique en Afrique’, aux Editions Karthala. Pour la coalition sont présents entre autres, l’ivoirien Didier Alexandre Amani, président de la coalition depuis le départ de Marc Ona, Brice Mackosso, coordinateur national du Congo-Brazzaville, Brigitte Ameganvi, trésorière internationale, Laurent Duarte un des trois premiers salariés et Mathieu Pourchier, le Directeur exécutif.

En 2024, le grand nombre de déclarations de la coalition montre qu’elle a pris un rythme de croisière basé sur l’énergie de ces nombreux membres. Le rapport sur la présidentielle tchadienne du 6 mai 2024 me fait penser que les compétences sur les processus électoraux qui manquaient au démarrage il y a dix ans sont maintenant bien acquises. En 2016, une fois le sujet du nombre de mandats dans les constitutions maîtrisé, la question du passage au traitement du thème des processus électoraux s’était posée, sans doute un peu trop tôt dans l’histoire du mouvement.

Régis Marzin

Paris, 16 octobre 2024

 

vendredi 27 septembre 2024

Asnières, 26 septembre 2024, à propos de la bande dessinée ‘Rwanda, à la poursuite des génocidaires’

Depuis bientôt 20 ans, je me suis intéressé au génocide des Tutsis du Rwanda, y travaillant encore en 2021 sur la partie électorale de l’histoire rwandaise entre 1990 et 1994. Je m’intéresse aussi en ce moment à l’Afrique dans les bandes dessinées, à l’évolution progressive des points de vue, entre divertissement et vulgarisation de sujets sérieux.

Listant les titres sur l’Afrique, j’ai repéré huit (+1 le 24.11.24) bandes dessinées qui traitent du génocide des Tutsis du Rwanda :

-          - Petit pays, scénario Marzena Sowa d’après le roman de Gaël Faye, dessins Sylvain Savoia, 12.4.2024, Dupuis, une fiction d’après vécu sur le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 vu du Burundi

-          - Rwanda, à la poursuite des génocidaires, de Thomas Zribi, Damien Roudeau, aidés par Michel Welterlin (Témoins du Monde), d’après Dafroza et Alain Gauthier (CPCR), 9.23, Les escales, Steinkis

-     - Full stop, le génocide des Tutsi du Rwanda, de Frédéric Debomy et Emmanuel Prost, 2019, Cambourakis, sur l'implication française selon le journaliste F. Debomy et des témoins et rescapés (ajout du 24.11.24)

-        - La Fantaisie des Dieux, Scénario Hippolyte et Patrick de Saint-Exupéry, dessins Hippolyte, 2014, Les Arènes

-         - Turquoise, scénario Frédéric Debomy, dessins Olivier Bramanti, 2011, les Cahiers dessinés, 93p, sur la responsabilité de l’Etat français et l’attentisme de la communauté internationale

-         - Rwanda 1994, descentes aux enfers + Rwanda 1994, le camp de la vie,  2 tomes, scénario de Cécile Grenier et Austini, dessins de Pat Masioni, 2005 et 2008, Vent des savanes

-       - Pawa, Jean-Philippe Stassen, 2002, Delcourt, Belgique, documentaire, génocide, courtes histoires, paroles des habitants

-         - Déogratias, Jean-Philippe Stassen, 2000, Dupuis, Belgique, trois jeunes ami-e-s au moment du génocide, un garçon Hutu et 2 filles Tutsi, l’horreur vue dans les relations entre quelques personnes.

Le sujet difficile est emblématique de la capacité de la bande dessinée à exprimer de plus en plus l’inexprimable, ou tout au moins la violence dans les crimes de masse.

J’ai lu en avril 2024 ‘Rwanda, à la poursuite des génocidaires’, du journaliste et documentariste Thomas Zribi et du dessinateur Damien Roudeau, qui raconte l’histoire de Dafroza et Alain Gauthier au sein du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). Ce 26 septembre, la bande dessinée est présentée au public au Studio | ESCA à Asnières-sur-Seine. Les intervenants sont, de gauche à droite, Thomas Zribi, Michel Welterlin, Alain Gauthier et Bruce Clarke, artiste auteur des peintures.

Sur la forme, Thomas Zribi évoque la recherche d’équilibre entre les manières de montrer et cacher la violence. Il est allé au Rwanda avec le couple Gauthier et en a ramené des documents, des vidéos et photos qui ont été utilisées par Damien Roudeau.

Depuis plus de vingt ans, le CPCR poursuit en France des génocidaires présumés, montent des dossiers de témoignages de victimes rescapées et portent plainte en France, avec des témoins comme parties civiles. La France n’extrade pas vers le Rwanda. Depuis quelques années, des procès se déroulent mais à un rythme trop lent. Par exemple, le 1er octobre 2024, s’ouvrira le procès du Docteur Eugène Rwamucyo.

Une partie du public assez jeune n’était pas né en 1994 et demande qu’on lui rappelle les principaux événements du génocide. Il adresse surtout des questions à Alain Gauthier pour obtenir des précisions, par exemple sur les causes du génocide. Celui-ci évoque 40 plaintes. La personnalité la plus stratégique est Agathe Habyarimana, qui est visé par une plainte depuis 2007 mais n’est pas encore mise en examen. Elle est aussi importante, parce qu’elle est témoin du rôle d’acteurs français. Il indique que les témoignages sur les viols, difficiles à faire émerger, commence à être plus nombreux.

Régis Marzin

lundi 16 septembre 2024

Montreuil, 14 et 15 septembre 2024, Estivales de la permaculture

Pendant l’été 2024, l’actualité du climat en Afrique a encore accéléré : les sécheresses ravages l’Afrique australe et au moins deux états ont récemment annoncé le sacrifice d’animaux sauvages tels que les éléphants pour nourrir la population, dans le Sahel les inondations ont provoqué des refugié-e-s et autour de 1000 morts. En Afrique les signaux sont clairs : le réchauffement et le dérèglement climatique s’intensifie. C’est sans doute une des raisons qui m’amène aux Estivales de la permaculture à Montreuil, un festival au programme alléchant, entre conférences et concerts.

J’assiste à quatre des six conférences, surtout consacrées au climat et à l’effondrement. Samedi, le sociologue Thierry Brugvin présente des scénarios d’effondrement et quelques scénarios sans effondrement, qu’il a analysé dans son livre ‘Effondrement : 20 scénarios possibles’. Il s’agit de prévoir le futur sur les deux siècles à venir, certains prévoyant un épuisement du charbon en 2085. Les critères de l’épuisement des métaux, de l’énergie et du climat sont les principaux critères à prendre en compte. Les scénarios vont du plus pessimiste, tel que celui des Etats ou cités forteresses que l’on trouve dans la science-fiction post-apocalyptique, au plus optimiste basé sur une politique mondiale décroissante et écosocialiste. Au milieu, se trouvent quelques scénarios plus technologiques, dont certains basés sur le nucléaire au thorium et au Mox. Le chercheur propose de renforcer les analyses des défenseur-se-s du climat pour rendre plus crédibles et efficaces les luttes.
 
Le scientifique du CEA et communiquant du laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) à Saclay, François Dulac, présente, lui, la vision du GIEC. Le discours est déjà bien médiatisé et plus connu. Il rappelle que les rapports du GIEC sont élaborés collectivement par la communauté scientifique mondiale et qu’ils sont validés à l’unanimité à l’ONU. Le dernier rapport date de 2021. Tout ne peut pas être prévu dans les scénarios, par exemple, un éventuel affaiblissement ou arrêt du Gulf Stream vers l’Europe. Il évoque les vagues de chaleur et le seuil létal, parlant surtout de l’Afrique entre 2070 et 2100. Le chercheur présente par exemple parmi les sujets moins connus, le problème de l’augmentation de l’acidité (baisse de PH) des océans liés au CO2 qui provoque le développement de phytoplancton et de micro-algues, qui peuvent mettre en péril des chaines alimentaires. Il vend aussi le jeu ‘Climat Tic-tac’.

Le dimanche, Agnès Ducharne, du CNRS, se concentre sur la problématique de l’eau dans le climat. Le sud de l’Europe devrait s’assécher progressivement. L’assèchement va remonter vers le Nord. L’agriculture sera fortement impactée. Elle distingue l’eau bleue, liquide et l’eau verte, dans les sols, impossible à pomper. Elle présente des solutions technologiques, rapidement, et des solutions écologiques, plus longuement, la désimperméabilisation des sols en ville, les cultures plus sobres, la permaculture, les infrastructures vertes, la restauration des lits des rivières, avec l’utilisation des castors, le renforcement des normes ou l’hydrologie régénérative, science qui vise à « ralentir, répartir, infiltrer et stocker toutes les eaux de pluie et de ruissellement, et – densifier sa végétation multifonctionnelle, cultivée ou non, pour améliorer leur résilience face à nombre de problématiques liées à l’eau (sécheresses, érosion, canicules, désertification, inondations, fertilité, biodiversité, évolutions climatiques,…) »

Raphaël Stevens s’est fait connaître en 2015 en écrivant avec Pablo Servigne le livre ‘Comment tout peut s’effondrer’, qui a vulgarisé le concept d’effondrement et la « collapsologie ». Il présente des évolutions récentes de la recherche sur le sujet. Certains parlent de ‘Endgame’ et demandent au GIEC de mieux étudier les scénarios les plus défavorables au-dessus de 1,5 degré de réchauffement d’ici 2100. Certains parlent de « défaillances en cascade » plutôt que d’effondrement, d’autres de « basculement » ou de « points de basculement » (tippings points). Le débat avec le public revient sur les actions et les aspects mentaux, en particulier l’éco-anxiété (cf aussi la conférence que je n’ai pas entendue de Laure Noualhat). Les inquiétudes sur le climat provoquent selon lui des phases, par exemple de colère et de paralysie. Un jeune de 11 ans se fait applaudir avec une question sur la possibilité pour les gouvernements de faire du « collapse washing » pour gagner des élections. Le chercheur espère qu’agiront ensemble, les scientifiques sur les modèles et la simulation, les journalistes et les vulgarisateurs, et plus de monde dans des actions de terrain. Il s’inquiète de la question de la démocratie.

Au milieu des arbres des Murs à pêches, entre les stands associatifs, le bar et les stands de nourriture, en parlant aux vieux ami-e-s, sous le soleil frileux d’un piètre été indien puis près du feu, les concerts sont sans doute là pour nous éviter l’éco-anxiété. Le samedi soir est assez punk, avec Sagittarius A, Les Marteaux Piquettes et Abdullah Sheraton. La soirée du dimanche soir commence calmement avec Hillary & the Pinto Pack concert puis Lise cabaret trio. Puis King Kong Meuf vient clore le week-end en beauté et en furie.


Régis Marzin

16 septembre 2024

dimanche 8 septembre 2024

7 septembre 2024, Paris, Festival Silhouette 2024

Après 4 ans d’absence à cause de la Covid et du festival placé trop tôt en août, le festival Silhouette étant revenu cette année début septembre, me voilà de retour dans le public, pour les derniers jours du festival. C’est d’autant plus important pour moi que le cinéma en plein air de la Villette a été annulé à cause des Jeux Olympiques. Je ne suis pas encore assez chaud pour me remettre à prendre des photos et je vois qu’il y a plusieurs photographes très motivé-e-s qui font cela beaucoup mieux.

L’ambiance a changé. Un jeune homme avec un tatouage ‘femme fatale’ sur le bras symbolise peut-être l’évolution du public. Surtout, je découvre Vega TrashX, la drag queen maîtresse de cérémonie qui est là depuis 2021. Avec ou sans perruque, elle s’adresse au public en le voyant au féminin. Les réalisatrices sont très présentes.

Je suis très content des films que je vois pendant la semaine. J’ai l’impression qu’en mon absence le niveau a monté. Beaucoup de films sont joués par des adolescents et des enfants et très bien joués. Par exemple, j’apprécie beaucoup ‘1996 ou les malheurs de Solveig’ de Lucie Borleteau, une fiction de 31 minutes tournée en 2024 avec des lycéen-ne-s. Parmi les films primés que je découvre samedi soir, puisqu’il avait tous été projetés en début de semaine, je remarque la finesse de ‘Queen size’ d’Avril Besson, qui raconte la rencontre amoureuse entre deux femmes, l’une étant transsexuelle. C’est l’ovation pour ‘A mort le bikini !’ de Justine Gauthier (visible en entier ici), l’histoire d’une fille de 10 ans au Québec, qui ne veut pas de maillot une pièce et à qui sa mère achète un haut de maillot très cher pour qu’elle aille au parc aquatique avec ses copains, une comédie énergique qui commence par une référence à l’album Nevermind de Nirvana, comme un contrepoint et un antidote à ‘Smells like teen spirit’. Ou peut-être qu’est en route un vaste changement, entre raison et révolte, dans l’humour et la bonne humeur, arrivant par la jeunesse et un changement de génération ?

Régis Marzin

8 septembre 2024

 

dimanche 23 juin 2024

23 juin 2024, Aubervilliers, suite de la lutte pour les Jardins des Vertus

Après leur lutte médiatisée de 2021, les jardiniers des jardins ouvriers et le collectif de défense des Jardins des vertus pensaient pouvoir fêter une victoire, malgré quelques parcelles perdues, sur les 87 de départs. Mais leur lutte reprend en raison d’« un pôle multimodal »,  une ligne de bus, un dépose-minute et une piste cyclable qui menace encore 12 parcelles et de leur demande de restitutions des terrains du solarium annulé par la justice. Après un quelques morceaux d’une fanfare et un pique-nique, le collectif présente la situation et invite d’autres groupes et associations présentes près des jardins à venir expliquer leurs luttes écologiques ou sociales, par exemple celles de deux squats, dont le Bathyscaphe d’Aubervilliers, en sursis jusqu’à début juillet, de la Bourse du travail d’Aubervilliers, actuellement très active pour sa survie (du ciné-club certains vendredi soir), ou de Saccage 2024, opposé aux saccages écologiques et sociaux que provoquent les Jeux Olympiques de Paris, etc… Une visite des jardins est ensuite organisée et permet de poser plus de questions. La tendance est de diviser les parcelles pour accueillir plus de monde. Cela semble plus sauvage que les jardins familiaux gérés par une autre association juste à côté. Puisque le soleil est au rendez-vous, cela semble assez paradisiaque. Une partie des personnes partent ensuite pour une manifestation contre l’extrême droite à Paris.

La partie saccagée pour le solarium à côté de la piscine

Régis Marzin

samedi 22 juin 2024

21 juin 2024, Pantin, Fête des réfugiés de France Terre d’asile

Cela se passe pendant la Fête de la musique, mais c’est surtout la Fête des réfugiés, organisée par France Terre d’Asile, pour la Journée mondiale des réfugiés. Je découvre la Cité fertile, juste à côté de la Gare RER de Pantin, une friche industrielle transformée vers 2018-2019 en lieu original, « dédié à la ville durable ». J’y croise de loin Najat Vallaud-Belkacem, venue parler du film ‘Nouveau Monde’ de Vincent Capello, un film sur un jeune réfugié afghan à Paris.

Dans le village associatif, je discute avec les salariées de France Terre d’Asile, évoquant quelques amis journalistes réfugiés politiques, et avec une bénévole transgenre de l’ARDHIS, l’Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour. Elle exprime une forte inquiétude sur la probabilité de l’arrivée au gouvernement de l’extrême droite dans quelques semaines. Je m’inquiète pour les homosexuel-le-s en Afrique. Je demande si l’OFPRA ne gère pas mieux leurs dossiers maintenant, d’autant plus que la société française évolue. L’ARDHIS fait son possible pour aider en ce sens par exemple par des formations, mais s’il y a eu une amélioration vers 2015, depuis, le durcissement de la politique anti-migratoire de manière globale touche fortement les homosexuel-le-s cherchant refuge en France.

Régis Marzin

dimanche 24 mars 2024

23 mars 2024, concert BBDMI au Campus Condorcet

Entre 2016 et 2020, l’ouverture du Campus Condorcet a été préparée avec soin, au travers d’une communication locale soignée. Il y avait des conférences régulières pour ouvrir le futur espace sur les villes environnantes, sur les migrants en 2016-2017, puis sur l’environnement en 2017-2018, le ‘global et le local’ en 2018 et 2019. Il y avait aussi des concerts à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord active depuis 2012. Un premier Grand équipement documentaire (GED) a été accessible avant l’ouverture du campus. En 2019, s’ouvrait le Centre de colloques. Le 24 février 2020, j’écoutais encore une conférence sur la démocratie au théâtre La commune. Quand la Covid-19 est survenue en mars 2020, une ouverture globale du campus a été décalée. La construction des nouveaux bâtiments s’est enveloppée d’un certain brouillard. L’ouverture au public globale du site universitaire a été reportée à une date inconnue jusqu’à se faire oublier, oublier, oublier... pendant près de quatre ans.

Courant 2023, un peu comme les fêtes parisiennes des plus âgé-e-s, l’ouverture au public sur le campus s’est faite discrètement. Le Festival Printemps des Humanités du 21 au 23 mars 2024 sur le thème ‘Prendre soin’ marque assez bien un retour à une programmation ouverte normale en raison de plusieurs concerts à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord.

Dans le cadre de ce festival, le concert « BBDMI - Brain Body Digital Music Instruments » est un concert de présentation de travaux de recherche. Des compositeur-trice-s et chercheur-se-s jouent « de la musique avec l’électricité du corps et du cerveau ». Ce jour-là, seul le corps et les muscles sont utilisés. Les musicien-ne-s sont équipé-e-s de plusieurs capteurs EMG (électromyogramme) comme dans des examens à l’hôpital. A trois endroits, trois électrodes captant un signal électrique des nerfs liés à des muscles, sur les bras, l’épaule ou le mollet. Ils et elles arrivent à faire que « les gestes corporels pilotent la granularité, la décorrélation et le traitement spatial du son. » Grâce au traitement lié aux capteurs neuro-musculaires, un son long peut être modifié par des mouvements de bras ou un son créé par une main peut être transformé par un mouvement de la jambe. Par ailleurs, à la MSH, la salle dispose d’une sonorisation originale adaptée à la recherche, avec 12 enceintes indépendantes, pas de la stéréo mais 12 sorties son différentes qui permettent de faire rejaillir des éléments musicaux de 12 points de la salle.

Dans une première partie, Anne Sèdes joue sur un grand gong qui crée des sons assez extraordinaires et jamais entendus son morceau ‘ImmerV3’. Puis Amelia Mazarico joue autour de sa guitare acoustique avec David Fierro aux manettes un morceau composé par Alain Bonardi, ‘Electro-Myo-Guitar’. Enfin, Cédric de Bruycker à la clarinette et Quentin Meurisse au piano et à la guitare joue une œuvre d’Atau Tanaka, ‘Competence, work in progress’

Les performances sont suivies d’un débat. Le public pose des questions sur l’utilisation des enceintes de la salle et la dépendance à une sonorisation précise, la possibilité de mettre des capteurs sur des danseur-se-s, le ressenti des musicien-ne-s quand ils-elles jouent, ou la difficulté de la perception pour le public quand le son est créé dans des conditions visuellement très différentes de ce qu’il a l’habitude de voir. Comment lâcher prise et oublier les conditions d’émission des sons pour revenir à la sensation, la poésie, sachant que cette perception est très liée à une culture à la fois sonore et visuelle. Dans beaucoup de concerts, notre esprit se prépare à la suite en observant le corps des musicien-ne-s. Cela me rappelle un souvenir de jeunesse : un jour, dans un grand festival, je dansais au milieu de centaines de personnes les yeux fermés pour ne pas penser à ce qui se passait sur la scène, mais le chanteur de pop anglaise a jeté sa petite percussion très haut en l’air. Tous les gens autour de moi se sont écarté et elle est tombée pile sur ma tête. Aïe !

Régis Marzin

24 mars 2024