jeudi 25 avril 2019

24 avril 2019, Paris, conférence : recomposition de la corne de l’Afrique

Ce mercredi 24 avril, à la salle Jean Dame à Paris, une conférence sur la Corne de l’Afrique est organisée par le think-tank Thinking Africa et l’association European Center for Peace in Horn of Africa. Les intervenant-e-s évoquent Djibouti, l’Ethiopie, l’Erythrée, le Soudan, le thème des migrations et les influence du Moyen-Orient. J’arrive au milieu du premier débat.
Le premier panel rassemble, Roukiya Osman, chercheuse à Thinking Africa, Gérard Prunier, historien, Alain Gresh, directeur d’Orient XXI, un intervenant érythréen et l’animateur Saïd Abass Ahamed de Thinking Africa. Alain Gresh a parlé, avant de partir très vite, de la guerre au Yémen et de l’influence de l’Arabie saoudite et du Qatar en Afrique. Roukiya Osman s’exprime sur Djibouti et la recomposition de la Corne de l’Afrique. Elle insiste sur l’isolement de Djibouti, un pays dans lequel toutes les entreprises ou presque sont gérées par la famille de Guelleh, ce qui donne pas envie d’investir et explique en partie la perte d’influence française. Elle évoque la menace qui plane sur Mohamed Kadamy mis en examen en France et la visite d’Emmanuel Macron très froide. Le président français a parlé d’aider à l’installation d’une marine éthiopienne, quelque part, ce qui provoque beaucoup d’interrogations. Elle souligne que l’évolution de l’Ethiopie a des conséquences à Djibouti en raison de questions ethniques, Afars et Somali à Djibouti étant sensibles à la présence et à l’influence des Oromos. L’intervenant érythréen parle de l’absence d’internet en Erythrée et de l’interdiction des réunions de 5 personnes.
Gérard Prunier revient sur la frontière soudano-érythréenne actuellement fermée de peur que la révolution ne gagne l’Erythrée. Il ironise : « les relations diplomatiques sont liquides ». Selon lui, autour du Moyen-Orient se déroule une sorte de « mini-guerre froide » autour de l’Arabie saoudite et du Qatar, qui s’accompagne d’échange d’argent. Il revient sur Djibouti : « les américains en ont marre de Djibouti ». Arès la chute de Beshir, « Guelleh a peur lui aussi ». Sur le Soudan, il signale la perte de vitalité des vieux partis d’opposition Umma et DUP. Sur l’Ethiopie, il insiste sur le fait qu’il est impossible de savoir où elle va et qu’il y un héritage de fédéralisme ethnique qui « est fait pour traiter les grands problèmes mais pas les petits » alors que le pays souffre de conflits locaux par exemple sur les langues d’enseignement au primaire à l’échelle de villages. Il y voit une « bombe à retardement ».
Le deuxième panel réunit Alain Gascon, géographe spécialiste de l’Ethiopie, Pauline Brücker, doctorante sur les migrations au CERI à Sciences Po, un intervenant soudanais, Hassan Sadek, et l’animateur Abdessalam Kleiche d’European Center for Peace in Horn of Africa. Alain Gascon donne les chiffres des prévisions démographiques de la Corne de l’Afrique. L’Ethiopie qui comptait 25 Ms d’habitants il y a 50 ans, en compte 105 Ms et pourrait en compter 191 Ms en 2050. L’espérance de vie y est de 63 ans. Il décrit des points forts, l’électricité et un réseau ferroviaire.
Pauline Brücker a étudié les circulations migratoires entre l’Egypte, Israël, l’Ouganda et les autres pays. Elle explique le processus de Khartoum de l’Union européenne depuis 2014, qui concerne l’Afrique de l’Est et la moitié Est de l’Afrique du Nord. Le processus de Khartoum traite des migrations irrégulières, des trafics, des retours, de l’asile politique et des possibilités de migrations légales mais rien n’a été fait sur les deux derniers points. Tout est complètement opaque. Elle souligne la coopération de l’Ue avec les régimes non-démocratiques. Une conséquence est qu’il se développe l’empêchement de quitter des pays, ce qui n’était pas du tout l’objectif affiché. Elle revient sur le scandale de la venue de fonctionnaires soudanais en France dans un centre de rétention à l’époque d’Hollande, qui a montré l’absurdité de la coopération avec un pays pour lequel l’Ofpra accorde l’asile politique dans 60% des cas. Elle remarque que la migration est aussi « le produit de l’impossibilité de rester » dans certains pays, quand au départ le but n’est pas d’aller en Europe.
Hassan Sadek fait le point sur la situation au Soudan. Les manifestants maintiennent la pression dans la rue pour enlever le pouvoir aux militaires. Il a confiance qu’un consensus puisse être atteint. Selon lui, le peuple, refuse l’aide financière de l’Arabie saoudite et toute intervention étrangère.
Mohamed Nagi, du media Sudan Tribune, Arnaud Froger de Reporters Sans Frontières, Fathi Osman, de la Radio Erena érythréenne, participent au troisième panel sur la médiatisation, animé par Stéphane Aubouard, journaliste à L’Humanité. Sur le Soudan Mohamed Nagi insiste sur les militaires islamistes. Arnaud Froger résume la situation catastrophique de la liberté de la presse dans la Corne de l’Afrique. A Djibouti et en Erythrée, il n’y a plus aucun media libre. En Erythrée, 11 ou 18 journalistes sont en prison depuis 2001 et il n’y aucun internet. En Ethiopie, par contre 200 sites internet ont réouvert et il n’y a plus aucun journaliste emprisonné.
En conclusion de la journée, Saïd Abass Ahamed de Thinking Africa conclut sur les incertitudes en cours suite aux derniers changements en Ethiopie et au Soudan. La Corne de l’Afrique mérite un maximum d’attention et de vigilance dans les années à venir.
Régis Marzin
Paris, 25 avril 2019