jeudi 23 mai 2019

22 mai 2019, Paris : la diaspora contre la « dictature » aux Comores

La diaspora comorienne se lève vent debout contre la « dictature » aux Comores. Après la présidentielle du 24 mars 2019, il n’a pas fallu longtemps pour que le terme de dictature soit employé par la diaspora pour qualifier l’état actuel du régime d’Azzali Assoumani. Pour les opposants, la disparition de la démocratie est maintenant actée.
En résumé (hors conférence), lors du référendum constitutionnel du 29 juillet 2018, dont le résultat a été totalement inventé, l’ancien putschiste Azzali Assoumani a supprimé la présidence tournante entre les îles, a fait passer le nombre de mandats maximum de 1 à 2 en mettant de force son compteur de mandats à zéro. Il pourrait se maintenir jusqu’en 2029 s’il réussit à détourner les processus électoraux. Trois postes de vice-présidents ont été supprimés et la Cour constitutionnelle est dissoute. La Cour suprême lui obéit. L’Etat de droit est largement bafoué. A la présidentielle de 2019, il a utilisé des méthodes de détournement du processus électoral en amont, y a ajouté des fraudes le jour du vote et des modifications de résultats en aval puis a mis en place une répression pour empêcher la contestation.
La diaspora comorienne de Paris ou venue de Marseille se rassemble ce mercredi à la mairie du IIe. Les quatre intervenant-e-s les plus politiques sont l’avocate Enchouroi Kari, Zile Soilihi, cadre de la chambre de commerce à Marseille, Mohamed Soilih, ancien ambassadeur des Comores auprès de l’Onu, qui a quitté ce poste dans la période de la présidentielle, et Nouriati Djambae, élue écologiste à Marseille.
Toihir Daoud, économiste intervient également sur la corruption qui empêche le développement. Abdou Soilihi, chercheur à AgroParisTech, complète ce panel en présentant une étude sur la biodiversité. Nadia Mhoumadi est modératrice.
Arnaud Froger de Reporters sans frontières intervient en visioconférence. Il décrit une dégradation de liberté de la presse au même rythme que la dégradation du régime politique depuis la présidentielle de 2016.
Enchouroi Kari dénonce les élites comoriennes sans éthique qui accompagne la mise en place de la dictature. Mohamed Soilih évoque rapidement le soutien de l’Arabie saoudite à Azzali Assoumani. Celui-ci a profité du conflit entre le Qatar et l’Arabie saoudite pour s’attirer les bonnes grâces de l’Arabie saoudite. Il signale des contrats pétroliers britanniques. Actuellement, le président reprend une propagande sur l’émergence à la manière d’Ali Bongo.
L’Onu envoie aux Comores une mission pour étudier des cas de torture. Des manifestations ont lieu dans plusieurs villes de France. Les organisateurs de la conférence ont reçu des menaces et savent qu’ils et elles s’engagent dans un combat qui risque d’être long. Mais Azzali Assoumani « ne va pas tenir indéfiniment ».
Un régime de dictature signifie une impossibilité de revenir en arrière, une disparition prévisible de l’évolution réversible en état intermédiaire de 2018. A partir de la présidentielle de 2019, la règle des élections en dictatures stables commence à s'appliquer : Azzali Assoumani ne voudra plus que soit organisée élection qu’il puisse perdre et il cherchera dans 24 autres dictatures africaines des méthodes de détournement des processus électoraux en amont à imiter. Comme toujours, après la prise de pouvoir criminelle vient la conservation du pouvoir par la répression et la criminalité électorale.
Régis Marzin
Paris, 23 mai 2019
Compte-rendu partiel des 2e et 3e heures de la conférence

lundi 20 mai 2019

20 mai 2019, Plaine-Saint-Denis, Campus Condorcet : droits humains et collectivités territoriales

Le conseil scientifique du Campus Condorcet invite Catherine Le Bris, juriste du CNRS à Paris 1 et Pierre-Edouard Weill, sociologue à l’Université de Bretagne occidentale à Brest, pour présenter l'étude « Droits de l’homme et collectivités locales : du global ou Local (GLOCAL) » menée depuis 2013. Catherine Le Bris a eu l’idée de travailler sur le sujet après avoir observé les dysfonctionnements d’une administration face à une jeune femme en difficulté, une jeune prostituée venue du Nigéria. Aucune recherche n’avait encore été faite sur les régions, les départements, les communes et les droits humains. Le sujet porte à la fois sur la prise en compte des droits humains dans les collectivités et par la place prise dans les collectivités dans une gouvernance mondiale. La recherche peut permettre d’évaluer les politiques.
Catherine Le Bris différencie une approche en fonction des besoins ou en fonction du droit. Par exemple, le droit au logement est différent du besoin de logement. Elle souligne la possibilité d’une participation des intéressé-e-s, une autonomisation d’individus, un ‘empowerment’. En général, les exigences de droits humains sont portées par des contre-pouvoirs et le fait de donner une place aux collectivités fait craindre à certain-e-s une « perte de dimension subversive » dans une « rhétorique vide », ou d’autonomie dans une critique constructive. Elle distingue une logique ‘top-down’, du haut vers le bas, pyramidale, et une logique ‘bottom-up’, si « l’élan vient de la base ». « L’Etat est un tout en droit, et l’Etat est responsable de tous les agents de l’Etat », ce qui fait qu’« un agent de collectivité engage l’Etat ». Il y a trois obligations « de respecter » les droits humains, de « protéger des violations par un tiers », et « de réaliser ou rendre effectif ». Par exemple, la ‘préférence nationale’ de la mairie de Vitrolles a été dénoncée par le ‘Comité pour l’élimination de la discrimination raciale’ de l’ONU. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la commune d’Herblay dans le Val d’Oise pour une expulsion de ‘gens du voyage’ qui a violé la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur le droit au domicile dans une absence de ‘proportionnalité de l’ingérence’. La CEDH a aussi émis des réserves sur les villages d’insertion des Rroms.
Pierre-Edouard Weill présente l’enquête réalisée dans le cadre de l’étude. Entre autres, le chercheur c’est intéressé à la perception par des élu-e-s et des agents des droits humains, à leurs compétences, leur compréhension. Il distingue les « pratiques juridiques » et la « bonne volonté juridique ». A la recherche de « probants et de contre-intuitif », il a classé des participants à l’enquête, 500 personnes de Strasbourg à Plouguerneau, qui ont répondu à un questionnaire, en fonction de caractéristiques, « le statut de la collectivité, le nombre d’habitants des communes, la coureur politique de la majorité, les connaissances juridiques, les trajectoires professionnelles et militantes ». Le sociologue a trouvé des élu-e-s de gauche de grandes villes, plus diplômé-e-s et plus volontaires. Trois grands groupes apparaissent, celui qui voit les droits humains comme de « lointaines chimères », surtout dans les petites communes, composé d’élu-e-s, un peu plus à droite, plus âgé-e-s, plus souvent masculins et moins diplômé-e-s, celui qui en parle comme des « vœux pieux » et celui de la « ligne d’horizon pour l’action » dans les régions et les départements, plus à gauche, plus féminin, plus diplômé-e-s. Il y a « un continuum plutôt qu’une opposition tranchée » entre ces groupes. La volonté de bien faire n’est pas nécessaire pour bien faire car tous-tes les responsables n’ont pas conscience de ce qu’ils ou elles font, même en bien. Globalement, le cadre institutionnel prime sur les caractéristiques personnelles des élu-e-s.
Catherine Le Bris reprend la parole pour expliquer les ‘normes’ juridiques et leur subsidiarité. Le droit international prime en théorie sur le droit national mais il y a des exceptions si le droit n’est pas assez ‘clair et précis’. Elle évoque les ‘villes sanctuaires’ aux USA qui refuse le droit fédéral sur le droit d’asile et les expulsions. Les villes prennent des initiatives sur l’égalité femmes-hommes ou l’accueil des migrant-e-s. Des maires ont pris des arrêtés contre les coupures d’eau et d’électricité, ce que la justice a condamné mais cela a fait avancer le droit pour mieux encadrer les coupures. 1 773 communes dans le monde ont signé la ‘Charte européenne pour l’égalité femmes-hommes dans la vie locale’ et certaines ont adopté des plans d’actions. Le but de ce type de conventions est aussi de « créer une culture locale des droits de l’homme ».
Pendant le débat, M. Hafidi, élu d’Aubervilliers, remarque que la séparation droit-gauche ne fonctionne plus. Il évoque le catholicisme à droite et les 22 000 migrants de Valls face au million de Merkel. Il considère que les élus sont sous pression des individus. Pierre-Edouard Weill qui a fait une thèse sur le Droit au logement opposable confirme sur le catholicisme social. Il est chercheur en bout de Bretagne, là où, surtout à la campagne, la religion catholique a façonné une société très longtemps assez conservatrice. Un second élu d’Aubervilliers, M. Rozenberg, dit que le conseil municipal est « en première ligne » face à « une urgence sociale humanitaire ».
Catherine Le Bris conclut sur la nécessité pour l’Etat d’associer les collectivités locales à la politique des droits humains et Jean-Marc Bonnisseau, le président du Campus Condorcet conclut à son tour sur la nécessité de formation.
La conférence est intéressante malgré un manque d’exemples concrets à certains moments. Il aurait été utile de mieux décrire les différents domaines dans lesquels les élu-e-s peuvent se poser des questions de droits humains et de hiérarchiser ces domaines. Parfois des élu-e-s sont mis cause. En ce moment, le gouvernement français est en conflit ouvert avec les associations de droits humains sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et sur les violences policières. A ce niveau de gravité des faits, tous les citoyen-ne-s sont concerné-e-s, y compris les élu-e-s et les chercheur-se-s, mais aussi les partis politiques auxquels appartiennent les élu-e-s locaux-ales. Quand la situation se dégrade comme elle s’est dégradée depuis l’été 2018, il est de plus en plus difficile de faire entendre des demandes de respect du droit sur l’ensemble des droits.
Régis Marzin
20 mai 2019