dimanche 21 décembre 2014

21 décembre 2014, Paris, Tchad : conférence du chef de file de l'opposition

Ce dimanche, à l’Agéca à Paris, le Chef de file de l’opposition démocratique au Tchad, le président de l’Union Nationale pour la Démocratie et le Renouveau (UNDR), le député Saleh Kebzabo, vient présenter la situation au Tchad à la diaspora tchadienne. En avril 2011, déjà, j’avais déjà eu l’occasion d’écouter le leader tchadien et compris ce jour-là que le régime tchadien était le pire parmi ceux des ex-colonies françaises. La conférence est également animée par Balaam Facho et Mahamat Zhang.
Saleh Kebzabo présente d’abord le pouvoir tchadien. Sur 150 partis, une centaine sont des alliés du MPS au pouvoir. Le MPS lui-même compte peu de militants. En les faisant dépendre de l’Etat, Déby a transformés les chefs traditionnels en ‘obligés’. Deux familles tiennent le pouvoir, celle de Déby et celle de sa femme.
Il revient sur le conflit au Mali. Des soldats tchadiens se sacrifient, Déby traite ses troupes comme des esclaves et ne représente pas la population tchadienne et, pourtant, les remerciements vont pourtant vers Déby. Il propose aux occidentaux, de faire la différence entre Déby et l’armée tchadienne, pour pouvoir soutenir la démocratie. Saleh Kebzabo évoque aussi les déstabilisations de Déby dans les pays voisins, au Soudan et au Darfour, en RCA en 2012-2013, ou au sud de la Libye. Pour le Nigéria, il évoque l’amitié avec le sénateur Ali Shérif (SAS) qui investit actuellement dans l'immobilier au Tchad et a été accusé d’avoir lancé Boko Haram, jusqu’à ce que les Services secrets Nigérians démentent le 17 décembre 2014.
« Dans quel pays l’opposition est-elle unie ? L’opposition est plurielle et divisée, mais est capable de se réunir pour prendre le pouvoir, par les urnes » , ce qu’il souligne de son intonation, sans doute avec une sorte de sous-entendu sur les rébellions et politico-militaires. 50 partis environ la composent. 32 députés sur 188 sont très actifs, comme par exemple en ce moment contre le nouveau Code pastoral. L’opposition tchadienne est l’une des plus pauvres d’Afrique, alors que la vie politique a un coût. Il pense cependant qu’il est possible de « faire de la faiblesse une force ». La division Nord-Sud qui correspond à Musulmans-chrétiens est dépassée. Il voit 3 tendances : une opposition qui exige un parlement de transition en 2015 à la place de la prolongation du parlement de 2015 à 2016, une autre qui refuse la candidature de Déby en 2016, et une troisième qui veut respecter la constitutions, en laissant Déby se présenter pour le battre. Un forum mi-janvier permettra de discuter des stratégies.
Selon lui, Déby est moins arrogant depuis la révolution burkinabé et ne veut plus de vagues. Il constate une grande différence entre Burkina Faso et Tchad, avec d’un côté une population politisée, et de l’autre une population qui il y a 20 ans avait tendance à régler les contentieux à coup de fusil. Pour lui, « il n’y a pas de besoin de passer par la rue », et, cependant, « on va apprendre rapidement à être dans la rue ». Le scandale de l’automne, l’affaire de la pénurie de pétrole s’éloigne déjà, et le prix du pétrole étant bas, les salaires ont été payés grâce à une forte amende de la société pétrolière chinoise. Les mouvements spontanés ne sont pas programmables, et l’opposition elle-même est faible.
En 2016, le processus électoral devrait s’améliorer avec la biométrie, avec la disparition du vote multiple qui constituait les 2 tiers des fraudes. Seule la biométrie pour le recensement serait appliquée, car l’opposition ne veut pas de la gestion électorale. Cependant, 15 000 bureaux de votes impliquent 30 000 délégués pour surveiller, et un budget en conséquence. Il appelle la diaspora à soutenir. La métaphore des « lièvres » de la présidentielle de 2011, comme dans une course d’athlétisme, fait sourire la salle. Il espère que l’Union européenne va s’impliquer beaucoup plus sur le processus électoral, ce qui n’est pas assuré.
Sur l’affaire Ibni Oumar Saleh, dont il vient de nouveau de discuter de manière tendue au Ministère des affaires étrangères français, il regrette que l’affaire n’avance pas en France depuis l’arrivée du PS au pouvoir, qu’il y ait un argument de secret-défense qui bloque maintenant la réalisation d’une commission d’enquête au Sénat. Il confirme que la hiérarchie des militaires français interdit de répondre.
Article écrit et publié le 25.12.14

samedi 20 décembre 2014

20 décembre 2014, Paris, Congo B : Sassou Nguesso acceptera-t-il de quitter le pouvoir en 2016 ?

Je me rends à l’Hôtel Holiday Inn à Porte de Clichy ce samedi 20 décembre pour la fin du ‘meeting des Forces du Changement et du Progrès Social Contre le Référendum, le changement de la  constitution et le dialogue de sourds’ où interviennent Wilfrid Ognany, le modérateur, Jean Didier Milebe, du Forum pour l’alternative et la république, Bob Ebaka, de l’association Demain le Congo, John Binit-Dzaba, du Service d’action civile et de résistance (Sacer), Lydie Kolelas, du cercle de réflexion Bernard Kolélas, Joseph Loemba, du Conseil pour la libération et le changement (CLC), Jean-Richard Samba Dia Nkumbi, de l’association Nsimou en mémoire contre l’oubli, Norbert Samouna, du Mouvement pour l’unité et le développement du Congo, Robert Poaty Pangou, de l’ ‘Etat du sud Congo’, Jean-Claude Béri, de Développer autrement le Congo (Dac), et Laurent Dzaba, des Forces du Changement et du Progrès Social, organisateur principal, sur la photo. Je ne connais encore personne. La grande salle est pleine.
Comme François Hollande le lui a rappelé à Dakar, Sassou Nguesso fait face à un verrou constitutionnel qu’il a peu de chance de réussir à supprimer. Il a de quoi être jaloux des autres vieux tyrans de la Françafrique comme Idriss Déby ou Paul Biya qui ont déjà supprimé les limitations du nombre de mandats présidentiels. Dans la constitution du Congo de 2002, l’article 57 l’empêche de faire plus de 2 mandats de 7 ans et la limite de 70 ans de l’article 58, comme il aura 73 en 2016, le bloque aussi. Pauvre dictateur : l'article 185 précise l’interdiction de modifier l'article 57 : « La forme républicaine, le caractère laïc de l'État, le nombre de mandats du président de la République ainsi que les droits énoncés aux titres I et II ne peuvent faire l'objet de révision. » Pour continuer après 30 ans de pouvoir jalonnés de crimes, de massacres, de pillage des richesses, il lui faudrait changer de constitution. Et là, il n’a pas fini de compter les obstacles. Alors qu’avant la révolution burkinabé, cela aurait pu passer comme une lettre à la poste, en apparence, et peut-être en apparence seulement, maintenant, la probabilité de réussir à changer la constitution devient beaucoup plus basse.
Certains systèmes dictatoriaux moins criminel et basé plus sur un parti subsiste après le passage de bâton à un homme de paille, mais sa dictature repose sur son auguste personne et le système est a priori non durable après le départ du chef.
La faiblesse soudainement apparue grâce à la révolution burkinabé est de mieux en mieux comprise, et, toutes les "oppositions" commencent à se réorganiser pour une alternance en 2016. Dans le parti au pouvoir, le Parti congolais du travail (PCT), les divergences sont plus visibles, des anciens ministres du PCT ou des partis alliés cherchent à se rassembler avec des personnalités nouvelles ou moins illustres, des ‘jeunes’ apparaissent. Ce n'est que le début d'un processus qui devrait s'accélérer.
A Paris, se sont fait déjà connaître, les Assises Nationales du Congo pour l'Alternance Démocratique, avec Jean Luc Malékat, Alexis Miayoukou, Benjamin Toungamani et Noël Magloire Ndoba, ou La Ligue Panafricaine du Congo – UMOJA apparue dans les manifestations pour le Burkina Faso, ou encore, autour de Mathias Dzon, un ancien ministre, le groupe de contact des oppositions africaines et un Comité de suivi des  conclusions des rencontres des d'opposants aux réformes constitutionnelles du 14 novembre 2014. La veille, un parti l'Union des Forces de Reconstruction (UFR) de Gérard Milandou lançait un appel pour une nouvelle Conférence Nationale Souveraine. La conférence des Forces du Changement et du Progrès Social organisée surtout par Laurent Dzaba du site Zenga-Mambu, rassemble des personnalités pour un initier un dialogue et des convergences.
Dans la dernière heure de l’événement, Laurent Dzaba revient sur quelques messages consensuels : le refus d’un gouvernement d’union national et d’un dialogue de concertation mené par le régime dans son propre intérêt, la menace de la Cour Pénale Internationale en cas de violences dans les 2 ans à venir, et pour les élections « la reprise du recensement administratif avec la participation de tous et la mise en place d’une commission électorale véritablement indépendante ».
Il y a bien sûr des divergences et un intervenant précise que ne peuvent se rassembler que des personnes auparavant « éparses », et que le dialogue permettra de sortir des « frustrations » qui génèrent les conflits. Il s’agit en particulier d’éviter que le départ de Sassou Nguesso ne réveille une opposition Nord-Sud. Pour celui que certains appellent « le doyen », le problème de Sassou Nguesso est déjà réglé « moralement et politiquement », et il faut surtout voir au-delà de 2016. Pour une autre personne, il faudrait entreprendre une « relecture historique » qui revienne sur le « sang versé ».  
Dans la salle, Pascal Malanda propose sa brochure intitulée ‘Le piège constitutionnel, apaisement ou déchirement, esquisse d’un sursaut national’. Comme au Congo Kinshasa voisin, la question de la limitation du nombre de mandats reste la question principale actuellement au Congo-Brazzaville, et deux jours plus tard, la Conférence épiscopale congolaise, dans un ‘message de Noël’, défend la constitution actuelle et propose que « l’alternance au pouvoir devienne une règle intangible et immuable pour la démocratie » ce qui a provoqué une crise d’urticaire au palais. Sassou Nguesso très soutenu par les dirigeants français à l’époque a fait la guerre entre 1997 et 1999, il n’a pas encore digéré la claque de Dakar et accepté l’idée d’un départ sans résistance en 2016. Les années 2015 et 2016 s'annoncent complexes et sans doute agitées au Congo Brazzaville.
Article écrit et publié le 25.12.14

dimanche 23 novembre 2014

22 novembre 2014, Saint-Denis, pendant l'élection tunisienne

Faire un blog de photographe, çà peut s'avérer compliqué certains jours, si, au retour, les photos ne correspondent pas aux sujets intéressants. Ce samedi, alors que les tunisien-ne-s votaient ici et là-bas, j'ai démarré à l'Embarcadère, la splendide salle d'Aubervilliers, pour la Semaine de Solidarité Internationale, et je suis ensuite parti assez vite à Saint-Denis au festival Bobines rebelles, organisé par les mêmes personnes que la Dyoniversité, pour voir le film 'Démocratie année Zéro' sur la Tunisie
Il y avait à Aubervilliers, organisés par les services de la mairie, des stands associatifs et un débat sur l'agriculture avec des associations d'Aubervilliers, tout cela facile à illustrer par des images classiques. Je m'intéresse à la Semaine de Solidarité Internationale depuis quelques années: au niveau national, elle aurait pu devenir autre chose, mais elle s'est essoufflée. Elle s'est répandue mais pas étendue, parce qu' "il faut savoir s'étendre sans se répandre" comme disait Gainsbourg, dans le naufrage de l'altermondialisme qui l'inspirait au départ, dans une vague d'activités locales qui s’éloignaient de ses objectifs initiaux. Au niveau local, il y a de grandes idées mais elles ne s'additionnent pas, ne se renforcent pas mutuellement, faute de synthèse politique. En l'absence de travail de lien entre les idées et actions, ça se dépolitise très vite. Etait-il possible de faire mieux? Ce n'est pas sûr.
A la bourse du travail à Saint-Denis, la moitié des films étaient annulés à cause d'un problème dans la réservation des salles. Heureusement, le film sur la Tunisie était toujours programmé. Le réalisateur, Christophe Cotteret, était là, mais devait repartir pendant le film, et il ne pouvait pas y avoir de débat, et pas de débat photographiable. Je suis sorti enthousiaste de la jolie salle de projection. J'avais vu le seul et unique film qui traite des luttes sociales, d'une révolution, d'une transition démocratique, des élections, et ce film ne se trompait pas dans les analyses et le commentaire: un très bon film qui mérite d'être soutenu.
Alors, je me suis fait inviter à manger par les organisateurs du festival Bobines rebelles, dans leur local,  dans leur local qui sert aussi pour leur AMAP, merci... Devant nos assiettes de riz pour végétarien, je suis arrivé à parler de Franck Lepage avec mon voisin de table. Franck Lepage, très connu pour ses conférences gesticulées, est un artiste qui a beaucoup inspiré la Dyoniversité au départ. Dans son spectacle sur la culture, il explique qu'une municipalité finance plus facilement un atelier rap où les jeunes insultent la police qu'un atelier qui aide à l'analyse politique. Par défaut de réflexion, la solidarité internationale se confond assez souvent avec l'animation socio-culturelle. Pourquoi pas ? mais il faut en être conscient. Nous étions d'accord.

vendredi 14 novembre 2014

14 novembre 2014, les universitaires et le génocide des Tutsi du Rwanda

Du 13 au 15 novembre, avait lieu à Saint-Quentin-en-Yvelines et à Paris, un colloque international « Rwanda, 1994-2014 : récits, constructions mémorielles et écriture de l’histoire » qui avait la spécificité d'être organisé par les universitaires, ceux et celles du CERILAC de l'Univerisité Paris-Diderot, du Centre d’Histoire Culturelle des sociétés contemporaines de l'Université de Versailles St-Quentin-en-Yvelines et du Labex de l'Université Paris 1 (programme PDF).
Coincé par l'actualité au Burkina Faso et au Tchad, je n'ai pas pu être le jeudi à la table-ronde « La question française » avec Rafaëlle Maison, Gabriel Périès et Jean-François Dupaquier et Raphaël Doridand, l'animateur. Au-delà des faits de complicité de génocide, il était aussi question de la capacité des universitaires à s'organiser, en parallèle de la justice, dans un dossier très verrouillés par les politiques. A la fin de cette année de commémoration très fructueuse, est-il possible de savoir comment la recherche s'organise à plus long terme, entre historien-ne-s, juristes, chercheur-se-s varié-e-s en sciences sociales. Les composantes de l'Etat se désolidarisent face aux activités criminelles, à l'impunité et au déni des responsabilités, mais la question reste sensible et légèrement polémique. La nouvelle génération des lycéen-ne-s et étudiant-e-s, de plus en plus averti-e-s par la somme des publications depuis 20 ans, ne supportera pas le statu quo ou le silence très longtemps, et l'excuse d'attendre la justice ne tient plus.
Le vendredi, j'arrive au début de la table-ronde " Imaginer le génocide. Mémoires croisées" avec Boubacar Boris Diop, Koulsy Lamko, Catherine Coquio, Bruce Clarke, et Virginie Brinker, la modératrice, qui présentent la participation indirecte des artistes à une mobilisation pour la vérité. Même si ces travaux ne sont pas les plus offensifs, ils affermissent symboliquement les gains dans la compréhension populaire.
La journée se termine par un grand entretien avec Patrick de Saint-Exupéry mené par François Robinet. D'autres colloques avait déjà proposé des témoins principaux, et en particulier Bernard Kouchner le 25 mai 2014. Le reporter raconte son périple au Rwanda en 1994, il n'apporte pas d'informations nouvelles pour les connaisseur-se-s. Il s'agit donc d'une présentation plus symbolique qui montre la cohérence entre recherche universitaire et enquête journalistique.
Ce dossier sur la complicité d'Etat dans un génocide met tout le monde sur le même plan, à travailler à déverrouiller les mêmes choses, juristes, juges, historiens, journalistes, associatifs ou élu-e-s. Le militantisme, la prise de risque est partagée. Les progrès des un-e-s et des autres sont immédiatement repris par l'ensemble des acteurs dans une vraie bataille de tranchée. Inversement, il est parfois nécessaire de repousser au fur et à mesure des personnes si une espèce de complicité secondaire se fait sentir, ce qui n'a rien de simple. Les vieux verrous sautent au fur et à mesure que le puzzle se complète, mais si la tâche devient plus facile par le recoupement des données, paradoxalement, elle devient aussi plus délicate et tendue face aux enjeux qui se précisent et aux résistances des accusés.
Patrick de Saint-Exupéry précise pourquoi il est parfois impossible de parler du génocide, pourquoi c'est "indicible". Ce n'est pas parce que c'est "effroyable", c'est parce que l'on ne trouve pas de témoignages, qu'il n'y a pas de traces, de preuves écrites avec des mots, qui auraient pu dire la vérité. Le négationnisme, même au Tribunal Pénal International à Arusha, dans la bouche des avocats des accusés, a continué longtemps à nier le poids des mots correspondants, eux, à la vérité.
Répondant à une question du public, il rappelle sa position, que j'approuve, sur les responsabilités individuelles dans la complicité de génocide:  "Il y avait une politique d'Etat secrète, la France n'était pas au courant". Par ailleurs, "culpabiliser toute la France, ça ne marchera pas", "il faut de la précision dans les incriminations", et on ne peut pas dire qu' "on veut les conclusions avant les enquêtes", ce sur quoi "il y a encore pas mal de travail à faire", parce que "les responsabilités sont multiples". Il conclut sur "la responsabilité, aujourd'hui, pour la presse ou les historiens".
Article écrit et publié le 23 nov. 14

vendredi 31 octobre 2014

31 octobre 2014, Paris, inauguration d'une stèle en souvenir du génocide des Tutsis du Rwanda

Paris est la 6ème ville de France qui installe un monument en mémoire du génocide des Tutsi du Rwanda. Elle est située au Père Lachaise, à 50m à gauche de l'entrée nord, l'entrée 71, rue des Rondeaux (88e Division, allée des Fédérés), près du Métro Gambetta.
La cérémonie commence par un poème de Gaël Faye. Après un premier discours de la maire du 20e, Frédérique Calandra, très émue, l'intervention de Marcel Kabanda, président d'Ibuka France, précise que le conseil de Paris a voté pour à l'unanimité et que la discussion continue pour un lieu public.
Dans son témoignage de rescapé, Alain Ngirinshuti, vice-président d'Ibuka France, raconte qu'il a été sauvé avec 300 enfants par un français qui a pu le faire parce qu'il était français. Il insiste sur le fait "qu'arrêter le génocide, c'était possible" pour les politiciens et militaires français. Puis, c'est au tout de l'ambassadeur du Rwanda en France, Jacques Kabale de prendre la parole pour fixer diplomatiquement l'enjeu, après les difficultés d'Avril 2014. Rien n'est encore ici exprimé clairement mais tout le monde a en tête le silence et le déni de l'Elysée ou, entre autres, la polémique autour des propos d'Hubert Védrine.
«Des obstacles, qui n'en sont pas, et la raison d'Etat, qui n'en est pas une», voilà l'indication que donne la maire de Paris sur les raisons qui ont provoqué le retard dans l'arrivée du monument. Aujourd'hui le langage est diplomatique, codé, et, il n'y a là personne qui ne comprenne pas les sous-entendus. Anne Hidalgo est maintenant "engagée pour un lieu de mémoire". Elle souhaite "regarder la vérité en face", et, "transmettre les questionnements et les éléments de réponses que nous avons". Elle parle de mémoire, transmission et éducation, ce qui évoque la campagne des jeunes et du mouvement EGAM pour la "vérité maintenant".
La stèle est découverte après les discours. Il est écrit : "En 1994, au Rwanda, plusieurs centaines de milliers de Tutsi ont été victimes d'un génocide. Cette stèle est dédiée à leur mémoire".
Dans quelle mesure Anne Hidalgo adresse-t-elle un message à l'exécutif français qui est allé en 2014 très loin dans le mépris de la réalité historique? La mairie de Paris est sensible pour des raisons historiques, pour des questions de sensibilité de personnalités aux idées des nombreuses associations, dont certaines ont de bonnes relations avec les élu-e-s. Les références au génocide juif sont nombreuses. Le détournement de la raison d'Etat pour protéger des complices de génocide, la politique de l'autruche, et la soumission à l'impunité et aux impératifs de l'armée française, n'est pas acceptable pour tout le monde. Il est finalement très simple d'être franc et honnête face au mensonge.
De nombreuses associations déposent également des gerbes. Une chorale de femmes rescapées chante. L'inauguration de la stèle est d'abord un moment de recueillement pour tout le monde et un moment de soulagement et de satisfaction historique pour les rescapés, même si ce n'est qu'une étape.

jeudi 30 octobre 2014

30 octobre 2014, Paris, Les Ogres de Barback ont 20 ans

Les 20 ans des Ogres de Barback à l'Olympia, je m'en souviendrais! Un concert exceptionnel, unique en son genre, inclassable, pour tous les goûts, pour toutes les générations, dans des ambiances tout le temps changeantes, captivant du début à la fin. Je ne sais pas quelle impression retenir précisément, entre les chansons pour enfants et par des enfants, des chansons françaises de grands parents, des chansons tristes, tendres, calmes, puis la chorale de cuivre Eyonlé du Bénin, la rue Kétanou, et surtout la troupe de danse rrom de Slovaquie, Kesaj Chavé au final ! C'était juste époustouflant, drôle, agréable aux oreilles et aux yeux, plein de passion, de révolte, d'énergie, de jeunesse et de tendresse.
Avant, je revenais à pied de la manifestation des burkinabé-e-s fêtant la chute de leur dictateur détesté, très concentré sur cette victoire, et je suis arrivé à l'Olympia, où j'ai été pris dans une chaleur tropicale tout à fait parisienne.
Les ados de Kesaj Chavé étaient surexcité-e-s, ils et elles ont finis par exploser la chose de leur folie spectaculaire! Il y a eu le n'importe quoi le plus génial que j'ai jamais vu et entendu! sans aucun rapport avec les belles danses des rroms qu'ils et elles auraient pu nous montrer, juste un concentré de couleurs, de gesticulations impudentes et de bonheur ! à réveiller Guy Debord de sa tombe !
Après, à peine guéri d'un rhume, à la fin de plus d'un mois sans repos, j'étais épuisé... je me disais que je n'arriverais pas  à me lever pour aller au Père Lachaise le lendemain, à l'inauguration de la stèle de la mairie de Paris en souvenir des victimes du génocide des Tutsi du Rwanda. Je savais que les Ogres s'intéressaient au Rwanda, à la vérité et à la justice après le génocide, mais je n'y pensais pas, je me disais juste que si j'avais retrouvé de l'énergie grâce au concert, alors je devais l'utiliser pour me lever lendemain. Tant et si bien que ma fatigue disparut.
(Article écrit et publié le 2 novembre.)

30 octobre 2014, 18h, Paris, pendant l'insurrection au Burkina Faso

Et un de moins sur la liste des dictateurs du pré-carré des ex-colonies françaises qui en compte encore 7: Idriss, Sassou, Paul, Ismaïl Omar, Faure, Ali, Mohamed. Depuis les suites de l'affaire Norbert Zongo, c'était le moins méchant de tous, mais quand la liesse populaire s'empare du nom d'un tyran, le voilà traîné dans la boue. 
Quand j'arrive de la conférence de presse du Collectif Contre la Confiscation de la Démocratie au Burkina Faso au rendez-vous devant l'ambassade, il y a des doutes sur la chute de Blaise. L'armée est en train de prendre le dessus et il y a encore plein d'incertitudes.
Pour le futur, je fais rapidement des hypothèses: une chute qui se confirmera vite, 3 jours de décantation sur le pouvoir, un ou deux ans de transition démocratique, un 'scénario entre Niger et Tunisie'. Pour le passé, on parle de la lettre de Hollande, de ses effets possibles: Hollande a dit en sous-entendu que si Blaise Compaoré s'entêtait à vouloir rester au pouvoir après 2015, il ne serait plus soutenu. En terrain françafricain, une telle proposition s'interprète, et devrait déboucher sur plusieurs scenarii que les acteurs burkinabé pouvait anticiper. Ensuite, ça se suppute en comptant les armes des voisins.
La manifestation appelée en urgence pour ne pas dire en désordre par 2 appels, l'un des organisations burkinabées à Paris, l'autre des soutiens français et africains, hésitent entre discours politiques encore inquiets et fête relâchée. Beaucoup de diaspora d'autres pays sont là aussi, par exemple des congolais de Brazzaville pour qui une chute liée à la limitation du nombre de mandats donne soudain de l'espoir. Plusieurs dictateurs sont concernés, au Togo, au Congo B, en RDC.
Quant à moi je commence à être un peu épuisé! De retour chez moi, je commence à voir défiler les communiqués: par exemple, Survie dénonce des socialistes mal informés comme François Loncle, ou Fabius encore une fois à côté de la plaque. Europe Ecologie les Verts demande à la France d'aider le Burkina à "s'engager dans une transition démocratique et pacifique" alors que le pays est un pays test face aux chefs d'Etat qui tentent de "lever la limite constitutionnelle du nombre de mandats qui leur est imposée". Le PCF demande la vérité sur "responsabilités de Blaise Compaoré dans les manœuvres de déstabilisation sur le continent menées en complicité avec des puissances occidentales, France en tête, qui ont produit des effets meurtriers notamment en Sierra Leone, au Libéria et en Côte d’Ivoire". Le réseau « Justice pour Thomas Sankara, Justice pour l’Afrique » demande enfin une enquête parlementaire en France sur l’assassinat de Thomas Sankara.
Et sinon, j'oubliais! Puisque cette journée était historique, je voudrais remercier la préfecture de police pour sa participation. Moins informée que la DGSE farceuse, elle s'est déplacée sans savoir s'il fallait protéger l'ambassade de dangereux et sauvages ennemis d'un allié de la France. Et je remercie surtout l'aimable et valeureux fonctionnaire qui a passé 2 heures à faire passer les voitures au milieu de la foule. Son chef avait oublié de couper la circulation, le pauvre! Même dans une démocratie qui forme les polices au maintien de l'ordre partout en Afrique, on fait parfois des erreurs! Et l'Afrique est si compliquée, un jour on serre les mains d'un président reconnu pour ses médiations et le jour d'après on le traite en tyran et en assassin. C'est pas facile !
Article écrit et publié le 2 novembre.

30 octobre 2014, Paris, conférence de presse sur Burkina Faso

La conférence de presse du Collectif Contre la Confiscation de la Démocratie au Burkina Faso crée le dimanche 26 octobre 2014 à Paris ressemble plus à un débat militant: les journalistes sont sans doute soit parti-e-s au Burkina, soit dans leur bureau au téléphone et sur le net à essayer de suivre une situation qui bouge d'heure en heure. 
Le collectif est composé de partis politiques et d'associations : MPP France (Mouvement du Peuple pour le Progrès), UNIR PS - France (Union pour la Renaissance-Parti Sankariste), UPC France (Union pour le Progrès et le Changement), AEBF (Association des Etudiants Burkinabè en France), AEBG (Association des Etudiants Burkinabè de Grenoble), Balai Citoyen Paris, CIJK France (Comité International Joseph Ki-Zerbo), Plateforme Panafricaine, Ligue Panafricaine UMOJA (plus axée sur le Congo Brazzaville), MBDHP Section de France (Section de France du Mouvement Burkinabè des Droits de l'Homme et des Peuples), Pour l'Émergence Africaine /Mouvement Pour la Réflexion, la Démocratie et la Développement Durable en Afrique, UGBOF (Union des Burkinabè du Grand Ouest de la France). 
Ce jeudi, les dernières nouvelles sont surprenantes. Blaise Compaoré est en chute libre pris en sandwich entre une insurrection populaire et la réaction des militaires, selon une configuration assez classique. Mais c'est la surprise! Je m'attendais moi-même à quelques mois de rapport de force avec l'opposition démocrate mais pas à un dénouement rapide.
Un journaliste qui ne connait même pas le nom du Chef de file de l'opposition burkinabé, Zéphirin Diabré, veut savoir s'il pourrait y avoir un 'automne subsaharien' comme il y a eu un 'printemps arabe'. Un moment il faut être capable de faire la liste des pays concernés par la limitation du nombre de mandats, comme l'a fait le Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique dans un communiqué le 27 octobre, et de connaître un minimum chaque pays pour savoir que la situation est complexe et verrouillée partout. Le peuple burkinabé se libère après plus de 20 ans de lutte.
Le Collectif Contre la Confiscation de la Démocratie au Burkina Faso coordonné par Didier Ouedraogo est très panafricain. Il souhaite soutenir les luttes sur les limitations du nombre de mandats au Togo, au Congo Brazzaville et en RDC, entre autres.
La conférence est interrompue quand vient l'heure de rejoindre la manifestation devant l'ambassade, pour laquelle ont circulé deux appels, l'un du collectif, l'autre de soutiens français et africains à Paris. La diaspora à Paris, assez peu active les dernières années, a sans doute manqué de temps pour s'organiser et tout s'est accéléré à partir de la mi-octobre, pour les organisations burkinabées comme pour pour les soutiens à la lutte. Il est probable que cette diaspora va continuer de se réorganiser en fonction des nouvelles données. Peu importe, tout s'est joué et continuera de se jouer à Ouagadougou !
Article rédigé et publié le 2 novembre.

samedi 25 octobre 2014

25 octobre 2014, Paris, Apkass: nouvel album !

Apkass et ses musicien-ne-s présentent ce samedi leur second album, qui sortira bientôt dans un livre-disque intitulé "Mais il arrive que la nuit tombe à l'improviste", qui rassemble poésie, musique, peinture et phonographie. Pendant 1 heure, dans le noir, le public venu au cinéma du Panthéon a pu écouter le nouvel album, superbe, dont les titres "Une Vie En Marche" et "Un naufragé ". Pour ceux et celles qui veulent l'aider à s'auto-produire, c'est possible !

vendredi 24 octobre 2014

15 octobre 2014, Paris, au Burkina Faso, y'en a marre aussi !

Au Sénégal, y'en avait marre de Wade ! Au Burkin Faso, y'en a plus que marre de Blaise Compaoré au pouvoir depuis 27 ans et qui voudrait y rester jusqu'à 33 ans. L'assassin de Sankara qui craint la justice ne partira pas facilement. Le dictateur utilisera tous les moyens à sa disposition pour rester 5 ans de plus après la présidentielle prévue en novembre 2015. Il tente actuellement de supprimer la limitation du nombre de mandats de la constitution, en organisant un référendum 'mascarade'. La mobilisation est maximale contre ce 'coup d'Etat constitutionnel' en préparation.
La soirée dans le 20e à Paris est organisée par le Balai citoyen Paris avec le soutien du mouvement Y'en a marre du Sénégal. On y évoque aussi Sankara assassiné le 15 octobre 1987. Les intervenants sont, de gauche à droite, Oumar Kane de Y en a marre Paris, Germaine Pitroipa Haut Commissaire sous Sankara, Humanist artiste porte parole de Cibal (Balai Citoyen), Bruno Jaffré biographe de Sankara, et initiateur de l'appel Justice pour Thomas Sankara justice pour l’Afrique Jean Merckaert de la campagne Tournons La Page, campagne pour l'alternance démocratique en Afrique.
Ainsi, les burkinabé-e-s sont en ce moment les plus impliqué-e-s dans un combat en réalité panafricain de lutte contre la démocratie factice des dictateurs, pour le respect des limitations de mandats dans les constitutions, si possible, 2 fois 5 ans, parce que 2 fois 5 ans dans un continent qui peine à se démocratiser çà suffit ! Ailleurs, au Togo, Faure Gnassingbé a remplacé son père dans un bain de sang mais il refuse de quitter au bout de 10 ans comme le prévoyait l'Accord politique global avec l'opposition en 2006. Dans les 2 Congos aussi, les présidents essayent aussi de supprimer les limitations du nombre de mandats avant les scrutins de 2016. Les années 2015 et 2016 seront décisives pour la démocratie en Afrique, et le combat des burkinabés pour se débarrasser de Blaise Compaoré influera beaucoup sur le reste des luttes.

mardi 14 octobre 2014

10 octobre 2014, Paris 20e, Lavach' de retour du Mexique

Lavach' a commencé ce vendredi à l'Hermitage à Ménilmontant à nous présenter un reportage sur leur voyage au Mexique. Elle et ils semblent être revenu-e-s de ce périple plus énergiques, chaleureux-ses, uni-e-s que jamais, heureux-ses de jouer. Le public a suivi et dansé. Il y avait aussi un côté internationale avec les langues française, espagnole, arménienne, ... de la musique celte même à un moment. Le concert était vraiment bon. 
Je me suis dit que je me souvenais pas avoir vu un groupe autant dans le partage et l'équilibre entre musicien-ne-s (sauf peut-être avec un très grand groupe comme SonicYouth, même si c'est encore autre chose), comme 'démocratique', chaque musicien-ne-s s'exprimant plus librement sur certains morceaux. Il faut que çà joue vraiment bien tout le temps.
En plus, la salle de l'Hermitage est très facile pour la photo, alors, c'était une belle soirée ! Si je restais dans l'esprit du concert, je montrerais une photo du groupe entier, mais c'est bien plus dur de réussir une photo du groupe qu'une photo d'une seule personne, alors, voici Sévane à l'accordéon.

samedi 4 octobre 2014

4 octobre 2014, Aubervilliers, le Grand Bouillon

Une association y travaillait depuis plusieurs années, ouvrir un café associatif et culturel à Aubervilliers: pari gagné ! Le bar est central, juste à côté de la place de la mairie et de l'église. Après quelques mois de travaux effectués pas des bénévoles, finis dans le rush, le Grand Bouillon ouvre ses portes. Il a repris le nom du bar qui existait autrefois. Plutôt que d'en parler maintenant, je préfère laisser couler, attendre de voir comment ce lieu s'installera, vivra, animera, provoquera des débats. 
Le 9 octobre à 20h, aura lieu un premier débat justement, sur 'la place des femmes dans les espaces publics'. Malheureusement, je ne pourrais y venir. Ce qui avait été souligné par l'association Avec, qui gère le café, dans sa réflexion sur le projet initial, c'est que les femmes avaient des difficultés à sortir le soir dans des cafés ou bars d'Aubervilliers. Est-ce que la question ne rejoint pas une autre, de savoir s'il n'y a pas dans la ville beaucoup de bars qui se sont communautarisés ? Est-ce qu'il n'est pas plus facile de s'exprimer sur la place des femmes, les questions ne s'excluant pas ? Ce sont peut-être des sujets à aborder précautionneusement au regard d'expériences plutôt qu'au travers d'impressions intellectuelles très subjectives ? 

vendredi 3 octobre 2014

2 octobre 2014, Aubervilliers, théâtre : Hypérion

Au théâtre de la Commune, se joue Hypérion mis en scène par la directrice du théâtre Marie-José Malis, d'après le roman de Friedrich Hölderlin. J'arrive très fatigué, ayant très peu dormi la nuit précédente, m'étant démené toute la journée pour aider un ami en galère. Le spectacle est annoncé d'une durée de 3h45. Tout de suite je sens, que cela aurait été plus simple si je n'étais pas épuisé: je baille, je cligne des yeux, j'ai du mal à suivre un texte complexe, très poétique et résistant à une simple rationalité. 
A force d'observer, je m'aperçois que le décor est dans sa conception presque parfait, dans sa composition, ses couleurs, l'intégration dans le bâtiment. Quand les acteur-trice-s bougent sur cette scène la composition est quasiment tout le temps parfaite graphiquement. Les lumières dressent des tableaux équilibrée en couleur. Si je photographiait, alors, il y aurait tout le temps une image intéressante au niveau composition, lumière, et couleur. Je réfléchis à la somme de calcul nécessaire pour que cela dure 3h45 ! 
Au bout de 3h, je commence à être vraiment dans le spectacle, à aimer cette pièce. Je me passionne pour ce que je vois et j'entends de manière instantanée, sans garder le fil. C'est un peu comme le tour de France, l'étape des Pyrénées ou des alpes, les heures de plat vous mettent en bouche. Quand je sors, j'ai à la fois des doutes sur mon incompréhension sur le sens et le sentiment d'avoir vu une grande oeuvre. Impression étrange et heureuse, pleine de sympathie!

mercredi 1 octobre 2014

1er octobre 2014, Paris 20e, expo photo tchadienne

J'arrive à la galerie photographique, le bar Floréal, au vernissage de l'exposition 'N’Djamena, Tchad, Photographies d'Abdoulaye Barry et Photocamp', dubitatif. Car je suis à la fois photographe et journaliste, donc intéressé par toute démarche artistique, mais aussi par le contexte politique que je connais bien. Est-ce que je ne risque pas de croiser la délégation de l'ambassade de la pire dictature ex-colonies française d'Afrique ? Cela risquerait de gâter ma promenade de soirée d'été indien.
Les artistes ont eu à Ndjaména le soutien de la coopération française, par l'Institut Français du Tchad, et Abdoulaye Barry m'explique que l'ambassade de France a commencé à soutenir les artistes en 2013. J'en déduis optimistement que des échanges culturels peuvent profiter aux artistes, créer du débat, et, faire venir des français-es autres que militaires qui pourront témoigner des réalités. Que du positif! Justement çà semble se dégeler un peu avec une conférence de presse qui n'a pas été interdite dernièrement, tout débat est bon à prendre et la liberté d'expression artistique reste une liberté d'expression. Ainsi au Burkina Faso, la politique culturelle française très riche s'adapte bien à la dictature de basse intensité de Blaise Compaoré, et le Balai citoyen a bien été créé par Smockey et Sam's K le Jah. Selon que l'on s'intéresse à la logique de la politique française où au besoin des populations et artistes tchadiens, les points de vue peuvent diverger.
J'explique à un ami que les photographies se comprennent aussi par la connaissance de la vie politique au Tchad, et que très peu de gens sont conscients qu'au delà de la dictature il faut connaître le niveau de dictature. Sans tomber dans le décalage par rapport à la réalité du film 'Grigris'de Mahamat Saleh Haroun, un artiste navigue obligatoirement entre censure et auto-censure. En démocratique France aussi, le photographe évite de photographier les militaires et leurs famas dans le métro, mais, au Tchad, à Ndjaména, les photographes ont besoin d'une autorisation pour pouvoir faire leurs photos dans la rue.
Je commence à comprendre la stratégie du caméléon, qui n'est pas la stratégie de l'araignée. Par petit pas, ça ira mieux demain, c'est la philosophie du "ça va aller!", me dit-on.
Après un débat, le vernissage continue avec de la danse au milieu de la cité de la rue Couronnes. Un instant, en voyant ce spectacle ici, on pourrait sentir une disparition de la distance entre les continents et une certaine communion d'esprit. Mais un artiste à la fin qui remercie l'ambassade d'être venue provoque le retour du réel pour les oreilles averties. Je ne sais pas si je m'autocensure, mais je sais qu'il reste encore beaucoup d'obstacles pour nous retrouver tous heureux-ses ensemble comme citoyen-ne-s du monde.

dimanche 28 septembre 2014

27 septembre 2014, Paris 18e, Ecobox concert Jean-Baptiste

Cette année, le jardin d'Ecobox, près du métro Max Dormoy, est de nouveau très animé. Aujourd'hui, pour la fête des jardins, on peut y voir une exposition photo des adhérent-e-s, uniquement des paysages, plantes et animaux, insectes, oiseaux, poules, hérissons.
Le soir, l'association accueille le groupe de flamenco de Jean-Baptiste Marino. Ça pourrait presque danser, ça frétille, mais le public préfère écouter, sauf pour les dernières chansons. La guitare impressionne. C'est un concert magnifique, au milieu de ce décor étrange, entre fresques, arbres, plantes et poulailler. Cette étrangeté de la rencontre de la musique, de son style et du décor,  fait aussi la poésie du moment. Imitant l'expo photo, j'évite exceptionnellement de parler des êtres humains qui traînent par là !

dimanche 21 septembre 2014

20 septembre 2014, Aubervilliers, journée du patrimoine

J'hésite à me rendre aux Journées européennes du patrimoine à Aubervilliers. Il y a des jardins à visiter, mais c'est assez classique. Le mécréant que je suis, est pourtant curieux de mieux connaître l'histoire de l'église Notre Dame des Vertus, parce qu'elle est belle. L'an passé, déjà, j'avais apprécié de connaître l'histoire de l'ouvrier libertaire accusé de l'incendie du 15-16 avril 1900, celle de Léon Jouhaux, le syndicaliste CGT créateur de FO, qui finit ensuite Prix Nobel de la Paix. La visite est aujourd'hui plus basée sur l'architecture et l'histoire ancienne.
Alain Desplanques, ci-dessous, ancien professeur d'histoire dans les lycées de la ville, présente le bâtiment, avec l'aide d'un texte de l'historien Jacques Dessain, ci-dessus, présent également pour ajouter quelques commentaires érudits, sur les alentours de l'église, une passerelle disparue entre des bâtiments, un prêtre qui habitait là où se trouve la librairie, etc...
Alain Desplanques insiste sur la construction par étapes de l'église depuis le XVe siècle, à l'époque du roi Charles VII. Il y a du style gothique (XVe), du style Renaissance (ajout du clocher au XvIe) puis du style jésuite, lié à l'église de Gesù à Rome (ajout de la façade côté mairie avec les 2 portes et l'orgue). L'édifice doit régulièrement être rénové parce qu'il n'est pas en pierre de taille, ce qui fait qu'il a coûté régulièrement de l'argent à la ville, malgré le passage en monument historique après l'incendie.
Dans les vitraux, on trouve une évocation de la contre-réforme de la 2e moitié du XVIIe siècle, quand les catholiques construisirent et améliorèrent les églises pour récupérer des fidèles après la percée protestante. Un autre vitrail présente les 70 000 messes qui auraient été dites par 2 000 prêtres pendant la guerre 14-18. Un détail amusant, c'est dans le vitrail principal au dessus de l'hôtel, un symbole franc-maçon qui a été effacé.
La visite de l'église terminée, je suis grégairement le groupe jusqu'à l'hôtel de ville en face, où une personne travaillant aux archives de la mairie nous présente l'histoire de la guerre 14-18 à Aubervilliers. L'exposition présente des spécificités locales: le départ à la guerre, le patriotisme, le travail des femmes dans la couture, la reconversion des usines, les bombardements surtout en 1918 mais qui commencèrent dès 1914, les hôpitaux et les blessés, les correspondances avec les poilus, l'alimentation, ... L'affiche sur l'armée de l'Afrique n'a pas grand chose à voir avec le reste de l'exposition.
L'essentiel arrive à la fin et se discute devant le monument du sculpteur Cipriani, le bilan des morts de la guerre. Le monument aux morts situé dans la mairie indique 1761 noms. Je suis étonné: Aubervilliers n'est pas la Bretagne avec ses paysans non francophones qui furent utilisés comme de la chair à canon. La présentatrice confirme que le taux à Aubervilliers est 2 fois supérieur à la moyenne nationale et qu'un cinquième des soldats ne sont pas rentrés vivants. Par quel mystère?
Un second archiviste donne quelques explications: la ville était très ouvrière et paysanne et ces catégories professionnelles furent défavorisées dans l'infanterie. Certaines personnes étaient des provinciaux, migrants de l'époque, venus travailler à Aubervilliers et quelques'unes furent comptabilisés dans leur lieu de naissance et ici. Il y a par ailleurs une répartition aléatoire qui n'a pas été favorable à la ville. Cela reste à éclaircir.
Le débat s'élargit un peu quand un ancien combattant de la guerre d'Algérie signale qu'il est toujours impossible d'aller parler de cette autre guerre en Seine-Saint-Denis, parce que le rectorat bloque en arguant de la présence trop nombreuse des personnes d'origine algérienne. Je remarque alors que les problèmes des archives de la préfecture de police de Paris pour 17 octobre 1961 n'est pas réglé, on me dit que ça se serait amélioré en 2013, mais j'en doute fortement sachant que la question est politiquement très sensible (et après vérification, cela reste très loin du compte). Cette légère polémique nous fait sortir un peu d'une pensée présentée comme consensuelle dans les événements financés par le ministère de la Défense, même si ce n'était pas le but. 
Dans le Léon dans le Finistère cet été, les discours étaient plus critiques lors de la représentation de la pièce 'Le Léon 1914, Mobilisation générale, par la Cie de théâtre Ar vro Bagan.
Finalement, je me suis fait une sortie "Eglise-Armée" comme au pays parfois... ça va, j'ai survécu.

dimanche 14 septembre 2014

12, 13, 14 septembre 2014, l'Afrique à la fête de l'Humanité

La fête de l’Humanité était annoncée sans pluie cette année : l’été finissant, comment ne pas y arriver d’humeur optimiste ? J’ai aussi remarqué que le programme sur l’Afrique est assez léger : Ukraine, Syrie, Irak mais surtout Palestine occupent bien plus les esprits et les stands.
Je fais le tour du village du Monde, et je remarque à quel point la foire est confuse et de nature à tromper les novices. Il y a des associations uniquement commerciales, des associations bidon, des organisations politiques non-représentatives ou obsolètes, et même des organisations qui ne sont pas non-violentes en Afrique. Il n’y a pas de filtre et de cohérence. La foire de l’Huma est comme Jeune Afrique ou la Lettre du continent, la culture générale doit être suffisante pour réussir à décoder les messages. Au milieu des merguezs, des bars et des reliques du Che, des excité-e-s et extrémistes côtoient les intellectuels les plus pertinents dans une certaine cacophonie. Ainsi, je croise un défenseur de la dictature érythréenne, la pire dictature du continent, sans que cela ne m’étonne. Des causes justes et fortes ne trouvent pas toujours de place faute de moyen, les places n’étant pas gratuites.
Quelques stands organisent des débats, comme ceux de l’Amicale panafricaine sur les limitations de mandat,  de la Plateforme panafricaine, ou des associations du Sahara occidental. Je note l’arrivée de l’association Ibuka-France des rescapés du génocide des Tutsis du Rwanda que j’ai croisée régulièrement en 2014.
Je passe un peu plus de temps au stand de Survie, de la Semaine anticoloniale et de la Fasti où je retrouve des ami-e-s. Le samedi, y a lieu un premier débat sur les luttes anticoloniales, puis le dimanche sur Frontex, et enfin sur la Françafrique, avec Fabrice Tarrit, président de Survie et Issa Ndiaye, président du Forum civique Mali. Pendant ce débat, Issa Ndiaye et moi sommes en désaccord sur la politique africaine française actuelle : quand je signale que l’évolution en 2013 de la situation en Centrafrique a placé la politique française définie autour de la guerre au Mali et de l’alliance avec Idriss Déby dans une impasse, je suis surpris d’entendre le professeur malien répondre en disant que les dirigeants français ne tiennent pas compte des massacres en Afrique.
L’Huma est l’occasion pour l’association Survie de présenter la sortie de son nouveau livre "Françafrique, la famille recomposée" (sept. 2014). Ayant beaucoup travaillé dès 2012 sur le thème de l’évolution de la Françafrique depuis l’œuvre de François-Xavier Verschave, j’attendais ce livre avec impatience. Ce livre de Survie est un travail collectif qui permettra de refixer un cadre de réflexion pour toutes les personnes qui recherchaient des références tenant compte des mutations du système néocolonial. Etant un peu trop exigeant, en lisant dans le bus les premières pages, je remarque déjà quelques désaccords par exemple sur la relation entre « politique africaine de la France » et « Françafrique », sur la relation et l’influence réciproques entre acteurs africains et français. Cependant, je commence aussitôt à dire à des gens d’acheter ce livre parce son sujet est essentiel. Il traite de la politique africaine de Hollande, Fabius et le Drian, de l’armée français et des entreprises pour lesquelles une typologie est proposée.
Comme tous les ans, le moment fort sur l’Afrique est la conférence de l’Espace débat du village du monde, le dimanche matin ou midi. J'y arrive légèrement en retard à cause de problèmes de transports. La journaliste de l’Humanité Rosa Moussaoui anime ce débat dont le thème est ‘Afrique : la France ne lâche pas l’affaire‘. Les intervenants sont Dominique Josse, responsable du collectif Afrique du PCF, Fabrice Tarrit,  François Graner, lui aussi de Survie et auteur de "Le sabre et la machette » : les officiers français et le génocide des Tutsi au Rwanda"(2014), Issa Ndiaye, et Ibrahima Sène membre du Parti de l’indépendance et du travail (PIT) au Sénégal. L’évocation de la complicité des militaires français dans le génocide des Tutsi du Rwanda étaient en 2014 indispensable, la synthèse est présentée de manière brillante. Le président de Survie, Fabrice Tarrit, est par ailleurs le plus intéressant et le plus clair dans ses analyses. 
A la fin du débat, Mohamed Saleh Ibni-Oumar, du Mouvement du 3 Février (M3F) intervient depuis le public sur le Tchad et la question essentielle de l’alliance entre Hollande-Fabius-Le Drian, l’Etat major de l’armée française et le dictateur Idriss Déby. Le blocage de la situation au Tchad, la gravité des atteintes aux droits humains, l’instabilité de la région en partie provoquée par le chef d’Etat tchadien, impose une grande rigueur dans les analyses, et des nuances dans la considération entre France et Afrique.
Quand, le dimanche soir, les stands sont déjà presque tous fermés, ma foire des luttes se termine par une rencontre inattendue avec des responsables de l’Union de salut national djiboutien. Depuis l’inversion du résultat des législatives de février 2013, la tension est maximale à Djibouti. Le 8 septembre, le président djiboutien a failli signer un accord avec les vrais vainqueurs mais au dernier moment s’est abstenu. La démocratisation de ce pays stratégique pour les occidentaux sur le plan militaire est toujours dans l’impasse.

samedi 9 août 2014

9 août 2014, Paris, la Villette, le fest'noz (deiz)

Bien qu'il manque à ce fest'noz, la nuit et les étoiles, le clapotis des vagues dans le port ou l'odeur des prés, je me précipite à la Grande Halle de la Villette, quand je vois la liste des artistes invités ce soir au week-end Bretagne / Irlande : Erik Marchand (chant), Annie Ebrel (chant), Krismenn (chant), Patrick Molard (biniou), Jacky Molard (violon), Janick Martin (accordéon), Hélène Labarrière (contrebasse), Yves Berthou (bombarde). Dans cette liste, il manque un guitariste et un chanteur. 
A peu près 300 personnes regardent et beaucoup dansent.
Je connais mieux Patrick Molard pour le pibroc'h, la cornemuse classique d'Ecosse, et, je suis heureux de l'entendre au biniou avec Yves Berthou à la bombarde. Bombarde et biniou, c'est la base du fest'noz et c'est ce qui me rappelle le plus les airs de mon enfance.
Je suis aussi très heureux d'entendre Erik Marchand et Annie Ebrel ensemble.
Jacky Molard, au violon, est très présent, tout au long du concert, dans plusieurs formation, ici avec Janick Martin et un guitariste hors-cadre.
Avec un ami nous discutons un peu de la Bretagne, de politique et de culture, du fait que la région semble l'une des seules reconnue par une identité forte. La-bas, sans doute que les points de vues sont actuellement très nombreux, et pas du tout uniformes. Par exemple, en musique, tous les goûts coexistent. La danse évoque la solidarité dans un mouvement collectif, métaphorique d'un point de vue social, qui n'est plus aussi présent.

mardi 15 juillet 2014

15 juillet 2014, Aubervillers, manifestation pour Gaza et la Palestine

Hier, il y avait 15 000 personnes à Paris, en solidarité avec Gaza et la Palestine. Il doit y avoir environ 250 personnes devant la mairie d'Aubervilliers pour une manifestation très courte en soirée ce mardi. La présence de nombreux élu-e-s, la plupart Front de Gauche, se remarque, et et les tracts de la campagne Boycott, Désinvestissements, Sanctions. Je ne reste pas

vendredi 11 juillet 2014

9 juillet 2014, Paris 10e, la jeunesse pour la vérité maintenant !

Le Mouvement Antiraciste Européen EGAM a invité les jeunes à la mairie du 10e pour le lancement de la campagne  « Génocide contre les Tutsi : la vérité, maintenant ! ». Après une tribune publiée dans des journaux, une délégation s'est rendue fin juin au Rwanda pour les commémorations des 20 ans des massacres de Bisesero et a décidé d'agir dans la durée.
Participeront à la campagne les Jeunes Socialistes France, les Jeunes Démocrates, les Jeunes Ecologistes, le Mouvement des Jeunes Communistes de France, les Jeunes Radicaux de Gauche, la Fédération Indépendante et Démocratique, Lycéenne – FIDL, SOS Racisme, l’Union des Etudiants Juifs de France – UEJF, l’Union Générale Arménienne de Bienfaisance Jeunes – UGAB Jeunes, l’Union Nationale des Etudiants de France – UNEF, l’Union Nationale Lycéenne – UNL, les Jeunes Socialistes Belgique, Durde !, Romani Criss, Youth Initiative for Human Rights Serbia – YIHR et Ibuka France. 
La grande salle est pleine, au moment où débute la vidéo sur le voyage de la délégation. Arrivant un peu en retard, je manque, au début de la conférence, la prise de parole de l'ancien militaire de l'opération Turquoise Guillaume Ancel.
Les intervenant-e-s représentant toutes les organisations se succèdent au micro, présentant chacun un sujet. 
Benjamin Abtan, le président d'EGAM, commence par présenter les objectifs principaux de la campagne: lutter contre le négationnisme, dans une "dynamique qui ira jusqu'à la fin", exiger des "discours clairs", l'ouverture totale des archives, une commission d'enquêtes parlementaire comme en Belgique, des lieux de mémoire. Pour lui, l'enjeu est aussi dans le rapport à l'Afrique, au niveau de la constitution française et de l'action face aux choix des dirigeants.
Un responsable de l'Association des Etudiants Rescapés du Génocide (AERG) intervient en visioconférence depuis Kigali.
Pour les Jeunes Socialistes, Laura Slimani raconte la commémoration des massacres à Bisesero. Les objectifs de Turquoise sont aujourd'hui en question à cause de l'inaction de l'armée française fin juin 1994. Elle évoque les "personnalités socialistes encore vivantes" qui jouent encore un rôle.
Pour SOS Racisme, Blaise Cueco explique le passage de la délégation à Murambi, où Turquoise avait installé son QG. Selon lui, la légion d'honneur de Péan ou l'annulation de la visite de la ministre de la justice française à la commémoration du 7 avril 2014 sont choquantes aussi en raison d'un silence et un isolement qui persistent là-bas.
Un représentant de Youth Initiative for Human Rights Serbia intervient à distance et fait le lien avec le négationnisme sur Srebenica en Serbie.
Pour les Jeunes écologistes, Nina Lejeune insiste sur la nécessité d'ouvrir les archives, militaires et autres, et d'avoir une autre politique qui mette fin au pillage des ressources naturelles.
Noam Meghira de l'Union des Etudiants Juifs de France (UEJF) demande un Mémorial à Paris pour le dialogue des mémoires. 
Le responsable international de l'Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), Habib Gniengue insiste sur l'importance du dialogue entre jeunesse rwandaise et française.
Patrick de Saint-Exupéry intervient comme journaliste et expert de ce dossier. Il souligne que la vérité et le retour à la simplicité des propos doivent servir de base à une nouvelle relation entre les deux pays. 
Marian Mandache de Romani Criss intervient en visioconférence pour parler du génocide des Rroms. 
Sélim Alexandre Arrad-Baudean, président des Jeunes Radicaux de gauche, propose pour la campagne d'interpeller les élu-e-s et d'informer les militant-e-s. 
Eliott Pavia de l'Union Nationale Lycéenne (UNL) fait part du scepticisme des jeunes rwandais exprimés à l'Université de Kigali. Quels poids auront les jeunes français-ses alors que des génocidaires sont encore en liberté en France ? 
Le représentant de la Fédération Indépendante et Démocratique, Lycéenne (FIDL), dont j'ai manqué le nom (Steven Nassiri peut-être) souhaite que la FIDL aille maintenant demander que les programmes scolaires soient modifiés pour apprendre aux lycéen-en-s la véritable histoire du génocide, alors que pour l'instant celui-ci est à peine cité. 
Alain Ngirinshuti vice-président d'Ibuka France regrette la régression de 2014 au niveau du gouvernement français.  
Toujours par internet, Yannick Piquet, pour les Jeunes Socialistes Belgique, raconte les effets très positifs de la commission d'enquête et des excuses officielles en Belgique pour enlever la "chape de plomb". 
Thomas (Moïc?) responsable international des Jeunes communistes exprime sa conviction que le futur ne peut s'envisager que par la connaissance du passé: "il faut une prise de conscience pour analyser". Il dénonce le "colonialisme et la Françafrique" qui continuent, ce qui fait toussoter l'animateur. Ainsi, peut-il aussi souligner d'autres horreurs de l'histoire toujours très peu reconnues, comme la guerre française au Cameroun entre 1955 et 1971. 
L’intervenante de l'Union Générale Arménienne de Bienfaisance Jeunes parle de la division artificielle entre Hutus et Tutsi, de la nécessité de vivre ensemble entre victime et bourreaux, des séquelles psychologiques, et de la transmission des traumatismes d'une génération à une autre, un point qu'elle précisera pendant le débat. Une seconde personne venue pour le génocide arménien remarque que la vérité permettait de faire progresser la démocratie en Turquie et que le combat pour la vérité sur le Rwanda fait partie d'un "combat universaliste européen". 
Pendant le débat, quelques associations disent un mot, le MRAP, la LDH, Survie. Pierre Tartakowski pour la LDH parle de "rapport corrompu au pouvoir et à la démocratie". Un président d'honneur de la Communauté rwandaise de France remarque que la vérité est déjà connue sur la collaboration française avec les génocidaires, que "la complicité est politique", et qu'il faut maintenant l' "aveu de la complicité". Un des fils du politicien Ibni Oumar Mahamat Saleh assassiné par Idriss Déby en 2008 évoque le besoin de justice partout en Afrique. Un représentant de la ville de Dieulefit, qui a inauguré une stèle, et est l'unique ville ayant un jumelage avec une ville au Rwanda se pose des questions sur le peuple français qui pourrait ne pas accepter la vérité. Julien Moisan, responsable des campagnes à Survie, souligne que la demande ouverture des archives ne doit pas laisser croire que la complicité de génocide n'est pas déjà avérée. Selon lui, la question est maintenant de "déterminer le degré de complicité et le rôle des acteurs". Il évoque en particulier les livraisons d'armes.Laura Slimani remarque que des accusations sont énoncées sans que l'on puisse facilement savoir si elles sont vraies ou fausses. Dans le doute, beaucoup d'accusations circulent, et la vérité complète est indispensable. 
Benjamin Abtan conclut sur les événements de la campagne à venir et en donnant rendez-vous début avril 2015 au Rwanda pour un second voyage plus étoffé où seront aussi conviés des politiques. 

dimanche 6 juillet 2014

6 juillet 2014, Paris, Ezza au festival Rhizomes

Cette année la pluie perturbe les concerts du festival Rhizomes qui doit abandonner les parcs et se déplacer dans des salles. Le concert d'Ezza, groupe de musique touareg a lieu au Grand parquet au lieu d'être à côté au jardin d'Eole ou au square Rachmaninov. Sur la photo, c'est Goumour Oumar Adam, guitariste et chanteur. Je ne sais pas si le style est issu d'une tradition musicale ou juste inspiré de précédents groupes, mais le musicien venu du Niger, arrive très bien à transmettre par la musique et le chant quelque chose de son vécu ou d'une réalité sociale et culturelle. 
La veille, alors que je discutais d'un autre groupe, j'entends que la "musique traditionnelle n'existe pas" ou qu'au contraire "il n'y a que des musiques traditionnelles" et qu'un classement de la musique couramment utilisé est marquée par une "vision ethnocentriste". Cela m'a fait réfléchir sur le terme "ethnocentrisme". Existe-t-il une région du monde qui ne soit pas issue d'une histoire de ses ethnies et qui puisse être considérée comme source homogène d'un regard vers le reste du monde ? Le terme n'est-il pas lui-même formé à partir d'une surestimation d'une dimension ethnique dans des pays ayant subi une domination et d'une sous-estimation d'une autre dimension ethnique historique dans des pays puissants, et paradoxalement négativement performatif, portant inconsciemment un déni de d'une histoire plus complexe, géographiquement, culturellement, philosophiquement, politiquement, économiquement. Il me semble que la "vision ethnocentriste du monde" existe encore moins que les musiques traditionnelles, même si le poids de la tradition dans les musiques n'est pas aussi important qu'il n'y paraît. 

mercredi 25 juin 2014

25 juin 2014, Paris 18e, Rwanda : Dieu en voyage

J'avais vu le film « Le jour où Dieu est parti en voyage » à sa sortie au cinéma, et je me précipite pour le revoir au centre Barbara, à la Goutte-d'or, accompagné d'une musique jouée en direct par les élèves de l'école Atla. Les jeunes musicien-ne-s jouent 2 fois et un débat est organisé entre les 2 projections-concerts, avec l'actrice du film, Shanel (Ruth Nirere), un historien de l'art, Nathan Rera, et le réalisateur, Philippe Van Leeuw. Je croise Jeanne, une rescapée, dont l'histoire personnelle rappelle celle du film. Shanel termine le film sur un chant a capela magnifique. En plus d'être l'actrice du film, elle fait partie des musicien-ne-s. Après la fin tragique du film et ce chant, l'émotion est très forte. A ce moment, la lumière est belle, aussi, mais ce n'est sans doute pas le moment de risquer de déranger avec l'appareil photo.
Elle est sortie de derrière l'écran, comme si elle sortait de l'écran. Ce soir, la fiction et le réel se sont rejoint. Elle a chanté ce qui pouvait être dans son esprit quand la caméra fixait son regard, ou plutôt, non, peut-être un contraire, une inversion du désespoir, ou la suite disant la distance et le travail du temps. C'est peut-être parce qu'il y a eu le cheminement d'image en image qu'est arrivée la chanson chantée de cette manière-là, maintenant, dans cette salle de la goutte-d'or.
Le vécu des rescapé-e-s du génocide est sans doute hors de portée de ma compréhension, je perçois juste une capacité à dépasser un deuil dans une expression artistique, qui reste encore mystérieux. Ma raison me renvoie en vain aux responsabilités politiques, parce que penser les violences extrêmes des foules ou le dépassement des traumatismes personnels est difficile.