vendredi 23 septembre 2016

23 septembre 2016, Paris, Gabon, conférence de presse ‘Gabonwitness’

Ce vendredi, au siège du Secours catholique, en collaboration avec la coalition Tournons la page est organisée une conférence de presse sur les massacres en cours au Gabon, pendant le coup d’Etat électoral.
En attendant un bilan plus approfondi en collaboration avec les grosses associations de droits humains – Amnesty n’a pas été autorisé à aller au Gabon enquêter - , seuls des bilans partiels sont disponibles. Le site, http://gabonwitness.com, publie ce jour un ‘rapport préliminaire de la société civile’. ‘GabonWitness a choisi de publier progressivement des données incontestables et vérifiables sur les victimes. 10 morts sont listés même s’il y en a beaucoup plus et beaucoup plus en cours de vérification. Les familles ont peur de signaler des morts ou des disparus, la coupure d’internet empêche les gabonais d’envoyer des informations, des noms, des photos, des vidéo (Le couvre-feu internet sera arrêté le 28 et les réseaux sociaux réouverts entre le 28 et le 30 septembre). La police est entrée dans les hôpitaux et a fait disparaître des preuves. Des blessés graves, touchés par des balles de gros calibres, ont eu peur de se soigner.
Il est aussi question des arrestations, kidnappings et disparitions. Par exemple, personne n’a de nouvelles d’Ollo Firmin, le coordonnateur du Mouvement des Jeunes de l'Union nationale qui a disparu dans la prison de Libreville où il était enfermé.
La question est aussi de savoir pourquoi le débat sur les victimes d’Ali Bongo, son gouvernement et la Garde républicaine ne s’entend pas. Pour l’intervenant principal, Bruno Ondo, la communauté internationale a considéré beaucoup trop la partie politique mais pas assez la partie droits humains. Il demande que le « curseur » soit urgemment déplacé pour arrêter les crimes qui continuent. Les informations circulent aussi plus concernant Libreville, par exemple sur les 17 morts du massacre du QG de Jean Ping, alors qu’il y a eu des massacres dans d’autres villes, en particulier à Port-Gentil où l’armée « tirait à balles réelles en particulier sur tous les gens qui filmaient ».
Bruno Ondo demande à l’Elysée d’intervenir pour assister un peuple en danger, ce qui ne serait pas de l’ingérence. Il réclame surtout maintenant une enquête internationale sur les crimes au Gabon. Quelques jours plus tard, le 28, la Cour pénale internationale, lancera son enquête préliminaire. C’est un début, mais la CPI est très lente, et le Gabon a besoin d’une intervention rapide pour arrêter les crimes des auteurs récidivistes du coup d’Etat électoral et empêcher que le pays n’entre dans un cercle vicieux de type ‘élection au résultat inversé, impunité, répression, élection au résultat inversé’.

Régis Marzin, article écrit et publié le 5.10.16

jeudi 22 septembre 2016

22 septembre 2016, Paris, Congo Brazzaville : la plateforme Frocad-Idc alerte sur la situation

A Paris, les yeux de la presse ‘Afrique’ sont depuis un mois tournés vers le Gabon. D’autres pays en souffrent. Le coup d’Etat constitutionnel sanglant d’octobre 2015 et le coup d’Etat électoral de mars 2016 à Brazzaville s’éloignent dans le temps. Au printemps, la communauté internationale n’avait presque rien fait pour aider ce pays, depuis laissé à la merci de son tyran sanguinaire dans une indifférence certaine. La répression a continué. Le pays est sous une chape de plomb, sans possibilité pour l’opposition de s’organiser.
Ce 22 septembre, tout près du siège de l’Unesco, la plateforme Frocad-Idc organise une conférence de presse pour alerter sur l’aggravation de la situation. Y interviennent Jean-Didier Ekori, Joseph Ouabari Mariotti, porte-parole Europe du Frocad-IDc et l’avocat du Frocad et de l’Idc, Benjamin Fa. Aux journalistes présents (AFP, Libération, …) est distribuée la liste des détenus politiques, une centaine, la majorité depuis près d’un an, depuis octobre et novembre 2015.
Le plus connu d’entre eux est évidemment Jean-Marie Michel Mokoko, le candidat de la présidentielle, victime de l’inversion de résultat, quand Denis Sassou Nguesso, estimé quatrième au premier tour s’est auto-proclamé président en vertu de résultats inventés. Le dictateur de fait souhaite empêcher Jean-Marie Michel Mokoko de continuer sa carrière politique, il pourrait le laisser en prison des années. Est aussi emprisonné Paulin Victor Makaya président du parti UPC. Selon le document distribué, Katengué Delly Rufin, collaborateur d’André Okombi Salissa arrêté le 18 juin est décédé en prison, « des suites de tortures ».
Des organisations de société civile et l’avocat Maurice Massengo-Tiassé ont remis au Conseil des droits de l'homme des Nations-Unies à Genève le 11 août 2016, et à la Cour pénale internationale un rapport sur les atteintes aux droits humains, mettant l’accent sur les responsabilités du chef de la police Jean-François Ndenguet, entre autres organisateurs des crimes.
Dans le Pool, sous prétexte de recherche du pasteur Ntumi, les « bombardements des hélicoptères militaires … détruisent des villages, dévastent les cultures »… entraînent des « déplacements de population en forêt ». Le dictateur congolais a fait venir des mercenaires, désignés par Me Maurice Massengo-Tiassé dans Paris-Match, comme une troupe échappée du conflit centrafricain de 2013, celle du chef rebelle « Martin Koumtamadji alias Abdoulaye Miskine, avec plus d'un millier de ses combattants», sans compter, selon Joseph Ouabari Mariotti, dans la Garde Républicaine « des réfugiés hutus depuis 1997 et des militaires de Mobutu ». Il peut y avoir des « dizaines ou des centaines de morts » sachant qu’il n’y a pas d’accès facile pour observer. Les journalistes se voient refuser leurs visas.
Le gouvernement français ne s’est pas prononcé après le coup d’Etat électoral. Avant de partir, Hélène Le Gall, la conseillère de François Hollande, prétextait l’excuse de l’ingérence, parce  que «  ce n’est pas une colonie », préférant plutôt aller vers la « négligence bénigne » face à « un président de fait ». Les media français parlent très peu du Congo Brazzaville. L’Union européenne a exprimé ses doutes  sur la « la crédibilité des résultats » de la présidentielle, en renvoyant vers les législatives. L’Onu est dans la « logique d’un dialogue inclusif », mais le rapport de Bathily n’a pas encore été publié et est attendu. Les législatives qui sont prévues en février ou mars 2017 se feraient avec un « déséquilibre Nord / Sud » qui garantirait la victoire de Sassou avec une minorité de voix. Dans les conditions actuelles, selon Joseph Oubari Mariotti, parlant pour la « plateforme Frocad-Idc-Composante Jean-Marie Michel Mokoko », « nous n’iront pas ».
La plateforme Frocad-Idc-Composante Jean-Marie Michel Mokoko demande la libération des prisonniers politiques, « la fin des recherches policières contre le Pasteur Ntumi, et la fin de l’Etat de siège » et « un dialogue national inclusif » véritable. Le 5 octobre, dans une conférence de presse à Brazzaville Charles Zacharie Bowao a demandé un « cadre paritaire préparatoire qui devrait en fixer l’ordre du jour et le mode opératoire » du dialogue.
Régis Marzin, Article et écrit le 6 octobre 2016

mercredi 21 septembre 2016

21 septembre 2016, Paris : Gabon : conférence de presse des avocats

Alors qu’à Libreville, toute l’attention est portée sur l’exercice de la Cour constitutionnelle, à Paris, les avocats Eric Moutet, avocat de Jean Ping, et William Bourdon, organisent une conférence de presse ce mercredi 21 septembre à midi, avec un témoin du massacre du QG de Jean Ping par la Garde républicaine le 31 août. Sont présents RFI, AFP, TV5 monde, Le Point, …
Les avocats présentent deux plaintes de franco-gabonais déposées au TGI de Paris, auprès de la Juge Aurélia Devos et du pôle génocide et crime contre l’humanité, pour "arrestation et détention arbitraire en bande organisée, torture et actes de barbarie en bande organisée, tentative d'assassinat et crime contre l'humanité". Ils annoncent une autre plainte aux USA et une demande d’enquête de leur part à la Cour Pénale Internationale (CPI).
Me Eric Moutet insiste sur la présence du camp des soldats français à 400m du QG. Des gabonais ont demandé à l’ambassade de France d’intervenir pour arrêter le massacre. Il y a là une forme de « non-assistance » à personne en danger.
Le témoignage du franco-gabonais présent dans le QG est terrifiant. Il est demandé à la presse de préserver son anonymat. 500 personnes se trouvaient au QG avant l’attaque. Il décrit les tirs de l’hélicoptère faisant les premiers blessés et tués, puis l’attaque de la Garde républicaine, d’une cruauté extrême : « un œil arraché, une main arrachée, un tibia coupé en deux, … sept corps morts» qu’il a vus (Le bilan non indiqué à la conférence de presse selon l’opposition pourrait être de 17 morts). L’homme a participé à soigner les blessés avec deux femmes avant d’essayer de fuir et d’être lui-même arrêté. Il décrit  juste à côté du QG un viol de soldats suivi de meurtre. Pendant l’emprisonnement, il explique qu’une femme enceinte à perdu ses deux enfants jumeaux devant ses co-détenu-e-s.
Un citoyen gabonais, Yannick Nambo, prend également la parole pour alerter sur l’imminence d’un nouveau massacre à la suite de la validation probable du coup d’Etat électoral par la Cour constitutionnelle. Il demande de « stopper le débat sur l’ingérence », rappelle que la MOE-UE était chargé de contrôler selon un protocole. Il prévoit que la communauté internationale risque de ne plus pouvoir agir en RDC si elle laisse faire au Gabon.  Il trouve « inadmissible de ne rien faire en sachant qu’un massacre se prépare ».
Me William Bourdon évoque l’hypothèse de la présence de mercenaires français, à étudier.
Il indique que « le rôle de la CPI, c’est de juger, mais aussi de prévenir, par la dissuasion ».
Eric Moutet signale, lui, que la convention signée entre l’Union européenne et l’Etat gabonais était contraignante en droit (international).
Dans les couloirs, les discussions continuent sur d’autres points. Par exemple, l’existence d’un charnier à la Cité de la démocratie à Libreville, signalé par un militaire à des journalistes gabonais.
La tension augmente en raison de la proximité de l’annonce de la Cour constitutionnelle pressentie comme favorable au coup d’Etat électoral, mais aussi en raison du silence anormal des acteurs internationaux depuis le début de l’exercice de cette cour. 
Comment va réagir la population face au hold-up ? Que vont faire l’ONU, le gouvernement français et l’Ue, ou même l’Ua dirigée par Idriss Déby et si souvent favorable aux dictateurs, en cas d’explosion sanglante ? La résolution de la crise sur ces deux aspects, droits humains et processus électoral, est essentielle pour la crédibilité de la communauté internationale et africaine.

Régis Marzin, écrit et publié le 22.9.16 à 22h

dimanche 18 septembre 2016

18 septembre 2016, à la ferme de l'Amap dans l’Oise

Après 3 semaines et demi de suivi de la crise gabonaise, j’ai besoin de repos ! Je me glisse dans la visite de la ferme de mon Amap, une visite que je voulais faire depuis des années. Au programme, auberge espagnole, coupe et tri d'haricots verts puis visite de la ferme. Une belle journée !

samedi 17 septembre 2016

17 septembre 2016, Paris, Gabon : ne sait-on pas déjà qui risque d’aller à la CPI ?

Une 3e manifestation des gabonais-es contre le coup d’Etat électoral au Gabon a eu lieu à Paris, le samedi 17 septembre, entre Trocadéro et l’ambassade du Gabon. Elle a réuni environ 1500 personnes, un peu moins que les précédentes, dont beaucoup habillées en rouge.
La lutte n’a peut-être pas pour l’instant mis la priorité sur la Cour pénale internationale, alors que la Cour Constitutionnelle a jusqu’au 23 septembre pour donner un avis, mais l’option continue d’être discutée et préparée. Les informations circulent vers la CPI.
Deux choses importent quand des individus sont responsables de crimes contre l’humanité susceptible de provoquer des violences de plus grande envergure : le bilan des victimes et l’identité des principaux responsables. Gêné par la censure partielle d’internet, avec difficulté, le bilan des victimes continuent de se réaliser.
Une banderole envisage les noms des principales personnalités susceptibles d’être visées par la CPI, surtout si les violences redoublent si la Cour constitutionnelle participe au coup d’Etat électoral en allant dans le sens de l’inversion du résultat.
Il s’agit, sur cette banderole, d’Ali Bongo, évidemment, de Marie-Madeleine Mborantsuo, présidente de la Cour constitutionnelle, de Mathias Otounga Ossibadjouo, ministre de la Défense nationale, de Pacôme Moubelet Boubeya Ministre de l'Intérieur, et d’Alain Claude Bilie By Nze, Ministre de la communication et porte-parole de la Présidence. Cette liste subjective n’est sans doute qu’une 1ere approche.
C’est ce que j’ai principalement retenu de plus important à la manifestation de Paris du 17 septembre, au travers de cette banderole « le droit ou la CPI !!! ».

Régis Marzin, Paris, écrit et publié le 19.9.16

jeudi 15 septembre 2016

15 septembre 2016, Paris : débat ‘Elections en Afrique en 2016’ à EELV

Le jeudi 15 septembre, la commission Transnationale d’Europe Ecologie les Verts organisait une conférence-débat au siège du parti, avec Delphine Lecoutre, Coordinatrice Tchad/Centrafrique à Amnesty International France, Laurence Ndong, activiste gabonaise de la campagne « Tournons La Page », Rémy Bazenguissa-Ganga, directeur d'études à l’EHESS, spécialiste du Congo Brazzaville, et moi-même comme journaliste spécialisé dans les élections en Afrique. Cécile Duflot était espérée mais ne passe pas. La soirée est animée par Abdessalam Kleiche et Régis Essono.
Je commence la conférence sur 3 points. L’année 2016 correspond dans le processus de démocratisation continental depuis 1990, à un pic électoral qui arrive après 10 années de stagnation. Ces 10 années ont vu s’accumuler la tension entre population et dictateur, un ras-le-bol. Il y a équilibre 22 / 22 en dictatures et démocraties en Afrique, et l’évolution des prochaines années changera l’aspect du continent. Je reviens ensuite sur les 3 coups d’Etat électoraux, avec inversion de résultat, du printemps, au Congo Brazzaville, au Tchad et à Djibouti. Les méthodes étaient similaires : inversion à la compilation des résultats, avec une nuance au Congo Brazzaville avec l’invention totale des chiffres sans référence à des procès verbaux. Ce pic a montré l’incohérence des réactions internationales et l’absence de prise en compte internationale à la qualité technique des processus électoraux. Il y a eu aussi un gros problème d’information dans les media.
Ensuite, j’analyse l’évolution assez nette des positions internationales dans la gestion de la crise gabonaise. La qualité du processus électoral est mise en exergue parce que le coup d’Etat électoral est trop évident dans un cas de ‘rapport de force’ équilibré et même favorable à l’opposition sur certains aspects. Il apparaît que le rôle de l’Union européenne, avec sa mission d’observation, impacte maintenant l’Union africaine. Celle-ci est invitée à s’améliorer pour faire face à une crise, où la Responsabilité de protéger les populations, discutée surtout au niveau des Nations-Unies, entre en jeu. La crise est concomitante du ‘dialogue national’ à Kinshasa, et fait réfléchir sur l’avenir de l’Afrique centrale au niveau démocratisation. La question est posée : peut-on laisser ‘pourrir’ l’Afrique centrale à moyen terme quand les populations ne supportent plus les dictateurs ?
Delphine Lecoutre fait le bilan des violations des droits humains lors de la présidentielle d’avril au Tchad, en évoquant, entre autres, les arrestations et détentions arbitraires de leaders de la société civile et les disparitions de militaires. De graves atteintes aux libertés d'expression, de réunion et d'association ont été commises par les autorités tchadiennes dans le cadre de ce processus électoral. Amnesty demande à l’Union africaine d’agir pour la protection de la société civile et des défenseur(e)s des droits humains afin de leur permettre de faire leur travail sans restrictions injustifiées ni harcèlement.
Rémy Bazenguissa-Ganga décrit les « guerres électorales en insistant sur le Congo Brazzaville ». Il y a parfois « menace de dissolution de la totalité politique ». Selon lui, les processus électoraux ne s’achèvent pas, il y a « continuité politique », dans la « reproduction d’un ordre autoritaire ».
Sur le Gabon, Laurence Ndong revient sur l’histoire du pays, le pouvoir d’Omar Bongo puis d’Ali Bongo. Le dictateur sortant a envenimé rapidement l’Etat du pays, en ne respectant pas le droit, en se nommant président de l’agence des grands travaux, en légiférant par ordonnances sans débats, en laissant faire les crimes rituels, en laissant la situation s’aggraver au niveau pauvreté et éducation. Elle décrit ensuite le coup d’Etat électoral. Elle craint des centaines de morts et la découverte de charniers. Pour elle, le conflit est entre Ali Bongo et le peuple, alors que Jean Ping incarne l’alternance.
Le débat avec la salle, environ 50 personnes, permet de revenir surtout sur la situation au Gabon. Ce qui interroge, c’est évidemment la discontinuité dans les positions des acteurs internationaux. Concernant le Gabon, la discussion des logiques sous-jacentes permet de commencer à commencer à comprendre sans anticiper sur la suite. La diversité des configurations nationales en Afrique doit aussi être considérée : le Gabon est différent de Djibouti, du Tchad, du Congo B ou de la Guinée Equatoriale.
La dernière question porte sur le « poids et l’efficacité de l’Ue, de l’Onu et de l’Ua actuellement au Gabon ». Je réponds que, bien que l’on soit habitué aux échecs et à l’hypocrisie du soutien international à la démocratie en Afrique, l’on peut aussi décrire des nouvelles logiques et causes-conséquences, par exemple en tenant compte de la Responsabilité de protéger les populations en arrêtant les crises au plus tôt. Ainsi, actuellement, pendant l’exercice de la Cour constitutionnelle, il apparaît une situation inédite, pendant laquelle la qualité technique du processus électoral est réellement pour une fois en cause, pendant laquelle se modifient les relations entre puissances influentes, Ue, Ua, Onu, sans que l’on sache comment cela se poursuivra, entre « impuissance, théâtralité, influence douce et/ou arbitrage international ferme ».
Régis Marzin, Paris, écrit et publié le 19.9.16

mardi 13 septembre 2016

13 septembre 2016, Paris : Cameroun, en route vers l'inconnu en 2018

Alors que tout le monde a les yeux tournés vers le Gabon, la fondation Gabriel Péri organise au siège du PCF une rencontre intitulée 'Vers une alternance pacifique au Cameroun à la présidentielle de 2018?' avec une table-ronde de quelques partis politiques d’opposition composée de Hervé Ewotti, Coordonnateur en France du Cameroon People's Party (CPP) (à gauche), Augusta Epanya, membre de la direction en France de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) dit des fidèles (à droite), Marianne Simon Ekane, du Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie (Manidem), et Peter Mbafor, conseiller du président du Social Democratic Front (SDF) de Ni John Fru Ndi. 
A aucun moment, le débat ne décolle. La représente du Manidem, qui pense qu'il faut faire tomber Paul Biya dans la rue, insulte gaillardement le peuple gabonais alors que celui-ci essaye de se libérer de la dictature... Celui du SDF s'emmêle les pinceaux dans une polémique sur les journalistes et une rumeur sur Boko Haram. Sans que cela n'ait de rapport avec le débat, il se met aussi à raconter une mystérieuse histoire de Françafrique entre Marafa Hamidou Yaya, actuellement emprisonné, Nicolas Sarkozy, Paul Biya, et Vincent Bolloré, dont je ne sais que penser. Difficile, sur ses bases d'avancer. Je préfère ne pas prendre la parole.
Le CPP et l’UPC, entre autres, se sont regroupés dans "Debout pour le Cameroun / Stand up for Cameroun" pour organiser des Vendredi noirs, avec la société civile. Un des objectifs est de lutter contre une nouvelle modification de la constitution et un déplacement de la présidentielle de 2018 à 2017.
Le Tchad était auparavant la dictature la plus violente parmi celles des ex-colonies françaises, devant le Congo Brazzaville et le Cameroun. Actuellement, après les coups d’Etat électoraux de mars et avril, la violence apparaît maintenant maximale au Congo B, puis au Cameroun, puis au Tchad et à Djibouti. Aucune des conditions préalables nécessaires au démarrage d’un processus électoral n’est présente au Cameroun. Pour l’instant, les conditions sont celles de la préparation d’une mascarade totale comme en Guinée Equatoriale. Les opposants n’obtiendront pas les conditions pour rivaliser dans le vote avec le pouvoir et Paul Biya n’aura pas besoin d’inverser le résultat (de faire un coup d’Etat électoral), puisqu’il se sera assuré une victoire en amont du processus.
Peut-être que ce débat n'était que le début d'une discussion... s'il reste un an ou deux. L'impression est évidemment que l'élection de 2018 en soi ne permettra pas d'aller vers une libération de la dictature. Depuis la salle, Raimundo Ela Nsang, opposant à la dictature en Guinée Equatoriale, remarque que "le déblocage des pays se fera ensemble", et que si la crise au Gabon n'est pas résolue, après la série des deniers coups d'Etat électoraux de 2016, alors "on peut oublier le Cameroun". On attend des législatives au Tchad et au Congo Brazzaville, peut-être en 2017. Le processus de la présidentielle en RDC changera aussi les choses. Seul, le Cameroun semble définitivement prisonnier de son tyran sanguinaire, est-ce qu'un mouvement plus général en Afrique centrale arrivera un jour à fournir une énergie supplémentaire pour une mobilisation et une résistance au Cameroun ?
Régis Marzin, Paris, écrit et publié le 19.9.16

lundi 12 septembre 2016

12 septembre 2016, Paris, Gabon : conférence à l’Espace des femmes

Ce lundi plus calme au Gabon, a permis à certains gabonaise-s de se retrouver à Paris, pour faire le point sur la situation, à l’invitation de Mengue M’Eyaa, porte-parole de Jean Ping. A notamment été discuté, le rôle de la mission d’observation européenne, le premier comptage des voix et la visibilité de l’inversion du résultat global par la CENAP.
La journaliste Sylvie du Boisfleury a de nouveau témoigné sur le massacre dans le QG de Jean Ping le 31 août (vidéo1, vidéo2) : la première attaque d’un hélicoptère avec des bombes assourdissantes, puis l’attaque de la Garde présidentielle qui a décimé les hommes de la sécurité du QG, dont les corps n’ont jamais été retrouvé.
Un responsable de l’organisation de jeune Egal a estimé que « le combat du peuple gabonais est celui de l’Europe ». Une ex-PDGiste a également témoigné.
Répondant à une de mes questions, Mengue M’Eyaa a estimé qu’une mission d’enquête des Nations-Unies est nécessaire pour faire le bilan du massacre.
Après la manifestation du samedi à Paris dédiée aux victimes, l’émotion du deuil était encore très présente dans cette rencontre.

Régis Marzin, écrit et publié le 14.9.16

dimanche 11 septembre 2016

10 et 11 septembre 2016, la lutte pour la démocratie au Gabon à la fête de l’Humanité

Alors que la manifestation devant l’ambassade n’était pas encore terminée, l’activiste Laurence Ndong s’est rendue à la Fête de l’Humanité où elle devait prendre la parole dans l’espace principal de débat de la fête, l’Agora. La journaliste Rosa Moussaoui a mené l’interview.
La fête de l’Humanité est un lieu de revendications sociales et économiques virulentes. Pour se faire entendre dans cette immense foire, où l’on croise des stands qui n’ont pas bougé depuis la fin de la guerre froide, certain-e-s en rajoutent dans les critiques et les invectives. Au village du monde, des militants embadgés viennent rappeler aux nouvelles générations les vertus de l’anticapitalisme et de l’anti-impérialisme. Jean Ping et sa coalition issue du système d’Omar Bongo sont-ils acceptables à la Fête de l’Humanité, au milieu des posters de Che Guevara ?
Mais la fête gère ses contradictions depuis très longtemps et permet aussi de nombreux débats subtils. Laurence Ndong commence par expliquer le sens de l’élection présidentielle gabonaise pour la population. Ce que peut comprendre le public français, c’est que ce qui compte, ce ne sont pas les personnalités politiques, mais l’exigence de la population d’un changement radical, la fin de la dictature de la famille Bongo et de son parti, le PDG. Elle commence par rappeler, à la manière de la Campagne Tournons la Page dont elle fait partie que « 87% des gabonais n’ont connu que la famille Bongo au pouvoir », et que le vote n’est « pas pour Jean Ping mais contre Ali Bongo ». Elle précise que Jean Ping s’est engagé à réaliser des réformes constitutionnelles, élection présidentielle à deux tours et maximum de deux mandats. Pour elle, la population a changé, et la relation avec la France, aussi, a changé.
Elle décrit ensuite les massacres, qui auraient fait « entre 50 et 100 morts et plus encore de disparus ». Elle évoque l’utilisation d’acide lancé par hélicoptère. Puis, Laurence Ndong conclut sur le processus électoral et la Cour constitutionnelle, la « tour de pise » qui penche toujours du même côté. Selon elle, les observateurs de l’Union européenne pourront « assister au recomptage » - ce qui n’est pas évident, aux dernières nouvelles -, surtout concernant le Haut-Ogooué, et que les résultats « bureau de vote par bureau de vote » donneront Jean Ping vainqueur.
Le lendemain matin, les débats redémarrent. Le village du monde lui-même, c’est-à-dire, le journal L’Humanité en lien avec le PCF, organise un débat sur la Cour pénale internationale, très axé sur la Côte d’Ivoire. La star de l’altermondialisme simplifié, Aminata Traoré, demande à tous les états africains de se retirer de la CPI, qu’elle considère comme un instrument de domination occidentale. Le burkinabé Bénéwédé Sankara réclame des justices nationales efficaces. L’ancienne ministre ivoirienne du FPI, Odette Sauyet, réclame une justice africaine.
Sur l’Afrique, d’autres débats ont lieu. Au stand de la Plateforme panafricaine, le dimanche, lors de mes passages, les débats portent sur le Tchad, le Burkina Faso et le Bénin. Au stand de l’association Survie et du Collectif Ni Guerres Ni état de Guerre, j’arrive par hasard au début du débat « Elections en Françafrique, focus sur le Gabon », où intervient Régis Essono, responsable du groupe Afrique d’Europe Ecologie les Verts et membre actif de la diaspora gabonaise. Après avoir présenté le processus électoral de manière assez détaillée et la situation de crise actuelle, celui-ci insiste sur la volonté de voir le gouvernement français agir plus concrètement par des sanctions. Le 3 septembre, EELV a « exhorté la communauté internationale, y compris l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC), à ne pas reconnaître les résultats de cette élection et à prendre les sanctions appropriées ».
Comme spécialiste des Elections en Afrique présent dans le public, je suis heureux d’intervenir au milieu des militant-e-s de Survie Paris pour parler du contexte international. C’est l’occasion pour moi de rassembler mes idées sur les raisons potentielles de changement de positionde la communauté internationale et africaine. Ce débat de la fête de l’Humanité n’a rien permis de conclure sur les différentes hypothèses. Les participant-e-s sont reparti-e-s avec leurs doutes.
Au milieu de l’après-midi, la plupart des débats concernant l’Afrique se terminent, et il ne reste plus que le bruit de la fête. En cette année marquée par les attaques terroristes, l’Huma est toujours là pour apporter la joie dans la banlieue et dévoiler désir de luttes, de bonheur, d’amour de la musique, de liberté sous le soleil. La société exprime sa résistance insouciante sous toutes ses formes, vestimentaire et inconsciente.
Régis Marzin, écrit et publié le 14.9.16 

samedi 10 septembre 2016

10 septembre 2016, Paris, Gabon : manifestation contre le coup d’Etat électoral

Une première manifestation contre le coup d’Etat électoral et pour la reconnaissance de la vérité des urnes, sur le même parcours, entre Trocadéro et l’ambassade du Gabon à Paris, avait eu lieu le samedi précédent. Cette fois, sur facebook, les organisateur-trice-s ont demandé de s’habiller en noir pour honorer les morts au lieu du jaune il y a une semaine pour montrer la victoire de Jean Ping. Entre 2000 et 2500 personnes ont défilé, de la diaspora gabonaise surtout, certain-e-s venant de toute la France. La manifestation avait lieu dans une dizaine d’autres villes.
Combien la répression menée par le chef de l’Etat gabonais sortant a-t-elle faite de victimes ? tué-e-s, blessé-e-s, disparu-e-s ? Entre 50 et 100 tués comme l’a estimé Jean Ping le 7 septembre, ou plus ? Certaines personnes estiment que 100 morts pourraient être un minimum, mais aucun bilan avec des noms n’a encore pu être synthétisé, freiné par les coupures d’internet, et alors que la bataille se poursuit au niveau du processus électoral au niveau technique, avec le passage ‘imposé’ par la Cour Constitutionnelle.
Qui sont les responsables des massacres en dehors d’Ali Bongo, qui pourrait être poursuivis par la Cour pénale internationale si elle fonctionnait encore correctement ou qui pourraient être désignés par des sanctions internationales, comme ce fût le cas au Burundi en 2015? Des noms déjà connus, sans doute, ne sont pas encore diffusés dans la presse, très timide à ce sujet, bien que le 1er septembre, Ban Ki-Moon ait averti que « Les individus responsables d’actes ou incitations à la violence en seront tenus responsables ». Le 11 septembre, le célèbre leader de la société civile, Marc Ona, a indiqué : « Face à cette situation, la société civile exige une enquête internationale sur les massacres des populations par la Garde Républicaine, la Police Judiciaire et des milices à la solde d’Ali Bongo, dont les responsables et les donneurs d’ordres sont bien identifiés, des forces de répression au service d’un homme, d’un clan et d’une famille. » L’opposition demande aussi une enquête internationale, au moins pour l’attaque du QG de Jean Ping, alors qu’il y eu de nombreuses victimes dans de nombreuses villes.
Un groupe de femmes a durant toute la marche illustré les violences et rendu hommages aux victimes, sous la forme d’une scène de théâtre. La marche arrivée devant l’ambassade, des prises de parole ont commencé. Par exemple, la journaliste Sylvie du Boisfleury a témoigné sur le massacre dans le QG de Jean Ping le 31 août (vidéo1, vidéo2).
Régis Marzin, écrit et publié le 14.9.16

samedi 3 septembre 2016

3 septembre 2016, Paris, Gabon, manifestation contre le coup d’Etat Electoral

Parmi les 22 dictatures africaines en 2016, le régime gabonais, comme celui du Burkina Faso en 2014, pouvait apparaître comme l’un des moins durs. Mais la logique de détérioration est implacable. La population est beaucoup plus mécontente d'un second coup d'Etat électoral que d’un premier. Le peuple veut agir au plus vite et au plus fort pour stopper l’installation d’un pouvoir monarchique. Le second coup d’Etat électoral enclenche un engrenage vers un conflit sans réconciliation possible. Pour échapper à la sanction populaire, le dictateur augmente le niveau de la dictature définitivement.
Globalement en Afrique, plus les peuples réclament la démocratie, plus les dictateurs résistent et accentuent la répression. Entre autres, cette logique de détérioration pousse la communauté internationale à s'impliquer, parce que sinon, les conflits iraient grandissants au point de risquer d’échapper à tout contrôle extérieur. Une fois la négociation entamée, il s’agit de trouver une issue, pour le peuple comme pour les diplomates. Au Gabon, cette solution ne peut plus passer par Ali Bongo. Le tyran mafieux est mort politiquement, et n’a plus pour lui que la violence de sa Garde républicaine et de ses miliciens encagoulés. Le coup d’Etat électoral se transforme en répression militaire violente qui pourrait se pérenniser.
Ce 3 septembre, à Paris, ils et elles étaient 3000 à se rassembler pour montrer leur refus catégorique d’un nouveau coup d’Etat électoral. C’est surtout la diaspora gabonaise qui s’est rassemblée, même les personnes qui n’ont pas voté. Elle a pour cela utilisé au maximum les réseaux sociaux sur internet. Cette diaspora est avant tout pour la fin de la dictature. Elle reconnaît que, selon les règles du jeu de la démocratie, Jean Ping a gagné, avec une alliance de l’opposition. Le coup d’Etat électoral est évident : dans la dernière province dont les résultats ont été connus, le Haut Ogooué, le fichier électoral a été fortement gonflé, la participation a été fixée sur le papier à 99% et le vote pour Ali Bongo a été inventé à 95%.
Peut-être que le reste de l’Afrique n’a pas encore bien compris cette nuance entre choix d’un leader et rejet de la dictature. En outre, l’enjeu continental est dans le basculement potentiel du nombre de pays dictatoriaux et démocratiques actuellement à l’équilibre, 22 et 22, du côté des démocraties. Un seul pays ferait passer la majorité du côté de la démocratie. C’est pourquoi, les derniers dictateurs, qui cette année viennent de commettre le même type de coups d’Etat électoraux, au Congo-Brazzaville, à Djibouti, au Tchad, ou en Guinée Equatoriale, se taisent. Ces coupables ont pour l’instant laissé les diplomates européens et américains se débrouiller, pour que les regards ne se retournent pas vers eux. Seul Idriss Déby, l’auteur d’un coup d’Etat électoral au Tchad en avril 2016, s’est exprimé le 4 septembre au nom de l’Union africaine dans un style convenu.
Les gabonais-es se sont aussi souvenus de l’amitié liant Nicolas Sarkozy et Ali Bongo et se sont mis-es à crier « Sarkozy ! vient chercher Ali. » Robert Bourgi est là aussi. François Fillon est là aussi. Jean-Luc Mélenchon est là aussi. Mais la question qui se pose n’est pas celle d’un règlement de compte de fin de Françafrique ou celle de la fin d’un « impérialisme » : la question principale est maintenant celle du respect des règles de la démocratie dans les pays sans alternance depuis 25 ans, comme l’a souligné le député socialiste Philippe Baumel.
A en croire les pancartes et les slogans sur la CPI, la foule souhaite aussi qu’Ali Bongo soit jugé pour les massacres en cours. Même les media qui comprennent la victoire de l’opposition reprennent étrangement les bilans officiels, qui n’ont rien à voir avec la réalité. Dresser un bilan des massacres est devenu une urgence, au-delà de l’émotion et des deuils.
Le même jour, au Gabon, l’opposition explique que les procès verbaux de la province ou Ali Bongo a organisé l’essentiel des fraudes pour inverser le résultat, le Haut-Ogooué, permettent facilement de montrer que les chiffres officiels de cette province sont totalement inventés, et que Jean Ping est donc vainqueur. La communauté internationale et la MOE-UE en particulier peuvent accéder à une grande partie des PVs du Haut-Ogooué et estimer les résultats ce qui confirmerait la victoire de Jean Ping. La MOE-UE n’a pas été jusqu’au bout de ses possibilités d’action. Pourquoi ?
Ali Bongo continue de refuser la publication de tous les PVs des bureaux de votes comme le réclame l’Union européenne, le Conseil de sécurité de l’ONU, les diplomates français et américains, avouant ainsi son mensonge. La communauté internationale pourrait décider d’agir fermement en fonction de cet aveu indirect.
Le 5 septembre au matin, Jean Ping a appelé à la « grève générale et au blocage économique du Gabon ». Le Gabon est politiquement perdu pour Ali Bongo et son clan. Vont-ils rester par la force et persister dans le déni de la réalité ? Alors que des « dizaines » de gabonais-es ont déjà sacrifié leur vie, la communauté internationale est face à la question de la limite à ne pas dépasser pour les dictateurs africains, la limite actuelle, à quelques mois des élections en République démocratique du Congo, pays ou la même question pose déjà des difficultés beaucoup plus importantes.
Mais les dictateurs africains ont habitués le monde à des surprises. Ils sont aussi solidaires entre eux. Voilà que le 5 septembre toujours, l’Union européenne (SEAE) et le gouvernement français (MAEDI) en France ont accepté l’idée d’une délégation de présidents africains menée par le président de l’Union africaine, Idriss Déby, bien que celui-ci soit lui-même auteur d’un coup d’Etat électoral au Tchad en avril 2016. L’issue pour le Gabon après le coup d’Etat électoral se trouvera-t-elle à l’échelle géopolitique supérieure ? Ou est-ce le début d’un nouveau renoncement dans le soutien des démocrates africains ?
Régis Marzin, Paris, écrit et publié le 5.9.16