L’après-midi "Je
rencontre un ambassadeur" m’a permis pour la première fois de mettre
un pied dans le MAE et de voir des personnes dans le IN alors que travaille
dans le OFF, de voir la surface des choses à défaut de mieux, de ressentir un peu
l’ambiance. C’était une promenade de fin d’été, parce que le rendez-vous était plutôt
axé sur les étudiant-e-s parisien-ne-s et pas sur les journalistes.
Il y avait des débats
dans des salons intitulés « confidences d’ambassadeurs ». J’ai manqué
Christophe Guilhou sur Djibouti. Romain Nadal ne parlait plus d’Afrique mais du
Vénézuela. Hélène le Gall ne parlait plus non plus d’Afrique et se
dépatouillait face aux questions du public comme : « Accepteriez-vous
d’être ambassadrice à Daesh ? Puisque vous avez accepté d’être
ambassadrice en Israël qui a chassé les palestiniens ? ».
Sur l’Afrique, j’ai pu
écouter quelques minutes Evelyne Decorps, ambassadrice au Mali, ex-ambassadrice
au Tchad entre 2013 et 2016. La consigne était de parler du métier plus que des
sujets de fond. Alors elle ne disait pas grand-chose à part qu’elle invite les
ONG dans les cocktails et n’a pas besoin de les voir en réunion trop souvent.
La contrainte de ne
pas parler des sujets importants rappelait celle du métier de diplomate, d’accepter
tout sans broncher, ou presque. Je me suis dit que je la voyais tout à fait dans
le rôle qu’elle a eu plusieurs années au Tchad, pendant les années de réhabilitation
d’un des pires dictateurs d’Afrique. Oui, à l’écouter, je la voyais bien
parlant décomplexée avec Idriss Déby du Mali et de
la Centrafrique, ou de la présidentielle
en avril 2016. Une inversion
de résultat, ce n’est pas très important pour une diplomate chevronnée,
capable de tout encaisser sur les processus électoraux en Afrique. Naïvement, je
me suis demandé si elle avait encore conscience des choses, du décalage entre
les faits et une éthique politique normale.
Passons sur les fausses
confidences à la française et les marivaudages de salons parisiens ! Je n’étais
pas initié, et je n’avais pas droit aux primeurs des réactions après le discours
présidentiel du matin axé sur la Libye et le Mali, où l’on pouvait peut-être,
selon mes hypothèses et déductions rapides, comprendre que les miliciens libyens
qui empêcheront les européens de bloquer humainement les flux migratoires
auront peut-être un jour des problèmes, une fois que la pression remontera du
Niger et du Tchad.
Le vrai programme, c’était
3 conférences : ‘Le
multilatéralisme peut-il encore préserver la paix ?’, ‘Avec le
Brexit, quel avenir pour l’Union Européenne ?’, et ‘La cyberguerre
aura-t-elle lieu ?’. La conférence qui me concernait était celle sur l’Onu
et le maintien de la paix, avec Alexis Lamek le représentant permanent de la France auprès de
l'ONU, Véronique Roger-Lacan,
ambassadrice, représentante permanente auprès de l’organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Christian Bader, ambassadeur en
République centrafricaine. Le cinéaste Eric Rochant était aussi sur le plateau.
Christian Bader a parlé
d’ « échec » du maintien
de la paix de l’Onu en Centrafrique,
et d’un besoin d’« adapter les moyens », de « faire évoluer les
missions de l’Onu ». Il a indiqué que « l’appréciation de la crise en
Centrafrique
n’avait pas été correctement faite avant d’intervenir, au niveau
répartition des richesses, pouvoir, religions…». Faut-il le croire puisque
la Centrafrique était sacrifiée pour agir au Mali pendant l’alliance entre
Hollande et Déby en 2013 ? Ensuite, Sangaris a bien sûr « évité le
bain de sang et (permis) un processus démocratique ».
Il admet une « dimension
sous-régionale » et que « les voisins étant partie prenante de la
crise et une partie de la solution ». Cependant, le diplomate m’a semblé un
peu indécis sur la suite, sur les moyens à mettre en œuvre pour empêcher le
pays de sombrer de nouveau. Il a parlé du besoin d’une armée nationale, mais n’a
pas parlé de désarmement, alors que le programme de DDR (Démobilisation,
désarmement, réinsertion) allait être lancé
le lendemain. Etait-il en attente d’instruction plus précise de
Jean-Yves Le Drian ou de l’Elysée ? ou n’était-ce pas l’endroit pour
parler de l’essentiel ?
Véronique Roger-Lacan a
rappelé que l’OSCE intervient plus sur l’Ukraine et dans les relations avec la
Russie, elle s’est plainte que « les russes utilisent notre argent (le
budget de l’OCDE) pour décortiquer les actions de sécurités internationales ».
Eric Rochant a proposé de parler de « désidéoligisation
et de complexification des conflits ».
Alexis
Lamek a précisé que tous les pays n’était pas au même niveau d’ambition et que
la Russie était opposée à de bonnes opérations de la paix. Par ailleurs, il a
parlé d’Antonio Guterres comme du meilleur Secrétaire général de l’Onu, se préparant
« à faire ressembler l’Onu à un gouvernement », alors que « le
temps est venu pour des réformes » favorable aux émergents, Brésil, Inde
et pays d’Afrique.
La troisième table-ronde sur la cyberguerre était également intéressante. Entouré des ambassadrices en Estonie, Claudia Delmas-Scherer, et en Ukraine, Isabelle Dumont, l’ambassadeur chargé de la cyber-diplomatie et l’économie numérique, David Martinon, a redit ses inquiétudes devant la « cyberguerre froide actuelle, pour l’instant sans victime, multipolaire, en affrontement direct au travers de mercenaires ». Même si le « naming et le shaming est embarrassant », il a été discrètement question de la Russie et un peu de la Chine, et, le diplomate a, en conclusion, évoqué « les options de sanctions en réflexion actuellement ».
J’étais venu pour essayer d’entendre parler de l’Afrique et j’ai compris que les diplomates étaient en ce moment surtout inquiets en raison des relations tendues avec la Russie, même si cela n’est discuté qu’à mots couverts, et des difficultés de fonctionnement du Conseil de sécurité des Nations-Unies, aggravées par l’arrivé de Donal Trump. La Centrafrique était finalement le seul pays africain mis en exergue sérieusement et sur lequel quelques messages ont été communiqué publiquement mais sans approfondir.
Régis Marzin,
Écrit et publié le 3 septembre 2017
La troisième table-ronde sur la cyberguerre était également intéressante. Entouré des ambassadrices en Estonie, Claudia Delmas-Scherer, et en Ukraine, Isabelle Dumont, l’ambassadeur chargé de la cyber-diplomatie et l’économie numérique, David Martinon, a redit ses inquiétudes devant la « cyberguerre froide actuelle, pour l’instant sans victime, multipolaire, en affrontement direct au travers de mercenaires ». Même si le « naming et le shaming est embarrassant », il a été discrètement question de la Russie et un peu de la Chine, et, le diplomate a, en conclusion, évoqué « les options de sanctions en réflexion actuellement ».
J’étais venu pour essayer d’entendre parler de l’Afrique et j’ai compris que les diplomates étaient en ce moment surtout inquiets en raison des relations tendues avec la Russie, même si cela n’est discuté qu’à mots couverts, et des difficultés de fonctionnement du Conseil de sécurité des Nations-Unies, aggravées par l’arrivé de Donal Trump. La Centrafrique était finalement le seul pays africain mis en exergue sérieusement et sur lequel quelques messages ont été communiqué publiquement mais sans approfondir.
Régis Marzin,
Écrit et publié le 3 septembre 2017