samedi 5 décembre 2015

5 décembre 2015, Bourget, Cop21 : Afrique et climat

Pendant les négociations sur le climat, les pays africains ont été très peu entendus, même si beaucoup de choses ont bougés pour l'Afrique. Les dirigeants ne sont pas tous légitimes et compétents, puisque l'Afrique compte un nombre équivalent de dictatures et de démocraties. Les soutiens dans les ONG ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux et leur plaidoyer ne s'appuie pas sur suffisamment de forces africaines organisées.
Le groupe Afrique d'Europe Ecologie les Verts, ouvert à d'autres personnalité au travers du collectif 'Wangari Maathai', a sans doute été le seul à réaliser un travail de synthèse et à communiquer sur l'Afrique pendant la Cop21, en publiant une note écrite en collaboration avec des écologistes africains : "COP21 : réparer l’injustice climatique en Afrique". Cette note a été rédigée dans le cadre de la Fondation de l'Ecologie Politique (FEP).
Ce samedi 5 décembre, la FEP et le collectif 'Wangari Maathai' organisaient au Bourget, dans la partie réservée à la société civile, la conférence "L'accord de Paris : quelles perspectives de développement pour l’Afrique subsaharienne ?" avec, de gauche à droite, Gaël Giraud, chef économiste de l'Agence française de développement (AFD), membre du conseil scientifique de la FEP, Raimundo Ela Nsang, secrétaire exécutif de la Coalition restauratrice de l’Etat démocratique en Guinée équatoriale (CORED), Benjamin Bibas, modérateur, membre du groupe Afrique d'Europe Ecologie les Verts et du collectif 'Wangari Maathai', Mildred Barasa, journaliste au Kenya Times et Africa Woman, secrétaire générale du African Network for Environmental Journalists (ANEJ), Marc Ona Essangui, célèbre coordinateur de l’ONG gabonaise Brainforest. Aïssatou Diouf, la responsable plaidoyer climat à l'ONG ENDA, était excusée.
Marc Ona insiste sur le problème de la gouvernance politique dans une Afrique "prise en otage par des oligarches". Un président comme Ali Bongo fait de la communication autour de la COP21 et sa société "Delta Synergie" serait en position de profiter des fonds de l'adaptation au changement climatique. Marc Ona évoque la gestion désastreuse des forêts, en raison de laquelle, "Pour protéger le climat de la planète, la France doit se désengager du secteur d’exploitation forestière industrielle dans le bassin du Congo". L'activiste très engagé contre la dictature de la famille Bongo précise que la gouvernance électorale passe pas des processus électoraux crédibles.
En anglais, la journaliste kenyane Mildred Barasa décrit les effets du réchauffement dans la vie quotidienne des femmes, dont la durée de travail augmente à cause de la recherche du bois et de l'eau. Elle insiste sur la pollution de l'eau, l'érosion des sols à cause de l'agriculture intensive et de la déforestation, les sécheresses plus fréquentes, l'accaparement des terres par des sociétés étrangères.
L'opposant équato-guinéen, Raimundo Ela Nsang, parle de la production pétrolière dans le golfe de Guinée. Les pays producteurs n'ont pas construit des infrastructures sanitaires adaptées. La tuberculose accompagne l'augmentation du rythme de la production. Des terres deviennent invivables, les écosystèmes marins sont dégradés, la pêche est impactée. Le pétrole moins accessible est extrait avec de plus en plus d'eau polluée. Les dictatures sont maintenant considérés comme instables, et les multinationales accélèrent la production en craignant la perte des contrats qui pourrait advenir suite à la chute des dictateurs. Les grandes compagnies pétrolières profitent de l'absence de contrôles environnementaux dans les Etats non démocratiques. Pour prévenir la pollution, la CORED propose de diminuer la production et de la rendre plus durable, et la construction de l'Etat de droit et la démocratisation sont une condition nécessaire.
Benjamin Bibas présente la note et en résume les revendications principales : de nouvelles taxes innovantes pour financer le Fonds vert pour le climat, l'intégration de l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) dans les négociations sur le climat en la rendant contraignante, un inventaire des Biens communs mondiaux, entre autres.
Gaël Giraud, de l'AFD et de la FEP, précise les possibilités en termes de taxation et revient sur plusieurs questions. Il y a dans les gaz, le CH4 et pas seulement le CO2. Les banques s'opposent à la taxation et les Paradis fiscaux compliquent les exigences de transparence. Des projets sérieux en termes d'écologie sont en concurrence avec des investissements à 10% de profit annuel.
Trois jours plus tard, les mêmes personnes sauf Gaël Giraud, présentent la note au siège d'Europe Ecologie les Verts. Remarque : Je complète ainsi mes notes prises au Bourget, en particulier pour Marc Ona que j'avais manqué à la première présentation.
Au siège d'EELV, il est aussi question de la participation des communautés locales et de l'utilisation du Fond Vert pour le climat: comment éviter que les milliards aillent vers les multinationales et oublient les communautés locales et les entreprises africaines, en particulier les PME ? La question de la démocratie rejoint cet enjeu de la gouvernance dans l'adaptation au changement climatique et face aux dégâts environnementaux. Le débat revient sur la justice climatique et les crimes environnementaux. La valorisation des chefs d'Etat dictateurs dans les négociations sur le climat est particulièrement soulignée, ainsi que la nécessité de continuer à soutenir la démocratie et l'Etat de droit.
Certains chefs d'Etat africains, comme Téodoro Obiang, n'ont fait que reprendre le travail de consultants occidentaux. Au Togo, Faure Gnassingbé a massacré des villageois, causant 8 morts à Mango, pour en essayant de créer en urgence un parc naturel un mois avant la Cop21. Denis Sassou Nguesso a fortement profité de la Cop21 qui, entre autres, lui a permis d'échapper à une réaction internationale après le massacre du Coup d'Etat constitutionnel de fin octobre.
Régis Marzin, 20 décembre 2015.

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