« La fin du capitalisme ? » : le Campus
Condorcet n’est pas encore ouvert, que déjà il se montre iconoclaste ?
Mais non ! Car nous sommes à Aubervilliers (et Saint-Denis) et que la
question iconoclaste serait plutôt ici « la fin du communisme ? ».
Peu importe, car le communisme local ayant été depuis longtemps remplacé par la
gestion dans la culture du consensus, cette magie du consensus autorise à des acrobaties
intellectuelles, dont la symétrie n’est qu’une des avanies. Attention ! En
2019, les chercheur-se-s et étudiant-e-s arrivent en banlieue dans des bâtiments
flambant neufs, et ça va bouger ! Alors, pour limiter le choc culturel,
les chercheur-se-s devront-ils/elles apprendre à suivre les codes locaux du
consensus ?
La conférence est l’occasion de présenter l’avancée du
projet du campus universitaire. Jean-Marc Bonnisseau, son président, en
rappelle les grandes lignes, une première phase d’ouvertures à l’automne 2019
et début 2020, en particulier, l’EHESS, puis une seconde phase. Le site
regroupera des historien-ne-s, sociologues, anthropologues, démographes, des
spécialistes des différents continents qui seront ainsi regroupé-e-s, des
spécialistes des religions, du genre, des arts, de la santé et de l’économie, etc…
A la Maison des Sciences de l’Homme, Thomas Piketty, Directeur
d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS),
auteur du livre « Le Capital au XXIe siècle », clôture
le cycle des conférences au Campus
Condorcet 2017-2018 dont le thème était « Un
monde fini ? Environnement, croissance et croyances. » Jean-Claude
Schmitt, Président du conseil scientifique du Campus,
le présente comme un chercheur qui « rapproche l’économie et l’histoire »
dans un « engagement politique ».
Thomas Piketty démarre en précisant le thème : les différentes
crises du capitalisme le conduisent-il à sa fin ? et est-ce souhaitable ?
En résumé, oui ce serait souhaitable, et non, les crises en vue n’y aboutiront
pas en raison de sa « plasticité ». Il insiste, en le répétant deux
fois, que c’est « une erreur, de croire à un spontanéisme
révolutionnaire ». Selon lui, l’échec du communisme a fourni « ses
plus grands alliés du capitalisme », réfractaires aux « croyances
universalistes », en Russie et en Chine, les pouvoirs post-communistes,
étant, « des freins à la lutte contre les Paradis fiscaux et judiciaires ».
Il conclut cette introduction par le fait que « l’échec du communisme pèse
très lourd au XXIe siècle », ce qui n’est pas sans rappeler des conséquences
politiques de la guerre froide.
L’exposé est ensuite en 3 parties, 3 domaines de propositions
: repenser la propriété publique, repenser le partage du pouvoir dans les
entreprises, développer la propriété privée temporaire. Revenant sur le
communisme, il remarque que l’abolition de la propriété privée avait été pensé
comme « hégémonique » sans réflexion préalable sur « le partage du
pouvoir ou les élections », dans un marxisme qui se voulait scientifique
mais n’avait « rien de préparé sur comment organiser l’Etat ». Ensuite,
« les bolcheviques sont allés vers la personnalisation du pouvoir et l’utilisation
de boucs émissaires ». Actuellement, après « un effondrement du
patrimoine public » depuis les années 70, ce patrimoine est « négatif
aux USA, au Royaume Uni, et en Italie », où, « la dette publique
dépasse le patrimoine de l’Etat ». En France et en Allemagne, il reste encore
positif mais proche de zéro. Les intérêts de la dette sont comme « un
loyer au privé ».
Pensant que l’Europe aurait besoin d’une concertation sur ce
sujet, et sur la fiscalité européenne, il propose de réorganiser la démocratie
européenne au travers d’une « Assemblée des députés nationaux de la zone
Euro ».
En vue de repenser le partage du pouvoir dans les
entreprises, il s’appuie sur les exemples de l’Allemagne et la Suède où depuis
1950, des postes dans les Conseils d’administration sont attribués aux salariés,
la moitié en Allemagne (pour
les entreprises de plus de 2000 salariés). Selon lui, la gauche française
focalisée historiquement « sur la nationalisation des moyens de production »
a « méprisé » cette voie « social-démocrate ». Il propose
des « assemblées mixte avant élections des Conseils » pour préparer
des élections sur des projets et d’inventer des nouvelles formes de propriétés.
L’universitaire termine sur la propriété temporaire en
envisageant des solutions autour de la transmission du patrimoine, au-delà de l’impôt
progressif sur les successions, et sur le besoin d’une réforme de la Taxe foncière
datant de la révolution française et « profondément injuste ». Pendant
le débat qui commence, répondant à Meriem Derkaoui, Maire d’Aubervilliers, dénonçant
la politique du gouvernement sur les aides sociales, le chercheur regrette que « la
suppression de la taxe d’habitation mette la pression sur les collectivités »
et rappelle les « 5 Milliards de cadeaux fiscaux sur l’impôt sur la
fortune ».
Une question est posée sur les métaux, l’énergie. Il redit
alors que les crises sur les matières premières et le climat ne mèneront pas à
la fin du capitalisme, ce qui rappelle le discours
tenu sur l’anthropocène à la précédente conférence. Il résume très vite quelques
points, les inégalités qui provoquent de la xénophobie, la dette, et revient sur
« le capital naturel atteint ». En l’absence de prévision et scénarios assez
précis-es sur les ressources naturelles à long terme, ne sous-évalue-t-il pas l’importance
du questionnement à ce sujet ?
Le débat se termine sur son regret d’une absence de
propositions claires de la part des partis politiques, France insoumise entre
autres, sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Régis Marzin
Article écrit et publié le 12 juin 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire