Ce mercredi 24 avril,
à la salle Jean Dame à Paris, une conférence sur la Corne de l’Afrique est organisée par le think-tank Thinking Africa et
l’association European Center for Peace in Horn of Africa. Les intervenant-e-s
évoquent Djibouti, l’Ethiopie, l’Erythrée, le Soudan, le thème des migrations
et les influence du Moyen-Orient. J’arrive au milieu du premier débat.
Le
premier panel rassemble, Roukiya Osman, chercheuse à Thinking
Africa, Gérard Prunier,
historien, Alain Gresh, directeur d’Orient XXI, un intervenant érythréen et l’animateur Saïd Abass Ahamed
de Thinking Africa. Alain Gresh a parlé, avant de partir très vite,
de la guerre au Yémen et de l’influence de l’Arabie saoudite et du Qatar en
Afrique. Roukiya Osman s’exprime sur Djibouti et la recomposition de la Corne
de l’Afrique. Elle insiste sur l’isolement de Djibouti, un pays dans lequel
toutes les entreprises ou presque sont gérées par la famille de Guelleh, ce qui
donne pas envie d’investir et explique en partie la perte d’influence française.
Elle évoque la menace qui plane sur Mohamed Kadamy mis en examen en France et la
visite d’Emmanuel Macron très froide. Le président français a parlé d’aider à l’installation
d’une marine éthiopienne, quelque part, ce qui provoque beaucoup d’interrogations.
Elle souligne que l’évolution de l’Ethiopie a des conséquences à Djibouti en
raison de questions ethniques, Afars et Somali à Djibouti étant sensibles à la
présence et à l’influence des Oromos. L’intervenant érythréen parle de l’absence
d’internet en Erythrée et de l’interdiction des réunions de 5 personnes.
Gérard Prunier revient sur la frontière soudano-érythréenne
actuellement fermée de peur que la révolution ne gagne l’Erythrée. Il ironise :
« les relations diplomatiques sont liquides ». Selon lui, autour du
Moyen-Orient se déroule une sorte de « mini-guerre froide » autour de
l’Arabie saoudite et du Qatar, qui s’accompagne d’échange d’argent. Il revient
sur Djibouti : « les américains en ont marre de Djibouti ». Arès
la chute de Beshir, « Guelleh a peur lui aussi ». Sur le Soudan, il signale
la perte de vitalité des vieux partis d’opposition Umma
et DUP. Sur l’Ethiopie, il insiste sur le fait qu’il est impossible de
savoir où elle va et qu’il y un héritage de fédéralisme ethnique qui « est
fait pour traiter les grands problèmes mais pas les petits » alors que le
pays souffre de conflits locaux par exemple sur les langues d’enseignement au
primaire à l’échelle de villages. Il y voit une « bombe à retardement ».
Le
deuxième panel réunit Alain Gascon, géographe spécialiste de l’Ethiopie,
Pauline Brücker, doctorante sur les migrations au CERI à Sciences Po, un
intervenant soudanais, Hassan Sadek, et l’animateur Abdessalam Kleiche d’European Center for Peace in
Horn of Africa. Alain Gascon donne les chiffres des prévisions
démographiques de la Corne de l’Afrique. L’Ethiopie qui comptait 25 Ms d’habitants
il y a 50 ans, en compte 105 Ms et pourrait en compter 191 Ms en 2050. L’espérance
de vie y est de 63 ans. Il décrit des points forts, l’électricité et un réseau
ferroviaire.
Pauline Brücker a étudié les circulations migratoires entre
l’Egypte, Israël, l’Ouganda et les autres pays. Elle explique le processus de
Khartoum de l’Union européenne depuis 2014, qui concerne l’Afrique de l’Est et
la moitié Est de l’Afrique du Nord. Le processus de Khartoum traite des
migrations irrégulières, des trafics, des retours, de l’asile politique et des
possibilités de migrations légales mais rien n’a été fait sur les deux derniers
points. Tout est complètement opaque. Elle souligne la coopération de l’Ue avec
les régimes non-démocratiques. Une conséquence est qu’il se développe l’empêchement
de quitter des pays, ce qui n’était pas du tout l’objectif affiché. Elle
revient sur le scandale de la venue de fonctionnaires soudanais en France dans un
centre de rétention à l’époque d’Hollande, qui a montré l’absurdité de la coopération
avec un pays pour lequel l’Ofpra accorde l’asile politique dans 60% des cas. Elle
remarque que la migration est aussi « le produit de l’impossibilité de
rester » dans certains pays, quand au départ le but n’est pas d’aller en
Europe.
Hassan Sadek fait le point sur la situation au Soudan. Les
manifestants maintiennent la pression dans la rue pour enlever le pouvoir aux
militaires. Il a confiance qu’un consensus puisse être atteint. Selon lui, le
peuple, refuse l’aide financière de l’Arabie saoudite et toute intervention
étrangère.
Mohamed Nagi, du media Sudan Tribune, Arnaud Froger de Reporters
Sans Frontières, Fathi Osman, de la Radio Erena érythréenne, participent au troisième panel sur la médiatisation, animé par
Stéphane Aubouard, journaliste
à L’Humanité. Sur le Soudan Mohamed Nagi insiste sur les militaires
islamistes. Arnaud Froger résume la situation catastrophique de la liberté de
la presse dans la Corne de l’Afrique. A Djibouti et en Erythrée, il n’y a plus
aucun media libre. En Erythrée, 11 ou 18 journalistes sont en prison depuis
2001 et il n’y aucun internet. En Ethiopie, par contre 200 sites internet ont réouvert
et il n’y a plus aucun journaliste emprisonné.
En conclusion de la journée, Saïd Abass Ahamed de Thinking Africa conclut sur les incertitudes en
cours suite aux derniers changements en Ethiopie et au Soudan. La Corne de l’Afrique
mérite un maximum d’attention et de vigilance dans les années à venir.
Régis
Marzin
Paris,
25 avril 2019
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