Un mois après le drame de Sainte-Soline, après avoir compris que, maintenant, des gens se demandent s’il ne faut pas accepter d’être blessé-e-s pour la défense du climat et des terres agricoles, je regarde le film, ‘Last Words’ de Jonathan Nossiter, et je me dis qu’il faut en parler. Je me dis que je croise un nouveau grand cinéaste, peut-être. Ce film est sorti en 2020. Il était sélectionné au festival de Cannes mais le festival a été annulé. Comme beaucoup de choses, il a été sans doute négligé puis oublié parce qu’il est sorti au pire moment. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un film qui a est complètement dans l’air du temps, qui me semble sentir l’évolution actuelle et sans doute future.
C’est un film post-apocalypse comme il y en a beaucoup et c’est beaucoup plus que cela, c’est un film sur le cinéma, mais surtout sur le cinéma et l’écologie, l’écologie dans ce qu’elle a de plus pessimiste, la collapsologie. Le scénario est tiré du roman presque éponyme de 2015 de Santiago Amigorena, ‘Mes derniers mots’. Le film est tellement écologiste dans sa conception, que les acteurs et les techniciens ont été payé de manières égales, sans salaires plus élevés pour les acteur-trice-s célèbres. Jonathan Nossiter se présente comme un cinéaste-paysan. Il est paysan depuis quelques années, associé à un spécialiste de permaculture.
Dans le bonus du DVD, Jonathan Nossiter explique son rejet de l’happy-end à la manière d’Hollywood. Il considère que l’angoisse refoulée à la fin du film rejaillit ensuite plus durement à contretemps. Il a réfléchit pendant six ans au film et a voulu faire l’inverse d’une fin heureuse. Il est question de climat et d’épidémies. Le film sort il y a trois ans en plein confinement du Covid, les angoisses contenues dans le scénario, l’esprit du réalisateur et celles liés à l’actualité sanitaire mondiale à sa sortie, sont définitivement, inextricablement mêlées. Du coup, ce film pourrait rester dans l’histoire comme le film le plus lié à la période épidémique, par le hasard des choses.
Que deviendrait le cinéma dans un monde menacé puis qui s’effondrerait ? Dans cette histoire, il y a des projections faites par les personnages dans des conditions rudimentaires. Les images du film elles-mêmes sont faites pour être vues sur grand écran. On y voit le ‘vert’, plus que jamais dans l’image au cinéma ! On ne peut que penser à l’économie du cinéma, mais aussi aux conditions de vision des films, par exemple, solitairement ou en groupe, avec des gens connus ou pas. L’idéal serait de voir ce film avec des gens inconnu-e-s, grâce à un projecteur et un drap posé sur un mur en ruine, avec des couvertures, dans une friche près d’un feu, au milieu d’autres films …
Régis Marzin
23 avril 2023
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