lundi 16 septembre 2024

Montreuil, 14 et 15 septembre 2024, Estivales de la permaculture

Pendant l’été 2024, l’actualité du climat en Afrique a encore accéléré : les sécheresses ravages l’Afrique australe et au moins deux états ont récemment annoncé le sacrifice d’animaux sauvages tels que les éléphants pour nourrir la population, dans le Sahel les inondations ont provoqué des refugié-e-s et autour de 1000 morts. En Afrique les signaux sont clairs : le réchauffement et le dérèglement climatique s’intensifie. C’est sans doute une des raisons qui m’amène aux Estivales de la permaculture à Montreuil, un festival au programme alléchant, entre conférences et concerts.

J’assiste à quatre des six conférences, surtout consacrées au climat et à l’effondrement. Samedi, le sociologue Thierry Brugvin présente des scénarios d’effondrement et quelques scénarios sans effondrement, qu’il a analysé dans son livre ‘Effondrement : 20 scénarios possibles’. Il s’agit de prévoir le futur sur les deux siècles à venir, certains prévoyant un épuisement du charbon en 2085. Les critères de l’épuisement des métaux, de l’énergie et du climat sont les principaux critères à prendre en compte. Les scénarios vont du plus pessimiste, tel que celui des Etats ou cités forteresses que l’on trouve dans la science-fiction post-apocalyptique, au plus optimiste basé sur une politique mondiale décroissante et écosocialiste. Au milieu, se trouvent quelques scénarios plus technologiques, dont certains basés sur le nucléaire au thorium et au Mox. Le chercheur propose de renforcer les analyses des défenseur-se-s du climat pour rendre plus crédibles et efficaces les luttes.
 
Le scientifique du CEA et communiquant du laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) à Saclay, François Dulac, présente, lui, la vision du GIEC. Le discours est déjà bien médiatisé et plus connu. Il rappelle que les rapports du GIEC sont élaborés collectivement par la communauté scientifique mondiale et qu’ils sont validés à l’unanimité à l’ONU. Le dernier rapport date de 2021. Tout ne peut pas être prévu dans les scénarios, par exemple, un éventuel affaiblissement ou arrêt du Gulf Stream vers l’Europe. Il évoque les vagues de chaleur et le seuil létal, parlant surtout de l’Afrique entre 2070 et 2100. Le chercheur présente par exemple parmi les sujets moins connus, le problème de l’augmentation de l’acidité (baisse de PH) des océans liés au CO2 qui provoque le développement de phytoplancton et de micro-algues, qui peuvent mettre en péril des chaines alimentaires. Il vend aussi le jeu ‘Climat Tic-tac’.

Le dimanche, Agnès Ducharne, du CNRS, se concentre sur la problématique de l’eau dans le climat. Le sud de l’Europe devrait s’assécher progressivement. L’assèchement va remonter vers le Nord. L’agriculture sera fortement impactée. Elle distingue l’eau bleue, liquide et l’eau verte, dans les sols, impossible à pomper. Elle présente des solutions technologiques, rapidement, et des solutions écologiques, plus longuement, la désimperméabilisation des sols en ville, les cultures plus sobres, la permaculture, les infrastructures vertes, la restauration des lits des rivières, avec l’utilisation des castors, le renforcement des normes ou l’hydrologie régénérative, science qui vise à « ralentir, répartir, infiltrer et stocker toutes les eaux de pluie et de ruissellement, et – densifier sa végétation multifonctionnelle, cultivée ou non, pour améliorer leur résilience face à nombre de problématiques liées à l’eau (sécheresses, érosion, canicules, désertification, inondations, fertilité, biodiversité, évolutions climatiques,…) »

Raphaël Stevens s’est fait connaître en 2015 en écrivant avec Pablo Servigne le livre ‘Comment tout peut s’effondrer’, qui a vulgarisé le concept d’effondrement et la « collapsologie ». Il présente des évolutions récentes de la recherche sur le sujet. Certains parlent de ‘Endgame’ et demandent au GIEC de mieux étudier les scénarios les plus défavorables au-dessus de 1,5 degré de réchauffement d’ici 2100. Certains parlent de « défaillances en cascade » plutôt que d’effondrement, d’autres de « basculement » ou de « points de basculement » (tippings points). Le débat avec le public revient sur les actions et les aspects mentaux, en particulier l’éco-anxiété (cf aussi la conférence que je n’ai pas entendue de Laure Noualhat). Les inquiétudes sur le climat provoquent selon lui des phases, par exemple de colère et de paralysie. Un jeune de 11 ans se fait applaudir avec une question sur la possibilité pour les gouvernements de faire du « collapse washing » pour gagner des élections. Le chercheur espère qu’agiront ensemble, les scientifiques sur les modèles et la simulation, les journalistes et les vulgarisateurs, et plus de monde dans des actions de terrain. Il s’inquiète de la question de la démocratie.

Au milieu des arbres des Murs à pêches, entre les stands associatifs, le bar et les stands de nourriture, en parlant aux vieux ami-e-s, sous le soleil frileux d’un piètre été indien puis près du feu, les concerts sont sans doute là pour nous éviter l’éco-anxiété. Le samedi soir est assez punk, avec Sagittarius A, Les Marteaux Piquettes et Abdullah Sheraton. La soirée du dimanche soir commence calmement avec Hillary & the Pinto Pack concert puis Lise cabaret trio. Puis King Kong Meuf vient clore le week-end en beauté et en furie.


Régis Marzin

16 septembre 2024

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