Comme l’an passé, le programme des conférences et concerts des
Estivales de la permaculture à Montreuil, est « alléchant ».
Ce n’est même pas une alternative à la Fête de l’Huma, c’est bien plus, c’est une
destination qui s’inscrit maintenant automatiquement dans mon agenda de fin d’été
et j’y invite un maximum d’ami-e-s. Il s’agit de la dixième édition du festival
depuis 2014. Presque
tous les conférenciers sont déjà venus au festival. Il ne pleut jamais à Paris,
sauf ce week-end-là, et si la météo ne dérange pas vraiment les activités, il y
a moins de monde.
J’arrive à la fin de la conférence de Suzanne Husky
qui présente les activités de régénération des rivières avec ou sans castors. Je
note qu’il est important que l’eau des rivières puissent couler plus doucement.
Si un arbre tombe dans une rivière, c’est utile de le laisser car il peut créer
une modification du cours, un ralentissement, un cheminement de l’eau propice à
plus d’espèces animales. 
Yvan
Sache, professeur à l’AgroParisTech
et à l’Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement,
enchaine sur les pesticides. Son exposé commence par une histoire de l’agronomie
de sa vision classique aux évolutions des années 2000. Il dénonce au passage le
rejet du discours scientifique dans le contexte du vote de la loi Duplomb, qui
ramène 50 ans en arrière. Il énumère quelques maladies qui ont touchés les
plantes en commençant par le mildiou à l’origine de la famine en Irlande entre 1846
et 1851 et qui a créé le besoin de fongicide et amené l’utilisation du cuivre. 
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Les insecticides utilisés massivement depuis 1955
se confrontent de plus en plus à des résistances et deviennent inutiles, ce qui
montre qu’ils correspondent à une stratégie non durable. Ils sont surtout
utilisés dans certaines cultures intensives, en France,
en Ile-de-France et au Nord, autour de Bordeaux et dans les zones viticoles
près de la Méditerranée. Pour limiter l’utilisation des pesticides, plusieurs
voies sont suivies : limiter les contaminations, augmenter la diversité
génétique à plusieurs échelles, du champ jusqu’à la coopérative. Il donne l’exemple
de deux espèces de riz en rang alterné qui en Chine permet d’arrêter une maladie.
Dans les cultures de céréales, le mélange permet aussi de limiter les
fongicides. La gestion de l’information est importante. La confusion
sexuelle est utilisée pour perturber la reproduction d'insectes ravageurs.
En agroécologie, des arbres permettent de jouer sur le nombre de prédateurs. En
ville, l’interdiction des pesticides par la loi Labbé
a été très bien acceptée. Le chercheur compare trois types d’agricultures,
conventionnel, bas intrants et biologique.
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Christophe
Gatineau jubile d’entrée de jeu. La justice vient de reconnaître qu’on
avait oublié les animaux non ciblés dans les protocoles d’autorisation des pesticides,
en particulier les abeilles
et, ses amis dont il est venu faire l’éloge, les vers de terre. Même les
abeilles vivent dans les sols. Le ver de terre sert de nourriture a un grand
nombre de prédateurs. 4400 (7000)
espèces sont dénombrées et les lombrics sont les espèces les plus connues. Le ver
de terre est hermaphrodite protandre, successivement mâle puis femelle. Aujourd’hui,
les vers de terre sont menacés dans les espaces agricoles, par la loi qui
les oublie, les sols nus, le travail intensif du sol, le labour profond, les
engrais de synthèse, les outils tournants comme les rotovators et les
pesticides utilisés fréquemment. Les vers de terre de compost, qui se
multiplient plus vite, ne sont pas menacés.
La pluie tombe pendant 45 minutes avant les concerts, assez
calmes, Célestin, Pépin, et Bernard. 
Le lendemain, les conférences recommencent sur les poissons,
avec la présentation de Sébastien
Moro. De nouveau arrivé à la fin, je me réjouis d’entendre que le labre nettoyeur,
bien que petit, est si intelligent qu’il est plus fort que les chimpanzés et
les éléphants dans le test
du miroir. Le test de biais de jugement permet de percevoir la sentience, la
capacité à ressentir des émotions. La femelle cichlidé zébré en fonction de sa
relation avec un mâle accélère ou ralentit dans des tests, comme si elle était heureuse
ou déprimée. Il estime le nombre d’espèces de poissons à entre 33000 et
36000, très mal connues. Les poissons utilisent des modes de communication
divers, tactile, visuel, acoustique, chimique et même électrique.
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Eric Escoffier revient à Montreuil pour parler de « permaculture
et de systèmes régénératifs ». Il se présente comme formateur de l’association
Permaculture sans
frontières. Son propos est teinté de références à la chimie. Ainsi, en
introduction, il définit les molécules organiques comme celles disposant d’une
liaison C-H (et pas C-C). Il démarre très loin, il y a 2,5 milliards d’années au
démarrage de la photosynthèse oxygénique, au début des ancêtres des algues,
expliquant que, depuis, la photosynthèse des feuilles permet, seule, de créer
la matière organique dont dépendent les êtres vivants. « Nous sommes de la
salade transformée » dira l’intervenant suivant ! Il situe il y a 500
millions d’années la sortie de la vie de la mer. La déforestation a commencé il
y a 12000 ans au néolithique. Les humains ont conduit à une imperméabilisation
des sols. Aujourd’hui, les inondations, les sécheresses et les incendies se
déroulent dans les mêmes espaces. L’étanchéité à l’eau provoque de l’érosion. L’eau
descend trop vite par les rivières. 
Il travaille sur la régénération des sols en utilisant la ‘permaculture
australienne’. Dans la production agricole, un des objectifs est de
multiplier les calories au lieu d’en perdre, pour aller vers plus d’ « abondance ».
Il se concentre sur des principes et voit la technique comme secondaire. Il cherche
à trouver des périodes conjonction humidité-chaleur. Au niveau climat, le pourtour
méditerranéen avec ses périodes longues sans pluie est plus compliqué que le
sahel. La photosynthèse se fait beaucoup à l’ombre. Il est possible de
récupérer les photons dans plusieurs étages de végétations. Plus les plantes
sont serrées et diversifiées, plus elles produisent. Il ne cherche pas à
trouver des ‘associations’. La diversité des plantes peut éliminer un problème
d’escargots et de limaces, par exemple. Il ne désherbe pas. Il travaille sur la
fabrication su sol, la pédogenèse, l’équilibre air/eau du sol, les microorganismes
(bactéries aérobies,
les amibes, les champignons, les ions à 2++, tels que l’ions de Calcium (Ca2+) Le sol est toujours
couvert, jamais travaillé, pour arriver à des strates, d’un sol pédologique,
avec litière, humus, argiles structurés, argiles destructurés. La perméabilité
permet la fertilité. L’eau liquide est toxique. Il conseille de ne pas enfouir les
matières organiques. Il utilise les filaments de champignons saprophytes
et mycorhiziens qui transportent l’eau et décomposent la matière organique et
compte sur la captation de l’eau atmosphérique par les feuilles. 
L’exposé complet serait beaucoup trop long et l’auteur est
obligé de résumer, d’abréger et de continuer par un échange avec les plus intéressé-e-s.
Je le croise vers 2h et nous évoquons, l’Afrique, le sahel et l’Afrique
équatoriale, plusieurs pays dans lesquels il se rend régulièrement.
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Le professeur émérite (en retraite) Luc Abadie termine
sur la biodiversité. Il pourrait y avoir 10 millions d’espèces animales et
végétales, sans compter les milliards de types de microbes. Ce qui met très
longtemps à se faire peut disparaître rapidement sans avoir le temps de redémarrer.
Les espèces interagissent et il faut éviter de modifier. Il est important de
considérer l’hétérogénéité spatiale et temporelle. Nous sommes au début d’une
sixième crise d’extinction. Le taux d’extinction des invertébrés est de 1,5% en
500 ans, mais les extinctions s’accélèrent maintenant rapidement, avec des
débuts d’exponentielles dans les courbes. Cela touche les insectes, les
oiseaux, la mer, etc. La diversité des espèces et génétique offre une sécurité.
Les causes de la perte de biodiversités se trouvent dans la pollution, la
destruction des milieux naturels, la surexploitation des ressources, le
changement climatique, les espèces envahissantes. Les causes principales sont
liées à l’agriculture, qui impacte à la fois le climat et la biodiversité. En Europe,
25%
des oiseaux ont disparu, en nombre. 
Le changement climatique provoque des déplacements d’animaux
et de plantes. Dans le futur, la chaleur dans l’humidité va provoquer, dans certaines
parties du monde, des risques
important pour la santé, par difficulté à transpirer et pourrait provoquer
des migrations climatiques. Les arbres ne pourront pas bouger assez vite. Tout
en se méfiant des discours positifs sur l’adaptation, Luc Abadie essaye de ne
pas être trop négatif et de terminer sur des opportunités, en évoquant le
reverdissement des villes. Répondant aux questions, il évoque la question délicate
de la responsabilité de la situation dans l’agriculture. Les solutions
complexifient et augmentent le temps de travail.
Le festival se termine de manière beaucoup plus bruyante que
la veille, avec The
Red Riding, qui met la scène à feu et à sang (la photo), Lipstick vibrators
et le rock joyeux de Louis
Lingg and The Bombs. 
Régis Marzin
15 septembre 2025