mardi 24 juin 2014

24 juin 2014, Paris, conférence sur la Centrafrique

Le Parti Communiste Français (PCF) et le Comité d'Action pour la Conquête de la Démocratie en Centrafrique (CACDCA) organisent une conférence intitulée "Ingérence, partition ou souveraineté et solution de progrès ? Quel avenir pour la République Centrafricaine ?" avec de gauche à droite, Dominique Watrin, sénateur, François Passema, Président du CACDCA, Dominique Josse, responsable Afrique du PCF, Lydia Samarbakhsh, responsable des relations internationales du PCF, Michèle Demessine, Sénatrice , membre de la commission des affaires étrangères et de la défense, Lydia Samarbakhsh, responsable des relations internationales du PCF (le reporter Pierre Barbancey est excusé).
Dominique Josse anime de débat et revient sur l'opération Sangaris pour 'éviter le pire', en restant dans une logique 'coloniale', sans politique, sous-entendue, sérieuse et assumable.
Michèle Demessine commence par préciser qu'elle est à l'écoute des propositions, et, cela me semble une position normale d'élu-e-s: faute de temps, les élu-e-s ne peuvent suivre l'actualité africaine au rythme des journalistes ou des associations. La sénatrice est rentrée pessimiste d'une délégation en avril en RCA à la vue de l'absence totale d'Etat.
François Passema précise que les centrafricains ont demandé une intervention pour sauver "un peuple en danger". Il pense que la France doit réparer après 50 ans de responsabilité historique. Il réclame un déploiement des forces militaires françaises, africaines, et de l'armée centrafricaine, une fois reconstituée, dans les 16 préfectures. Selon lui, le conflit religieux n'existait pas et est arrivé du Soudan et du Tchad. Il passe également du temps à critiquer les politiciens centrafricains issus du système dictatorial et se montrant dans les media pour essayer de conquérir le pouvoir. Il insiste sur la reconstruction des services publics et propose une "compagnie centrafricaine de gestion des mines et des forêts".
Lydia Samarbakhsh s'exprime sur le poids des dictatures en Afrique centrale soutenues depuis Paris, la position atlantiste de la politique française, dans le choix d'assurer la sécurité de l'Europe, et la conception 'militarisée' de la politique française.
Dominique Watrin est peu convainquant. Il commence par faire une erreur sur l'affaiblissement des Etats en Afrique centrale susceptibles de subir des coups d'Etat. Seul l'Etat centrafricain est faible, car, au contraire, la majorité des Etats dictatoriaux sont forts, militairement, bien qu'incapable de répondre aux besoins des populations.
Pendant le débat avec la salle, le rôle prépondérant de Déby dans la crise et les compromissions du gouvernement français par rapport au dictateur tchadien sont rappelés. Un intervenant centrafricain dans la salle souligne les responsabilités centrafricaine et le fait que les "musulmans étaient martyrisés". Le mot semble fort, parce que, plutôt, avant la Séléka, ils et elles étaient considéré-e-s comme étranger-ère-s et qu'il y avait un conflit sur le contrôle de l'économie.
Des propositions sont abordées : une conférence internationale, réunissant au-delà des pays d'Afrique centrale (CEEAC), une assemblée nationale constituante, la construction d'une démocratie locale autant qu'une élection présidentielle, d'une redéfinition de la transition. Le rapport d'International Crisis Group et ses recommandations pour une transition vers la démocratie sont évoqués. Il est aussi question du "vivre ensemble" entre musulman-e-s et autres centrafricain-e-s.
Le débat se termine sur des points de vues contradictoires sur la demande d'intervention française: dans le public, certain-e-s souhaitent que rien ne soit demandé aux dirigeants français en raison de la Françafrique, ou il est au contraire question de l'exigence d'un suivi international plus sérieux pour éviter la poursuite des massacres et de la guerre, en concertation entre gouvernement français, Union européenne, ONU, sachant que le gouvernement français, sans pression, en restera à un minimum de soutien d'une transition démocratique réelle. Evidemment, il y a consensus sur l'impossibilité d'organiser une élection présidentielle en février 2015: est-ce que le calendrier venu de Laurent Fabius n'est pas un gage donné aux voisins dictateurs pour les rassurer sur le fait que la crise centrafricaine ne servira pas de levier pour promouvoir et débloquer la démocratie en Afrique centrale?

dimanche 22 juin 2014

22 juin 2014, Aubervilliers, Fête des assos

Je vais tranquille à la fête des associations d'Aubervilliers, cet année, préférant discuter que faire des photos. Il y a de la danse et de la musique, et je vois plein d'enfants et d'ados heureux-ses. Tant mieux! Je retrouve aussi toutes les associations liées aux migrants et aux 4 coins du monde, les associations sur l'environnement, les jardins comme l'an passé. Je me demande comment pourrait s'améliorer le mélange et le dialogue des cultures. A la fin, je n'ai aucune photo jolie, si ce n'est celles d'ami-e-s. Du coup, voici une photo sans intérêt juste pour illustrer ma discussion avec l'association la plus originale du jour, l'Association pour un Collège Coopératif et Polytechnique à Aubervilliers. L'idée m'intrigue, et, je discute assez longtemps avec une professeur enthousiaste. 
Est-ce que l'idée est d'ouvrir un collège ou aussi d'améliorer des collèges existants ? Quel est la différence entre 'coopératif' et 'autogéré' ? Est-ce que les enfants et parents d'élèves consulté-e-s iront dans les directions espérées par les initiateur-trice-s ? Est-ce que ce n'est pas vouloir aller trop vite en réfléchissant sur une école 'idéale' ? Quelle spécificité 'géographique' dans une ville 'pauvre'? En acceptant l'idée d'une impasse socio-politique comme compris dans les "villes en transitions", quelle école pour quelle société et métier ? Est-ce que l'école apprend une obéissance utile ? Est-ce qu'une catégorie intellectuelle en pensant ainsi ne s'isole pas ? Est-ce que le rêve le plus répandu n'est pas d'oublier une perception de pauvreté perçue comme stigmatisante pour  essayer de ressembler à un imaginaire 'inverse' riche et conventionnel ? Face à tant de questions, est-ce que les débats et le processus qu'ils engagent ne sont pas essentiels ? Est-ce que dans cette ville, il n'y a pas encore plus qu'ailleurs de questions sans réponse ?

dimanche 15 juin 2014

14 et 15 juin 2014, Montreuil, Festival Ta Parole

Le festival Ta Parole symbolise-t-il le début d'un été ? J'ai loupé les jours précédents, et, quand j'arrive ce samedi, à la Parole Errante, à Montreuil, je retrouve des ami-e-s bénévoles. Le premier concert vient de commencer: Radio Elvis.
Je ne le sais pas encore: j'aimerai tous les concerts. L'avantage en écrivant cet article, c'est que je ne vais pas prendre la peine de dire pourquoi. Faites-moi confiance s'il-vous-plait ! A ta Parole, la prog' est excellente.
Eskelina est arrivé de Suède il y a 8 ans, et vient enrichir la chanson francophone.
Dans la cour, pendant 2 jours, ce sont les Cotons-Tiges qui officient, qui occupent le terrain à caque pause. Au début , une chanson paillarde m'évoque "les femmes du bus 678", selon le contexte, l'humour est plus ou moins drôle. Petit à petit, un dialogue s'établit entre le public et les 3 musiciens, et moi, je dois reconnaître leur talent.
Musicalement, j'aime beaucoup "3 minutes sur mer".
Un intermittent explique la lutte autour de l'accord de l'Unedic qui justifie l'annulation de nombreux événements.
Nevché vient de Marseille avec ses textes engagés...
... avant l'ironie grinçante et la philosophie sociale tranquille de Zoufris Maracas, qui soulèvent le public. Hein ! Comment? Mais oui! Exemple, il blague: "est-ce qu'il y a des bretons dans la salle ? parce qu'avec eux, à 50, on dirait qu'ils sont 5000", et ça marche ! Les textes sont très bons, c'est pour cela.
Le dimanche, la chanson française redémarre avec Richard Desjardins, qui déclame aussi des poésies. Il a le contact facile et l'humour décapant qui n'épargne ni le vatican ni la mecque.
Titi Zaro ce sont deux musiciennes de la réunion, multi-instrumentistes, qui composent des morceaux sur la base d'une musique traditionnelle.
La percussionniste de Titi Zaro chante ensuite avec René Lacaille, chanteur de maloya détendu qui évoque ses 60 ans de carrière ! La philosophie est plus dans la musique.
Dès qu'HK entre sur scène avec ses saltimbanks, c'est l'euphorie. L'ambiance se réchauffe en moins de 10 seconde. C'est aussi un plaisir de photographe d'essayer de saisir les mouvements des musiciens et chanteurs déchaînés. Saïd de Map est là aussi. C'est mon meilleur concert d'HK et les saltimbanks, groupe que j'ai déjà entendu plusieurs fois. L'an passé, ta Parole finissait en douceur, et cette année, ça finit en furie, avec le public sur la scène.

vendredi 30 mai 2014

30 mai 2014, Paris, Djibouti dans l'impasse

Un avocat et militant des droits humains djiboutien important est de passage à Paris. Me Zacharia, président de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH) est accueilli dans une conférence de presse en son honneur par l'Union du Salut National. Maki Houmed-Gaba, le représentant de l’USN en France répond également aux questions de la salle. La situation est bloquée depuis l'inversion du résultat des législatives de février 2013, des manifestations sont régulières. DAF, Daher Ahmed Farah, en est à sa 17e arrestation arbitraire, et d'autres opposants à la dictature purgent des peines de prisons longues. La répression ne fait qu'augmenter depuis janvier 2014, alors que le régime accumule de signes de soutien des occidentaux en accueillant toujours plus de bases militaires. La Chine aussi y vient. D'autres intervenants participent également aux débats, comme indiqué dans le compte-rendu de la conférence
Je pose une question sur les médiateurs extérieurs qui interviennent au niveau des discussions avec ou pressions sur le dictateur IO Guelleh, pour aller vers des réformes constitutionnelles qui permettraient une alternance politique. La réponse concerne plus précisément l'inversion du résultat de 2013. Selon le représentant de l'USN, l'Union européenne a demandé au gouvernement de Djibouti de justifier du résultat officiel en publiant les procès verbaux, mais Djibouti ne répond pas à l'Union européenne, évidemment ! L'Union européenne soutient plus ou moins maintenant l'USN dans sa réclamation sur les législatives. Une manifestation devrait avoir lieu à Bruxelles en Juin pour réclamer plus de soutien. Il est aussi plusieurs fois question de la présence militaire dans le pays. Elle justifierait de s'impliquer face à la survivance d'un régime qui ne tient que par le soutien occidental et par le loyer des bases militaires, française et américaine en premier lieu.

jeudi 29 mai 2014

25 mai 2014, Paris, colloque sur le génocide des Tutsi du Rwanda

Le mois d’avril 2014 a montré une « bascule »du côté de la vérité contre le négationnisme surtout grâce à l’expression et au travail des journalistes qui se sont majoritairement placé-e-s du côté d’une dénonciation des acteurs français. Le Mémorial de la Shoah participe activement à la 20e commémoration du génocide des Tutsi du Rwanda.L’enjeu se porte plus que jamais sur la vérité et la justice sur la participation française dans le génocide, aussi, la collaboration avec l’association des rescapés Ibuka France permet d’aborder très largement l’implication française. Après un colloque en mai 2013, le colloque du 25 mai 2014 "1994 : Le génocide des Tutsi au Rwanda. Les grands témoinsrassemble une grande partie des meilleurs spécialistes du dossier.
Panel 1: de gauche à droite: Richard Mugenzi, Jean-François Dupaquier, Florent Geel, et sur la photo, Bernard Kouchner et Patrick de Saint-Exupéry.
Quand j’arrive à 11h10, Bernard Kouchner vient de prendre la parole : j’ai manqué les interventions de Patrick de Saint-Exupéry et de Richard Mugenzy. René Degni-Segui, ex rapporteur de l’ONU, indiqué ‘sous-réserves’ au programme n’est pas à la tribune. A cette tribune, auprès de Patrick de Saint-Exupéry et Bernard Kouchner, se trouvent aussi Jean-François Dupaquier et, l’animateur, Florent Geel de la FIDH.
L’ancien président de Médecins Sans Frontières et ministre raconte son expérience sur le terrain, sa volonté d’une intervention humanitaire. Il explique ses discussions avec Roméo Dallaire, dont les 400 hommes au service de l’ONU auraient pu arrêter une grande partie des massacres. Bernard Kouchner aurait voulu que les massacres soient empêchés aux barrages : « il fallait tirer ». Il relate ses divergences avec Kagamé sur le sauvetage de l’hôtel des 1000 collines, sur les priorités dans les groupes à sauver. Il explique avoir voulu impliquer Mandela, fraichement libéré et arrivé au pouvoir, d’où son voyage avec Mitterrand en Afrique du sud (juillet), un échec. Avant Turquoise, il a vu à Juppé et l’a poussé à intervenir, il a vu deux fois Mitterrand, lui demandant aussi d’intervenir. « On ne nous croyait pas, il y avait une propagande avec une inversion des rôles », précise-t-il. Mitterrand lui a dit : « vous exagérez ». Selon lui, « Balladur et Léotard ne voulaient pas d’une intervention ». Il dit être allé parler sur la Radio 1000 collines, la voix des génocidaires, « parler au milieu des assassins ». Il explique qu’avec l’ambassadeur Gérard Larome, il a essayé de convaincre Kagamé d’accepter Turquoise. Il n’avait pas prévu que Turquoise aiderait la fuite des génocidaires : « J’en ai reparlé à François Mitterrand » souligne-t-il, d’un air désabusé. Un moment, il dit aussi : « j’ai marché dans la bouilli », évoquant les cadavres sur le sol.
Bernard Kouchner parle de la suite, des 20 ans, depuis. Il y avait un « bloc incessible », avec la procédure du juge Bruguière, une « cécité sinon complicité ». Ensuite, ministre, il a « créé le pôle du TGI ». « Le quai d’Orsay était prudent, avec Bruguière, il y avait déjà les mandats ». Par Rose Kabuye, il y a eu l’accès au dossier, et on comprend pour le MAE aussi : « nous n’avions pas accès au dossier ». Le MAE « négociait », puis il y a eu la rencontre Sarkozy – Kagamé. Pour lui, « la justice change plus ou moins, et le pôle génocide était la seule manière d’avancer ». Il évoque la séparation judiciaire, exécutif, législatif qui empêche de parler : « on se tait ». Alors, un journaliste dans la salle, Alain Frilet, l’interrompt, et lui dit que certains parlaient mais qu’il n’y avait pas d’ « écoute ». Alors, l’homme politique se met en colère : « J’ai pas parlé… c’est pas assez tôt ! », et il se calme aussitôt, dit qu’il ne faut « pas confondre » (les périodes ?). Puis, il revient sur les 20 ans, sur l’accusation de Kagamé de « participation » pendant l’ « organisation ». Il indique « on l’a démontré, la participation dans l’organisation ». Il reste nerveux, parle vite, ma prise de note peut comporter un décalage avec les mots exacts. Ensuite, il indique «  Taubira devait y aller ». Parlant des « erreurs politiques de François Mitterrand », selon lui, « il ne se rendait pas compte » de la situation réelle, telle que l’on l’a comprend maintenant. « L’honneur de l’armée n’est pas attaqué » car il y avait « des ordres ». Mitterrand était focalisé sur « Fachoda », « l’erreur est politique et pas militaire ». « Les belges ont fait un débat au parlement » alors que rien n’a été fait en France. Il y a des « documents ». Il insiste sur un point : « Il faut que l’on révèle qui a donné les ordres à Bisesero ». Il rappelle qu’il « a proposé un Tribunal Russel », précise qu’il y a des « ordres auxquels des militaires ont participé aussi ».
Quelques personnes du public, se sont permis de l’interrompre, avec un ton ou des sous-entendus accusateurs. Par exemple, quelqu’un lui parle des « protections » au niveau des ministères, et il réplique « le MAE n’a pas fait grand-chose, mais il s’est protégé aussi ». Il a répondu chaque fois, et il conclut par « je suis prêt à me faire engueuler une autre fois ». Est-ce que le niveau de colère instantané ne correspond pas au niveau de son « curseur » dans les révélations ? Un peu de colère signifie qu’il ne dira que ce qu’il pense être bon de dire. Par rapport au colloque il y a un an, il y a un chemin de parcouru. Au colloque du 26 janvier 2014, déjà, il avait commencé à être plus précis. Il reste dans la salle, cette fois.
Panel 2: de gauche à droite :Alain Verhaagen, Alain Frilet, Wolfgang Blam, Boubacar Boris Diop.
Les « grands témoins » suivants s’installent ensuite autour de l’animateur : Alain Frilet, ancien grand reporter, de Libération : Wolfgang Blam, médecin de coopération allemande, Alain Verhaagen, ancien de MSF Belgique au Rwanda en 1994, et l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop.
Je viens quelques jours avant de voir un documentaire dans lequel Wolfgang Blam témoignait sur un génocidaire en France. L’homme n’a pas beaucoup témoigné, encore, il parle avec un peu d’émotions des 6 semaines de génocide qu’il a vécu. Il présente d’abord le contexte, évoque les années précédentes : « il y avait des attentats et massacres tous les ans. Au niveau de la communauté internationale, avec les accords d’Arusha, on nous faisait entrer dans un piège. »
Il raconte le début du génocide. Sur le coup d’état, il explique que les membres de l’opposition était visé, par exemple, un de ses collègues médecin, qu’il a été obligé de cacher. Ce n’est qu’après une semaine qu’il a comprit que les Tutsis était visés et que ce n’était pas seulement un coup d’Etat. A Kibuyé, les Tutsi ont été rassemblés dans un stade, il fallait leur fournir de l’eau et des toilettes. Il a commencé à reconnaître une manière de faire un bouc émissaire comme les nazis. Après une semaine, le vendredi, il y a eu un premier massacre dans une école, il est allé avec une ambulance : les morts étaient tués par machette, massue, grenade ou fusils. Il a compris que d’être médecin pouvait être compris comme être « complice », donc « dangereux ». Puis le samedi, il y a eu un massacre à l’église, et le mardi après-midi et le mercredi matin, le grand massacre du stade. L’aide humanitaire ne suffisait plus, il fallait « analyser pourquoi la situation ». Wolfgang Blam résume ainsi les 3 premières semaines : 1 semaine de regroupement, entassement, 1 semaine de grands massacres, puis 1 semaine de petits massacres. Pour les petits massacres, il donne les exemples de la famille d’un de ses collègues et de la famille de sa femme. Il est parti quand il n’y avait plus personne qu’il connaissait à protéger. Il dit « J’ai vu des enfants qui tuent des enfants, des femmes qui tuent des femmes ». Il s’interroge sur la mémoire, et l’oubli, le lien aux émotions.
Alain Verhaagen était pour Médecin sans frontière Belgique au Rwanda pendant le génocide. Lui a au contraire énormément témoigné déjà, en particulier dans des procès en Belgique. Il a voulu montré que le génocide était prémédité et pas né d’une colère spontanée. Il raconte le négationnisme en Belgique, surtout des universitaires, mais aussi d’un lobby religieux parce que les politiciens chrétiens belges étaient proche d’Habyarimana. Heureusement, à partir de 1990 le gouvernement belge avait changé de position et des journalistes ont travaillé sérieusement sur le génocide.
Il raconte comment, au moment de Turquoise, des hélicoptères ont tirés sur le campement de MSF Belgique, malgré les drapeaux. Comme je suis assis derrière Bernard Kouchner, je le vois et l’entends réagir négativement à cette histoire.
Alain Verhaagen souhaite montrer des photos des massacres, des corps, il insiste sur les corps tétanisés, morts de peur. Il montre les corps dans une église tués par des grenades à fragmentation lancé par un trou dans le mur. Il dit qu’il a compris qu’ « édulcorer les images », c’était aussi par « intérêt ». Bernard Kouchner quitte vers ce moment son siège et sans doute la salle. Alain Verhaagen décrit l’organisation des Interhamwés, de la garde présidentielle, et des gendarmes. Il évoque un « caractère ‘pilleux’ », un « conditionnement » lié à la religion, le principe d’obéissance à l’autorité. Selon lui, une autre preuve du caractère « non spontané », s’observe dans un choix laissé à des femmes par les Interhamwés, celui d’être violée (un enfant ‘Hutu’ naitrait d’un père ‘Hutu’ et une mère ‘Tutsi’) ou d’être mutilée (ne plus pouvoir avoir d’enfant (‘Tutsi’)).
Boubacar Boris Diop parle de la difficulté en Afrique de s’informer sur le génocide. Lui, a compris pendant un voyage au Rwanda en 1998. Selon lui, « un poids néocolonial pèse toujours sur la presse africaine ». L’arrivée au pouvoir de Mandela attirait toutes les intentions. Réagissant à une question d’Alain Frilet, il lâche « la Françafrique est plus complexe : la gestion des élites est une des composantes, avec des ONG, des écrivains, des journalistes, il y a une gestion de proximité ». .. Il y a aussi «l’auto-racisme, dans la légitimation de ce qui a servi à vous soumettre».
 Panel 3 : de gauche à droite : Jean-Pierre Chrétien, Stéphane Audouin-Rouzeau, Marie-France Cros.
Après une courte pause pour le repas, le colloque reprend sur le racisme. Aussitôt, je doute de la pertinence du terme ‘racisme’ : le mot n’est-il pas employé en ce moment exagérément ? S’il n’est pas question de ‘races’, s’il est question d’ ‘ethnies’ artificiellement créés à partir de classes sociales, figées par des cartes d’identité, pourquoi parler de ‘racisme’ ?
Jean-Pierre Chrétien parle de la « cristallisation d’un racisme », d’un « génocide résultat d’un projet raciste, projet résistible, pas inévitable. » Il préfère, plutôt qu’un exposé, un récit personnel de sa lutte sur le sujet. Entre 1990 et 1993, il a vu venir le génocide, il y a eu des alertes : après le massacre de Bugesora, il y a eu une forte réaction au Rwanda, et une mission d’enquête associative, le passage à la télévision de Jean Carbonare. Il a contacté par courrier Kofi Yamgnane et Jean Auroux, qui n’ont jamais répondu. La MIP de 1998 a parlé d’une « course contre la montre entre la logique de démocratisation et la logique du racisme ». D’ailleurs, le 16 avril, Hubert Védrine a réutilisé l’expression « course contre la montre ». Pendant le génocide, l’information était surtout « comme un disque rayé », les « media reprenant des éléments de langages », comme « guerre interethnique ou reprise de la guerre civile ». On parle de 100 jours, mais « la grande masse des morts, c’est avril ». Libération a parlé de génocide de 26 avril et le Monde le 30 juin. Il a lui-même inventé l’expression de « nazisme tropical ».
Avec la MIP de 1998, il y a eu des « auditions sans assez d’enquêtes », et un « rapport négocié ». Ensuite, est venu l’occultation avec Péan et Bruguière, avec une « volonté de disqualifier les chercheurs, qui continue aujourd’hui ». En 2014, c’est « une nouvelle vague de déni », en atteste le rapport du 6 avril 2014 sur le site de la fondation Mitterrand (6 avril, Le rôle de la France au Rwanda en 1990-1994: des accusations infondées) ou un texte de la Fondation Jean Jaurès (13 mars, Rwanda: Bisesero, étude de cas)
Marie-France Cros a couvert le Rwanda avant le génocide pour la Libre Belgique. Après un article critique, le régime rwandais l’a invité pour la pousser vers sa propagande. La répression était forte, et les témoins devaient prendre des précautions pour parler de la dictature. Des opposants mourraient parfois dans des accidents de voiture. Les déplacements étaient contrôlés, ce qui est resté encore un peu. Les avocats n’existaient pas, il y avait des personnes avec des licences de l’Etat qui pouvaient perdre leur licence.Selon elle « le racisme le plus visible était celui des missionnaires ». Il y avait un « paternalisme belge », pas d’impérialisme comme pour les français. La société était très hiérarchisée. « Une mise en scène du régime se faisait dans le sens de la simplicité, ce qui plaisait au milieu catholique. Habyarimana était soutenu en Belgique par les partis chrétiens, surtout par les flamands. Elle a failli perdre le dossier sous la pression de « chrétiens ».
Selon elle « le racisme le plus visible était celui des missionnaires ». Il y avait un « paternalisme belge », pas d’impérialisme comme pour les français. La société était très hiérarchisée. « Une mise en scène du régime se faisait dans le sens de la simplicité, ce qui plaisait au milieu catholique. Habyarimana était soutenu en Belgique par les partis chrétiens, surtout par les flamands. Elle a failli perdre le dossier sous la pression de « chrétiens »
 Panel 4 : de gauche à droite : Philibert Gakwenzire, Marcel Kabanda, Hélène Dumas
Un deuxième panel intervient sur le ‘racisme’.
L’historienne Hélène Dumas propose son analyse très bien ancrée dans la culture et la langue rwandaise. Selon elle, il y avait une « puissance performative des discours », les paroles étaient en eux-mêmes des actes forts. Le registre religieux a été utilisé. Les lieux ont été pensés, des lieux de cultes ont été choisis. « 40% des victimes » sont décédées dans des lieux de cultes, et le clergé a aussi participé. « Les Tutsi étaient renvoyés vers un monde non-chrétien, vers une « bestialité diabolique ». Dans les villages, existaient des lieux nommés CND (Conseil National pour le Développement), où se regroupaient des Tutsi pour se protéger, alors, ces regroupements étaient interprétés comme des signes d’alliance avec le FPR. Des cadavres ont été jetés dans des latrines. Le vocabulaire de la chasse et de l’élevage a été employé pour animaliser, cependant le terme Inyenzi (cafards) avait pris un sens plus guerrier comme synonyme de soldat du FPR. Une langue du génocide est apparue. Le corps a aussi été décrit pour justifier la cruauté puis des violences. Sans doute, que l’hypothèse théorique de violences d’autant plus fortes que la différence physique est faible pour créer une différence et justifier des actes est à considérer. « L’ennemi est créé par la souffrance, le corps de l’ennemi est créé par la cruauté. » Elle prend des exemples : un cœur de femme ou un cerveau d’étudiante en médecine montrés ! Il y avait « une exhortation à retrouver une langue ‘Hutu’ », « une séparation des ‘histoires’ », un mythe de « retour à la pureté originelle ». Elle évoque aussi le pillage.
Philibert Gakwenzire est un jeune historien rwandais. Il a étudié sur une région la genèse du génocide depuis 1959, dans les massacres du début de l’indépendance. Il parle d’ « exportation des massacres », des « viols vus comme des faits mineurs ».
Panel 5 : de gauche à droite : Richard Mugenzi, Raphaëlle Maison, Jean-François Dupaquier, Yves Ternon.
Pour commencer, Jean-François Dupaquier commence par rectifier ou compléter le titre de cette partie du colloque : la France… on parle « une trentaine de personnes » en réalité. Ce correctif n’est pas anodin, et je suis d’accord.
Yves Ternon présente le rôle de la France, dans un résumé d’une efficacité et d’une précision de métronome. Depuis des années, j’ai été à beaucoup de débats, et je n’ai jamais entendu une synthèse aussi claire. Travaillant moi-même sur des textes de synthèses, j’ai remarqué que la commémoration a provoqué ce besoin de sortir des détails et des affaires pour récapituler l’ensemble de la participation française à partir des points essentiels. Quand c’est Yves Ternon qui le fait, c’est un historien de renom, reconnu, qui le fait, et l’auteur de ‘L’État criminel. Les génocides au XXe siècle’, le fait au Memorial de la Shoah.
Yves Ternon fixe le cadre : les indépendances, puis la Françafrique. Dès 1981, François Mitterrand est sensible à ‘Fachoda’. Habyarimana devient un bon élève de la Françafrique et en parallèle, la politique française commence à ignorer la politique du dictateur rwandais concernant les 340 000 réfugiés Tutsi hors du Rwanda. Avec le discours de la Baule, du 20 juin 1990, le discours officiel devient  « le soutien des régimes qui développe la démocratie », et c’est exactement l’inverse qui se fait au Rwanda, et surtout à partir de l’attaque du FPR du 1er octobre 1990.
Avec Noroît, le 8 décembre 1990, la désinformation est déjà là. 30 personnes représentent la France, surtout l’Elysée et le MAE avec les ambassades. Les « techniques de la guerre révolutionnaire » (de Trinquier, à Muchielli) sont reprises, et la collaboration avec les services secrets rwandais démarre. Le FPR est vu comme terroriste. FerdinandNahimana intoxique avec sa « théorie du complot ».
« Les dirigeants français sont convaincus des théories racistes ». Malgré les alertes, comme celle de la publication des ‘10 commandements’, « l’armée française, l’Elysée, l’ambassadeur Martre, sont incapables de prévoir l’extermination » (erreur sur Martre et Galinié). Il y a une « accélération de la désinformation, et cette désinformation est acceptée par les dirigeants français, puis développée. » « Le colonel Galinié commandant Noroît est inquiet et il est remplacé par le Cussac, qui lui adhère » à la désinformation. Avec la « propagande noire », les accusations en miroir, la désinformation augmente encore, mais l’officier français adhère. Il y a les « messages imaginaires » du FPR que raconte Richard Mugenzi. « Hubert Vedrine est le principal manipulateur » avec comme autre décideurs « l’amiral Lanxade, Bruno Delaye, et François Mitterrand malade ». Il y a « une aide militaire en même temps que l’acceptation de la menace du génocide ». Après le « Le rapport de Bagosora sur l’Ennemi intérieur », « militaires et politiciens le considère comme possible ».
En 1992, c’est la création des Interhamwés et de la coalition extrémiste CDR, de l’Akazu, du rezo 0, puis arrive le massacre de Bugesera. L’autre versant, avec la fatigue et le refus de la guerre, ce sont les négociations à Arusha. Le CDR, essaye de détruire le processus. « A des barrages, des soldats français livrent des Tutsi », « les militaires apprécient l’expérimentation ». En Juin 92, le COS et la DRM sont créés, puis les DAMI sont renforcés. « Fin 92, début 93, la mission Fidh, Eric Gillet, HRW, Alison Desforges, Survie, Jean Carbonare dénonce la désinformation et les massacres ». Jean Carbonare passe sur France 2. En février 93, il y a 250 morts à Gisenyi et l’offensive du FPR. C’est l’époque où « Stefen Smith est ‘retourné’, avec plein d’autres ». Le 29 mars 1993, le PS perd les élections législatives, Balladur, Juppé, Léotard arrivent au pouvoir. En août 93, les accords d’Arusha sont signés. Les 21 octobre au Burundi, l’assassinat du Président Melchior Ndadaye provoque des massacres de Tutsi. L’armée française quitte en décembre 93.
Yves Ternon en arrive au génocide. Il retrace les faits : Bruno Delaye accuse le FPR. L’ambassadeur Marlaud réunit des génocidaires juste avant la formation du gouvernement (GIR), alors que « des négociations auraient pu avoir lieu avec des opposants ». « A l’ONU, la France demande le retrait de la MINUAR ». Le 27 avril, des membres du GIR sont reçus à L’Elysée, venant pour « recevoir des armes ». « L’achat des armes est maquillable facilement ». La désinformation continue. Il y a une peur d’une intervention de l’Afrique du Sud. Le colonel Rosier qui prépare Turquoise est aussi en contact avec un génocidaire, le lieutenant-Colonel Anatole Nsengiyumva (à vérifier). Le 23 juin, arrive des forces pour une guerre. Puis à Bisesero, « Marin-Gillier découvre les survivants », et « l’appel à l’aide est ignoré par le colonel Rosier ».
« La responsabilité est écrasante » conclut l’historien.
Une remarque se glisse sur la naïveté de Bernard Kouchner par rapport à Mandela …
Raphaëlle Maison, juriste, intervient sur les progrès de la recherche et l’état des connaissances. Elle souhaite que les universitaires travaillent ensemble. Elle commence par dresser la liste des universitaires écrivant sur le sujet, remarquant qu’il y a plus de travail sur les suites du génocide et le négationnisme, et que les progrès sont venus des journalistes, et des associations, dont elle dresse aussi une liste. Il est d’abord question des universitaires et de la volonté, en tant que tel-le-s, de faire face à la participation des acteurs français dans le génocide. Selon Raphaëlle Maison, le risque actuel est que les universitaires ne remplissent jamais leur rôle dans l’élucidation. Elle ajoute, que le manque de lien entre les différents domaines est un frein : « étude de l’histoire politique, étude coloniale, étude des doctrines militaires, de l’espionnage, de la Françafrique », devraient être entrepris, et, pour l’instant le manque de  travail dans l’ensemble des disciplines fait blocage. Selon elle, les universitaires ne produiront pas la même chose que la justice. Le rapport au savoir est en jeu comme avec la guerre d’Algérie et Vichy.
Elle aborde ensuite la « complicité de génocide ». Elle rappelle un passage du livre de David Servenay et Gabriel Périès, « Une guerre noire », le fait que Quilès et la MIP ont permis d’éviter le TPIR. Il y a un risque de « disculpation pénale ».
Elle résume à son tour les faits :
-        90-93 : le soutien politico-militaire dans la guerre civile, sous les formes de la formation des FAR et des forces de l’ordre, les livraisons d’armes (et un 4e point). Dans les négociations d’Arusha, en parallèle, un engagement  militaire, qui fait que la neutralité n’est pas présente.
-        les questions de l’attentat de l’avion et du meurtre de deux gendarmes
-        la formation du GIR
-        pendant Amaryllis, les abandons, la non-intervention, les livraisons d’armes
-        pendant la suite du génocide : le soutien diplomatique au GIR, la tendance à ‘rétablir un équilibre’ selon le g.al Quesnot, le rôle de Paul Barril et le rôle d’éventuels mercenaires
-        pendant Turquoise : les 27-30 à Bisesero et la fuite des génocidaires aux Zaïre, les exactions donnant lieu à enquêtes pénales
-        les positions par rapport au TPIR
-        les suites de la relation France-Rwanda
-        le négationnisme
Pour elle, « la collaboration » est plus à relier à la « politique coloniale », aux « massacres coloniaux », à une « politique africaine secrète, en petit cercle ». Elle propose pour l’ouverture des archives, un « groupe de recherche pluridisciplinaire. », qui puisse « identifier les sources, les travaux » et viser une « première évaluation universitaire ».
Jean-François Dupaquier souligne que beaucoup de documents sont déjà disponibles chez les journalistes, et que c’est la classe politique qui est dans « un refus et une incapacité », il demande s’il faut « une nouvelle initiative citoyenne, ou un tribunal Russel  pour dépasser le refus de la classe politique ».
Raphaëlle Maison, « partagée », répond qu’en théorie, une « enquête parlementaire » serait adaptée.  Elle insiste sur la nécessité pour les universitaires d’ « imposer la thématique ».
Jean-François Dupaquier préfère ensuite revenir sur le témoignage de Richard Mugenzi, qui a déjà parlé le matin. Il le questionne alors en direct.
JFD : « Est-ce que vous avez-vu Paul Barril et ses mercenaires ? » RM : « Paul barril était à Gisenyi en 94 et un peu partout au Rwanda. Il avait pris la relève de Noroît » (à partir du 15 décembre 93, 23 coopérant était aussi restés) « J’ai vu Barril avec Nsengiyumva dans le camp de Gisenyi » (Nsengiyumva commandant la région de Gisenyi, près de Goma) « Les mercenaires sont restés ». « Je l’ai vu déjà en 91 avec un petit groupe de mercenaires, c’était un ami de l’Alliance » «  Je l’ai vu 2 fois, une première fois avec des mercenaires en 91, pas des soldats français, une 2e fois en 94, avec une trentaine de mercenaires. Au camp de Butotori (?), les mercenaires faisaient de la formation commando, amphibie, du zodiac. C’était des mercenaires, car ils ne portaient pas de bérets rouges, avaient des bérets noirs et des uniformes sans insignes ».
JFD : « (Quelle était la relation entre) Nsengiyumva, le chef du renseignement militaire et les gradés de Turquoise ? » RM : « La relation était très rapprochée ». « Il y avait un français avec le chef des FAR » (phrase à vérifier) « Nsengiyumva est parti à Goma en Juin, et a été nommé responsable de la coordination avec Turquoise, puis il est revenu à Gisenyi. »
JFD : « … les fausses interceptions (du FPR) ? » (de mémoire, à vérifier,  JFDupaquier demandait si les fausses interceptions avaient pour objectif d’intoxiquer l’armée française) : « … pour l’armée française, je ne sais pas. On a continué l’intoxication jusqu’à la fin. Les militaires français n’étaient pas tellement manipulés, plutôt complice. Ce sont les français qui nous ont appris, le quadrillage et le contrôle, les accusations. Ils sont complices et pas manipulés ».
Panel 6 : de gauche à droite : Yann Jurovics et Marcel Kabanda.
Yann Jurovics, universitaire, a été juriste au TPIR. Il intervient sur la justice. Il parle d’un « TPIR prioritaire sur la juridiction nationale, pas comme pour la CPI ». Il évoque l’inertie de la justice, les organisations criminelles selon le tribunal de Nuremberg (article 9). Comme le TPIR a prouvé l’existence d’un plan génocidaire, seul le lien avec le plan est à démontrer. Ainsi, pour Simbikangwa, le juge s’est basé sur le TPIR avant de fixer les responsabilités individuelles. Il existe un « enjeu de qualification », « le génocide en droit français étant différent du génocide selon la convention de 1948. » Ce qui compte c’est « l’intention criminelle et pas le nombre de morts». Le racisme en droit se définit par « une négation de la singularité et de l’égalité ». Au racisme, s’ajoute « la politique discriminatoire, et la politique de crime génocidaire ». Il signale que les massacres des juifs avaient commencés en Allemagne avant le génocide lui-même. Selon lui «  le plan génocidaire, lui-même », est « une organisation criminelle » . Pour la complicité, on distingue « les planificateurs, les bourreaux, et l’ensemble de l’aide, dans un même plan, par une participation à degrés divers », et « le juge qualifie par la peine ». Pour une complicité, « le chef d’accusation, c’est le génocide, et pas la complicité ». Il signale que « Nuremberg n’était pas rétroactif, malgré une appellation nouvelle » (se basant sur des lois allemandes), et il y a eu « cristallisation et pas nouveauté ». Selon lui, a propos de la lenteur, « la justice est en échec face à la réalité criminelle ». Pour les nazis, ont été jugés 22 personnes a Nuremberg et 6000 autres, à Arusha au TPIR, 80 personnes, avec 2 millions de procédure dans les Gacaca pour 1 millions de personnes. Il conclut sur une « justice de symbole », ce qui provoque une réaction négative dans le publique, que je partage.
Et le colloque se termine par une question du public sur les réparations aux rescapés, avant les remerciements.

samedi 24 mai 2014

24 mai 2014, Paris, manifestation pour le logement dans le 93

" En Seine Saint Denis les expulsions, ça suffit ! " tel est le mot d'ordre de la manifestation de ce samedi pour le logement, de la Porte de la Villette vers le ministère de l'intérieur, à l'appel de Droit au Logement et de nombreuses autres organisations. Dans le cortège figurent en bonne place les expulsé-e-s d'Aubervillliers, du 19 passage de l'avenir et du 22 rue colonel Fabien. Quelques familles rroms sont là aussi, et le cortège est clos par quelques soutiens politiques surtout libertaires.
Je passe à la manifestation avant d'aller faire un tour à Bagnolet au Festival des résistances et des alternatives. L'ambiance est morose avant les élections européennes. Je discute avec une une amie. L'idée me revient que la montée du Front National correspond aussi à la perte d'influence des partis de gouvernement PS et UMP et à une confusion des valeurs des paroles et des actes. Il y a 20 ans, le FN était encore associé à la collaboration sous Vichy et surtout la guerre d'Algérie. En avril 2014, on parle plus du PS et de l'UMP mouillés par la politique française au Rwanda entre 1990 et 1994 de collaboration avec des génocidaires. De même, si la collaboration avec les dictatures africaines avait diminué, cela aurait limité la confusion, mais en 2013, le gouvernement est retourné aux poncifs de la Françafrique sous l'influence d'une armée, elle-même proche de l'extrême droite. Comment ne pas voir la confusion dans une hiérarchie des positions en lien avec le racisme et les crimes? La création de bouc émissaire était aussi auparavant très associée à l'extrême-droite, mais RPR puis UMP ont imité, avant que le PS ne suive dans la xénophobie d'Etat. Le nivellement s'est fait depuis des années par le bas.
Tant que le débat général sera focalisé sur la montée d'un populisme raciste et xénophobe, il sera sans doute difficile pour des sans logis de se faire entendre.

lundi 19 mai 2014

18 mai 2014, Aubervilliers, campement suite à une expulsion

En rentrant à pied de la Fête de l'insurrection gitane à Saint-Denis, je passe par un campement soutenu par Droit au Logement, sur l'avenue Roosevelt, à 300m de la mairie. Cinq familles avec 8 enfants et des personnes seules, au total 43 personnes, qui habitaient au 19 passage de l'avenir ont été expulsées le matin du 7 mai. Quelques personnes du 22 rue colonel Fabien, en difficulté depuis septembre 2013, les ont rejoints. Au total 75 à 80 personnes sont concernées. Certaines personnes ont été relogées, mais selon le tract, 30 étaient à la rue.
Le DAL dénonce la multiplication des expulsions sans relogement depuis le changement de préfet du 93 et demande l'application des lois par le préfet Galli. D'autres revendications figurent également sur un tract : arrêt de toute expulsion sans relogement, application du Droit à l’hébergement jusqu’au relogement, et de la loi de réquisition, respect de la loi DALO et de la circulaire qui suspend les expulsions de prioritaires DALO, en attendant leur relogement, baisse des loyers, des charges et de l’énergie, et arrêt des coupures, des moyens financiers suffisants  pour réaliser massivement des logements sociaux, ... 
Pour les élu-e-s municipaux-ales Front de Gauche qui viennent de remplacer les élu-e-s PS et Verts, n'est-ce pas là un test?
Le samedi 24 mai à 14h, une manifestation spéciale Seine-saint-Denis partira de la Porte de la Villette pour aller vers le Ministère de l'intérieur. 

dimanche 18 mai 2014

17 et 18 mai 2014, St-Denis, fête de l'insurrection

La dernière fête de l'insurrection gitane à Saint-Denis avait été organisée en 2010, triste année pour les Rroms en France. La date du 16 mai correspond au 70e anniversaire d'une véritable insurrection gitane, en 1944, dans un camp de concentration nazi. Cette année, l'événement arrive aussi quelques semaines après une période d'instrumentalisation politique honteuse, cette fois locale, au moment de la campagne des municipales. Le samedi soir, des concerts ont duré tard dans la nuit. D'autres spectacles et débats ont repris sur la place entre la basilique et la mairie ce dimanche.
Je retiens surtout de cette journée le débat qui présente deux ouvrages, Avava Ovava et "Roms et riverains. Une politique municipale de la race" d'Eric Fassin. Le sociologue présente son livre, je suis d'accord avec l'essentiel de son discours sauf sur l'expression 'politique de la race', il n'arrive pas à me convaincre sur cette expression que je trouve même dangereuse pour la lutte de soutien aux Rroms. N'est-elle pas aussi performative? Si les races humaines n'existent pas au sens biologique qui constitue la référence en France, pourquoi insister sur ce vocabulaire à la manière des anglophones qui utilise un concept différent pour le signifiant 'race' (en anglais). Je crois plutôt qu'il est important de signifier et différencier les agressions et discriminations en fonction des causes, la xénophobie, le rejet des modes de vie différents et alternatifs, les stratégies électorales s'appuyant sur des boucs émissaires, pour les Rroms, ou, justement, un racisme issu du colonialisme et du néocolonialisme pour les sans-papiers d'origine africaine.  
En travaillant sur le génocide des Tutsi du Rwanda et sur les massacres en Centrafrique, je me suis rendu compte de l'importance de la maîtrise du vocabulaire pour limiter ou arrêter la haine et les violences. Ainsi, en Centrafrique, les massacres depuis décembre 2013 ont des causes dans un conflit au niveau des religions, des nations et chefs militaires, et dans les réseaux économiques correspondants. Un ennemi minoritaire a été dans un excès "inventé" comme "ennemi" par une majorité à l'intersection des imaginaires religieux, et nationaux, et d'un partage de richesses, qui correspondait à une réalité. Des commerçants en grande partie 'musulmans' et pour beaucoup venus du Tchad s'enrichissaient depuis plusieurs années dans le diamant et d'autres commerces, puis suite à la prise du pouvoir de rebelles se disant musulmans, les amalgames et la violences ont démarré un processus d'engrenages de la haine et des vengeances. Cette exemple est juste un exemple de construction identitaire d' "ennemi" (au sens employé par l'armée rwandaise ou les services secrets rwandais préparant le génocide avant 1194), sans imaginaire ni raciste ni ethnique.
Cette remarque étant faite, le débat est très intéressant. Selon Eric Fassin, la politique actuelle identique de Sarkozy et Valls pousse vers un rejet, qui devient identitaire. Se ressentent de plus en plus français-es ceux et celles qui rejettent des catégories stigmatisées. Une identité en France se modifie. Il s'agirait alors d'une construction ou d'un ressenti en négatif, rien de nouveau, mais l'accentuation d'un phénomène ancien.
Une intervenante répond aussi à une question sur l'homosexualité et les luttes féministes dans les groupes rroms. Les difficultés sociales, la violence psychologique extérieure se répercutent et accentuent des violences internes. Si je comprends bien ce qui a été dit très brièvement, certains hommes se sentant dévalorisés à l'extérieur peuvent chercher à retrouver une posture hiérarchique qui leur est plus favorable à l'intérieur.
Et la fête reprend après le débat avec un concert et la danse. Dans la musique, les gestes, les costumes, me semblent se mélanger des 'origines' culturelles, secondaires. Je pense à l'Espagne, la Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie. Mais faut-il penser une ou des identités, sous-identités, au risque de les mettre dans des cases mal définies et trop étroites, alors que la vie est tourbillonnante comme la grande robe blanche de la danseuse ?

dimanche 11 mai 2014

11 mai 2014, Saint-Denis, les affiches des Beaux-arts d'Istanbul

Quand j'arrive à l'Attiéké à Saint-Denis, le graphiste Sébastien Marchal finit d'installer son exposition juste avant le vernissage. Il a participé à Istanbul à un atelier avec 15 étudiant-e-s des Beaux-arts. Toutes les affiches sont faites à la main avec ciseaux et photocopies. C'est assez difficile de retrouver et comprendre les symboles de chaque image. Il y a un effet global de l'expo, les affiches vont très bien avec le reste du lieu, et d'ailleurs un AG commence à la fin du vernissage. Le squat 'centre social autogéré', risque une expulsion et une manifestation est prévue le 17 mai à 13h30.

mercredi 30 avril 2014

29 avril 2014, Aulnay-sous-bois, Tiken Jah Fakoly

Tiken Jah Fakoly est en tournée pour son nouvel album 'Dernier appel', qui sortira le 10 juin, et il est ce soir avec une dizaine de musiciens au Cap à Aulnay-sous-bois. La salle est normalement bien accessible en transport en commun, mais le fameux RER B a plus d'un tour dans son sac, et nous arrivons trempés pour les dernières chansons ! Alors que je suis fan! 
Tiken Jah Fakoly est interviewé par Max Savi Carmel. Il évoque, entre autres, le changement progressif de l'Afrique, la démocratisation, la Françafrique qui perdure, la nécessité d'unité africaine, l'agriculture, l'éducation, ... patient ou impatient, optimiste dans tous les cas.

dimanche 27 avril 2014

27 avril 2014, Aubervilliers, Ferrat à Aubercail

Jean Ferrat est à l'honneur au cinéma le Studio pour le début du festival Aubercail. L'événement commence par un documentaire de Madamie Boussaid qui présente l'avis d'habitant-e-s d'Aubervilliers sur l'artiste, dont Didier Daenincks ou Jack Ralite. Ce documentaire est admirable car il est fait pour une information locale tout en étant de très bonne qualité. C'est assez rare.
J'avais des mélodies de ma jeunesse en mémoire et je l'avais un peu oublié. Je découvre que Jean Ferrat était très engagé politiquement, proche de ce qu'il désigne lui même comme la classe ouvrière ou les "exploités", qu'il est venu en 1965 dans la ville pour inaugurer une tour, ou qu'il se sentait souvent proche du parti communiste tout en étant très critique, par exemple sur le printemps de Prague. Ainsi, ses positions ne sont pas sans lien avec l'histoire de la ville, et, on sent que le public est très sensible, que cela correspond à u un public, assez âgé, venu nombreux. 
Puis le chanteur Alain Hiver 'interprète' pendant plus d'une heure les plus grands succès du chanteur. Ce concert très simple, dans une ambiance intimiste face au parc a quelque chose d'unique, comme le film avant, dans l'adéquation des message, au lieu, et aux personnes. Les générations, le temps disparaît, l'impression de nostalgie du début laisse place à une bonne humeur philosophique.

mardi 15 avril 2014

15 avril 2015, Aubervilliers, exposition photo au CRR93

Qu'il est immense ce hall du Conservatoire d'Aubervilliers, le CRR 93 tout neuf ! Comment occuper cet espace avec des photos ou des peintures ? Il me semble que c'est la première exposition depuis l'ouverture. Stéphan Zaubitzer s'y est tenté. Il a exposé ses photos  de salles de cinéma du monde entier. Sur le grand mur, ce sont les salles d'Art et essai du 93. J'aime bien l'image du cinéma de Ouagadougou parce que l'écran est un peu décrépi et parce que c'est l'Afrique. Une quarantaine de personnes se sont déplacées au vernissage, pour une sorte d'inauguration des murs d'un lieu sinon dédié à la musique.

samedi 5 avril 2014

5 avril 2014, Paris, 20e anniversaire du génocide des Tutsi

20 ans après le génocide des Tutsi, les complices français du génocide espèrent toujours que dans cette région du monde, un génocide çà n'est « pas très important », et attendent que la société civile et les journalistes s'épuisent ou se désintéressent du sujet. Alors que la justice commence à peine à avancer, l'association Survie mobilise de nouveau et lance une campagne sur les 20 ans d'impunité de l'Etat français complice du génocide des Tutsi au Rwanda. Elle publie en ce moment 20 documents pour comprendre le rôle de l’Etat français. D'autres événements sont organisés ce mois d'Avril sur Paris.
Jean-François Dupaquier affirme dans l'Express : "sans le soutien de Paris au régime du président Juvénal Habyarimana, le génocide n'aurait jamais pu avoir lieu. La France a fourni un parapluie militaire en repoussant les offensives du Front Patriotique Rwandais. Sans cet appui, le régime de l'époque n'aurait jamais eu le temps de préparer la tentative d'extermination de la population Tutsi. D'un autre coté, les militaires français présents au Rwanda étaient hautement qualifiés, je ne vois pas comment ils n'auraient pas été au courant de ce qui se tramait. Pour moi la connivence est évidente, les Français savaient qu'il y avait un génocide en préparation."
Ce jour-même encore, le gouvernement français annule le voyage de Christine Taubira pour la commémoration en raison d'accusations du président rwandais, provoquant aussitôt la protestation des jeunes socialistes. Et Alain Juppé, lui, se défend sur son blog, des questions de citoyen-ne-s bordelais-es, en dénonçant "la véritable entreprise de falsification historique qui veut faire porter à la France la culpabilité du génocide." L'ancien ministre des affaires étrangères se contente de généralités très politiques et ne se risque pas à rentrer dans les détails des faits.
Il ne s'agit pas pour les acteurs de l'Etat français de se défendre uniquement des accusations de complicité, il s'agit surtout aussi de comprendre 20 ans de désinformation, parfois sur la base de négationnisme ou d'obstructions de la justice, dans ce scandale incomparable. La connaissance de l'ensemble de l'histoire ayant grandi, il est maintenant dangereux de se risquer à mentir, chacun pèse ses mots.

mardi 1 avril 2014

1er avril 2014, Aubervilliers, concert '4 saisons' de Vivaldi

Il faut sortir pour oublier les égarements du monde politique et les bouleversement locaux. C'est ce que je fais, en allant découvrir le Conservatoire à Rayonnement Régional ouvert il y a quelques mois à Aubervilliers, à l'occasion du concert 'Variations autour des quatre saisons' du festival 'Printemps musical'. C'est très agréable d'écouter un concert de ce niveau dans une petite salle peu remplie très intime. Les solistes de Pôle Sup'93 et l'orchestre baroque du CRR93, les étudiant-e-s de la classe de musique ancienne, sont impressionnant-e-s. Un bonheur ! Surtout pendant la partie 'Eté', le concerto pour violon en sol mineur, avec Camille Aubert comme soliste: c'est un morceau célébrissime et de l'entendre ainsi en concert acoustique donne l'impression de ne jamais l'avoir entendu.

dimanche 30 mars 2014

30 mars 2014, Aubervilliers, la chute du PS et des Verts: la surprise ?

En revenant chez moi, je trouve un écran géant qui affiche progressivement les résultats des municipales par bureau de vote. J'y vois aussi la télé avec des messages comme "un ancien de la CGT devient maire FN", "Roubaix passe à droite", l'ancien responsable de Reporter sans Frontière élu avec le soutien du FN, ... Paris reste aux mains du PS et des Vert-e-s.
Au bout de quelques heures de dépouillement vient enfin le verdict : le Front de Gauche mené par Pascal Beaudet, avec 45,74% des voix, a repris la ville au PS et aux Vert-e-s, mené-e-s par Jacques Salvator, avec 38,91% des voix. Les voix de la droite ne se sont pas reportées sur le PS comme en 2008. Le Front de Gauche a insisté entre les 2 tours sur les règles de l'"union de la gauche" qui aurait impliqué un désistement du PS au 2e tour. En définitive, il peut être content d'avoir gagner sans.
Il est difficile de savoir si c'est le mécontentement face à la politique nationale ou des enjeux locaux qui ont déterminé la bascule. Est-ce qu'en gagnant ce bastion du PC en 2008, le PS et les Vert-e-s étaient conscients qu'il aurait à gérer gérer une ville très pauvre, deuxième ville au-dessus de 20 000 habitants la plus pauvre de France avec 39% des ménages au-dessous du seuil de pauvreté? Dans ce cas, cela rejoindrait la posture économique et sociale du gouvernement. Avec un mécontentement qui s'exprime ailleurs surtout au travers des partis conservateurs, ultra-libéraux, xénophobes, le débat au niveau national est en tout cas brouillé. Un homme vient discuter avec moi: pour lui, "la mairie a essayé de changer la population en faisant venir des parisien-ne-s, a augmenté les impôts, n'a pas assez tenu compte des habitants, et, Valls est arrivé dans les cités". 
Je regrette que la campagne n'ait pas permis de comprendre ce qui allait changer concrètement avec le Grand Paris, au niveau des finances et de la dette de la ville en particulier.
Les discours finissent en bousculade incompréhensible avec des gêneurs sur la scène, puis la dispersion se fait assez vite. C'est aussi une belle soirée de printemps. Qu'est-ce qui va se passer maintenant? En réalité, je suis plus intéressé par le remaniement ministériel annoncé pour bientôt: est-ce qu'enfin Canfin quittera le gouvernement pour qu'Europe Ecologie Les Verts ne soit plus la caution involontaire de la relance de la Françafrique sous l'influence de l'armée française ? Ce n'est pas une question de bilan plus ou moins bon dans un domaine, mais une question de logique politique générale.

30 mars 2014, Paris, en passant devant un monument raciste

En allant au bois de Vincennes, je suis tombé sur cette chose : le Monument à la mission Marchand. Où devrait s'arrêter le respect aux œuvres d'art ? "La mission Congo-Nil est une expédition française menée par le commandant Jean-Baptiste Marchand entre 1896 et 1898" (wikipedia). Le monument est manifestement raciste, colonialiste, c'est une horreur historique. Il est un impossible à déplacer: pourquoi n'y a-t-il pas une plaque pour expliquer le colonialisme ? Certes, ce n'était pas l'expédition Voulet-Chanoine et ses massacres, mais elle a lieu à la même période. L'histoire semble avoir retenu de la mission Marchand le conflit entre impérialisme français et anglais à Fachoda. En 2012, des élu-e-s UMP ont demandé la restauration d'une statut du Commandant Marchal enlevée ou détruite en 1960. Comme quoi la politique des caniveaux n'hésite pas à s'appuyer encore aujourd'hui aussi sur l'art instrumentalisé de la république impériale ? L'inconscient colonial se porte bien.

mardi 25 mars 2014

25 mars 2014, Paris, Génocide des Tutsi du Rwanda : colloque 'la fin de l’impunité ?'

Survie organise ce 25 mars à l'Assemblée nationale un colloque intitulé « 20 ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, la fin de l’impunité ? ». Le colloque a lieu pendant la période de pause de la législature en raison des municipales, aussi aucun député n'est attendu.
J'arrive vers midi et je manque les 2 premières parties : '1994-2013 : l’impunité accordée par la France aux génocidaires', présentée par Jacques Morel, Alain Gauthier et Raphaëlle Maison, et 'Brouillard et contre-feux médiatiques'  avec Philippe Braeways, et Jean-François Dupaquier (Colette Braeckman s'étant excusée).
L'après-midi, les conférences-débats continuent sur les thèmes '1994 - 2013 : les complices n’ont pas été inquiétés' : 'Panorama des complicités oubliées' par Jean-Luc Galabert (Izuba) et 'Affaire Barril : ce que l’Etat français savait' par François Crétollier (Survie), puis 'Des procès et des lois : avancées et inquiétudes': Des avancées et des inquiétudes : aspects politiques par Laurence Dawidowicz (Survie) et 'Le "choix" par la justice du droit applicable, la loi française et l’impunité 'par Patrick Baudoin (LDH).
Jean-Luc Galabert insiste sur les complicités financières. Le FMI a commencé par prêté aux gouvernement en phase de préparation du génocide contre un plan d'ajustement structurel, épargnant les dépenses militaires. Ensuite, pendant le génocide, des banques interviennent dans des paiements d'achat d'armes. Les noms de la BNP et du Crédit Lyonnais sont cités, mais des enquêtes supplémentaires sont nécessaires. Pendant le débat, il est aussi question de la gestion de la dette après le génocide.
François Crétollier résume l'affaire Barril qui a justifié la plainte de Survie, la FIDH et la LDH. Celui-ci qui a quitté ses fonctions à l'Elysée avec un statut ambigu dans une "diplomatie parallèle", était proche de Grossouvre, et travaillait à la formation de mercenaires, et dans le 'renseignement'. Il est mis en cause pour ' un accord d’assistance de fourniture d’armes et de munitions et de formation et d’encadrement le28 mai 1994.
Laurence Dawidowicz dresse le bilan de l'avancée de la justice, en France et ailleurs, pour les "présumés", ou plutôt, soupçonnés génocidaires rwandais, et pour les soupçonnés complices français. Concernant les plaintes contre les militaires français qui pourraient toucher leurs donneurs d'ordre militaires et politiques, depuis 2005, 9 ans ont passé sans que la justice n'avance, et le délai d'instruction n'est plus un délai "raisonnable". La déclassification des documents pour la justice et les historien-ne-s est aussi une exigence. La représentante de Survie insiste sur l'attente d'un message du président Hollande pour le 20e anniversaire qui ne fasse pas l'impasse sur les complicités françaises.
Patrick Baudoin retrace l'histoire de la justice internationale et des difficultés à obtenir l'intégration de la Cour Pénale Internationale en droit français. Les socialistes en 2013 ont voté une Loi de Programmation Militaire qui protège les soldats, et ne permettra plus des plaintes comme celles des associations concernant Turquoise. Il précise que le droit français et celui du TPIR ne définissent pas le crime de génocide de la même manière, puisque le droit français oblige à démontrer un "plan concerté" et protège plus les supérieurs hiérarchiques dans la démonstration d'une complicité.
Le débat revient sur la fin du Tribunal aux armées de Paris (TAP) et le transfert des instructions au Pole génocides et crimes contre l’humanité du TGI de Paris. Certes, un premier procès a eu lieu, mais à quel rythme pourront avoir lieu les nombreuses autres instructions et les nombreux procès ? C'est une question de moyens, et la question reste ainsi toujours politique. A propos de l'instruction de l'affaire Bruguière, j'entends dire dans les couloirs, que certains jugent ressentent comme si la justice avait été "déshonorée". Entre autres éléments aujourd'hui évidents, Barril avait placé Fabien Singaye comme traducteur auprès du juge Jean-Louis Bruguière, alors que Fabien Singaye était lui-même impliqué dans le génocide.
Des critiques sont portées contre le TPIR qui aurait gaspillé de l'argent, comme souvent dans ce qui se fait au niveau de l'ONU, qui n'a pas pris en compte l'attentat de l'avion, qui a épargné les complices français, qui n'a pas été jusqu'au bout sur la responsabilité du gouvernement rwandais (GIR). Il a aussi subi des pressions de dictateurs africains 'françafricains'.
Pour la déclassification des documents, l'Etat est "juge et partie", c'est pourquoi le juge Trévidic, juge sur l'attentat de l'avion, demande une structure indépendante de l'Etat.
Fabrice Tarrit, le Président de Survie, conclut le colloque et évoque l'influence militaire qui a grandit pendant les interventions au Mali et en Centrafrique.