Je viens pour la première fois au Musée Dapper dans le 16e à Paris pour voir le film de Sylvestre Amoussou, "Un pas en avant, les dessous de la corruption" (2011). Je trouve ce film très bon, j'apprécie de voir une présentation très actuelle du Bénin, avec une mise en cause radicale des dirigeants. Le scénario, la mise en scène, le jeu des acteur-trice-s sont excellent-e-s. Le réalisateur béninois, acteur principal, est là pour débattre, après le film. Comme il parle de la corruption en Afrique sans distinction de pays, je lui demande, sans me présenter comme journaliste spécialiste de la démocratisation en Afrique, assez bien informé de la situation au Bénin, s'il fait une différence entre la corruption dans les dictatures et la corruption dans les démocraties. Le Bénin, pays où a été tourné le film, sans que cela ne soit affiché, est l'un des seuls pays francophones où la démocratie fonctionne à peu près en Afrique de l'Ouest, avec le Sénégal, cependant, la démocratie s'y dégrade actuellement comme le montre, entre autres, la récente affaire du soit-disant empoisonnement du président. A ma grande surprise, il me répond que la corruption est partout pareille et ne dit rien de plus, voulant clore au plus vite sur ce sujet. Pourtant, je viens de voir un film qui ne parle pas que de la corruption, mais qui parle aussi de l'état de droit et de la justice, et indirectement de qualité des institutions et de démocratie. Le film insiste sur l'importance de voter en plus. Après tout, c'est du cinéma, plein de coups de feux, de sang, d'exagérations par rapport à ce qui pourrait se passer dans la réalité, heureusement ! Mais, je suis très étonné que le réalisateur soit en retrait par rapport à son scénario. Cela me rappelle la réalisatrice du documentaire "Une affaire de nègres", Oswalde Lewat, qui rechignait à dénoncer clairement la dictature camerounaise, alors que c'était tout l'objet de son excellent film. A ma plus grande surprise encore, il y a des applaudissements dans la salle suite à la réponse simplificatrice de la corruption qui serait partout pareille. Un peu perturbé, je me rassure en me disant que ce doit encore être, en ce qui concerne le public, des relents d'inconscient colonial et raciste, la fameuse croyance, que l' "Afrique n'est pas mûre pour la démocratie" (Chirac, 1990), et qu'il ne faut pas en parler... Mais certainement, je me trompe, victime de mon propre ego. Ce qui me semble plus sûr, c'est que le public est, pour l'essentiel, comme presque toujours, un public qui vient pour s'amuser ou juste s'informer sans penser qu'il peut agir. Il ne faut pas, comme dirait Sankara se repentant dans son cercueil, demander de franchir trop d'étapes trop vite, d'abord commencer par sensibiliser, et, pour la suite, on verra plus tard.
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