Je n’ai pas pris mon appareil photo ce soir. Ce n’est
pas grave, ce qui compte c’est le film de Marc Rivière ‘Penn Sardin’. Celui-ci est projeté en version française, et donc pas en version bretonne, ce qui signifie
que les paroles des pêcheurs et ouvrières sont traduites. C’est une fiction
basée sur des faits réels, la grève des ouvrières à Douarnenez entre le 21 ou 27
novembre 1924 et le 7 janvier 1995, une grève de 7 semaines qui a eu un grand
retentissement à l’époque. Je suis bien heureux de découvrir ces faits
historiques. A la fin du film, Théo Bernard, qui a fait une thèse sur cette
grève, nous explique la vraie histoire. Elle est assez différente du film.
La grève a démarré dans une usine de métallurgie
et pas de conserves. Le syndicaliste Charles Tillon n’était même pas là, il
sera connu plus tard pour d’autres choses à Douarnenez. Il y a eu d’autres
grèves entre 1905 et 1924 au contraire de ce qui est dit dans le film. Les
patrons, qui n’étaient pas si paternalistes et étaient parmi les plus
exploiteurs de France, étaient prêts à céder sur les revendications au bout de
2 semaines. La grève elle-même était pendant une période d’arrêt de la pèche et
d’arrêt de travail des poissonneries. Les pêcheurs ont continué à travailler 2
semaines avant de rejoindre les ouvrières et sont repartis travailler en accord
avec le comité de grève et le syndicat CGTU. Les villes de banlieue parisienne
n’était pas encore gagnée par le Parti communiste et n’ont pas pu acheter les
poissons, la banlieue parisienne est devenue rouge 4 mois plus tard, ce qui n’a
pas empêché le soutien à l’époque dans ces mêmes villes. La revendication du
droit de vote des femmes n’y était pas, celle du salaire égal avec les hommes
non plus, ce qui était normal puisque les hommes et les femmes ne faisaient pas
les mêmes métiers.
C’est étrange de faire un film sur des faits
historiques et de modifier tant de choses. J’ai aimé ce film mais cela me
dérange que l’on corrige le récit d’une réalité. Comme journaliste, je suis
constamment en train de me battre contre les mensonges qui peuvent empêcher de
savoir ce qui s’est passé réellement.
La tentative d’assassinat du maire communiste est
conforme, elle. L’historien nous précise qu’ensuite la préfecture a effacé les
preuves du lien avec les patrons. Il y avait 23 usines à Douarnenez dont 18 de
conserves.
Le patronat était francisé, un peu venue d’ailleurs,
par exemple de Nantes. Les femmes parlaient plus le français que les hommes. 2000
personnes s’étaient mises en grève, dont 75% de femmes. Les réunions étaient
des meetings ou la CGTU dirigeait, et pas des assemblées générales. La mairie
fournissait les salles.
Encore des choses, qu’il y a 30 ans, nos professeurs
d’histoire, gentils et un peu coincés, n’ont pas pris la peine de nous
apprendre. Cette soirée m’intéressait pour des questions historiques. Le film
correspondait bien au lieu, la Belle étoile. J’entends parler des ‘nuits debout’
à République, mais ce n’est pas la vraiment lutte ouvrière dans le Finistère,
en ce qu’elle pourrait nous apprendre quelque chose sur le présent, qui m’intéresse.
Nous aurions eu besoin que l’on ne nous cache pas cette histoire en Bretagne,
et que l’on évite de nous faire croire que la Bretagne n’avait pas d’histoire,
à toutes les époques, pour nous permettre ne nous confronter à la complexité de
la réalité. Dommage ! Heureusement, il n'est jamais trop tard.
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