Le mercredi 3 août, le député tchadien Gali Ngotté Gatta
est en conférence à Paris, où il a informé des membres de la diaspora
tchadienne et quelques journalistes, dont le journaliste Seidik Abba (photo, à
gauche). La conférence était organisée par l’inépuisable blogueur Makaila
Nguebla (à droite).
Après avoir rappelé la situation désastreuse dans
laquelle se trouve son pays, par exemple, au niveau de la santé complètement
sinistrée depuis la chute du prix du pétrole, le leader tchadien est revenu sur
la présidentielle d’avril. Il appartient au groupe des 6 candidats qui se
battent contre
le nouveau coup d’Etat électoral d’Idriss Déby, et incarnent, ensemble, la
nouvelle configuration de l’opposition à la dictature.
Le député universitaire décrit les 3 phases de la
fraude formant le coup d’Etat électoral. Après 2 présidentielles boycottées, l’arrivée
de la biométrie avait amené un « espoir » qui a conduit des « inscriptions
massives », mais la biométrie n’a pas été installée correctement, puisque « les
cartes d’électeurs ont été distribué sans vérification » et que, « le
jour du vote, il n’y a pas eu d’authentification à cause de l’absence du kit ».
Gali Gatta parle de l’absence de lecteur de carte à puce. La première phase a
donc été celle de la fraude par le fichier électoral, avec des mineurs, des
étrangers.
La seconde phase, le jour du vote, a été basée sur
la « duplication des procès verbaux » et leur transmission par une « Commission
électoral nationale indépendante (Ceni) parallèle », comportant certains
membres de la vraie Ceni, comme l’avait par ailleurs indiqué, Saleh
Kebzabo le 30 mai à Paris. Dans la présentation finale des résultats, « seuls
les résultats régionaux ont été compilés ». La Ceni a aussi oublié des
urnes qui ne sont pas arrivées à Ndjaména. La troisième phase implique le
Conseil constitutionnel qui n’a pas récupéré les Procès verbaux réels. Un
résultat impossible a été publié par la Céni et validé par le Conseil
constitutionnel. Même avec toutes les voix au Nord, Déby était tellement
distancé au sud qu’il
ne pouvait pas franchir les 50%.
Gali Gatta parle ensuite sur la politique
militaire d’Idriss Déby qui pèse très lourdement sur le budget du Tchad et est
décidée de manière secrète, par exemple au Yémen. Il insiste sur Boko Haram, sur
la question politique que cache la question militaire. Selon lui, la partie
tchadienne de la zone du Lac Tchad est une zone à problème à cause du
gouvernement, une zone dans laquelle des jeunes entrent dans Boko Haram pour se
révolter contre le pouvoir tchadien. Il alerte également sur la montée du
salafisme et du wahhabisme qui gagne du terrain sur la confrérie Tijani(yya).
Dans le
débat, Gali Gatta souligne que le 21 avril, Idriss Déby a montré qu’il n’hésiterait
pas à tirer si la population contestait les faux résultats de l’élection, et que
lui-même s’est donc opposé à ce que les jeunes sortent dans la rue. Il revient
également sur la création récente du Front de
l'Opposition Nouvelle pour l'Alternance et le Changement (Fonac) et sur l’idée du Gouvernement de salut
public, une « expression de la légitimité », « à réfléchir ».
Sur le
soutien du gouvernement français à Idriss Déby, « l’homme de la situation »
(plus ou moins par défaut ou « vu comme le moins pire » dans une
question de Seidik Abba), il souligne que « les français se font du mal à
eux-mêmes en niant tout ce que Déby a fait avec le terrorisme », citant les
membres de la famille de Déby chassé par celui-ci à cause de leur lien avec
Boko Haram. Il souhaite que l’opposition tchadienne présente au gouvernement
français des arguments documentés sur le sujet, pour en discuter. Concernant la
Françafrique, il pense que, les « élections fraudées sont la dernière
trouvaille » et que « seuls les pouvoirs démocratiques pourront
reposer les questions » autour de la relation entre la France et l’Afrique.
Dressant ce bilan, le député pense qu’Idriss Déby est
déjà dans des difficultés telles, qu’il doit dialoguer avec son opposition, et
que cette opposition doit dépasser un « choix cornélien », pour
exiger ce dialogue. Le 23 juillet, le Secrétaire
général adjoint des Nations Unies aux Affaires politiques, Jeffrey Feltman, « a
appelé ses interlocuteurs à soutenir un dialogue
inclusif, notamment en vue des prochaines élections législatives ».
Gali Gatta indique que pour ce dialogue, on ne pourra éviter d’inclure les « politico-militaires »
qui pourraient profiter, comme par le passé, de « ralliements ». Avec
« optimisme », Gali Gatta pense qu’Idriss Déby ne pourra finir son
mandat, car il sera battu « par un rapport de force dans la démocratie »,
« une victoire par la démocratie, un refondement avec le peuple ». Il
insiste sur la place de la société civile pour arriver à « un changement ».
Régis Marzin, Paris, compte-rendu rédigé le 4 août
2016
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