Ce lundi soir se déroule à Aubervilliers, la 4ème
conférence du cycle « Mobilité
et migrations dans le monde et l’histoire » du Campus Condorcet. Patrick Simon
de l’Institut national d’études démographiques (Ined)
intervient sur le thème ‘le modèle d’intégration et la France multiculturelle’.
Il a remplacé Cris Beauchemin qui n’a pu venir et avait proposé de parler des ‘Migrations
d’Afrique subsaharienne’. Patrick Simon est co-auteur, co-directeur, avec Cris Beauchemin et Christelle Hamel en 2010 de ‘Trajectoires
et Origines. Enquête sur la diversité des populations en France’,
dont il présentera des données et des conclusions.
En introduction, le chercheur indique que « la France est
devenu une société multiculturelle, et que ce n’est plus une question ». Il retrace
ensuite l’histoire de l’immigration, pour arriver aux années 80, pendant
lesquelles l’intégration est conçue comme une synthèse entre assimilation et
insertion, entre assimilation et société multiculturelle, dans un compromis
après négociation. Ensuite les débats iront sur les questions de ségrégation,
de communautarisme, de reconnaissance du pluralisme, pour arriver en 2016 à
nouvel équilibre de questions autour de
l’assimilation, de l’identité nationale, de la laïcité et des valeurs républicaines,
avec des discours tels que ceux autour de la « théorie du grand
remplacement ». Il explique que cela est passé d’un discours sur les
difficultés, la pauvreté, à un discours sur des « minorités menaçantes »
avec un débat sur l’Islam.
Viennent ensuite des chiffres importants tirés de l’enquête
de l’Ined de 2008-2009 précitée. Elle distingue « immigrés, descendants d’immigrés,
originaires des DOM, et population majoritaire » : France : immigrés
10%, descendants d’immigrés12%, originaires des DOM 2%, et population
majoritaire 76% ; Ile-de-France : immigrés 21%, descendants d’immigrés
18%, originaires des DOM 3%, et population majoritaire 58% ; Seine-st-Denis :
immigrés 39%, descendants d’immigrés 28%, originaires des DOM 8%, et population
majoritaire 25%. Pour la France, il indique aussi d’autres chiffres : 5,7
millions d’immigrés soit 8,7% et 6,7% de descendants soit 10%. Sur l’origine,
il donne : Maghreb 4% pour la France, 14% pour l’Ile de France et 28% dans
le 93, Afrique subsaharienne 2% pour la France, 7% pour l’Ile de France et 12%
pour le 93.
Il continue sur la ségrégation au travers de la concentration
dans des quartiers défavorisés, les taux de chômage. Puis il est question du
sentiment d’être discriminé. Une autre enquête a eu lieu en 2015 en Ile-de-France,
qui montre une forte augmentation du sentiment d’être discriminé.
Patrick Simon embraye ensuite sur quelques points :
l’apprentissage de la langue fonctionne assez bien selon lui, les relations
sociales aussi, le mélange dans les couples aussi. Au niveau de la couleur de
la peau, cela se mélange plus qu’aux USA. Cela se mélange beaucoup moins entre
religions, y compris pour les athé-e-s. Il considère que le sentiment d’appartenances
multiples augmente. Je remarque qu’il oublie alors de parler du sentiment d’être
d’une province, d’un pays, d’une ville, et surtout d’être européen ou citoyen du monde. Les
questions ont aussi portés sur l’« altérisation », au niveau de la
reconnaissance par les autres. Les musulmans sont à 54% immigrés, 39%
descendants, 5% de la population majoritaire, et 30% se définissent par la religion.
La religiosité est plus importante pour les musulmans et juifs. Il évoque le
chômage maximum pour les femmes avec voile.
En conclusion, le chercheur constate la « singularité
française d’une frontière invisible », qui touche « l’emploi, le
logement, le pouvoir », dans « une ouverture en apparence, et, un
blocage en pratique ».
Le débat, avant un peu de musique, est très court.
L’élu local Abderrahim
Hafidi prend en premier la parole, constate qu’il y a eu 3500 rapports
depuis 30 ans, pose la question du rôle de l’Etat, dénonce « la tromperie
sur l’intégration », puis évoque un « conflit de mémoire, un passé
qui ne passe pas ». Quelqu’un demande ensuite le droit de vote des « immigrés ».
Patrick Simon termine en signalant qu’il ne
produit pas de préconisation pour les politiques. Il regrette que beaucoup d’entre eux se basent sur des « suppositions
sur l’opinion publique » fausses. Il rappelle la distinction entre
immigrés et étrangers. Il remarque enfin que s’il y a spécificité française au
niveau de la laïcité, il y a dans le reste de l’Europe des partis politiques
équivalent du Front national qui tournent aussi autour de 20%.
La conférence et le débat ont été assez
consensuels, comme souvent à Aubervilliers, ville à culture locale
consensuelle, comme chacun sait, au contraire de Saint-Denis ou de Montreuil.
Je remarque à la fin dans les transparents des éléments de langage qui n’ont
pas été employés et qui auraient pu faire débat, en particulier « division
ethno-raciales » et « racialisation », un peu plus dans le style
de Saint-Denis branché sur les universités américaines.
Il y a eu beaucoup de données mais il pourrait y
en avoir beaucoup plus encore. Les questions des enquêtes comportent déjà un
point de vue, et, par exemple, ne laissent-elles pas croire que la culture multipolaire
et diversifiée mais aussi assez ‘pauvre’ d’une ville globalement discriminée n’est
pas porteuse d’une identité valorisée par des individus ? Certes, l’époque
est à l’inquiétude dépressive française et tous les événements ne se terminent
pas une danse avec le public, comme le 12 novembre, lors de la journée «Port Refuge»,
très bien organisée par les services de la
ville. Pour finir, la musique classique était ce
soir un peu tristounette.
Article écrit et publié le 18 décembre 2016
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