Un des leaders d’une opposition
démocratique d’une dictature africaine est à Paris ce dimanche 26 mars, le ‘chef
de file de l’opposition’ togolaise, Jean-Pierre Fabre. Il a failli en croiser
un autre, Jean Ping. Le débat est organisé par la fédération Internationale
Europe-Asie de son parti, l’ANC. J’arrive pour le débat après la première
intervention qui sera ensuite publiée
sur le site de l’ANC.
Dans ce discours, Jean-Pierre Fabre
insiste sur une des priorités actuelles, « le processus de
décentralisation et le calendrier des élections locales » promises il y a
déjà 12 ans. Il revient également sur la mascarade
présidentielle de 2015, le rôle de la CENI et sa « proclamation de résultats non délibérés en plénière et donc
« sans aucune base légale » selon la
mission d’expertise électorale de l’UE ».
Concernant les réformes
institutionnelles bloquées depuis l’Accord politique global de 2006 (APG), l’ANC
vient aussi de recevoir la réponse à sa « requête demandant à la Cour
Constitutionnelle, d’enjoindre l’Assemblée nationale de mener à son terme la
procédure d’examen et d’adoption des propositions de loi de révision
constitutionnelle, abusivement interrompue et gelée ». Il dénonce la Commission
nationale de réflexion sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles
crée par Faure Gnassingbé, « dans le but évident d’enterrer l’APG et de
s’offrir d’autres moyens de s’accrocher au pouvoir. »
Puis, Jean-Pierre Fabre dénonce
les atteintes aux droits humains et la répression des dernières manifestations,
comme les atteintes à la liberté de la presse.
Lors du débat, la diaspora
revient sur la présidentielle de 2015, et la stratégie de l’ANC. Jean-Pierre
Fabre reprend avec quelques détails l’historique impliquant le Collectif
Sauvons le Togo (CST) et la coalition Arc-en-ciel, aux législatives de 2013,
quand ils y « sont allés sans préparation ». Il admet déçu : « on
a travaillé avec des gens avec qui on n’aurait jamais dû travailler »,
sans donner de nom.
En 2015, « la candidature
unique était prévu s’il n’y avait pas de réformes », et « l’Arc-en-ciel
a choisi un candidat ». Selon lui, « la candidature unique permet au
pouvoir de diviser l’opposition », comme un « Plus Grand Commun
Diviseur (PGCD) de l’opposition ».
Il revient sur la réunion avec Alassane
Ouattara et John Dramani Mahama qui sont venus sortir Faure
Gnassingbé vainqueur par magie des compilations de la CENI. Faure Gnassingbé
avait placé comme interprète Anglais-français du président ghanéen une chargée
de mission de la présidence pour espionner.
Concernant le
général Sangaré et l’OIF, il explique que « maintenant, l’OIF ne veut plus faire d’observation,
et veut aider à établir des fichiers électoraux en travaillant sur l’état civil ».
Sur les élections
locales, Jean-Pierre Fabre explique : « tout est flou », « si
on se soulève pas, il n’y aura rien, … il faut que le togolais se soulève »,
« je ne peux parler que du vote », « l’article 150 (de la
constitution) donne le droit de soulever ». Il précise : « mobilisation
et élections, c’est les deux à la fois », il n’y a « pas d’impasse
sur les élections », « la lutte n’est pas une question de réforme ou
pas ». Il préfère ne pas parler de tout concernant la stratégie, en
évoquant un point de départ en 1998.
Le débat est
aussi abondant en critiques, ce qui l’oblige aussi le politicien à être souvent
dans une position défensive. Les multiples échecs des démocrates au Togo depuis
1990 marquent sans doute les esprits. Jean-Pierre Fabre évite-t-il d’essayer
de résoudre la quadrature du cercle togolais en « combattant
incompris » ?
Pendant le pot, je signale au
leader de l’opposition que j’ai récemment découvert (cela sera expliqué dans
une étude pas encore publiée)
que le Togo était, grâce à la famille Gnassingbé, recordman d’Afrique des coups
d’état électoraux, c’est-à-dire des processus électoraux avec inversion du
résultat au moment de la compilation des procès-verbaux et de la publication du
résultat national. En effet, le Togo a déjà connu 4 inversions de résultats en
1998, 2003, 2005 et 2010, soit un tiers des 12 coups d’état électoraux lors de
présidentielles, répertoriés dans toute l’Afrique depuis début 1990. Un coup d’état
électoral n’est pas en soi pire qu’un processus électoral détourné en amont,
mais ce record d’Afrique togolais devrait tout de même attirer l’attention.
Mohamed Ibn Chambas, représentant
du secrétaire général de l’ONU en Afrique de l’Ouest, connu comme soutien de
Faure Gnassingbé, voit aujourd’hui dans la chute de Jammeh en Gambie, « le
début
d’une nouvelle ère » grâce à la « diplomatie préventive régionale ». Il est peut-être temps pour lui
de se souvenir du besoin d’une limitation à deux mandats dans la
constitution au Togo, puisque la Gambie et le Togo restent les deux seuls pays d’Afrique de l’Ouest sans
limitation. Aujourd’hui Faure Gnassingbé se retrouve seul chef d’Etat
concerné et le rôle de la « diplomatie préventive régionale » serait de faire pression sur Faure
Gnassingbé pour qu’il respecte enfin les réformes de l’Accord politique global
de 2006, pour sortir enfin de « l’injonction
paradoxale togolaise ».
Régis Marzin, écrit et publié le 4 avril 2017
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire