samedi 27 mai 2017

27 mai 2017, Aubervilliers, il était une fois l’esclavage

Ce samedi 27 mai, à l’Embarcadère, le service de la Vie associative et des Relations internationales d’Aubervilliers organise une journée sur l’esclavage. En arrivant, dans le hall, au milieu d’autres expositions, je discute de Ouidah, et de la mémoire de l’esclavage au Bénin, comme je connais un peu le Bénin.
Une première conférence a pour thème ‘L'esclavage dans le monde aujourd'hui, l'exemple de la Mauritanie’. Le chercheur Daouda Ndiaye reprend la problématique à partir de la structure de la société Soninké, organisée en classes, avec une noblesse de chefs de villages et de savants, des castes de métiers, et des familles dépendantes des familles de noblesses. L’esclavage dans lequel les maîtres avaient tous les droits, a été supprimé en 1970, mais la dépendance est restée après cette étape d’affranchissement. La loi n’est pas bien appliquée. Dans le lien traditionnel, l’entraide est obligatoire, les familles restent proches. Waly Diawara, de l’Association Ensemble pour l'Espoir et le Développement (EED) complète les explications. Dans certains cas, les anciens esclaves et maîtres ne se parlent plus. Il n’y a pas de mariages entre castes. Il y a une division ethnique qui s’ajoute. L’Etat a créé une agence pour lutter contre les séquelles, Tadamoun, qui s’attaque à la pauvreté. Daouda Ndiaye me précise ensuite, qu’il y a des élections locales mais que l’ordre ancien se perpétue, quand les élus sont ‘nobles’ et très rarement des familles d’esclaves. Selon lui, les mentalités n’évoluent pas assez, et il y a un problème de société. Comme j’insiste un peu sur l’absence de démocratie en Mauritanie, il reconnaît que la citoyenneté est aussi mal comprise au niveau national.
Après un court-métrage, et un film de bilan historique parrainé par l’Unesco, le second débat rassemble Marcel Dorigny, historien spécialise de l’esclavage, Huguette Marcelin, originaire d’Haïti, Dominique Sopo de SOS-Racisme, et l’animateur Alphonse Karim, du cinéma le Studio.
Marcel Dorigny est passionné. Il démarre sur la révolte de St-Domingue entre 1891 et 1803 quand 500 000 esclaves ont pris les armes. Il n’y avait alors que 600 000 esclaves aux USA. Les français ont accordé l’abolition pour éviter une conquête anglaise. Ce fût la seule insurrection victorieuse. Cela me rappelle le film « Queimada », ce chef d’œuvre, une fiction dans laquelle on devine que des esclaves libérés transformés en ouvrier agricoles pouvaient ensuite rapporter autant d’argent aux propriétaires et aux investisseurs dans le sucre. En Amérique du sud, l’esclavage est resté après les indépendances. Lors du débat avec la salle, l’historien précise que l’esclavage sous l’empire romain n’était pas « racialisé », alors que « l’esclavage colonial est racialisé ». Il estime à 13 millions le nombre de personnes transportés dans la traite atlantique, en s’appuyant sur des archives des sociétés d’assurances à Londres, en évaluant à 5 ou 6 fois plus le nombre de morts autour du commerce avant les départs, soit 70 millions de morts. Dans son « Atlas des esclavages », bourré de cartes et de graphique, se remarque un graphique des quantités de personnes annuellement transportées sur plusieurs siècles, on remarque les guerres en Europe qui limite le commerce. Il n’y a pas d’archives pour la traite « arabo-musulmane » qui a déporté entre 8 et 13 millions de personnes.
Huguette Marcelin précise quelques faits sur Haïti et remercie Christiane Taubira, dont la loi de 2001 a permis la reconnaissance de l’esclavage en crime contre l'humanité. Dominique Sopo intervient sur le racisme. Selon lui, pour justifier l’utilisation, on a construit une théorie raciale. Il constate qu’en 2017, lors de la cérémonie du 10 mai, il y avait « des blancs dans la tribune et des noirs en bas ». Il regrette que Jean-Marc Ayrault ait été nommé à la tête d’une Fondation sur l’esclavage à la place d’une personne concernée.
Carlos Semedo, le directeur de la Vie associative et des Relations internationale conclut en souhaitant aller plus loin. Il propose de renouveler ce rendez-vous tous les ans.
Régis Marzin
Article écrit et publié le 6 juin 2017

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