Daniel
Kupferstein, également auteur de 2 documentaires sur le 17 octobre 1961 et sur le
massacre de la station de métro Charonne
le 8 février 1962, vient à Aubervilliers pour présenter son livre et son
documentaire sur un massacre méconnu à Paris, celui du 14 juillet 1953 lors d’une
manifestation du Mouvement pour le triomphe des libertés
démocratiques, parti politique du leader algérien Messali Hadj. J’arrive après
le débat à la librairie, pour voir le film « Les balles du 14 juillet 1953 » et je ne peux pas faire de photos.
Le
14 juillet 1953, la manifestation est organisée avec le soutien du PCF et de
quelques associations comme le Mouvement de la paix. Les revendications concernent
la guerre en Indochine, les arrestations de membres du PCF en France, et, pour
l’Algérie, la libération de Messali Hadj, l’égalité entre français et algériens,
les élections en Algérie. Elle rassemble essentiellement des algériens, des syndicalistes et des communistes. Quand la partie algérienne du cortège est arrivée
Place de la Nation, les CRS ont ouvert le feu, avec des pistolets, faisant 7
mort et 50 blessés. Un des morts était un ouvrier de la CGT, Maurice
Lurot, dont la famille s’est battue, en vain pour obtenir justice. Le
documentaire présente longuement les 6 victimes algériennes.
Le
préfet de police responsable est Jean Baylot, un ancien résistant, qui « a
réintégré de nombreux policiers révoqués en 1945 » et a reconstitué la
Brigade
nord-africaine. Le Ministre de l'Intérieur des gouvernements Joseph Laniel, du 28 juin
1953 au 18 juin 1954, Léon Martinaud-Déplat, du Parti
radical-socialiste, a défendu les CRS en parlant de légitime défense. Le reportage
de Daniel Kupferstein rappelle les faits sans aucun rapport avec de la légitime
défense. La justice mène ensuite une fausse investigation sur une prétendue « rébellion ».
Un procès a lieu en 1957, reprenant uniquement la version policière.
Suite
à ce massacre, les cortèges ouvriers seront interdits à Paris. Les
manifestations du 1er mai ont disparu entre 1954 et 1968. Le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques en sortira affaibli
et une partie supplémentaire des militants algériens pour l’indépendance se
tournera vers la lutte armée. La désillusion sur l’obtention de l’indépendance
par la voie pacifique avait commencé après les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata
en mai 1945, et s’accélérera alors en 1953. Le MTLD
se scindera en deux fin 1953 et définitivement en août 1954.
Une
banderole attire mon attention. Ce 14 juillet les manifestants avait écrit « Assez
de trucages électoraux ». Le 11 avril 1948, ont eu lieu des élections pour
le deuxième
collège de l'Assemblée algérienne, 60 députés sur 120 élus par 1 300 000 citoyens « de statut musulman». Les
fraudes électorales, des bourrages d’urnes surtout, et 8
personnes tuées par les forces de l’ordre ont fait scandale. Les partis
algériens, le MTLD n’a eu que neuf députés et l'UDMA de Ferhat Abbas huit,
alors que les « deux
mouvements avaient obtenu un très grand nombre de voix aux élections
municipales de 1947 ». L’assemblée en était ressortie dominée par les « béni-oui-oui ».
Les fraudes continueront en 1954.
Ainsi
l’expérimentation des fraudes électorales par les français en Afrique a
commencé le 11 avril 1948 en Algérie. Daniel Kupferstein me précise que « la
démocratie était intolérable pour les colons ». Le janvier 1948, en Inde
mourrait Gandhi qui lui avait exigé à la fois l’indépendance et la démocratie, ce
qu’il avait obtenu le 15 août 1947, mais cela n’a rien à voir…
Régis
Marzin,
écrit et publié le 6.6.17
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