Ce dimanche, a lieu à la mairie du 2e
arrondissement de Paris, une commémoration
de 40 ans de répression à Djibouti, à laquelle j’ai été invité à intervenir
par l’Union pour le Salut National et son représentant en France, Maki Houmed-Gaba.
Arrivé tard dans cette journée, concentré sur mon intervention, je ne suis pas
en mesure de faire un compte-rendu et j’évoque ici uniquement
mon message.
Je parle dans le dernier panel, modéré par l’illustre
blogueur tchadien Makaila Nguébla, sur les élections à Djibouti et en Afrique.
Je commence par replacer la situation djiboutienne dans le contexte électoral
africain. 2016 a été l’année
des coups d’Etat électoraux en Afrique, avec 4 inversions de résultats de
présidentielles, au Congo
Brazzaville, à Djibouti, au Tchad et au
Gabon. L’inversion de résultat à Djibouti est passée inaperçue parce que le
processus électoral a été détourné et quasiment détruit en amont. Les
djiboutiens ont majoritairement boycotté le scrutin mais celui-ci a tout de même
eu son résultat inversé.
Je rappelle la règle : « Il ne s’observe pas de
présidentielle correcte en dictature sans une transition vers la démocratie
préalable », et il n’y a eu que 3 exceptions, au Ghana en 2000, au Kenya en
2002, deux cas de limitations à 2 mandats acceptées, puis en Gambie fin 2016,
grâce à une intervention militaire extérieure.
Depuis 1990, pour 120 élections présidentielles, concernant 70
chefs d’Etat en dictature stable, il y a eu 25 élections boycottées, soit 20,83%,
62 processus détournés en amont sans boycott, soit 51,67%, 10 mascarades
le jour du vote, soit 8,33%, et seulement 12 coups d’Etat électoraux ou
inversion de résultat à la compilation des procès-verbaux et à la publication
des résultats, soit 10%. L’élection d’avril 2016 à Djibouti fait partie de ces
12 dernières, bien que la destruction
en amont du processus électoral ait été beaucoup plus visible.
Je reviens ensuite sur les responsabilités internationales,
françaises et européennes à partir des législatives
de 2013, en résumant mon étude
d’analyse du processus électoral djiboutien du 5 juillet 2016, pour arriver
au blocage de la situation actuelle dans l’indifférence
internationale.
Comme au Congo Brazzaville, le président djiboutien n’a pas
essayé de de donner l’apparence d’une démocratie formelle, il a voulu montré
son mépris de la démocratie, sa capacité à écraser l’opposition et sa capacité
à neutraliser les interventions étrangères en faveur de la démocratie. Il a
profité de la complicité de l’Union africaine au travers d’une fausse mission d’observation.
Déplaçant le débat sur le plan sécuritaire, Ismaïl Omar
Guelleh a utilisé à partir de mi-2015 la mise en concurrence entre français,
américains et chinois pour se placer en position d’arbitre pouvant choisir ses
partenaires sans subir de pressions. La présence chinoise, nouvelle, introduite
juste au bon moment pour faire un effet maximum, lui redonne du souffle.
En décembre 2015, IOG a utilisé l’attentat du Bataclan à
Paris pour réprimer juste après son opposition sachant que le gouvernement
français tombait dans une obsession sécuritaire. Il a aussi habilement profité
que la politique africaine était en France passée des mains du ministre des
affaires étrangères, Laurent Fabius, à celles du ministre de la Défense,
Jean-Yves Le Drian.
Au niveau européen, il y a des divergences entre le
parlement européen qui soutient au maximum les démocrates djiboutiens, le SEAE
plus réaliste dans une approche globale équilibrée sur plusieurs pôles, et les
dirigeants des Etats européens. Un processus autour de l’accord de Cotonou n’a
pas été enclenché par l’Union européenne. La CPI n’a pas non plus joué son
rôle à Djibouti.
Pendant le débat, nous revenons en particulier sur l’Union
africaine et l’Union européenne. Un plaidoyer vers l’Ua est sans doute
nécessaire, mais il est impossible d’estimer quand il pourrait porter des
fruits. La relation entre l’Ue et l’Ua va aussi évoluer, en particulier lors
des renégociations sur l’Accord de Cotonou d’ici 2020.
L’année 2016 a été désastreuse au niveau des élections en
Afrique. Après les inversions de résultats des présidentielles, les crises
électorales perdurent dans l’organisation des législatives, en particulier en
Afrique centrale. Une mascarade électorale aura lieu au Congo Brazzaville le 17
juillet, et les législatives djiboutiennes pourraient avoir lieu en février 2018.
Dans ces deux pays, le processus de démocratisation est totalement à l’arrêt et
les dictateurs ne laissent aucune marge de manœuvre. Le constat est amer mais
nécessaire.
Régis Marzin, 3.7.17
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire