La conférence ‘Insurrection
populaire et transition: Quels changements ?’ au siège du Parti communiste
français est organisée par la Fondation Gabriel Péri. La section française du Mouvement
burkinabè des droits de l'homme et des peuples (MBDHP-SF) et des peuples a ‘coorganisé’
la soirée selon son président, Didier Ouedraogo.
Piégé par l’horaire de 18h assez rare, j’arrive très
en retard à la fin de la première partie ‘L’insurrection
populaire et les enjeux de la transition’ où interviennent Newton Ahmed Barry,
le rédacteur en chef de L’Evénement,
et Nacanabo Sagado, du Réseau national de
lutte anti-corruption (REN-LAC). La chercheuse Lila Chouli
anime ce panel. Il est question d’un « coup d’Etat militaire » qui
aurait pris le dessus sur l’insurrection selon les deux intervenants, parce que
le choix qui a prévalu était celui de « l’armement le plus fort ». Pour
Nacanabo Sagado, « les élections ne sont pas le but de la transition ».
Selon lui, il s’agit de faire partir les anciens du système toujours là, surtout
les militaires, et de ne pas faire de « trêve sociale ». Il va jusqu’à
dire « une insurrection populaire est possible », signifiant là son
insatisfaction de la révolution-insurrection de fin 2014. Pour Newton Ahmed
Barry aussi, « l’insurrection a abouti à un coup d’Etat militaire ». Lui constate qu’il y a deux sociétés civiles, celle, « traditionnelle,
absente de l’insurrection », autour des « syndicats qui essayent de
revenir » et « celle autour des jeunes, étudiants et du Balai citoyen ».
Je ne pensais pas en arrivant être confronté à
cette thèse du « coup d’Etat militaire », qui ne paraît très réductrice.
Vérification faite, elle semble surtout très influencée par une certaine vision
de la politique burkinabé, une vision proche de celle du Parti communiste révolutionnaire voltaique (PCRV),
marxiste léniniste. Les liens entre MBDHP et PCRV sont connus. Les critères marxistes
léninistes pour juger d’une révolution sont sans doute plus exigeants en termes
de ‘ménage à faire’. Ce qui est surprenant, c’est que la conférence au siège du
PCF n’ait pas permis de mieux équilibrer différents points de vue. Le refus d’une
trêve sociale pendant la préparation des élections d’octobre 2015 est intéressant,
mais cela ne règle pas le débat d’une légitimité du pouvoir pour prendre des
décisions pour le long terme.
Le deuxième panel, animé par le blogueur tchadien, Makaila Nguebla, s’intitule
« Des répercussions régionales et continentales de la révolte » et
réunit Laurent Bigot, ancien du Ministère des affaires étrangères français,
dégagé par Laurent Fabius pour avoir prévu en
2012 la chute de Blaise Compaoré, et Albert Bourgi.
Laurent Bigot tient un discours optimiste sur un « long
et profond mouvement vers la démocratie », autour des mobilisations
citoyennes des jeunes en Afrique, qui me rappelle celui de la campagne
Tournons la Page. Pour lui, en plus de l’accès à l’information, une source
de changement provient du fait que la population des villes devient majoritaire
par rapport à celle des campagnes. Sur le Burkina, il insiste sur la volonté
populaire de justice. A la question du public de savoir quel sera le prochain
président à tomber, il répond sur le Togo de manière approximative et un peu méprisante
pour l’opposition politique, semblant cautionner quelques opinions subjectives.
Il suggère que Faure Gnassingbé pourrait gagner l’élection en 2015 sans être
capable de finir ensuite son mandat dans un pays « sans soupape ».
Albert Bourgi explique, lui, les conséquences
géopolitiques de la disparition de Blaise Compaoré. Il retrace rapidement un
historique très lourd. Selon lui, les présidents voisins doivent « mieux
dormir maintenant », car il était « l’homme de tous les coups tordus ».
Il ajoute que « Blaise Compaoré allait toujours dans le sens de Paris », prenant alors
comme exemple la Côte d’Ivoire. Pour Makaila Nguebla Idriss Déby remplace
Blaise Compaoré au niveau de l’influence française. Le débat encombré de
poncifs est ensuite assez décevant. Il se termine sur l’espoir de Laurent Bigot
d’une « diplomatie française » qui, un jour « ferait le choix
des peuples », un choix qui serait « bon pour l’économie ».
Article écrit et publié le 6 avril 2015.
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