« Anthropocène : quand l’histoire humaine
rencontre celle de la terre », c’est le titre de la conférence de l’historien
Jean-Baptiste Fressoz, du CNRS, ce soir au Théâtre de la Commune, dans le
cadre du cycle des conférences du Campus Condorcet ‘ Environnement, croissance
et croyances, un monde fini ?’.
« Par rapport aux travaux existants sur l’anthropocène,
je propose de déplacer la focale de l’étude des milieux atteints vers les
acteurs, les institutions et les décisions qui ont produit ces atteintes. Il
s’agira d’identifier et de comprendre les pouvoirs, les institutions, les
dispositifs et les imaginaires qui ont effectivement produit la crise
environnementale. » C’est une citation de Jean-Baptiste Fressoz sur la page
de présentation de ses travaux. Elle est claire.
« La seule
solution est de refuser des technologies dont on a hérité » : c’est
la conclusion du chercheur à la fin du débat. Elle est claire. Il défend la
SNCF au passage, pour les « 30% d’émissions dans le transport ». Il
doute que « les innovations vont résoudre les problèmes » s’il faut
surtout « trier les technologies du passé ».
« Il est plus
important d’avoir des humains que des voitures » : c’est une phrase en
réponse à une question sur la démographie qui aboutit à la remise en cause du
mode de vie américain, qui se rependrait sur terre.
« C’est un avis
personnel de citoyen et pas un avis de chercheur » : c’est une
remarque du chercheur sur la question du nucléaire. « C’est un avis de
sociologue » : c’est une remarque sur le chercheur allemand Ulrich Beck qui dans les années 90 voyait le bilan environnemental comme une
découverte au passage dans une « modernité réflexive ».
« Anglocène »
et « tanathocène » : ce sont des mots qu’il a inventés pour nous
faire réfléchir.
« Consumérisme
disciplinaire » : c’est une expression citée mais pas expliquée, qui
renvoie, je suppose à quelque chose comme : « La société de
l’opulence est bel et bien une forme de société disciplinaire. La soumission du
travailleur constitue la vérité de la liberté du consommateur », selon
Jean
De Munck.
« Le mur climatique
arrive plus tôt que le mur des ressources » : c’est ce qu’affirme le
chercheur en évoquant des 2 degrés à ne pas dépasser d’ici 2100. Je me permets
d’avoir encore des doutes car la question des ressources ne me paraît pas
simple si l’on tient compte de tous les métaux
qui servent aux technologies de l’information et car de nouvelles surprises
sont possibles, comme avec le Cobalt depuis
quelques mois. Selon le chercheur, la position de l’écologie politique des
années 70 sur la fin des ressources n’était pas assez « anxieuse ».
« Il n’y a pas
encore de transition énergétique » : c’est ce qu’observe le chercheur
devant le graphique des consommations des énergies fossiles.
1. Critique
du mot ‘anthropocène , « 2. L’anthropocène n’était pas inéluctable »,
« 3. On est entré dans l’anthropocène sciemment » : c’est le
plan de l’exposé. Je suis moyennement convaincu par ce plan.
Ce soir, j’ai appris
pas mal de choses, des détails, des faits historiques. Je retiens par exemple que,
l’anthropocène serait d’abord une dénomination de géologie, alors ce n’est « pas
une crise mais une révolution géologique » que l’on observe dans une colonne stratigraphique,
et pour lequel on discute d’un marqueur qui indiquerait une date de départ,
peut-être l’arrivée du nucléaire. Il y a un problème, là : la question est
d’abord politique face à des choix techniques, économiques, qui auront des
conséquences historiques. Ne peut-on laisser les humbles géologues à la
géologie et qu’ils-elles nous laissent tranquilles.
Selon Jean-Baptiste Fressoz,
le mot ‘anthropocène’ qui renverrait à une responsabilité de l’humanité
entière, et la conception d’« un choc, d’une coupure » récente dépolitisent.
J’entends qu’il y a eu
depuis 200 ans des décideurs ont participé à des choix qui s’avèrent avoir des
conséquences très mauvaises, pour ne pas dire désastreuses, en terme
environnemental, que cela s’inscrit dans l’histoire du capitalisme et en
particulier dans l’histoire du capitalisme anglo-saxon. Des anglais et
américains ont « projeté le capitalisme fossile », dit-il. Par
exemple, ils ont choisi comme énergie d’industrialisation, le charbon plutôt
que l’hydraulique, puis, plus tard, le pétrole. Les gauchistes du Cadtm, eux, dénoncent
l’« extractivisme ».
Comment parler d’un
sujet à la fois scientifique et politique dans un cadre scientifique et a
priori peu politique, sachant que, par ailleurs, les conceptions morales, les
priorités des populations évoluent dans le temps, et continueront encore d’évoluer ?
Les connaissances se diffusent plus ou moins, se comprennent plus ou moins, la perception
de la gravité des risques fonction de ses connaissances est relatives à des paramètres
mouvants. Un historien peut-il passer du passé au futur et revenir du futur au
passé en passant par le présent ? Une heure trente de conférence-débat n’était
qu’une entrée en matière. C’est ma conclusion.
Régis Marzin
Ceci est un article de
blogueur à chaud
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