6 avril 2018, la Gaîté Lyrique, je retrouve enfin Romain Humeau
que je n’ai pas vu depuis un concert à Chelles aux Cuizines en 2010. Je ne
connais pas d’endroit où le vieillissement se voit autant que dans un concert
de rock. Je ne prenais jamais de photos de concert dans ma jeunesse, et là j’ai
prévu d’en prendre. Le rock m’a donné l’énergie pour pogoter en politique, avec
un esprit punk sous contrôle, et là, je suis coincé avec un sac et un appareil,
trop couvert pour un premier jour de printemps, statique et sage.
Avec ses musicien-ne-s, Romain Humeau présente des chansons
de son dernier album Mousquetaire#2
sur son label Seed Bomb Music un
label de « décroissance dans l'artisanat » à petit capital, parce qu’il
a envie de « continuer
à faire son métier ». J’entends des phrases-titres comme « Paris,
je t’aime quand même » et « Je suis trop vieux pour mourir »,
sans doute passé l’âge de dire « J’ai poussé trop vite ». Il y un
long morceau sur lequel il n’a pas l’air content. Bientôt, entre deux chansons,
un homme lance, vache, « tu le commences quand ton concert ? ». Le
guitariste s’excite un peu, deux chansons plus tard, il se jette dans le public
et le slam merde, le concert s’arrête. Petit malaise et pause.
Le chanteur revient seul. Il parle de Jacques Higelin mort aujourd’hui,
raconte un concert où Jacques Higelin était venu et s’était montré pendant la
chanson ‘Hype’ d’Eiffel, cette chanson pour « arnaquer » le public de
« ce groupe de tarlouzes » et chante le début de ‘Champagne’.
Et soudain, ça va mieux le son. Tout va mieux. Que s’est-il passé ? Fallait
peut-être qu’un truc sorte, se partage avec le public, un truc qui n’était pas
de la musique, après un déclic extérieur. Je me souviens d’un concert sauvage
et suicidaire à l’Empreinte à Savigny-le-Temple. Je me souviens de Jacques
Higelin à la fête de l’Humanité : une canette arrive sur la scène devant
lui, il enrage, pique une crise et après le concert n’a rien à voir, le concert
démarre avec la canette et il est fantastique, dégoulinant de tripes.
Un rappel plus tard, le concert se termine sur un morceau excellent.
Je prends quelques notes sur un banc du bar. Je me rends alors compte que nous
sommes le 6 avril, le jour de l’anniversaire du déclenchement du génocide des
Tutsis du Rwanda. Cela n’a rien à voir, certes, sauf que, peut-être, j’avais
envie qu’un déclic extérieur me perturbe, moi aussi. La soirée
de la veille avec un ancien militaire spécialiste des missiles traine-t-elle
dans ma tête ? Ai-je encore envie de débloquer un truc, de retrouver de la
fluidité et de la sérénité dans le bruit ? Ce sera le lendemain sur la coopération
militaire dans les dictatures. Pas de lâcher-prise pour moi ce soir. J’avais
envie d’une surprise, d’un concentré d’énergie, pas « pour les tarlouzes »,
ou d’autre chose encore, un décolaj au rhum ou rien de tout cela, … un éclair
entre l’ordre et le désordre des choses.
Régis Marzin
Article écrit et publié le 8 avril 2018
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