Qui connaît l'histoire de l'ANC avant Mandela ? L'universitaire et documentariste américano-malien Cherif Keita explique que Mandela lui-même connaissait mal l'histoire de la création de son organisation. Cherif Keita est venu à Aubervilliers, dans le théâtre des Frères Poussières, présenter son dernier film sur Nokutela Mdima Dube, 'Remenbering Nokutela'. Le film forme avec deux précédents, un documentaire sur le premier président de l'ANC en 1912, John Dube, et un autre sur le rôle de missionnaires américains, une trilogie.
Nokutela Mdima Dube était la première femme de John Dube et a participé avec lui à la création d'une école professionnelle pour femme. Elle était enseignante et chanteuse de chorale. Le documentariste a employé une méthode originale pour un documentaire: après avoir fait des recherches, il s'est filmé discutant des recherche avec la famille, créant lui-même une nouvelle histoire, aboutissant à un hommage émouvant.
Au-delà de son sujet de départ, le thème est sans doute aussi celui de la réappropriation d'une mémoire populaire entre personnages historiques, difficulté sociale et répression intellectuelle. A la domination de l'apartheid est venu s'ajouter l'exclusion sociale et une certaine domination sexiste patriarcale, sans doute secondaire mais néanmoins présente. Nokutela Mdima Dube aura été effacée des livres scolaires même dans les écoles pour filles noires, parce qu'elle était femme d'un leader, sans enfant, et elle-même victime de l'apartheid social, politique, et intellectuel. Cela m'évoque des censures sur le passé qui existent ailleurs en Afrique en raison des dictatures, en particulier au Cameroun.
Pendant le débat, auquel participe aussi Lazare Ki-Zerbo, le documentariste rappelle le rôle de quelques missionnaires américains protestants dans le début de la lutte de libération. Ces missionnaires ont parié sur l'éducation d'une élite noire et les ont aider à aller faire des études aux USA. Entre autres, c'est ainsi que John Dube a pu partir étudier aux USA, et que sa femme l'a suivi au USA pour récolter des fonds pour créer une école.
En discutant avant le film avec Cherif Keita, sur les liens entre Afrique du Sud et USA, je remarque qu'il y a une manière américaine de combattre le racisme avec l'idée de "races" existantes (en anglais et en français, deux mots avec deux signifiés différents), et un manière plus répandue en France de le combattre en soulignant l'inexistence de race. Je souligne que la conception américaine introduit un cercle-vicieux qui grandit dans le temps, et reflète cependant une réalité de perception des populations, en partie inconsciente. N'étant pas très au fait de la situation en Afrique du sud, je pensais surtout à cela en raison des débats délicats qui fleurissent en ce moment sur les manières de mener la lutte contre le racisme.
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