Paris 16e, Place du Vénézuela, à 50m de l'ambassade du Congo Brazzaville, protégée par des CRS et 2 Jeeps Vigipirate de l'armée française, mardi 20 octobre 2015, 15h30.
Un groupe de la diaspora congolaise est rassemblé en soutien à la lutte à Brazzaville contre la présidence à vie du président Denis Sassou Nguesso. Entre 200 et 300 personnes sont là, calmes, des anciens et des jeunes, quelques anciens ministres, la plupart de Lissouba, et des congolais-e-s mobilisés par la lutte pour le respect de la constitution et le départ du dictateur à 31 ans de règnes.
Le matin il y avait 2 morts, à la manifestation, on me parle de 8, 4 à Brazzaville, 4 à Pointe Noire, puis de 11.
Vers 16h, quelques organisateur-trice-s finissent de préparer un décor et une scène avec une sono. Puis un mouvement se crée, de manifestation mi-marche mi course, qui semble partir autour de la petite place sous l'oeil des 'RGs'. Aussitôt, quelques hommes crient d'aller vers l'ambassade dont l'accès est bloquée par les CRS, et une majorité se précipite.
La foule est énervée. Elle hurle 'Sassou dégage'. Elle proclame que c'est le jour où jamais pour montrer sa détermination, parce que d'autres meurent déjà la-bas sous les balles des miliciens de Sassou. Ceux et celles qui résistent à l'excitation inutile sont jugé-e-s par d'autres comment manquant de solidarité. Cela se termine 30 minutes plus tard par un gazage du petit bout de rue, comme quand Guy Debord se mord la queue, quand il n'échappe pas au spectacle en le pointant du doigt.
La conséquence de ce fonctionnement, c'est qu'il n'y a pas de prises de paroles. Je me demande, si certains ne cherchent pas justement à empêcher ces prises de paroles, parce qu'ils s'opposent à des récupérations de politiques. Mais même les organisations de société civile ne peuvent pas s'exprimer, et il n'y a au final aucune organisation. Un appel pour un rassemblement de Place République vers Château-Rouge circulait d'ailleurs les jours précédents qui n'a pas été démenti, signe du niveau de désorganisation de la lutte parisienne.
Il ne semble donc rester que la colère pour dire la sympathie avec ceux et celles qui se battent à Brazzaville et dans de nombreuses autres villes.
Quand je rentre, je constate que la bataille de l'information fait rage entre pouvoir, journalistes corrompus et conservateurs par défaut, et blogueurs sans grand moyens. Au Congo, il n'y a aucun media libre professionnel de qualité, Sassou ayant sans doute constamment fait le ménage. D'un côté, certain-e-s parlent d'un incident avec quelques blessés dans un processus sous contrôle, et d'autres sont dans l'anticipation de la chute du tyran, et déjà dans le début de la révolution sur le modèle burkinabé. Quelques media sérieux tentent cependant de démêler le vrai du faux, évoque une médiation possible des ambassadeurs américains, français et européens.
L'essentiel se passe la-bas et, il y aura sans doute plusieurs jours de mobilisations, de manifestations, de grèves et d'affrontements avec les forces armées de la dictature pour l'on puisse savoir qui sortira vainqueur du bras de fer, ou quel compromis provisoire sera adopté sous observation internationale.
Régis Marzin, Paris, 20 octobre 2015, 22h50.
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