Depuis mon enfance, le mot Plogoff sonne comme un mot
magique, synonyme de rébellion de jeunes adultes en butte à l’inertie et à l’auto-censure
de la génération de leurs parents. Il sonne comme René Vautier, comme marée
noire, comme pétrole à la plage, comme « boutou
coat » dans les fest-noz, comme une projection d’un film sur Lankou au
village. Il sonne authentique et mystérieux, depuis cette période un peu
oubliée maintenant.
Là-bas, on ne parlait pas beaucoup des conflits, on
préférait la solidarité dans l’unité. Je l’ai su plus tard : Plogoff, c’était,
la solidarité dans l’unité, entre jeunes, vieux, hommes, femmes, militaires
retraités, paysans, curés, villageois, citadins, … Cependant un peu plus loin, en
1980, c’était de nouveau la solidarité et unité dans la cécité et le respect
des institutions. Cette censure typique de certains coins de Bretagne a créé
chez moi une frustration.
Je connaissais déjà le film « Plogoff,
des pierres contre des fusils » de Nicole et Félix Le Garrec. Je l’avais projeté
au Festival des résistances et des alternatives de Paris, au-dessus d’un
concert de punk qui avait chaotiquement doublé la bande-son pour mon plus grand
plaisir. Il y avait là, de ma part, un peu d’humour post-moderne sur la
violence et sa vanité, je l’avoue enfin.
« Le
dossier Plogoff », réalisé par François Jacquemain en 1980 (Ciné
Informations - Synaps Collectif audiovisuel – ISKRA) est un autre film que je n’avais
jamais vu. Il vient d’être restauré. Je me suis précipité à la Parole Errante, après
avoir vu l’annonce de Sortir du nucléaire. Je tombais sur une soirée de soutien aux
inculpé-e-s de l’affaire Tarnac. S’il n’était pas mort au printemps, il y
aurait eu là Jean-Pierre. Tarnac : quelle affaire ! C’est en tout cas
moins drôle qu’un concert de punk déjanté dans un squat d’intermittents.
Jean-Pierre adorait les actions de rue humoristiques
écolo-libertaires.
L’histoire de Plogoff est plus l’histoire d’un délire
scientiste des années 70 qui dégénérait. C’était tellement absurde à la
base, de mettre une centrale nucléaire à la pointe d’un continent. Cela
symbolisait la puissance mégalomaniaque des humains dominant la nature, la
terre et l’océan. Quelque part, même sans la résistance des habitant-e-s, il y
avait quelque chose qui clochait. A l’heure du combat planétaire pour sauver le
climat, cela paraît bien lointain. Il reste les sous-marins nucléaires juste à
côté, maintenant.
Il y a là des amies, on discute, et soudain sortent
eux-elles aussi du passé, d’autres ami-e-s, qui avaient un peu disparu-e-s…
Régis Marzin
Article écrit et publié le
14 novembre 2017
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