lundi 15 septembre 2025

Montreuil, 13 et 14 septembre 2025, Estivales de la permaculture

Comme l’an passé, le programme des conférences et concerts des Estivales de la permaculture à Montreuil, est « alléchant ». Ce n’est même pas une alternative à la Fête de l’Huma, c’est bien plus, c’est une destination qui s’inscrit maintenant automatiquement dans mon agenda de fin d’été et j’y invite un maximum d’ami-e-s. Il s’agit de la dixième édition du festival depuis 2014. Presque tous les conférenciers sont déjà venus au festival. Il ne pleut jamais à Paris, sauf ce week-end-là, et si la météo ne dérange pas vraiment les activités, il y a moins de monde.

J’arrive à la fin de la conférence de Suzanne Husky qui présente les activités de régénération des rivières avec ou sans castors. Je note qu’il est important que l’eau des rivières puissent couler plus doucement. Si un arbre tombe dans une rivière, c’est utile de le laisser car il peut créer une modification du cours, un ralentissement, un cheminement de l’eau propice à plus d’espèces animales.

Yvan Sache, professeur à l’AgroParisTech et à l’Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement, enchaine sur les pesticides. Son exposé commence par une histoire de l’agronomie de sa vision classique aux évolutions des années 2000. Il dénonce au passage le rejet du discours scientifique dans le contexte du vote de la loi Duplomb, qui ramène 50 ans en arrière. Il énumère quelques maladies qui ont touchés les plantes en commençant par le mildiou à l’origine de la famine en Irlande entre 1846 et 1851 et qui a créé le besoin de fongicide et amené l’utilisation du cuivre.

Les insecticides utilisés massivement depuis 1955 se confrontent de plus en plus à des résistances et deviennent inutiles, ce qui montre qu’ils correspondent à une stratégie non durable. Ils sont surtout utilisés dans certaines cultures intensives, en France, en Ile-de-France et au Nord, autour de Bordeaux et dans les zones viticoles près de la Méditerranée. Pour limiter l’utilisation des pesticides, plusieurs voies sont suivies : limiter les contaminations, augmenter la diversité génétique à plusieurs échelles, du champ jusqu’à la coopérative. Il donne l’exemple de deux espèces de riz en rang alterné qui en Chine permet d’arrêter une maladie. Dans les cultures de céréales, le mélange permet aussi de limiter les fongicides. La gestion de l’information est importante. La confusion sexuelle est utilisée pour perturber la reproduction d'insectes ravageurs. En agroécologie, des arbres permettent de jouer sur le nombre de prédateurs. En ville, l’interdiction des pesticides par la loi Labbé a été très bien acceptée. Le chercheur compare trois types d’agricultures, conventionnel, bas intrants et biologique.

Christophe Gatineau jubile d’entrée de jeu. La justice vient de reconnaître qu’on avait oublié les animaux non ciblés dans les protocoles d’autorisation des pesticides, en particulier les abeilles et, ses amis dont il est venu faire l’éloge, les vers de terre. Même les abeilles vivent dans les sols. Le ver de terre sert de nourriture a un grand nombre de prédateurs. 4400 (7000) espèces sont dénombrées et les lombrics sont les espèces les plus connues. Le ver de terre est hermaphrodite protandre, successivement mâle puis femelle. Aujourd’hui, les vers de terre sont menacés dans les espaces agricoles, par la loi qui les oublie, les sols nus, le travail intensif du sol, le labour profond, les engrais de synthèse, les outils tournants comme les rotovators et les pesticides utilisés fréquemment. Les vers de terre de compost, qui se multiplient plus vite, ne sont pas menacés.

La pluie tombe pendant 45 minutes avant les concerts, assez calmes, Célestin, Pépin, et Bernard.

Le lendemain, les conférences recommencent sur les poissons, avec la présentation de Sébastien Moro. De nouveau arrivé à la fin, je me réjouis d’entendre que le labre nettoyeur, bien que petit, est si intelligent qu’il est plus fort que les chimpanzés et les éléphants dans le test du miroir. Le test de biais de jugement permet de percevoir la sentience, la capacité à ressentir des émotions. La femelle cichlidé zébré en fonction de sa relation avec un mâle accélère ou ralentit dans des tests, comme si elle était heureuse ou déprimée. Il estime le nombre d’espèces de poissons à entre 33000 et 36000, très mal connues. Les poissons utilisent des modes de communication divers, tactile, visuel, acoustique, chimique et même électrique.

Eric Escoffier revient à Montreuil pour parler de « permaculture et de systèmes régénératifs ». Il se présente comme formateur de l’association Permaculture sans frontières. Son propos est teinté de références à la chimie. Ainsi, en introduction, il définit les molécules organiques comme celles disposant d’une liaison C-H (et pas C-C). Il démarre très loin, il y a 2,5 millions d’année au démarrage de la photosynthèse oxygénique, au début des ancêtres des algues, expliquant que, depuis, la photosynthèse des feuilles permet, seule, de créer la matière organique dont dépendent les êtres vivants. « Nous sommes de la salade transformée » dira l’intervenant suivant ! Il situe il y a 500 millions d’années la sortie de la vie de la mer. La déforestation a commencé il y a 12000 ans au néolithique. Les humains ont conduit à une imperméabilisation des sols. Aujourd’hui, les inondations, les sécheresses et les incendies se déroulent dans les mêmes espaces. L’étanchéité à l’eau provoque de l’érosion. L’eau descend trop vite par les rivières.

Il travaille sur la régénération des sols en utilisant la ‘permaculture australienne’. Dans la production agricole, un des objectifs est de multiplier les calories au lieu d’en perdre, pour aller vers plus d’ « abondance ». Il se concentre sur des principes et voit la technique comme secondaire. Il cherche à trouver des périodes conjonction humidité-chaleur. Au niveau climat, le pourtour méditerranéen avec ses périodes longues sans pluie est plus compliqué que le sahel. La photosynthèse se fait beaucoup à l’ombre. Il est possible de récupérer les photons dans plusieurs étages de végétations. Plus les plantes sont serrées et diversifiées, plus elles produisent. Il ne cherche pas à trouver des ‘associations’. La diversité des plantes peut éliminer un problème d’escargots et de limaces, par exemple. Il ne désherbe pas. Il travaille sur la fabrication su sol, la pédogenèse, l’équilibre air/eau du sol, les microorganismes (bactéries aérobies, les amibes, les champignons, les ions à 2++, tels que l’ions de Calcium (Ca2+) Le sol est toujours couvert, jamais travaillé, pour arriver à des strates, d’un sol pédologique, avec litière, humus, argiles structurés, argiles destructurés. La perméabilité permet la fertilité. L’eau liquide est toxique. Il conseille de ne pas enfouir les matières organiques. Il utilise les filaments de champignons saprophytes et mycorhiziens qui transportent l’eau et décomposent la matière organique et compte sur la captation de l’eau atmosphérique par les feuilles.

L’exposé complet serait beaucoup trop long et l’auteur est obligé de résumer, d’abréger et de continuer par un échange avec les plus intéressé-e-s. Je le croise vers 2h et nous évoquons, l’Afrique, le sahel et l’Afrique équatoriale, plusieurs pays dans lesquels il se rend régulièrement.

Le professeur émérite (en retraite) Luc Abadie termine sur la biodiversité. Il pourrait y avoir 10 millions d’espèces animales et végétales, sans compter les milliards de types de microbes. Ce qui met très longtemps à se faire peut disparaître rapidement sans avoir le temps de redémarrer. Les espèces interagissent et il faut éviter de modifier. Il est important de considérer l’hétérogénéité spatiale et temporelle. Nous sommes au début d’une sixième crise d’extinction. Le taux d’extinction des invertébrés est de 1,5% en 500 ans, mais les extinctions s’accélèrent maintenant rapidement, avec des débuts d’exponentielles dans les courbes. Cela touche les insectes, les oiseaux, la mer, etc. La diversité des espèces et génétique offre une sécurité. Les causes de la perte de biodiversités se trouvent dans la pollution, la destruction des milieux naturels, la surexploitation des ressources, le changement climatique, les espèces envahissantes. Les causes principales sont liées à l’agriculture, qui impacte à la fois le climat et la biodiversité. En Europe, 25% des oiseaux ont disparu, en nombre.

Le changement climatique provoque des déplacements d’animaux et de plantes. Dans le futur, la chaleur dans l’humidité va provoquer, dans certaines parties du monde, des risques important pour la santé, par difficulté à transpirer et pourrait provoquer des migrations climatiques. Les arbres ne pourront pas bouger assez vite. Tout en se méfiant des discours positifs sur l’adaptation, Luc Abadie essaye de ne pas être trop négatif et de terminer sur des opportunités, en évoquant le reverdissement des villes. Répondant aux questions, il évoque la question délicate de la responsabilité de la situation dans l’agriculture. Les solutions complexifient et augmentent le temps de travail.

Le festival se termine de manière beaucoup plus bruyante que la veille, avec The Red Riding, qui met la scène à feu et à sang (la photo), Lipstick vibrators et le rock joyeux de Louis Lingg and The Bombs.

Régis Marzin

15 septembre 2025

mardi 5 août 2025

3 août 2025, Plouarzel, Les Ramoneurs de Menhir à la fête du crabe


D'an 3 a viz Eost 2025, Plouarzel, Ar ‘Ramoneurs de Menhir’ e gouel ar c'hrank

Aergelc'h sot ar Sul-mañ da noz e Gouel ar C'hrabaned e Plouarzel ! Les Ramoneurs de Menhirs a laka da greskiñ un engroez gouez ! War an dachenn sonerezhel int kreñv-tre, en ur stumm brav. Ar vugale a dañs ar gavot war al leurenn. Tud yaouank a slam, ha kalz a goll ur skoed. Kanaouennoù Béruriers noirs a vez kanet a-unvouezh. Kalz muioc'h a dud a vez nec'het gant ar re yaouank eget a-raok, Trump ha Poutin zoken. Ouzhpennet em bije Bolloré. Dédé, ar maer, a echu war al leurenn en ur reuz. Abaoe pell n'em eus ket santet kement a sincerite a-berzh an arzourien. Nerzhus eo ar meskaj etre ar rummadoù. Ar meskaj brezhonek, galleg, ha sevenadurioù all a sioula ar speredoù. An doujañs hag ar c'hoant da zegemer an diforc'hioù a zo kalz. Bet on bet e kantadoù a sonadegoù e-kerzh ma buhez, hag an hini-mañ a drec'h ar re all.

Ambiance de folie ce dimanche soir à la Fête du crabe à Plouarzel ! Les Ramoneurs de Menhirs enflamment un public déchaîné ! Musicalement, ils sont très forts, en pleine forme. Les enfants dansent la gavotte sur la scène. Des jeunes slament et beaucoup en perdent une chaussure. Les chansons de Béruriers noirs sont reprises en cœur. La jeunesse emmerde beaucoup plus de monde qu’avant, jusqu’à Trump et Poutine. J’aurais bien ajouté Bolloré. Dédé, le maire, finit sur scène dans la pagaille. Depuis longtemps, je n’ai pas ressenti une telle sincérité des artistes. Le mélange des générations est vivifiant. Le mélange des cultures bretonne, française et autres, apaisent les esprits. La tolérance et le désir d’un bon accueil des différences  est bien présent. J’ai été à des centaines de concerts dans ma vie et celui bat tout les records d’émotion et d’humanité. Le feu d’artifice prend tout son sens pour finir.

Régis Marzin

4.8.25

lundi 7 juillet 2025

6 juillet 2025, Paris, 18e : Interzone au festival Rhizomes

Festival Rhizomes, soleil le samedi, pluie le dimanche, puis de nouveau le soleil, pas de soucis, à Paris, il ne pleut jamais. Interzone au parc René Binet : Serge Teyssot-Gay à la guitare, Khaled AlJaramani au oud syrien avec un invité surprise, Blaise Merlin, lui-même, l’organisateur de Rhizomes, au violon. Je n’ai pas amené mon vrai appareil photo et j’hésite à prendre des photos. Cela me fait tellement de bien aux oreilles. Je me rends compte que dans cette ambiance assez intime, essayer de faire discrètement quelques photos pourrait déranger, toucher à quelque chose de fort et fragile, alors je n’essaye pas, et je continue de savourer jusqu’au bout, les yeux fermés. Les paroles sont en arabe surtout des poèmes dont certains anciens. En fin de journée, je demande si Interzone, n’a pas déjà joué ici, car je me souviens vaguement d’une image que j’aime beaucoup. En effet, Serge Teyssot-Gay a déjà joué dans ce parc en 2011 mais avec un autre joueur d’oud et un autre groupe. J’espère que cela ira bientôt mieux en Syrie pour que Khaled AlJaramani, avec qui je discute un peu de processus transitionnel et de nature des régimes politiques, puisse y aller jouer sereinement.

Régis Marzin

 

dimanche 8 juin 2025

7 juin 2025, Aubervilliers : Médiapart Festival

Mediapart Festival 2025, samedi 7 juin, au Point Fort à Aubervilliers, conférence-débat : « #MeToo : le risque de backlash », avec Marine Turchi, Mediapart, Claude Vincent, avocate dans le cadre du procès Depardieu et membre du Syndicat des Avocats de France, Rokhaya Diallo, journaliste et autrice, Nadège Beausson-Diagne, actrice et autrice, animé par Lénaïg Bredoux, Mediapart. La foule, impossible de s’approcher pour prendre des photos. Trop occupé par la rédaction de mes livres sur les élections en Afrique, je choisis de ne pas prendre de notes et de ne pas écrire d’article.

Régis Marzin

8 juin 2025

 

mardi 20 mai 2025

19 mai 2025, Paris, exposition Paris noir

Première sortie de printemps à exposition ‘Paris noir, Circulations artistiques et luttes anticoloniales, 1950 – 2000’, du 19 mars au 30 juin 2025 au Centre Pompidou : beaucoup d’œuvres attirent notre regard et stimulent nos réflexions. Voici juste deux œuvres qui ont simplement attiré mon attention

Beaufort Delaney, Marian Anderson, 1963

Emil Cadoo, Double exposure, self portrait, vers 1960

Régis Marzin

Paris, 19 mai 2020

jeudi 10 avril 2025

9 avril 2025, Paris : soirée Médiapart sur le procès Sarkozy et la corruption

La soirée de Médiapart ne s’appelle pas « présumé-e-s innocent-e-s », elle s’appelle « L’argent n’a pas d’odeur ». Je viens en pensant ne rien apprendre de nouveau. L’investigation dans les gros dossiers avance à petits pas, et là, la messe semble presque dite, enfin ! En cette période de printemps, j’ai envie de crier victoire avec d’autres, d’applaudir, de remercier la meilleure équipe d’investigation des environs. Certes, il y a la peau de l’ours à ne pas vendre et à quel moment crier victoire ? Le jugement Nicolas Sarkozy et de ses 11 coprévenus sera annoncé le 25 septembre 2025. Fabrice Arfi n’avait jamais réussi à parler à Nicolas Sarkozy jusqu’à récemment au tribunal, et l’ancien président lui a dit « Quand on perd, il faut savoir le reconnaître ». Le contexte ne porte pas à l’optimisme et à la joie. Le plus dur est peut-être devant nous. La « société du spectacle » virulente rappelle au journaliste, la citation de Guy Debord « Dans un monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux ». Encore un peu de patience ! mais quand même, bravo et merci Fabrice Arfi, Karl Larske, Marine Turchi et tou-te-s les autres ! Je suis aussi certain qu’il est dangereux de ne pas reconnaître des victoires dans des batailles, car ne pas marquer le coup désorganise.

Médiapart n’avait pas mis longtemps à me convaincre que le « présumé innocent » Nicolas Sarkozy tomberait – sans doute – sur cette affaire, question de quantité d’éléments et de gravité. C’était stratégique pour la démocratie française. François Mitterrand est arrivé au pouvoir vieux, il a présidé malade et fait ce qu’il a fait au Rwanda en fin de vie, sans avoir à rendre des comptes. Jacques Chirac était âgé et malade quand les affaires et les procès l’ont rattrapé, et, il n’a pas payé. Il y avait, de fait, une impunité présidentielle en France. Nicolas Sarkozy pouvait-il être lui aussi intouchable? La démocratie en souffrirait, et d’autant plus que son affaire principale concernait sa campagne d’arrivée au pouvoir. La démocratie, souvenez-vous, c’est cette chose qui depuis Montesquieu est basée sur la séparation de trois pouvoirs, l’exécutif, le législatif et le judiciaire : « La théorie de la séparation des pouvoirs vise à séparer les différentes fonctions de l’État, afin de limiter l’arbitraire et d’empêcher les abus liés à l’exercice de missions souveraines ». Marine Le Pen ne profitera pas de l’affaire puisqu’elle est maintenant sous le coup de l’inéligibilité, en attente d’un appel, semble-t-il mal partie. Le Rassemblement national pourrait être désorganisé un moment.

Sur les dictateurs comme Kadhafi et leur lien avec les dirigeants français, je travaille tous les jours et s’il est question d’élections, je suis concerné. L’Etat de la démocratie en France et en Afrique sont liés. Fabrice Arfi et Danièle Klein, membre d’une famille victime de l'attentat du DC10, reviennent sur Abdallah Senoussi, l’homme de l’attentat du DC-10 d'UTA le 19 septembre 1989 au-dessus du Niger. Il est également impliqué dans l’attentat de Lockerbie en Ecosse le 21 décembre 1988 et dans le massacre de prisonniers dans la prison d'Abou Salim en 1996. Il est actuellement détenu en Libye. 1988-1989, c’est l’époque de plusieurs attentats contre des avions. Les archives de Samir Shegwara, dont parlent Karl Laske et Vincent Nouzille, mettent en cause l’artificier des services secrets libyens Abou Agila Mohammad Mas’ud Kheir Al-Marini, dont le procès concernant Lockerbie doit s’ouvrir à Washington en mai 2025, et elles sont « susceptibles de provoquer à Paris une réouverture de l’enquête sur l’attentat contre le DC-10 d’UTA ». On oublie souvent un attentat, celui d’Aweil au Soudan du Sud contre Médecins sans frontières, le 21 décembre 1989. Mais qui a choisi comme date pour faire un nouvel attentat contre un avion la date de l’anniversaire de l’attentat de Lockerbie ?

Régis Marzin

10 avril 2025